Après une bonne nuit de sommeil dans la familiarité de mon dortoir, j’avais décidé d’ignorer Boleyn. Elle n’avait sûrement pas envie d’avoir affaire à moi, donc j’imaginais que nous allions cordialement nous éviter. Je ne pouvais pourtant m’empêcher de craindre sa proximité avec Wilkes et sa bande. A la première farce envers les Serpentards, elle pouvait prendre la mouche et dévoiler mon secret.
Je mis ces craintes de côté et entamais ma première semaine de cours avec entrain. Dès le premier jour, la professeure McGonagall nous parla des ASPIC ce qui me fit souffler comme un cheval. C’est vrai quoi, les ASPIC n’auraient lieu que l’an prochain ! Mais d’après tous les professeurs nous devions d’ores et déjà nous préparer. Quelle bande de rabat-joie…
« Black. Potter. » Nous héla notre directrice de maison, nous interrompant Cornedrue et moi au milieu d’une passionnante discussion.
« Professeur… » Je minaudais d’une voix à la fois innocente et provocante. « Ce sont des nouvelles lunettes non ? Très tendance. »
« Puisque vous semblez penser qu’écouter pendant ma classe est facultatif, montrez-nous donc que vous n’avez pas tout oublié cet été. Transformez-moi ce hibou en jumelles de théâtre. »
Je fis montre d’une fausse toux avant de transformer le hibou petit duc devant moi en élégantes jumelles. Très fier de moi, j’adressais ensuite à McGo mon plus beau sourire sous son plus beau regard exaspéré.
Cela m’avait tant manqué ! Les cours, embêter McGonagall… Je la soupçonnais d’ailleurs de s’amuser elle aussi de ce petit jeu de provocation qui s’était subtilement installé entre elle, James et moi, au fil des années. Au bout du compte, même si nous étions de vrais cancres, nous étions également les meilleurs élèves de notre promotion, faisant la fierté des Gryffondors.
Les premiers jours de cours passèrent sans encombre, dans une routine bien huilée après cinq ans dans cette école. James et moi avions déjà remporté nos premières retenues en faisant exploser le chaudron de Servilus lors du premier cours de potion. Je crois que c’était pour cela que Slug le morse ne nous a jamais invité dans son club, James et moi. Et ce malgré nos résultats et nos noms de familles. Mine de rien nous ne correspondions en rien à ses critères.
C’est le jeudi qu’arriva le premier cours de ma matière préférée, la Défense Contre les Forces du Mal. Ce cours nous était donné par Mike Gambon, un ancien auror ayant pris tôt sa retraite à cause d’une arrestation qui lui avait coûté un bras. Il s’était alors reconverti dans l’enseignement, et c’était un excellent professeur.
Je ne saurais dire si le fait que ce cours était commun entre ma maison et celle des Serpentards était une bonne chose. D’un côté, chaque cours rassemblant nos deux maisons était franchement pénible. Sauf dans le cas de l’Histoire de la Magie, où Binns endormait tout le monde sans exception. De l’autre côté, les cours pratiques étaient souvent l’occasion pour chacun de s’en prendre à ses ennemis, avec l’approbation du prof en prime.
C’est donc avec un franc sourire que j’envoyais un clin d’œil à James, voyant que la salle de classe avait été vidée de ses tables. Nous allions faire de la pratique !
« Bonjour à tous. Mettez-vous en ligne, voilà, bien. Aujourd’hui vous allez être en binômes et vous exercer à tous les sorts que nous avons vu l’an passé. Le désarmement, Stupefix et Protecto entre autres. Je vais faire les binômes. Alors Evans avec McDonald… » C’était toujours comme ça, Gambon nous mettais en ligne et faisait les binômes comme nous étions. J’étais donc presque toujours avec James. « Londubat avec Potter, Boleyn avec Black, Lupin avec Pettigrow… »
Hein ?!
Plus que surpris, je me retournais. Comment avait-elle fait ça ? Morgane Boleyn s’était, aussi subtilement qu’un serpent, faufilée derrière James et moi, sa tête entre nous deux. J’étais tellement choqué que je restais planté là, face à elle, ne prêtant même pas attention aux autres élèves qui se dispersaient en groupes de deux dans la classe vide. Ce fut le prof qui me sortis de ma rêverie, tellement occupé que j’étais à froncer les sourcils devant le sourire de Boleyn.
Je ne savais pas quoi dire. Je n’avais aucune idée de l’attitude à adopter face à elle, c’était tellement gênant. Je ne savais pas si elle m’en voulait, ou si elle était reconnaissante. Et nom d’un hippogriffe, que me voulait-elle ?
« Bonjour Sirius. » Finit-elle par dire d’une voix suave.
« Boleyn. »
« Tu veux commencer peut-être ? »
« Les dames d’abord. »
Et nous commençâmes à nous exercer, docilement et en silence. Autour de nous, je devinais le regard perdu de James, étonné de me voir aussi cordial avec une Serpentard. Remus lui, était trop occupé avec Peter, qui ne savait visiblement plus comment lancer un Stupefix correct. Il y avait Wilkes aussi, avec Carrow et Rogue, tous à me regarder d’un air parfaitement méprisant.
« Tu n’es pas très bavard. » Commenta Morgane.
« J’ai rien à te dire. » Lui balançais-je d’une voix neutre.
