Mars, anno domini 1011, Château Gryffondor
Selwina Serpentard était assise auprès de la couche de Guenièvre Gryffondor. Jamais elle n'aurait pensé un jour se laisser défaillir par la tristesse, et certainement pas pour cette douce femme, avare des nés-Moldus. Pourtant, elle était là, les yeux gonflés de larmes, assistant aux derniers moments de la vie de cette sorcière. Elle tenait la main de son aînée entre ses propres doigts glacés. Tous lui laissaient un moment, seule, mais ils restaient à proximité en dehors de cette chambre. Que ce soit Godric, le frère cadet de ce dernier, Neal, ou Helga, tous étaient meurtris par le chagrin, mais les faits étaient là, la femme plus âgée allait mourir.
- Ne soyez guère triste, Selwina. C'est ainsi que la vie est faite. On vieillit. Puis, on meurt.
- Vous ne méritez pas de mourir si tôt à cause de cette maladie. On vieillit puis on meurt, certes, mais s'il n'y avait pas eu cela ce n'était peut-être guère le moment. Votre moment.
Les mots étaient sortis de sa bouche avec douleur. Elle devait tant à cette femme. Elle lui avait appris à respecter et à aimer alors qu'elle les prenait son jumeau et elle-même à sa charge. Selwina avait bien changé depuis son adolescence. Elle était autrefois vile, cruelle, et n'agissait que pour sa réussite sociale. Maintenant, elle prônait les égalités entre humains et avait même adopté un bébé métissé. Ses géniteurs se retourneraient certainement dans leur tombe. La sang-pur osa croiser les yeux bleus de l'autre sorcière, assise contre son oreiller. Elle souriait doucement entre ses dents, et cela faisait ressortir les tâches de rousseurs que son fils aîné avait hérité malgré son teint verdâtre et son visage grêlé responsables de sa maladie.
- Si la dragoncelle doit m'emporter car mon organisme est désormais plus faible que lors de ma jeunesse, ainsi soit-il Selwina. J'ai déjà bien plus vécu par rapport à d'autres sorciers de notre ère. Mon âge est avancé, il est normal que mon noyau magique ne puisse réparer un tel virus avec tant de facilité malgré vos concoctions de potions bien maîtrisées.
- Si vous m'aviez laissé l'occasion d'utiliser cette autre branche de la magie alors je suis cert...
Guenièvre lui attrapa alors fermement le bras, le pressa avec douceur et secoua son visage endolori de haut en bas, signe de négation.
- Je vous ai appris bien mieux que cela, mon enfant. Ne corrompez plus votre esprit guéri de cette Magie. Vous savez à quel point vous y êtes particulièrement sensible. C'est mon heure. C'est ainsi que va la vie.
Guenièvre lui lança un regard appuyé et elle baissa ses yeux bleu foncé sur ses genoux. Selwina s'y connaissait avec la magie noire. Elle en avait été baignée depuis sa plus tendre enfance, tandis que les cellules de son organisme en étaient imprégnées à cause de ses ancêtres. Ses mauvais revers revenaient alors parfois au galop. Selwina Serpentard fut pourtant certaine de pouvoir l'aider à guérir avec cette forme de Magie, mais son ancienne tutrice n'en voulait pas. Cela la dépassait. Mais elle pouvait comprendre. Elle était à proscrire. Mal.
- Laissez-moi vous conter une histoire Selwina, lâcha alors doucement son aînée, cela sera votre dernière leçon que vous aurez apprise de ma part.
Lady Gryffondor continuait de la tenir, et désormais ses deux mains enlaçaient les siennes avec douceur. Perplexe, elle ne réagit pas, et se contenta d'affirmer ses propos de haut en bas, attristée comme jamais.
- Il était une fois deux jumeaux en colère...
Sa voix était affaiblie, mais elle parlait étrangement avec vivacité.
- ... Ces adolescents ont été retrouvés par deux autres enfants alors que leur parents, cruels, furent brûlés sur le bûcher. Un jour, ils ont été amenés auprès d'une sorcière, la femme était la mère d'un de ces deux enfants. Celle-ci a voulu leur laisser une chance malgré leur éducation et leur comportement tout aussi cruel, attisé par leurs propres parents. La sorcière les a aidés malgré leur méchanceté, et leurs mauvaises farces envers son fils et sa pupille, surtout sa pupille car elle était une née-Moldue. L'adulte ne les a jamais blessés physiquement et leur donnait plutôt de longs monologues afin de leur faire comprendre ce qui était juste ou non, de leur faire comprendre ce qu'était le respect envers les autres.... - du mieux qu'elle le pouvait puisque ces deux enfants étaient nés au sein d'une famille dite noire. Une famille ennemie depuis la nuit des temps à celle de cette sorcière qui les avaient pris sous son aile....
Sous le choc, Selwina se rendit compte que ses pupilles se remplissaient à nouveau de larmes, car les propos énoncés par l'autre femme concernaient sa propre histoire et celle de son frère. De Salazar. Mais elle n'interrompit pas son monologue, curieuse de savoir qu'elle en serait sa dernière leçon de vie. Son aïeule souriait entre ses dents alors elle recourba à son tour ses lèvres dans un sourire qui se voulait respectueux.
