Eugénie Guipure, son amie de plus de trente ans, venait de la prévenir. La nouvelle avait fait le tour du Chemin de Traverse. Le dragon sorti de la banque des sorciers n’était clairement pas passez inaperçu. Les nouvelles ensuite avaient été lentes à venir mais enfin, l’issue pour le monde sorcier avait été positive.
Depuis que Harry avait atterri dans son jardin, plusieurs mois auparavant, Andromeda avait continué de suivre avec autant d’assiduité que d’inquiétude les nouvelles de l’Ordre. Au fil des semaines, dès qu’ils le pouvaient, Ted et Dora lui faisaient parvenir, chacun de leurs côtés, leur patronus réconfortants.
Andromeda avait vécu une période compliquée. Cette deuxième guerre lui avait fait perdre plusieurs kilos et apporter beaucoup de soucis.
Ce soir-là, la sorcière, malgré la victoire, pleurait. Elle ne reverrait plus le patronus de son mari ni désormais celui de sa fille. Les deux personnes les plus chères à son coeur l’avaient quittée.
Seule, effondrée sur le sol de sa maison, en ce jour de mai, elle avait froid. Plus aucune chaleur semblait l’entourer ni bouillir en elle. C’était terminé. Tout était terminé. La guerre avait pris fin. Sa vie de famille aussi.
Andromeda se réjouissait que la guerre soit finie, que l’élu ait réussi sa mission, que les mangemorts soient vaincus, toutefois, la victoire était largement amère. Les sourires et la fête viendraient beaucoup plus tard, un jour peut-être...
Andromeda n’avait plus de famille…
Après deux guerres, elle avait tout perdu.
Dans la tristesse et la solitude, Andromeda pensa alors au reste de sa famille. A sa famille d’avant, comme elle disait parfois. La cadette de la famille Black n’avait jamais complètement oublié d’où elle venait. Ses racines étaient ancrées en elle. Même si elle s’était éloignée depuis longtemps de ses sœurs, elle avait surtout fuit les valeurs et les idées familiales. Le lien fraternel, lui n’avait jamais été rompu. Aucune magie, ne pouvait d’ailleurs complètement le détruire.
Aurait-elle des nouvelles de Bellatrix et Narcissa ? Quel avait été leur sort ?
De sombres pensées s’emmêlaient dans son esprit. Andromeda ne s’était jamais sentie aussi seule. Qu’allait-elle devenir ?
Comme pour répondre à sa question informulée, un gémissement plaintif se fit entendre depuis l’étage. La jeune grand-mère se ressaisit immédiatement. Elle ne pouvait pas se permettre de s’apitoyer sur son sort. Un petit garçon d’à peine un mois avait besoin d’elle, là maintenant et pour le reste de ses jours…
Teddy endormi dans son couffin, Andromeda ne savait plus où donner de sa baguette. Elle avait tant de choses à gérer. Les hiboux de condoléances affluaient à toutes heures. Il lui revenait la charge d’organiser seule les funérailles de sa fille. Trois mois auparavant, elle était déjà passé par là. Elle devait recommencer, si tôt. Pour Teddy, elle s’obligeait de ne pas craquer, de ne pas s’effondrer, de ne pas passer ses heures à pleurer. Elle se devait d’être forte. Pour la paix qui rassurait désormais le monde sorcier, elle ne pouvait pas se plaindre. Comme beaucoup d’autres, malheureusement, elle savait qu’elle n’était pas la seule à vivre ces moments douloureux. Tant de familles avaient été touchées. La guerre faisait forcément des dégâts. Nymphadora et Remus s’étaient battus pour la paix. Comme pour se convaincre que dans chaque malheur, on pouvait trouver une lueur d’espoir, Andromeda se répétait qu’ils avaient réussi. Oui, sa fille et son mari avaient contribué à la victoire.
Vers le cimetière du village, Andromeda menait le mince cortège. Après la cérémonie officielle qui avait eu lieu à Poudlard, deux jours seulement après la bataille finale, les familles géraient maintenant chaque sépulture. Les pertes avaient touché tant de ses amis et connaissances, qu’il était compliqué pour chacun de se soutenir les uns et les autres. Andromeda, avec Teddy dans ses bras, était honorée que Kingsley Shacklebolt ait transplané à ses côtés, pour quelques minutes. L’ancien patron et collègue Auror avait formé et toujours accompagné sa fille. Le désormais jeune ministre avait tenu, tendrement et amicalement, à être présent malgré ses nouvelles obligations qui se multipliaient de part et d’autre.
Dora et Remus seraient enterrés ensemble dans une tombe voisine de son mari. Le père de Teddy n’avait malheureusement plus de famille et Andromeda l’accueillit en ce lieu comme elle l’avait accueilli quelques mois plus tôt lorsque sa fille lui avait fait la présentation de son compagnon.