« Je dois avouer que j’ai été vexée d’apprendre que tu avais refusé la proposition de mon père. » Ah, c’était donc ça. J’avais vexé madame. « Mais tu peux encore changer d’avis. »
« Pardon ? » Elle s’avança vers moi dans une démarche légèrement chaloupée, un sourire charmeur au coin des lèvres.
« Je t’assures Sirius. Je sais que tu as fait quelques erreurs dernièrement, mais il n’y a rien d’irréparable. » Susurra-t-elle en caressant ma cravate de ses doigts.
« Écoutes-moi bien Boleyn. » L’arrêtais-je en lui empoignant fermement le poignet. « Je ne sais pas à quoi tu joues, mais ça ne marchera pas avec moi. C’est clair ? »
« Quelle assurance. » Me complimenta-t-elle, comme si elle se moquait de moi.
Elle ne me provoqua cependant plus de tout le cours, que nous passâmes dans le silence le plus complet.
Une fois ce mauvais moment terminé, je retrouvais enfin mes amis. James était très amusé, persuadé que j’avais un ticket avec Boleyn. Je savais que c’était forcément faux, j’avais toujours été considéré comme un piètre représentant de la famille Black et après ma fugue, j’avais franchi un cap en devenant un traître. Aucune chance pour que Morgane Boleyn n’ait des vues sur moi.
Remus lui, ne savais pas de quoi il pouvait en retourner mais se doutais qu’elle avait quelque chose en tête. Ce qui ne pouvais rien annoncer de bon.
Mais la fascination que Morgane Boleyn avait commencé à montrer à mon égard ne fut pas ce qui troubla le plus notre quotidien. Ce fut autre chose, un autre événement parfaitement inattendu, qui fit s’inquiéter encore plus mes trois amis qui devinaient que je ne leur disais pas tout.
Cela eut lieu le vendredi matin, au petit-déjeuner. J’étais en train de m’enfiler un bol de porridge quand un magnifique hibou grand-duc vint se poser face à moi. Droit, des plumes grises impeccables et le bec luisant, je le reconnus sans peine. Et je ne fus pas le seul.
« Patmol c’est… C’est pas le hibou de tes parents ? »
Si. C’était bien lui. Et la lettre qu’il avait au bec n’était même pas une beuglante. Après avoir fixé l’oiseau, parfaitement hébété, je finis par m’emparer de la lettre à mon nom. Car c’était bien mon nom, pas celui de mon frère, il n’y avait pas d’erreur.
« J’vous r’joins en classe. » M’étais-je entendu dire à mes amis, avant de me lever.
Dans un élan de fuite plus digne de Peter que d’un vrai Gryffondor, je m’étais réfugié dans un couloir vide pour prendre connaissance de cette lettre qui sortait de nulle part.
« Sirius, »
Tiens, m’étais-je dit. C’est étrange, pas d’insulte, pas de nom d’oiseau ni de menace.
« Sirius,
Comme tu l’as sûrement constaté cette semaine, Morgane Boleyn a fait sa rentrée à Poudlard en sixième année.
Malgré ton récent comportement, la proposition de la famille Boleyn tient toujours. La jeune Morgane a pour objectif de te ramener sur le droit chemin et nos deux familles lui ont accordé un an pour se faire.
Je suis certaine que tu sauras voir les avantages à revenir à nos côtés et accepter enfin ta place et ton rang. Nul doute que Miss Boleyn aura à cœur de te forger comme un véritable héritier de la famille Black.
Si Miss Boleyn réussit, si tu acceptes la proposition, nous sommes prêts à t’accueillir à nouveau en notre demeure et à oublier tes fautes passées.
Walburga Black »
Une blague. C’était forcément une blague. Ou un cauchemar. Mais ça ne pouvait pas être réel, arriver dans la vraie vie.
Une fois l’hébètement passé, c’est une vague de dégout qui me submergea. Un dégout si violent, que j’en eu des nausées acides. Me ramener sur le droit chemin, sérieusement ? C’était donc pour cela que Morgane Boleyn était à Poudlard ? Pour faire de moi un gentil héritier de Sang-Pur comme Malfoy ou Rosier ? Cette idée m’écœurait au plus haut point. Tant et si bien que je déchirais la lettre qui pendouillait entre mes doigts, la transformant en confettis.
Je rejoignais James devant la salle d’Étude des moldus, une matière optionnelle que j’avais choisi pour le plaisir d’emmerder mes parents. Ça avait d’ailleurs marché comme sur des roulettes, ma mère hurlant son désespoir devant ma trahison. James avait choisi cette option par défaut, pour que nous ayons le même emploi du temps et ne pas prendre la Divination.
« Alors ? » Me demanda-t-il d’une voix mi-soupçonneuse mi-inquiète. « Qu’est-ce qu’ils te veulent ? »
« Oh tu sais la routine. Me dire que je suis une raclure qui déshonore le nom des Black tout ça. » Répondis-je nonchalamment.
Il fronça les sourcils, pas dupe pour deux gallions. Il savait que je ne disais pas la vérité, il savait que si cette lettre avait vraiment été une autre lettre insultante, nous nous serions amusés à la lire ensemble, la décortiquer. Mais je n’avais aucune envie de lui révéler les vrais projets en cours entre les familles Black et Boleyn.
C’était trop humiliant...