Dimanche, 01 mars 1998 :
*****
Papa et Maman sont venus nous voir aujourd'hui. Nous avons demandé à Hermione et Harry de se joindre à nous.
Quand ils sont arrivés, je me suis jetée dans les bras de Papa. J'y suis restée un long moment, submergée par l'émotion. Maman a étreint Ron et, pour une fois, ce dernier avait l'air d'apprécier. Puis Maman m'a prise dans ses bras tandis que Ron et Papa se donnaient l'accolade.
Ensuite, Maman est allée embrasser Harry et Hermione qui se tenaient un peu embarrassés au fond de la pièce. Harry a proposé de nous laisser un peu en famille, mais Maman lui a dit qu'ils en faisaient partie.
"Tout à fait" a dit Ron en passant son bras sur les épaules d'une Hermione rougissante. Maman a eu l'air extasiée et les a étreint de nouveau tous les deux. Quant à Papa, il en a profité pour embrasser sa future belle-fille sur les deux joues.
Maman a regardé avec espoir de notre côté à moi et Harry, mais j'ai croisé les bras et j'ai demandé :
"Comment allez-vous tous le deux ?
- Très bien ! a répondu Maman. Nous sommes très occupés et notre nouveau foyer est très confortable"
Mais je vis bien que la perte du Terrier l'avait terriblement affectée.
"Vous n'avez rien pu sauver ? j'ai demandé tristement.
- Non ma chérie, mais nous allons bien, c'est le principal.
- Oh ! Maman, je suis désolée, j'ai pas pensé à emmener ton journal, dis-je, en pensant aux témoignages de mes aïeules, définitivement perdus à présent.
- C'est pas grave ma chérie. Le tien sera le premier d'une longue lignée, c'est déjà arrivé, tu sais !
- De quoi parlez-vous, a demandé Ron
- D'une tradition familiale, mon chéri.
- Tu tiens vraiment un journal intime ? a soudain réalisé Harry, une lueur d'affolement dans les yeux.
- Parfaitement", j'ai répondu.
Avant qu'il ne panique j'ai ajouté : "J'ai demandé à Hermione de mettre une protection dessus pour que personne ne puisse le lire."
Il n'a pas semblé complètement rassuré.
Pour faire diversion, je me suis tournée vers Ron et j'ai dit :
"Pas de chance Grand Frère. Ce n'est pas une image très flatteuse de ta personne qui va passer à la postérité !
- Hein ! a-t-il commencé d'un ton indigné.
- Cela dit, si tu es très, mais alors très gentil avec moi jusqu'à la fin de l'année, alors peut-être, je dis bien peut-être, j'effacerai quelques passages qui te font du tort. Quoique très véridiques !
- Je ne vois pas de quoi tu veux parler", a-t-il riposté d'un ton digne.
Papa, Maman et Hermione riaient de bon coeur. Mais je trouvais le rire d'Harry un peu forcé.
J'espère que cela l'incitera à bien se conduire envers moi !
"Et votre goule, a soudain demandé Hermione, où habite-t-elle maintenant ?
- Oh ma chérie, les goules ont beaucoup de mal à quitter leur maison ! J'ai bien peur qu'elle soit restée dedans. Nous avons à peine eu le temps de sortir nous même".
Je n'avais pas réalisé que cela s'était joué si vite. J'ai de nouveau étreint Papa qui était juste à côté de moi.
"Nous allons bien, ma chérie, nous allons bien, répéta-t-il.
- Nous sommes en colère ! a martelé Ron
- Pardon ? a dit Maman.
- Tu sais bien, le mouvement dont on vous a parlé dans nos lettres.
- Oh oui, mes chéris ! Je suis tellement fière de vous, a dit Maman, englobant Harry et Hermione dans son sourire.
- Savez vous que c'est Ginny qui a tout commencé ? a demandé Harry
- Ginny ! Vraiment ?
- Mais oui, nous étions tous effondrés, quand Ginny est montée sur la table et a crié..."
Là il a eu un petit temps d'arrêt, se demandant s'il devait donner la véritable version de mon cri de guerre.
"J'EMMERDE VOLDEMORT ! a hurlé Ron qui n'avait pas ces scrupules, nous faisant tous sursauter.
- Ginny ! a dit Maman.
- Magnifique ! a dit Papa.
- Arthur ! a dit Maman.
- Notre slogan officiel est maintenant "Non à Voldemort" a temporisé Hermione.
- Elle n'a pas fait que cela, elle nous a fait prendre conscience qu'en restant abattus, nous avouions notre défaite avant même d'avoir combattu, a terminé Harry.
