Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom avait disparu. D'après ce qui se disait, il avait été vaincu par un simple bébé, Harry Potter.
Cette nouvelle avait redonné le sourire au monde sorcier britannique qui avait tant craint le grand mage noir.
A présent, certains de ses partisans avaient fui, d'autres comme Lucius Malefoy affirmaient qu'ils avaient été soumis au sortilège de l'Imperium. Argus n'en croyait pas un mot, mais il savait que cette vermine s'en tirerait, avec tout l'argent qu'il était prêt à dépenser pour se racheter une conduite.
Les moldus et les sorciers célébraient le 11 novembre comme date de la fin d'une guerre, mais pour Argus c'était un jour ordinaire où il circulait dans les couloirs, afin de s'assurer qu'un élève ne prépare un mauvais coup. Cependant, si les derniers mois s'étaient révélés pour lui une torture, ce n'était pas par la faute de tous ces petits chenapans.
Sa jeune sœur Coraline, appellé plus souvent "Cora", qui était une fervente pro-moldus, avait en effet dû se réfugier en France pour échapper aux mangemorts qui la menaçaient. Il était depuis sans nouvelles d'elle.
Si leur relation était devenue assez distante au fil du temps, elle n'avait cependant jamais été mauvaise, contrairement à ce qui se passait dans beaucoup de familles avec des enfants sorciers et cracmols. Avec le temps, ils avaient fini par se comprendre et par accepter leurs différences. Argus avait cependant un pincement au cœur à chaque fois qu'il voyait sa sœur pratiquer de la magie.
Dans l'angle d'un couloir, Argus se retrouva soudain face à Severus Rogue qui l'apostropha directement :
« Le professeur Dumbeldore souhaite vous voir dans son bureau tout de suite. »
Sans broncher, le concierge suivit le jeune professeur le long des couloirs, jusqu'à la statue qui barrait l'accès au bureau directorial.
« Esquimeau citron » dit-il d'une voix peu assurée.
Il s'était en effet rarement rendu dans le bureau d'Albus Dumbledore, et l'appréhension le gagnait à chaque fois qu'il devait le faire. C'était comme s'il n'était pas vraiment à sa place.
En pénétrant dans le bureau directorial, il vit cependant que le directeur n'était pas seul. Une femme occupait le fauteuil qui faisait face au bureau, lui tournant donc le dos.
Debout dans un coin de la salle, très tendue, Irma était aussi présente et lui jeta un regard inquiet.
Que se passait-il donc là-dedans ?
« Argus, lui dit Albus Dumbledore avec un sourire qui ne cachait pas la gravité de son regard. Vous voilà, asseyez-vous je vous prie ... Faites de même, Severus, et vous aussi Irma ».
Disant cela, le directeur fit apparaître trois fauteuils d'un coup de baguette. Argus et Irma s'assirent côte à côte, aussi inquiets l'un que l'autre. Irma fixait la femme qui se tournait à présent vers eux, mais Argus gardait les yeux rivés sur Dumbledore.
« Ma présence est-elle véritablement nécessaire ? demanda Severus.
- Je crains que oui, répondit le directeur. Car l'affaire dont nous devons discuter risque de nécessiter des éclaircissements que vous pourriez nous donner.
- Pourrais-je savoir la raison de ma convocation dans votre bureau ? Demanda Argus. Car j'ai des rondes à faire dans les couloirs de Poudlard.
- Je vous ai fait appeler Argus, répondit Dumbledore, car nous venons d'avoir de mauvaises nouvelles concernant Cora. Charity est venue ... »
- Charity ?! Charty Burbage ?! »
Rusard se tourna vers la jeune femme qu'il n'avait pas reconnue au premier abord. Il s'agissait pourtant bien de Charity Burbage, la grande amie de Cora qu'il avait beaucoup côtoyé durant leur adolescence.
