Son foulard imprimé d’indiennes, cadeau de sa grand-mère qui avait eu naguère la capacité de la dissimuler, n’était plus qu’un chiffon en lambeaux qu’elle conservait surtout pour être reconnue dans le cas où quelqu’un de son camp l’apercevrait. Ses cheveux bruns emmêlés, son visage couvert de poussière rendaient cela impossible sans ce signe distinctif.
Hagarde, elle n’arrivait plus à réfléchir : combien restait-il de Djinns dans ce village ? Elle ne le savait pas non plus.
Aisulu avait été tuée, Emre et Eren aussi. Et elle n’avait pas revu Muruvet depuis la nuit précédente. Elle était donc complètement seule.
Dans un bref mouvement de cape, une forme sombre passa soudain furtivement entre les deux bâtiments face à elle et Cibek brandit sa baguette. C’était presque inutile étant donné qu’elle tremblait de fatigue. Si le combat éclatait, elle n’avait aucune chance de survivre. Mais cela ne l’empêcha pas d’avancer, baguette brandie, en direction du bâtiment.
- Qui va là ? Dit-elle d’une voix forte mais plus très ferme.
La femme qui sortit de l’ombre avait placé ses mains en évidence. Cibek la reconnut sans peine malgré le long voile noir qui la couvrait de la tête aux pieds. Elle frissonna tant cette tenue la répugnait, pourtant elle aimait plus que tout celle qui la portait :
- Mot de passe, lui dit-elle d’une voix sans force.
- Jerf-el-Ahmar.
- Deir-ez-Zor, répondit Cibek en trouvant la force de sourire.
Elle baissa sa baguette et Eris saisit la sienne, prête à parer n’importe quelle attaque, avant de rejoindre son amie.
- Que fais-tu habillée comme cela ? Lui demanda cette dernière.
- Seule tenue disponible, répondit laconiquement Eris Malefoy qui enleva cependant le tissus qui lui couvrait le visage. Je suis arrivée d’Europe il y a deux jours et je viens du QG pour vous dire de battre en retraite. Quelles sont les nouvelles ?
La mort dans l’âme, Cibek lui raconta les derniers combats, la perte de Aisulu, Emre et Eren.
- Muruvet a été blessée et failli être capturée, lui dit Eris. C’est pour cela qu’ils m’ont envoyée… trop tard. Mais là pour elle ça va, ils la soignent au QG.
Soulagée, Cibek poussa un long soupir.
- Tu disais que tu reviens d’Europe ?
- Oui, en Angleterre c’est aussi le gros merdier. Le chemin de Traverse a été attaqué et il y a eu presque vingt morts. C’était horrible…
- Tu y étais ?
- Avec mon cousin, oui. On s’était retrouvés… D’un coup il y a eu des explosions… J’ai vu des types armés, comme les Sheitan… Ils ont foncé dans une boutique… Le temps qu’on arrive avec Drago, ils avait déjà tué plein de monde… Dont le mari de la ministre
Tremblante sous son voile noir, Eris ajouta dans un souffle :
- Je peux te dire que ce n’était pas des amateurs… Et je mettrais ma main à couper qu’il y avait des Sheitan dans le lot… On n’a réussi a en avoir que deux avec Drago mais il y en avait beaucoup plus.
Cibek accueillit la nouvelle avec son calme habituel, même si elle savait que leurs pires craintes étaient à présent confirmées. Elle répondit seulement :
- C’est pour prévenir le QG que tu es revenue ?
- Oui, répondit Eris.
- Nos familles ne sont donc en sécurité nulle part, pas même en Angleterre.
- Si les Sheitan sont prêts à s’allier à nos anti-moldus, répondit Eris. Alors le conflit va se généraliser… Et j’ai très peur pour le monde sorcier.
Au loin devant elles, une explosion retentit, provoquant une colonne de fumée qui s’éleva dans le ciel. Cibek frémit.
- On dégage, murmura Eris.
Les deux femmes transplannèrent seulement quelques secondes avant que le bombardement ne s’abatte sur le lieu que Cibek et ses compagnons avaient défendu durant plus d’une semaine, au prix de la vie de trois d’entre eux.