- Oh ! ma chérie", a dit Maman, me reprenant dans ses bras.
Papa bombait le torse, un sourire suffisant sur le visage.
"Finalement, nos enfants sont assez réussis ! a-t-il commenté
- Pour les jumeaux, je ne sais pas, a soupiré Maman
- Mais si ! j'ai dit. Quand le moral baisse, il y a toujours quelqu'un pour utiliser une de leurs trouvailles et cela fait du bien à tout le monde !
- Je savais bien que c'était toi ! a remarqué sournoisement Ron
- Pas à chaque fois ! j'ai répliqué bêtement, avant de me rendre compte de l'étendue de ma gaffe au sourire narquois qui fleurit sur le visage de mon imbécile de frère.
- Notre Ginny est pleine de ressources", a perfidement ajouté Harry, mort de rire.
Maman avait l'air un peu moins fier maintenant, mais Papa rayonnait :
"Les Weasley ne se laissent jamais abattre par l'adversité !" a-t-il claironné.
Nous parlâmes ensuite de choses et d'autres. Il nous donnèrent des nouvelles de nos autres frères qui, bien que débordés, avaient promis de prendre le temps de passer un dimanche. L'après-midi passa trop vite, et il fût, bien trop tôt, temps de nous séparer. Harry et Hermione firent leurs adieux à mes parents puis se retirèrent discrètement.
Maman en profita pour nous demander comment allait Harry.
"Il va bien, a répondu Ron
- C'est dur, mais il apprend", j'ai précisé.
Maman m'a jeté un regard perçant pendant que Papa prenait un air pensif. Nous nous sommes dit au revoir et Ron et moi sommes retournés ensemble vers la tour de Gryffondor. Soudain mon frère m'a demandé :
"Tu es toujours amoureuse de lui ?"
ARGH !! Toujours aussi délicat mon cher frère !
Je résistais difficilement à l'envie de lui répondre que nous entretenions une liaison torride depuis un mois, rien que pour voir sa tête. Mais la prudence l'emporta et je me bornais à remarquer :
"Je ne savais pas que vous en étiez à ce point là avec Hermione."
Il se le tint pour dit, et c'est en silence que nous fîmes le reste du chemin.
Cela m'a fait du bien de revoir Papa et Maman. J'espère que nos aînés pourront venir nous voir aussi. Dommage que les visites soient le dimanche !
Mercredi, 04 mars 1998 :
*****
Avons reçu une lettre de Bill. Lui et Charlie viendront nous voir dimanche prochain.
Jeudi, 05 mars 1998 :
*****
Hermione est venue me parler. D'un air entendu, elle m'a informée qu'Harry lui avait demandé de décaler les "séances de travail" au samedi quand une visite est prévue le dimanche. On a échangé un regard amusé. J'en ai profité pour la féliciter des progrès qu'elle avait fait avec Ron.
"Il devient presque un jeune homme responsable, je l'ai taquinée.
- Il y a encore un long chemin à faire, je le crains, elle a soupiré.
- Trouvez-vous un peu de temps pour vous ? j'ai demandé, soudain consciente qu'ils se trouvaient la plupart du temps avec Harry pour filtrer les requêtes dont il était constamment l'objet.
- Euh... oui. Nous prétendons avoir besoin de beaucoup plus de temps qu'il ne nous en faut réellement pour établir les compte rendu des Conseils du NAV.
- Et vous avez trouvé un endroit isolé ?
- Il y a des salles mises à la disposition des préfets en chef. Elles sont assez fonctionnelles, mais je ne me débrouille pas trop mal en Métamorphose."
J'éclatais de rire en pensant à la tête que ferait McGonagall si elle apprenait comment sa meilleure élève utilisait ses enseignements.
"Et vous, continua Hermione, où allez-vous ?
- C'est notre secret", répondis-je en souriant malicieusement.
Elle resta mortellement sérieuse
"Ginny, j'ai pensé qu'il n'était peut-être pas très prudent que personne ne sache où vous êtes. On peut avoir besoin de trouver Harry, le prévenir de quelque chose."
Je réfléchis un instant à cette possibilité.
"La Salle sur Demande", finis-je par avouer.
Elle ouvrit de grands yeux.
"Mais c'est une excellente idée !" Elle semblait vexée de ne pas l'avoir eue elle-même. "Ca doit être... idéal.
- Et comment !" j'ai répondu, pensant à toutes les commodités dont nous pouvions profiter. "Et tu sais, il y a une petite bibliothèque très intéressante !