-... Les jours ont passés et la sorcière les a vu apprendre ce qu'était le respect, l'Amour, et le partage. Elle les a vu détenir d'autres cartes entre leurs mains, autres que celles en relation avec la monstruosité, la cruauté ou le non-Amour. Ils ont alors eu toutes les possibilités entre leurs mains afin qu'ils puissent faire leurs propres choix. La sorcière fut fière de ces changements, mais elle a un jour été blessée et déçue du comportement de l'un des jumeaux. Cependant, elle était heureuse de voir que la jeune fille, contrairement à son frère, n'eut malgré tout pas pris le mauvais chemin qui fut pourtant indiqué depuis sa naissance. Cette jeune femme qui est devenue une femme n'est aujourd'hui plus l'enfant que la sorcière plus âgée eut autrefois connue. Elle est aimée de ses proches, de ses élèves dans cette école qu'elle a aidé à fonder, a désormais des amis, et est également devenue une tante. Ensuite, savez-vous ce qui la rend encore plus fière, Selwina ?
Les larmes coulaient en continue sur ses joues pâles. L'experte en potion ne laissait jamais ses émotions prendre ainsi le dessus mais elle secoua à son tour négativement le visage. La Fondatrice de Poudlard se rendit alors compte que pour la première fois de sa vie, elle allait regretter et ressentir la douleur de perdre un être proche et aimé à cause de la mort. Elle n'avait jamais éprouvé d'intenses sentiments de la sorte, même pas à la mort de ses propres parents, cela lui avait été égal car l'attachement pour ses géniteurs avaient toujours été à proscrire mais là... cela faisait mal, si mal. C'était incompréhensible. Elle se mit alors indignement à renifler de tristesse. La mage qui gardait toujours une certaine froideur et distance envers autrui pour se protéger de ses émotions voyait à l'instant ses barrières émotionnelles s'effriter en mille morceaux. Sans pouvoir rien faire pour y remédier. Le sourire de Guenièvre Gryffondor s'agrandit alors de plus belle, et bien que ce simple geste lui semblât douloureux à réaliser, elle continua de contracter ses muscles dans un doux sourire. Comme si elle voulait - non, désirait - que cela se grave à jamais au sein de son esprit.
- Non ? Voyons bon... Elle a pris un enfant à sa charge malgré ses difficultés à enfanter. Elle a laissé l'Amour prendre une place dans sa vie et elle aide les âmes en détresse. Cette femme pleine de colère a laissé son passé bien loin derrière elle. Je suis, et je resterai à jamais fière de cette évolution. Je la vois heureuse, et capable d'exprimer à l'instant des émotions qui lui étaient autrefois inconnues, et cette personne se trouve juste à côté moi. Oui, Selwina Serpentard, je suis fière de vous. Et je vous aime. Comme mon propre enfant.
Ses émotions l'étouffaient, et sa vision ne fut plus que des formes indistinctes. Jamais Emeline et Eddard Serpentard n'auraient un jour prononcé ces mots à son égard. Jamais. Après ce long monologue, Guenièvre était épuisée, mais elle continuait encore de sourire. La main ridée de son aînée se perdit alors sur ses pupilles brillantes de larmes. La mage blanche les essuya d'une main tremblante de fatigue pour posa son membre sur l'une de ses joues pâles.
- Qu'est-ce que je dois retenir de cette histoire en particulier... Mère ?
Le mot était sorti et avait roulé sur ses lèvres. C'était doux. Voulu. Venu sans s'en rendre compte. L'émotion la submergea alors de la tête aux pieds et elle ressentit les crépitements de sa Magie pulser jusqu'à ses bouts de doigts. Guenièvre Gryffondor et James Gryffondor avaient bien plus été des parents qu'Émeline et Eddard Serpentard ne le seraient jamais. C'était une certitude.
- De ne jamais perdre espoir, Selwina. Tout homme, toute femme, et tout enfant, est toujours rattrapable, toujours, et je suis certaine que vous - tu pourras un jour rendre la raison à Salazar, car son départ et le retour de ces horribles convictions ne doit pas être anodin. Je vous aime, ma fille ne l'oublie jamais. Sois heureuse avec le petit Alexios et embrasse donc Godric, Neal et Helga une dernière fois pour moi. Vous resterez tous à jamais dans mon cœur. Je pense qu'il est l'heure pour moi de rejoindre mon époux. Tu conteras toi aussi ces jours sombres de ton passé à ton fils et à son tour, il sera fier de toi. De la personne que tu es dans ce présent.
Après ces derniers mots prononcés d'une manière extrêmement familière, Selwina qui c'était retrouvée couchée sur le lit de la mourante entourée de ses bras, vit au ralenti les pupilles de la sorcière se fermer à tout jamais. Sa respiration se coupa soudainement, et l'héritière de la famille Serpentard sut qu'elle avait trépassé puisqu'elle ne ressentait désormais plus son aura émaner par le biais des pores de sa peau. Le visage désormais niché contre son cou, elle déclara une dernière fois :
- Reposez en paix et embrassez Père de ma part, Mère. Vous êtes la première personne que j'eus véritablement aimé après Salazar. Je vous remercie pour tout ce que vous m'avez appris, et pour toutes vos leçons de morale qui m'auront permises de ne pas devenir le monstre que j'étais destiné à être. A jamais.
La douleur au sein de sa poitrine était atroce mais elle respecterait à jamais les nombreuses leçons de vies que Guenièvre Gryffondor lui eut autrefois enseignées.