Severus Rogue, frappé par la brutalité avec laquelle on l’avait extirpé, alors qu’il embrassait chaleureusement la mort - et l’idée de peut-être retrouver Lily dans l’au-delà- ouvrit difficilement les yeux sur deux silhouettes en confrontation près de lui.
Granger et demi-Weasley débattaient d’un sujet encore trop flou à son esprit.
“Écoute Fred, tu dois retourner avec ta famille, laisse-moi gérer cette situation. Il ne faut pas que les gens sachent qu’il est ici. Tout ce que je te demande c’est ton silence, est-ce que c’est trop cher payé pour t’avoir sauvé la vie ?”
Il s’agita un peu et ils remarquèrent son éveil. Hermione se précipita à son chevet.
“Professeur ! Ne bougez pas, vous n’êtes pas encore assez stable. Lui dit-elle sévèrement en le maintenant allongé.
-Harry... chuchotta-t-il de sa gorge encore saccagée par la morsure de Nagini.
-Harry va bien et… Voldemort n’est plus, depuis quelques heures. Vous êtes à l’abri pour l’instant, dormez.”
Même s’il mourait d’envie de protester que le lord ne peut être vaincu, l’information le choqua jusqu’à ses dernières forces et il sombra de nouveau.
Hermione et Fred regardèrent en silence le visage fermé de leur professeur, se détendre sous l’emprise de Morphée, avant de quitter la pièce et de la protéger de quelques sorts.
“Bien ! s’exclama Hermione, prête à affronter l’après-guerre pour la seconde fois. Et si tu allais rejoindre ta famille ? elle doit être épuisée de te pleurer.
-Oui et moi épuisé de supporter tes caprices.” Lui répondit-il avec humour.
C’est après un coup de coude vengeur que, le sourire aux lèvres, il transplana pour Poudlard, désormais dénué de protection magique. Hermione resta seule au 12 Square Grimmaurd à veiller sur l’état de son patient en attendant que son sosie du passé ne disparaisse de Poudlard.
***
De l’autre côté, dans la grande salle où étaient disposés les corps sans vie, George entouré de toute la famille Weasley pleurait encore en tenant le cadavre de son frère jumeau. C’est alors que celui-ci tomba en de fins grains de sables qui glissèrent des doigts du frère et se déposèrent sur le sol.
Perplexe devant cet étrange phénomène, la famille en pleurs leva le menton à la recherche d’une explication et c’est alors qu’ils virent Fred, plus en vie que jamais, traverser la pièce dans leur direction.
Les weasley s’illuminèrent devant ce miracle et coururent dans les bras des du garçon, dans une incompréhension secondaire.
“Comment est-ce possible ? demanda enfin Ron pour tout le monde.
-Oh ! Un sort bien placé de notre enfant prodige, comme d’habitude !” Éluda Fred, un regard complice vers Hermione, qui à ce moment-là, ne comprenait rien.
Tous acceptèrent cette brève explication avec enchantement et, reprenant leur embrassade, remercièrent Hermione. Seule la professeure McGonagall qui observait la scène de loin, notifia le sourire embarrassé de son élève la plus studieuse.
Leurs regards se croisèrent et elles se sourirent, à la fois graves et rassurantes.
Hermione passa le reste de la journée à aider les victimes encore vivantes et à soutenir celles en deuil. Au crépuscule, les protections de l’école avaient été rétablies par les professeurs.
Les jours filèrent, sa hantise reprit le dessus sur la douceur des cœurs apaisés. Elle se sentait de plus en plus faible en regardant les corps qui gisaient autour d’elle. Elle faisait des allers et venus entre les toilettes des filles et les ruines du château et chaque retour rendait son coeur plus amer et son regard plus vide. La colère l’avait éteinte. Elle se rua dans le bureau du professeur McGonagall et disparut.
***
Une fois cette période écoulée. L’autre Hermione rejoint enfin Poudlard et ses amis au milieu des débris, pour eux, rien ne s’était passé. Fred en revanche, reconnut celle pleine de secrets, qu’il avait quitté quelques jours avant.
“Demain, nous entamerons la réparation du terrier qu’en pensez-vous ? s'exclama Arthur, essayant de motiver ses troupes.
-Oui !” Répondit avec entrain le reste de la famille en rémission.
Tous prirent la nouvelle avec joie mais Hermione ne les accompagna pas dans leur chambre de fortune, la salle du coups de métamorphose.
“Où vas-tu Hermione ? Demanda Arthur en la voyant quitter la pièce
-Je… j’ai besoin de me rafraîchir un peu, je reviens plus tard.
-Tu veux que quelqu’un t’accompagne ? demanda à nouveau le père, inquiet.