- Une bibliothèque !" Elle semblait captivée à cette évocation.
Je lui en expliquais brièvement le contenu.
"Si tu veux, je peux essayer d'emprunter un des livres et te le prêter.
- C'est vrai ! Oh, merci !" Elle était carrément au bord de l'extase.
HE ! HE ! C'est ce très cher Ron qui allait avoir une petite surprise ! C'est pas qu'il le mérite, mais Hermione est une bonne amie et c'est grâce à elle si Harry et moi arrivons à nous voir régulièrement.
Il faut faire des choix dans la vie.
Samedi, 07 mars 1998 :
*****
Cette fois, ce fut Harry qui me parla longuement de sa famille. Il n'avait vraiment pas eu de chance. Non seulement il n'avait jamais reçu la moindre affection de la part de son oncle et de sa tante, mais en plus, il avait été tyrannisé par son cousin. Je n'avais jamais réalisé qu'avant son premier séjour au Terrier, il ignorait totalement ce qu'était une vraie famille.
Je mesurais alors la chance que nous avions qu'il ne soit pas davantage aigri.
Tout à coup, je me sentis affreusement triste et terriblement impuissante. Malgré tout l'amour que je lui portais, je ne pourrais jamais lui faire rattraper toutes ces années sans tendresse.
"Nous allons survivre, affirmais-je. Nous allons survivre et nous aurons des enfants auxquels nous donnerons tout cet amour qui t'a fait défaut."
Harry m'a regardé avec douceur.
"C'est un bon programme, il a approuvé.
- C'est vrai ! Tu es d'accord ?
- Mais... oui, bien sûr." Il semblait surpris par mon insistance.
Je me jetais à son cou et lui répétais au moins une bonne cinquantaine de fois combien je l'aimais.
***
Au moment de partir, j'ai choisi avec soin deux livres dans la bibliothèque et me suis dirigée vers la porte.
- Tu veux t'entraîner pendant la semaine ? a demandé Harry goguenard, m'emboîtant le pas
- C'est pas pour moi. C'est pour Hermione !"
Il m'a regardé en haussant un sourcil.
"Tu sais comment elle est avec les livres" j'ai expliqué.
Il est resté rêveur un petit instant avant de répliquer :
"J'espère qu'ils arrivent à se trouver un peu de temps pour eux.
- T'en fais pas. Ils se débrouillent très bien."
Il m'a regardé d'un drôle d'air et a remarqué :
- Je me demande bien de quoi vous parlez quand vous êtes toutes les deux. Quoique, tout compte fait, je préfère pas savoir."
J'éclatais de rire, puis me rappelais ma dernière conversation avec l'intéressée.
"Au fait, je lui ai révélé où nous nous retrouvions. Elle avait l'air de penser qu'il était imprudent que personne ne le sache.
- Dumbledore doit le savoir, il a répondu calmement. Il sait toujours tout ce qui se passe dans cette école."
KOI ???
"Hein ! Tu veux dire qu'il sait... pour nous ?
- C'était un risque à courir, a commenté tranquillement Harry.
- Mais... il fait comment ?, j'ai demandé, encore sous le choc.
- Aucune idée ! Peut-être le réseau de tableaux ou une magie semblable à celle utilisée dans la carte des maraudeurs."
Nous arrivions à l'endroit où nous devions nous séparer. Il m'a embrassé sur le nez et est parti rejoindre Hermione.
Il en a de bonnes, lui ! Il a oublié qu'en théorie, on est passibles de renvoi si on se fait prendre ? Evidemment, quand on s'appelle Harry Potter, on est plus à une violation de règle près ! Mais que diraient mes parents si je me faisais renvoyer pour un motif semblable ?
Quoiqu'ils peuvent difficilement me renvoyer sans le renvoyer lui aussi. Et ça, ils ne peuvent pas se le permettre. Moi aussi je bénéficie d'un régime de faveur, en somme. C'est bien, d'avoir des relations !
N'empêche, que cela me gêne de penser que Dumbledore est au courant. Je vais plus pouvoir le regarder sans rougir, moi ! J'espère qu'il ne l'a pas dit à McGonagall ou pire, à Rogue... ARRGGGHHH !!!!
Penser à vérifier qu'il n'y a pas de tableaux dans la Salle sur Demande. On ne sait jamais avec les vieux !
Dimanche, 08 mars 1998 :
*****
Fleur avait accompagné Bill. Hermione n'a pas paru ravie dans un premier temps, mais les félicitations enthousiastes de Fleur pour ses quasi-fiançailles avec Ron et la bonne conduite de ce dernier ont fini par la dérider. En plus, ce que Bill et elle nous ont raconté sur leurs activités l'ont positivement passionnée.
