Carrousel avait travaillé à la bibliothèque toute la journée et fatigué, les yeux rougies et les idées embrouillées il allait rentrer savourer quelques heures de détente et de sommeil.
Il en goûtait par avance le plaisir alors qu'un peu coupable il laissait se fermer les livres qu'il consultait jusque là. L'instant d'après ceux-ci se volatilisaient pour retrouver leurs doux rayonnages comme des oiseaux leurs nichoirs. Sagement, tous, non! Un petit opuscule récalcitrant restait posé là, sous ses yeux, le narguant comme s'il pesait de plomb. Le petit manège dans la tête de Carrousel entama illico un petit tour bien involontaire, mu plus par la surprise que par la volonté déjà assoupie de son propriétaire qui s'était mentalement douillettement installé devant... Un petit livre têtu!!!
La culpabilité vint gentiment toquer à son âme, qui se souvenait fort bien ne pas l'avoir lu, ni même ouvert celui-là. Alors avec un immense soupir digne du hennissement des chevaux de bois qui en avait assez de tourner et voulait rentrer à l'écurie, l'étudiant en histoire emporta le traité obstiné après un passage au registre des emprunts.

Laissant derrière lui les lampes douces, les tables de travail et les ouvrages vivre leurs nocturnes occupations, il rentra chez lui.



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Un plateau où les reliefs d'un repas voisinaient avec quelques fruits et douceurs pour faire une cour discrète à une grande tasse fière pleine d'une tisane toujours fumante, tout ceci restait à portée de main durant que notre jeune ami s'installait plus confortablement, jambes étendues sur le canapé, le dos calé par les coussins, et l'inévitable petit livre dans les mains avec tout de même un calepin pour copiner, même s'il se donnait l'air trop sérieux pour ça.

Non, Carrousel n'escomptait pas prendre beaucoup de notes, mais au moins glisser un œil dans l'ouvrage, glisser en diagonale pour savoir de quoi il en retournait dans les grandes lignes. Le sujet en était bien entendu cette période spécifique qu'il étudiait en ce moment, et il ne voyait pas bien en quoi un écrit aussi mineur, et si peu reconnu par la profession qu'il n'en avait jamais entendu parler, pourrait l'aider mieux que le fameux "Shiji", sur lequel il comptait s'appuyer pour donner du poids à son étude.

Il commença pourtant à le feuilleter presque négligemment. La tournure était particulière et il dut finalement se concentrer pour saisir les métaphores. Puis il se redressa, prenant plus de verticalité pour mieux plonger dans sa lecture, alors que sa main gauche, saisissant avec l'adresse de l'habitude le calepin, s'emballait peu à peu dans un galop furieux de notes et commentaires prêts à déborder en crues incontrôlées du trop petit format. Alors il se leva, débarrassa une partie de la grande table qui ne voyait jamais de repas, assiégée qu'elle était par les livres de toutes tailles, armées hétéroclites aux tours bancales.

Au milieu de la nuit, les feuilles s'étalaient conquérantes, jonchant le plateau qui n'avait pas même espérer retrouver sa vocation première. La table avait été promue bureau, et une promotion ne se refuse pas, même si le bois en soupirait parfois avec de ces craquements caractéristiques des choses qui ont une âme.




................................................................. Les Fleurs de Li Si .................................................




L'ouvrage n'était pas tout à fait un journal ou des mémoires du célèbre conseiller, ni un simple traité d'histoire dans un style hagiographique sur son maître. Non, il parlait bel et bien de secrets qui jusqu'à présent avaient été bien gardés. Il narrait poétiquement les pouvoirs magiques du "Premier Roi des Rois", alors que chacun le croyait seulement humain. Et Carrousel passa une main indécise dans la tignasse d'un roux lumineux qui lui valait son surnom. Il avait les yeux fatigués, et l'air héberlué d'un hibou insomniaque en plein midi.

Jim Carrey Sol, en fait Soliman mais qui s'en souciait, n'arrivait pas à y croire. L'ouvrage n'était pas l'original, mais il racontait moult secrets, expliquait tant de choses, et surtout indiquait où se trouvait l'exemplaire manuscrit authentique. Un frisson glacé parcouru Carey Sol, à l'idée que tout cela ne soit vrai.

Sa thèse, pourtant bien avancée serait bonne à jeter aux orties-vampires... Son thème était la mise en lumière des extraordinaires capacités humaines au travers des figures historiques...

Et si le premier empereur de Qin se révélait avoir été un sorcier tout son travail s'en trouvait biaisé. Pourtant ce n'était pas ce qui lui faisait cligner des yeux avec un tel effarement.
Non, c'était ce qu'il comprenait des strophes dans l'ouvrage sur la réapparition prochaine de l'ouvrage magique dont était tirés les extraits qu'il avait passé la nuit à traduire.
Un frisson de peur lui couru le long du corps, avant qu'il ne se décide à une bonne douche chaude pour se recharger, et aller demander de l'aide à son professeur de thèse.