Le frère de Ted, l’oncle préféré de Nymphadora, avait évidemment fait le déplacement. A ses côtés, Andromeda pouvait aussi compter sur sa meilleure amie, Eugénie Guipure, qui avait fermé sa boutique de prêt à porter pour sorciers pour plusieurs journées. Pendant une semaine, l’ensemble du Chemin de Traverse était fermé et en deuil. Le monde sorcier était lui-même en pleine reconstruction. Le quotidien reprendrait dans quelques jours. Le travail et les affaires avaient eux aussi besoin d’une pause.
Du bout de sa baguette, elle créa elle-même la stèle en marbre qui vint recouvrir les deux cercueils. Sa magie n’était pas précise. Elle reviendrait plus tard pour améliorer l’installation.
Dans ses bras, Teddy, jusque là endormi, s’agita tout à coup. Absorbée par le chagrin de l’instant, elle n’avait pas vu le temps passer. Le petit être qui s’éveillait la rappela à la réalité. Andromeda, sortie de sa torpeur, délaissa de vue le tombeau qui s’étalait devant elle, quitta le lieu funèbre pour assumer son nouveau rôle qui l’aiderait à garder un sens à sa vie, qui l’aiderait à vivre et supporter chaque journée.
Andromeda avait longuement hésité.
La guerre était terminée depuis plus de trois mois. Chaque famille avait géré ses cérémonies d’adieu. La reconstruction avait désormais débuté.
La sorcière avait repris un rythme de vie bercé par les besoins de Teddy. Elle retrouvait des gestes autrefois donnés pour Nymphadora. S’occuper du bébé de sa fille était aussi douloureux que réconfortant. Chaque jour, elle parlait à son petit-fils de sa mère, de son père, de leur courage, de leur détermination… Chaque jour, elle reprenait conscience de l’importance de la famille. Posséder une famille. Vivre en famille...
Aussi, Andromeda avait longuement hésité.
Ce jour-là, elle s’était toutefois décidé. Elle s’était renseignée. Elle avait demandé subrepticement des informations.
La tombe noire devant laquelle elle se trouvait indiquait en lettres blanches gravées « Bellatrix Lestrange ».
Andromeda avait longuement hésité, pourtant, elle se trouvait là, devant la tombe de sa soeur. Bien qu’elle sentait une certaine et étrange émotion monter en elle, le chagrin ne l’envahit pas. La sorcière se sentait perturbée par ses émotions contraires.
Même si elle avait quitté sa famille et les valeurs Black depuis longtemps, au fond d’elle, Andromeda n’avait jamais renié ses sœurs. Ce lien de fratrie qui était unique.
Quoiqu’elle ait fait dans sa vie, quelques furent les atrocités qu’elle avait commise, quelques furent ses raisons, Bellatrix restait sa sœur. Ce lien ne pouvait changer, immuablement.
Andromeda avait depuis longtemps fait ses choix. Elle avait choisi son camp depuis des années mais elle ne pouvait, toutefois, ignorer d’où elle venait. La femme qu’elle était aujourd’hui s’était construite en contradiction aux valeurs extrêmes qu’elle avait entendues autrefois. D’une certaine manière, dans une façon tordue de réfléchir, elle était devenue cette femme forte altruiste et généreuse grâce à Bellatrix.
Devant la tombe noire, Andromeda sentait ainsi ses émotions se mélanger. Elle se perdait dans ses pensées. Un claquement bien connu la sortit de ses songes. En se retournant, elle découvrit et reconnut immédiatement la sorcière brune qui venait de transplaner. Les deux femmes échangèrent un regard. Narcissa ne put cacher sa surprise. Mais sans un mot, elle s’approcha pour se placer à son tour devant la tombe noire.
Un silence s’installa d’abord. Un silence de recueillement personnel que Narcissa rompit.
- Je… Je…, chevrota-t-elle. Je suis désolée... pour ta fille.
Andromeda aurait pu relever le mot « désolée » - l’était-elle vraiment? - mais préféra apprécier la parole, même maladroite et peu sincère, qui se voulait aimable.
- Merci.
Un silence, cette fois-ci gênant, s’installa. Andromeda ne savait pas quoi dire à sa sœur dont le mari et l’enfant avaient été épargnés. Elle ne voulait pas la haïr pour cela. Même si elle se doutait que la famille Malefoy devait gérer difficilement cette période d’après guerre, elle ne réussissait pas à s’apitoyer en retour. Sa compassion avait ses limites.
Malgré son mutisme et sa gêne, Andromeda n’arrivait pas non plus à quitter les lieux. Réunie auprès de sa sœur, après des années, devant la tombe de leur sœur, elle ne pouvait rester indifférente.
Le hasard les avait fait se réunir aujourd’hui, ici, en ce lieu de mémoire. L’avenir n’était plus autant incertain mais Andromeda toutefois se sentait perdue. Sentir sa petite sœur debout à côté d’elle, même en restant, l’une comme l’autre, silencieuses, était étonnamment réconfortant.
Enfin, le chagrin l’envahit quand une pensée détestable lui traversa désagréablement l’esprit : est ce que la perte d’une fille lui ramènerait une soeur ?