Elle paraissait épuisée et triste et il remarqua enfin qu'elle tenait un bébé, enveloppé dans une couverture, dans ses bras. Un horrible pressentiment s'empara de lui :
« Que se passe t-il ? Demanda t-il tandis que la main d'Irma se crispait sur son épaule. Que fais-tu ici dans un tel état avec un enfant dans les bras ? »
Tout en berçant l'enfant, la jeune femme sembla chercher ses mots quelques instants avant de répondre d'une voix hachée :
« Cora est ... est morte. Et... c'est son bébé que j'ai dans les bras... Elle s'appelle Armance »
Son chagrin semblait aller au-delà des larmes et elle resta simplement assise, comme hébétée suite à ses propres propos.
Cette révélation fut comme un coup de couteau pour Argus. Dévasté, il se prit la tête dans ses mains et entendit à peine Irma demander :
« Dîtes-nous exactement ce qu'il en est. »
Charity attendit que Rusard se reprenne et redresse la tête, puis elle répondit :
« Armance est née le 30 Juin chez moi, là où Cora s'était réfugiée depuis plusieurs mois. Nous pensions être à l'abri mais hier soir, nous avons entendu des bruits incessants dans la rue. C'était comme une fête et le bébé pleurait. Cora a fini par sortir dire aux gens de se calmer, j'étais à la fenêtre et il y a eu un éclair vert et énormément de fumée, puis plus rien pendant un moment... Je... Je l'ai appelée mais sans oser sortir car la maison est protégée... J'ai fini par appeler les aurors... »
Comme Charity était devenue très pâle, Dumbledore acheva :
« Cora a été retrouvé morte dans la rue. Un assassinat à la magie noire. »
Argus avait senti son cœur tomber dès la nouvelle de la mort de sa sœur, mais Irma sembla ne prendre conscience qu'à ce moment de la réalité de la situation. Elle porta les mains à son visage horrifié.
« Cora serait donc tombée dans un piège, devina Argus. Mais pourquoi ? »
Question bête, il le savait très bien : Cora avait fui l'Angleterre lorsque le pseudonyme sous lequel elle publiait des articles pro-moldus avait été révélé. Elle craignait pour sa vie.
Charity continua :
« J'ai les papiers et toutes les affaires du bébé dans ma sacoche, ainsi que le testament de Cora. »
La jeune femme semblait gênée. Irma se leva, prit elle-même le bébé et le berça pendant que Charity fouillait dans la sacoche. La petite fille chouina quelques secondes mais se calma lorsque Irma se rassit avec elle dans les bras.
Argus, lui, observait le bébé. L'enfant ressemblait beaucoup à sa mère au même âge, à part ces yeux gris qui ressortaient fortement sur son teint hâlé. Des petites mèches sur sa tête indiquaient qu'elle aurait les cheveux châtains clair, comme Cora.
Charity n'avait cependant pas fini :
« Comme Armance est la fille de Cora ... cela fait de toi son oncle et donc sa seule famille, Argus »
Elle lui tendit le paquet qu'elle avait sorti de sa sacoche. Argus repéra l'acte de naissance de la fillette ainsi que le testament de Cora.
« Armance Albyx Alfo Louise Rusard, lut Argus à voix haute. Quel choix de prénom étrange...
- Cora m'a simplement dit qu'elle les choisissait à dessein, répondit Charity embarrassée. Je m'en suis étonnée aussi, mais elle a refusé d'en dire plus. »
Argus prit le sac et examina son contenu. Tout semblait avoir été fourré là-dedans à la va-vite. De son côté, Irma berçait toujours Armance qui avait fini par s'endormir.
« Déjà endormie ? Dit la bibliothécaire un peu incrédule.
- Elle n'a pas beaucoup dormi la nuit dernière, elle réclamait beaucoup sa mère. J'ai donc du la consoler pendant une bonne partie de la nuit en attendant les aurors. expliqua Charity penaude.
- Qui est le père de l'enfant ? Demanda Irma.