Ils ont été chargés par le Ministère de convaincre les Gobelins de Gringotts de nous apporter leur aide financière, sous forme de don ou, du moins, des prêts consentis à un taux plus raisonnable que d'habitude. Ils essaient de faire valoir combien l'avènement de Voldemort serait préjudiciable pour les affaires. Ils ont parlé de confiance du marché, de courbe de croissance et pleins d'autres termes auxquels j'ai rien compris. Par contre Hermione, les a bombardés de questions.
Charlie a été moins prolixe. A mon avis, il fait de l'espionnage pour le compte de l'Ordre. J'espère qu'il est prudent. Mais je ne me fais pas trop d'illusions à ce sujet. Charlie a toujours aimé le danger.
Je leur ai demandé comment allaient les parents. Ils nous ont avoué que dans un premier temps, Maman avait été très abattue. Mais maintenant elle s'est investie dans ses fonctions pour l'Ordre avec un entrain un peu effrayant. Quant à Papa, il s'est borné à regretter la perte de sa collection de prises électriques. Bill pense qu'il ne réalise pas vraiment, vu le temps qu'il passe au Ministère. Il est actuellement chargé des relations avec le gouvernement moldu. Avec les actions des mangemorts, il y a beaucoup de travail : vérifier que les sorts d'Oubliette ont bien été jetés à tous les témoins, élaborer avec son homologue moldu des versions officielles convaincantes pour expliquer les désordres causés par les attentats.
Mes frères nous ont ensuite félicités pour la création du NAV. Ils ont prétendu que c'est grâce à l'éducation particulièrement soignée dont ils m'ont fait bénéficier que j'ai pu initier le mouvement.
On a vraiment passé un bon moment.
Mardi, 10 mars 1998 :
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Ce matin, en Herbologie, Kat a fait équipe avec Luna et le hasard a voulu que je me retrouve en binôme avec Michael Corner. Sur le coup, j'étais pas très contente, mais je me suis vite aperçue qu'il était encore plus mal à l'aise que moi. En y réfléchissant, je me suis dit que finalement, j'avais pas été très sympa avec lui ces derniers mois.
C'est sûr qu'il n'avait pas été cool quand j'avais chipé le vif d'or à Cho, mais qui est bon joueur quand il s'agit de Quidditch ! Par la suite, j'avais été un peu sèche, voire carrément peste, quand il avait essayé de se remettre avec moi. Qu'est ce que j'aurais ressenti si Harry m'avait dit ne serait-ce qu'un quart de ce que j'avais écrit à Michael cet été ? Dans le fond je méritais assez ses remarques perfides.
Je suis donc restée un peu en arrière à la fin du cours et l'ai retenu quand il a commencé à partir. Le pauvre, il était complètement paniqué, se demandant manifestement ce que j'avais en tête.
"Euh, Michael, j'ai commencé. Je trouve un peu dommage qu'on soit fâchés. Que dirais-tu de tout effacer et qu'on redevienne amis ? De simples amis", j'ai ajouté pour que les choses soient claires.
"Tu as quelque chose à me demander ?
- Non, pas particulièrement."
Voyant qu'il était encore méfiant, j'ai ajouté :
"Disons qu'avec ce qui se passe, chacun examine sa conscience. On s'est bien entendus à une époque, il n'y a aucune raison que nous ne réussissions pas à être de bons amis maintenant.
- Ta conscience te travaille, alors !"
J'ai failli l'envoyer balader, mais j'ai pensé à une certaine poudre verte et décidais de lui laisser une autre chance.
- Ecoute Michael. J'ai pas été sympa avec toi, ok. Mais à une ou deux reprises, t'as pas été très correct avec moi non plus. Je te propose qu'on oublie tout ça. Mais je n'ai pas l'intention de ramper devant toi."
Il a eu l'air un peu honteux.
- Hum, c'est d'accord, on oublie !
- Amis alors ?
- Amis !"
Je lui ai tendu la main et il l'a serrée.
"Oh qu'ils sont mignons !" a fait remarquer cet idiot de Goeffrey Hooper qui me collait toujours.
Michael et moi on s'est regardé... et on a éclaté de rire !
***
On a un peu discuté après le déjeuner. Je lui ai demandé s'il avait une petite amie. Il a répondu non, mais il avait quelqu'un en vue. Je lui ai demandé de ne pas me révéler qui c'était car je préférais deviner. Il a ri et m'a demandé où j'en étais de mon côté.
