Désastre. Des astres. Le Grand Chien ne scintille plus comme avant. Sirius est à des années-lumière de son rayonnement d’antan. Sa peau constellée de taches réclame depuis des mois les baisers pleins de chaleur du regretté Soleil, mais les deux seules sensations auxquelles il est autorisé désormais sont la glaçante solitude et le froid polaire du 12, square Grimmaurd. Ciel ! L’étoile ne peut plus filer alors que dehors, Bételgeuse le nargue et menace son univers tout entier.
Depuis quand son centre de gravité est-il aussi bas ? Peut-être depuis que Dumbledore l’a fixé sur la carte du ciel avec une grosse punaise : tu garderas la maison, bon Chien. Sa tête est mise à prix pour près de 10,000 Gallions, une somme astronomique. Ça, ça fait pourtant du bien à l’ego. Non, ce sentiment étrange qui lui tord le bide puise ses origines encore bien avant cela. Des années auparavant. Peut-être depuis que les Détraqueurs ont commencé à instiller en lui la brume et la fièvre pour le consumer de l’intérieur ? Non, peut-être avant encore, lorsque James et Lily ont eux-mêmes rejoint le ciel étoilé, lorsqu’ils ont été réduits à de la poussière d’é… D’étranges images se collent soudain à sa rétine, et Sirius, sidéré, réalise à la lueur de la lune : la colère et le désespoir sont nés avec le départ du petit roi. Lorsque Regulus a foutu le camp pour un autre monde. Pour une constellation autre que la sienne. Celle du Lion, l’ironie était tordante. Puis le con s’est effondré sur lui-même. Naine blanche parmi les Mages noirs. Comme dilué dans l’immensité.
Quant à lui, on peut le voir maigrir à l’œil nu. Le ventre du clébard se creuse tandis qu’il halète, fort, qu’il souffre, tant, et le noyau qu’est son cœur toujours plus se serre pour ne bientôt faire de lui qu’un autre de ces monstres froids. Qu'il exècre. Cœur dur d’astéroïde. Tout ce contre quoi il s’est toujours battu. Mais il n’est plus soleil battant et il ne croit plus en sa bonne étoile. Il est simple figurant d’un système qui le dépasse et le déclin commence depuis trop longtemps à poindre à l’horizon. Les cieux se font chaque jour d’enfermement comme un peu plus pressants et désireux de l’enlacer éternellement. Canis Major n’a plus rien de sa splendeur et de sa grandeur passées. Sirius ne le sait pas encore mais la constellation d’Orion connaît là son dernier hiver. Avec lui se meurt la lignée de ses illustres ancêtres dans une agonie presque cosmique.
Esseulé, confiné, il ne lui reste plus que les rotations. Les petites révolutions. Un tour sur soi. Encore un petit tour sur soi. Pour avoir l’impression de ne pas être immobile au milieu de l’espace. Pour se donner l’impression d’avancer. De progresser. Mais il a déjà trop de fois vu ces murs. Et il a déjà trop longtemps foulé ces sols. Et il a déjà trop longuement miré ces plafonds. Il ne s’est pas échappé de l’autre prison pour redevenir captif de ces hauts-lieux abhorrés de son enfance. Sirius a l’impression de devenir fou. Les larmes, météores, laissent des traînées incandescentes contre ses joues. Qu’espèrent-ils à vouloir contenir et contraindre un corps qui ne demande qu’à s’expandre ? S’ils comptent limiter les risques, le seul qu’ils courent tous désormais est celui d'un soudain et violent télescopage avec l’ennemi.
Seul en orbite. Il se sent juste proprement minable. Une pauvre petite étoile minable au milieu de l’espace clos. Dans l’obscurité de la maison des Black, le dos célestement voûté. Au fond du trou. Noir.
Bonjour à tous et à toutes ! Ce court OS est une participation au projet de la Black Company, De Sirius à la Terre (une année en enfer), dont vous pouvez retrouver l'origine sur le forum (sur une idée géniale qui ne pouvait germer que dans l'esprit un peu fou de notre chère Fleur d'épine ♥). En ces temps de confinement, nous nous sommes intéressé.e.s à l'expérience de l'enfermement vécue par notre cher Sirius Black durant son année au square Grimmaurd... Après tout, il était un peu précurseur en la matière !
Par ailleurs, ce texte a été écrit en trois fois au cours du Combat à Mort 2020 animé par Catie.
Comme les trois quarts de mes textes, on reste dans du contemplatif et de l'expérimental, j'espère que cela vous plaira !
Bonne lecture !
Merci beaucoup pour votre lecture. Si l'envie vous en prend, n'hésitez pas à laisser un commentaire !