- Je ne le sais pas non plus ... Lors du mois de novembre 1980, elle m'a envoyé son patronus en me demandant si je pouvais l'héberger chez moi, une urgence. Je lui ai tout de suite répondu par l'affirmatif. Lorsqu'elle est arrivée, elle m'a expliqué qu'elle était enceinte et qu'elle avait quitté le père de l'enfant mais n'a jamais voulu me dire son nom, répondit Charity.
- Et toi tu n'en aurais aucune idée par hasard ? Demanda Irma en se tournant soudain vers Argus.
- Je n'en sais pas plus que toi sur ce sujet. Ma sœur ne m'a jamais parlé d'une relation et je n'ai pas eu de nouvelles d'elle après son départ en France. répondit Argus
- Le père en lui-même n'est pas important, dit soudain Dumbeldore d'un air buté.
- Mais l'attaque ? Pourrait-elle être liée à lui ? Demanda soudain Severus. Il est probable qu'elle ait pu être tuée pour ses idées. Mais pourquoi quitter soudain le père et se réfugier chez une amie de cette manière ?
- Il est possible que nous ne le sachions jamais, répondit Dumbledore. Quoi qu'il en soit, il serait bien qu'Armance puisse grandir ici avec son oncle et sa tante.
- Ici ? S'insurgea le maître des potions.
- Poudlard est le seul endroit qui peut lui garantir la sécurité et un bien-être familial. Comme vous le soulignez si bien, le meurtre de sa mère pourrait être lié à son existence. Elle doit donc être particulièrement protégée. »
Dumbledore fit une pause avant de s'adresser plus particulièrement au jeune professeur :
« Et en temps que connaisseur du milieu, je souhaiterais que vous gardiez les oreilles aux aguets pour capter des informations sur le sujet.
- Je vais essayer, soupira le jeune professeur. Mais comment cette enfant pourra t-elle grandir dans un milieu comme Poudlard ?
- Bien entendu, intervint aussitôt Irma. Il va nous falloir faire quelques aménagements, autant au niveau espace que pour nous disponibilité. Nous n'allons quand même pas laisser le château comme ça avec une enfant en bas âge à l'intérieur.
- Il est évident qu'au niveau sécurité... » Commenta Severus avec ironie.
Après un temps de silence, Charity se baissa vers nourrisson et posa un bisou sur le front de ce dernier, toujours endormie. Puis elle se leva et se tournant vers Argus et Irma, elle dit :
« Prenez bien soin d'elle, s'il vous plaît. »
Puis, tournant les talons, elle se dirigea vers la porte.
« Tu t'en vas déjà ? S'étonna Argus.
- Je vais voir mes parents, pour leur expliquer. Après je ne sais pas.
- Tu reviendras quand même lui rendre visite quelques fois ? » demanda Irma.
Se retournant, Charity répondit :
« Je suis sa marraine. J'essayerai de venir aussi souvent que je pourrais. »
Sur ce, elle ouvrit la porte et disparut dans l'escalier. Albus Dumbledore se tourna vers Argus et Irma.
« Nous allons y aller aussi, indiqua la bibliothécaire. Il y a beaucoup à faire avec ce qui vient de se produire. »
Son visage était plus pâle que d'ordinaire. Albus répondit :
« Je vais vous envoyer un elfe ou deux pour vous aider. Ce ne sera pas de trop je pense. »
Irma acquiesça et se leva, le bébé dans les bras et suivie d'Argus. Ils quittèrent la pièce d'un pas incertain.
Il ne resta bientôt plus que le maître des potions et le directeur. Avec sa baguette, Dumbledore fit disparaître les trois sièges à présent inutiles.
« Severus, dit-il. Il est impératif que nous démêlions cette sombre affaire. Vous n'avez aucune idée de qui pourrait y être lié ?
- Aucune malheureusement, répondit le jeune professeur.
- Dans ce cas, il nous faudra redoubler de vigilance en attendant d'en savoir plus. »