— Oh mon cher, quelle invention charmante !
— Mais où allez-vous chercher tout cela ?
Léonard répondit avec son habituel sourire. Il appréciait de cultiver ainsi le mystère. Il laissa les curieux tourner encore une fois autour de sa machine volante avec un certain plaisir. Léonard demeurait dans son fauteuil mais ne manquait pas de profiter du soleil et de nombreux courtisans qui ne manquaient pas de lui faire moultes compliments.
Le soleil déclinant, ils finirent par le laisser seul. Le vieil homme soupira. Il devenait trop âgé pour toute cette agitation. Même s’il ne regrettait pas sa décision de s’installer en France, il lui arrivait d’aspirer à plus de calme.
Il se leva tranquillement pour rentrer chez lui. Lucie devait avoir préparé le dîner. Il avait pris cette jeune demoiselle en affection et à son service dès qu’il avait pu apprécier son talent certain pour la pâtisserie. Et ses autres dons… Un soupir lui échappa encore. Pauvre enfant… Elle n’avait désormais nulle part où exercer ses talents. Maudite guerre… Pourquoi avait-il fallu qu’elle ne les épargne pas ?
Tout à ses réflexions, il ne sentit pas une ombre s’approcher. Seulement, le vieil homme finit par sentir sa présence. Il connaissait cette aura. Il était maintenant facile pour les autres sorciers de se reconnaitre. Ils se cachaient tant que quand ils se savaient en présence de quelqu’un qui comprenait, ils rayonnaient, apaisés, détendus.
Léonard se tourna vers une jeune femme qui arborait une robe délicatement violacée. Pas démodée, mais qui ne correspondait certainement pas aux canons en vogue. Léonard se fit la réflexion qu’elle ressemblait à sa mère, avec son chignon brun qui se voulait strict mais qui laissait toujours échapper quelques mèches.
— Aloïsia, n’est-ce pas ? lança-t-il.
La jeune femme s’approcha avec un demi-sourire aux lèvres.
— C’est exact. J’en déduis que vous savez pourquoi je suis là.
— Oh oui, vous avez la détermination dans votre démarche. Celle des Licht.
Léonard vit une inconditionnelle fierté se dégager de la jeune femme. Il sourit. Cette demoiselle aimait son nom, elle le portait au sens fort du terme. L’un de ceux qui avait bâti Beauxbâtons. A ce qu’il avait entendu, elle était la dernière de sa famille. Tous les autres avaient combattu pour sauvegarder le château. En vain.
Aloïsia fit encore un pas.
— Léonard, nous n’y arriverons pas sans vous.
— Pourquoi moi, jeune fille ? interrogea-t-elle en haussant un sourcil. Qu’avez-vous à faire d’une vieille carcasse comme la mienne ?
Aloïsia poussa un soupir.
— Vous savez très bien pourquoi. Aurais-je besoin de vous rappeler votre statut de génie dans les deux mondes ?
— Pourquoi ne pas demander à Nicolas ?
— C’est lui qui réclame votre aide.
Léonard leva un regard interloqué vers elle. Nicolas Flamel en personne ? Léonard se souvenait de leur première rencontre, en Italie, lors d’un de ses voyages avec sa femme. Il s’était montré très intéressé par les quelques brouillons qu’il développait à l’époque. Rien d’extraordinaire mais Léonard avait été flatté qu’un si grand alchimiste remarque son travail. Il avait une sincère admiration pour Léonard, ce qui était réciproque. Malgré tout, ils s’étaient perdus de vue, à cause des conséquences de la guerre. Léonard serra davantage sa canne à cette pensée. Aloïsia le dévisageait toujours, les bras croisés.
— Alors ?
— Vous n’avez pas besoin de moi, jeune fille.
— Si, au contraire ! N’avez-vous donc pas pitié des gens comme Lucie qui n’ont plus de toit pour apprendre la magie ?
Léonard se retourna vivement.
— Comment savez vous…
— Elle est inscrite sur les registres, comme tout le monde… soupira Aloïsia.
Elle s’arrêta un instant avant de s’approcher davantage.
— Léonard… vous et moi n’avons pas pu apprendre… mais est-ce que ceux qui viennent après nous n’y ont pas droit ?
— Ils peuvent toujours aller à Poudlard.
Aloïsia rit jaune.
— Là-bas ? Leurs effectifs sont bien assez saturés comme cela. Et qui assurera l’héritage de Mélusine ? Son grand rêve pour l’Europe ?
Il demeura muet. Il songea à Lucie, à cette petite tremblante qu’il avait trouvé dans la rue. Où serait-elle s’il ne lui avait pas donné une chance ? Combien d’enfants comme elle erraient sur les routes, prêts à tomber aux mains de prêtres moldus qui lui faisait horreur par leurs pratiques barbares pour combattre « la sorcellerie ».
— Je… je vais y réfléchir.
Les lèvres d’Aloïsia s’étirèrent en un sourire triomphant.
— Je vous attendrais au palais.