-Non merci, je voudrais être un peu seule…”. Acheva-t-elle avant de disparaître.
Ron regarda impuissant, la fille qu’il aimait, traverser la porte. Cette distance qu’elle s’appliquait à garder toute la journée, ne faisait qu’augmenter son insécurité. Quelques jours plus tôt, ils s’étaient embrassés dans les entrailles de Poudlard. Ce baiser avait-il une importance pour elle ? Fallait-il plutôt l’oublier et consolider leur amitié ? Il ne savait plus quoi penser après tous ces évènements.
Hermione traversa l’école jusqu’à arriver à la limite du domaine, rageant sur le rétablissement des protections magiques. Celles-ci étaient plus accentuées que les précédentes, à force de traumatismes, les professeurs y avaient mis tout leur potentiel. Une fois le champ de force traversé, elle transplana au 12 Square Grimmaurd.
À l’intérieur, elle fut surprise d’entendre des bruits de trifouillage dans la cuisine et sortit sa baguette. Avançant avec précaution, elle se faufila dans l’ouverture de la porte de la cuisine et pointa sa baguette sur un individu, qui n’eût pas à se retourner pour qu’elle reconnaisse facilement la silhouette de Creature. L’elfe se retourna dans l’instant et le mépris envahit son visage à la vue de la trop célèbre née-moldue. Avant qu’il ne puisse engager la moindre insulte, Hermione le menaça en plantant sa baguette dans la gorge du jeune esclave. Ce geste accompagné d’un regard menaçant suffit à faire abandonner la créature déjà fatiguée de lutter.
“Que fais-tu ici ?
-Creature, a habité et servi ces lieux bien avant que les sangs impurs y soient admis. Répondit-il avec mépris.
-Qui sait que tu es ici ? Demanda-elle les dents serrés en enfonçant plus profondément sa baguette dans la carotide du petit être.
-Creature n’a pas beaucoup d’amis…” répondit-il presque fier.
Hermione soupira.
“Tu ne me sers à rien… mais je peux pas te laisser partir… Tu vas m’aider.
-Jamais ! S’agita-t-il avant que la menace d’une baguette ne le fige.
-Calme-toi, ce n’est pas moi que tu vas servir.” Dit-elle peu confiante.
Creature se calma, curieux et suivit la née-moldue jusqu’à la chambre où se reposait Severus Rogue, toujours inconscient. Elle entrouvrit la porte de la chambre et laissa l’elfe de maison observer son futur patient. Il dormait mais semblait tourmenté dans son sommeil.
Lorsque l’elfe comprit qu’il s’agissait de l’ancien mangemort, il sembla beaucoup plus enclin à acquiescer à sa requête. Cela suffit à Hermione pour quitter la pièce.
Avant de fermer la porte, elle se retourna vers le serviteur, une dernière fois.
“Personne ne doit rien savoir.”
-Évidemment”, répondit la créature.
Ces mots lancés ne suffisèrent pas à rassurer la jeune fille, aussi-tendit-elle sa baguette silencieusement en direction de Creature. Avec une concentration et un sérieux effrayant, elle lança un “bloclang”. Dans un chuchotement visant à ne pas réveiller son patient.
Après ce jour, les visites d’Hermione étaient semblables à une cohabitation. Elle n’avait en réalité guère meilleur endroit où loger pour le moment et ne se sentait pas l’esprit à emprunter les duvets de Poudlard.
Elle ne dormait que d’un œil, couchée sur le flanc droit pour ne pas réveiller de douleurs. Plusieurs fois par nuit, elle se réveillait en sueur de cauchemars qui se trouvaient n’être en réalité que des souvenirs. Quand ça lui arrivait, elle se levait systématiquement pour voir si tout allait bien dans l’appartement. Elle commençait par la salle de bain où elle regardait son état avec lourdeur puis arpentait chaque pièce de ce lieu plein de mystères toujours plus sordides. Elle avait pris l’habitude de finir sa ronde par la chambre où dormait Rogue, vérifiant s’il respirait toujours, s’il avait de la fièvre… Puis elle s’installait à son chevet et le regardait dormir d’un air déchiré.
Une de ces nuits, quand elle ouvrit la porte, Severus avait les yeux ouverts et fixait, immobile, la fenêtre de la chambre. Hermione l’observa sans rien dire alors que le regard de son professeur se posa lentement sur elle, puis, elle avança.
Elle le fixa, désolée, et s’installa à côté de lui.
Il inspira comme pour dire quelque chose mais Hermione l’arrêta d’un bond.
“Ne parlez pas ! Vous avez encore la gorge en charpie et je ne peux pas vous guérir aussi bien qu’un médico-mage alors attendez un peu.”
Il lui exprima sa frustration d’un soupir accompagné d’un regard désabusé et retourna contempler sa fenêtre. Elle l’accompagna dans le silence puis s’endormit sur sa chaise comme une statue.
-
- -
Voilà dix jours que la guerre s’était achevée et dix jours qu’elle veillait quotidiennement aux soins de son professeur et qu’elle s’efforçait de donner signes de vie à ses amis pour lesquels elle n’avait aucune énergie en ce moment.
Malheureusement, elle ne pouvait pas cacher son refuge plus longtemps puisqu’un autre orphelin eut l’idée d’habiter au 12 square Grimmaurd, le temps pour lui aussi, qu’un meilleur tableau se dessine.
Elle lisait un livre, assise au chevet du professeur endormi, lorsqu’elle entendit le claquement discret de la porte d’entrée suivi de son épais grincement.
Effrayée, elle se précipita dans l’entrée, la baguette prête à l'assaut, avant de tomber nez-à-nez avec son meilleur ami, Harry Potter, suivi de sa lourde valise. Elle ne fut cependant pas aussi surprise que lui de cette rencontre. Son regard attendait des explications mais Hermione ne fit qu'exécuter son habituelle embrassade.
C’est dans son étreinte qu’elle lui chuchota à l’oreille.
“Je n’avais nulle autre part où le cacher…”
Harry la toisa, intrigué, alors qu’elle le guida doucement à la chambre du convalescent.
Il ouvrit la porte sous le regard insistant d’Hermione et vit le Professeur Rogue dans son sommeil agité. Le souffle coupé, il s’approcha du dormeur, hébété.
“C’est impossible, on l’a vu mourir…"
Il se retourna vers son amie. Celle-ci n’avait pas encore dégagé la boule qui lui serrait la gorge, alors elle sortit de son cou le retourneur de temps. Harry comprit. Elle y était retournée. Dans l’instant, des images de la bataille de Poudlard traversèrent l’esprit traumatisé du garçon, le faisant frémir à l’idée que quelqu’un ait le courage d’y retourner volontairement. Qui d’autre avait-elle sauvé ? se demanda-t-il.
Ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’il se souvint du corps étendu de Fred dans les bras de son frère.
Il n’eut pas le temps d’exprimer sa pensée que tous deux furent interrompus par les toussotements de leur professeur. Celui-ci commençait à se réveiller.
Harry et Hermione le regardèrent, il n’y avait aucun soin supplémentaire, simplement du temps. Son corps semblait endurci par les années de contraintes et tout portait à croire qu’il avait affronté le pire et se remettrait de cette morsure.
Harry eut besoin d’un moment dans la cuisine afin d’assimiler ce qui était en train de se passer. De tous les morts que cette guerre avait fait, il se demandait ce que ramener Rogue avait de bon. Lui qui avait tant souffert, méritait qu’on le laisse en paix et d’un autre côté, Remus et Tonks ne reviendraient pas eux, par exemple…
Il se trouva horrible de penser ainsi mais la violence était encore si fraîche dans sa mémoire.
De son côté, Hermione remettait le lit de Severus Rogue en place et lui apportait de l’eau et des anti-douleurs, pendant qu’il émergeait doucement.
Il l’observa aller et venir sans rien dire et elle le laissa faire.
Severus ouvrit enfin la bouche en direction d’Hermione, avec un regard suspicieux comme à son habitude.
“Vous l’avez vu mourir ?” Chuchota-t-il péniblement
Elle s’arrêta net. Le regarda en cherchant comment lui expliquer ce qu’il s’était passé.
“Tout s’est déroulé comme Dumbledore et vous l’aviez planifié, annonça-t-elle… à quelques morts près. Vous étiez parmi les morts d’ailleurs.”
Il observa son collier. Il connaissait bien ce tour mais ne s’attendait pas à en être le receveur.
“Pourquoi m’avoir sauvé ?” demanda-t-il enfin.
Le visage de la jeune fille se voila.
“Tout le monde mérite de vivre… marmonna-t-elle avec amertume.
-Mais moi, j’en avais fini, c’était mon heure.” souffla-t-il avec difficulté.
Hermione frappa d’un coup, sans s’en rendre compte, la table qu’elle était en train de ranger et en réalisant son geste, partit se calmer à l’extérieur.
Elle alla marcher dans la rue autour du 12 Square Grimmaurd jusqu’à être assez perdue pour se risquer à pleurer dans un parc délaissé. Elle gémissait et sursautait, sans contrôle.
Au bout d’un moment, ils ne restèrent de sa crise que des reniflements et quelques hoquets. Elle prit une grande inspiration et se décida à rentrer.