"Bof, j'ai répondu. J'ai pas trop la tête à ça en ce moment."
Du coup, la conversation a dérivé sur le NAV. Il a été déçu par l'attitude de ses parents qui lui ont écrit que notre mouvement ne servait à rien, et qu'il ferait mieux de se concentrer sur ses études.
"Et les tiens ?
- Je pense que notre famille n'a pas trop le choix en fait, j'ai fait évasivement remarquer.
- C'est vrai ! Je suis désolé pour ta maison.
- Nous allons tous bien, j'ai dit. Et nous sommes en colère !"
On s'est souri.
Je crois bien que si je n'étais pas avec Harry, il aurait peut-être eu une seconde chance !
Mercredi, 11 mars 1998 :
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Trois nouvelles attaques en première page du journal, ce matin, dont une qui a été repoussée. Après que nous ayons tous scandé notre cri de guerre, Harry a hurlé :
"Et n'oubliez jamais ! Ils peuvent échouer ! Nous n'abandonnerons pas !
- NON A VOLDEMORT !", on a tous répété.
Dimanche, 15 mars 1998 :
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Nous nous sommes retrouvés à notre habitude. Ces moments passés ensembles sont précieux, car ils nous permettent de décompresser. Pas seulement parce que nous faisons l'amour. Mais parce que nous nous laissons aller à plaisanter, chahuter, rires pour des bêtises.
J'aime le faire rire, lui faire oublier ses soucis, ses responsabilités. Je n'hésite pas à faire le pitre, me lancer dans des imitations de nos professeurs ou caricaturer les manies et tics de nos camarades. De son côté, il adore me chatouiller ou singer ceux qui se montrent bassement déférents avec lui. Ces plaisanteries innocentes tissent des liens entre nous et nous permettent de nous sentir de connivence au cours de la semaine, sans même avoir à nous regarder.
Cependant aujourd'hui, alors que nous étions en train de nous rhabiller, Harry a soudain lancé :
"Je t'ai vue parler avec Michael Corner l'autre jour !
- Oui, j'ai simplement répondu.
- Vous n'étiez pas fâchés ?
- On ne l'est plus."
Il avait pas l'air trop content.
"Ca te pose un problème ? j'ai fini par demander, préférant régler la question une bonne fois pour toute.
- Hum... Non... Enfin... vous aviez l'air de bien vous amuser ! il a fini par dire d'un ton accusateur.
- Harry ! A longueur de semaine, je vois toutes les femelles de cette école qui trouvent le moyen de venir te parler de trucs débiles, après avoir mis leur plus jolie robe et passé des heures aux lavabos à s'arranger. Est-ce que je t'ai fait, une seule fois, une seule petite réflexion à ce sujet ?
- Euh... Non... Mais...
- C'est parce que je te fais confiance. Je pensais qu'il en était de même pour toi.
- Bien sûr, mais...
- Alors mets-toi dans la tête que j'ai des amis de sexe masculin, que j'aime passer du temps avec eux, mais que je ne pense pas forcément à coucher avec, sous prétexte qu'ils me font rire !!!"
Le volume de ma voix s'était considérablement enflé à la fin de ma phrase. Harry parut prendre conscience qu'il avait peut-être dépassé les bornes.
"Je suis désolé Gin. Je... c'est juste que moi aussi j'aimerais pouvoir parler et rire avec toi pendant la semaine, sans craindre de te mettre en danger.
- Moi aussi je préférerais Harry. Mais c'est pas possible. Tu as tes responsabilités, moi j'ai mes amis."
Il jugea manifestement plus sage de laisser tomber.
"Excuse-moi !
- C'est pas grave, j'ai répondu en haussant les épaules. Autant que les choses soient claires !"
Il a laissé passer un petit moment. Nous étions sur le point de partir, quand il me demanda d'un ton fat :
"C'est vrai qu'elles s'arrangent pendant des heures avant de venir me parler ?"
Je lui jetais un coup d'oeil furibond, mais aperçus son sourire malicieux.
Je me précipitais alors sur lui et nous commençâmes une de ces batailles pour rire dont nous avions le secret. Finalement, nous tombâmes en travers du lit et il parvint à emprisonner mes mains. Il me souffla alors à l'oreille :
"Elles peuvent passer le temps qu'elles veulent devant leur glace. Quand je te vois, je me dis toujours que j'ai jamais vu une fille qui t'arrive à la cheville !
- Même Fleur ? j'ai demandé.
- Elle est très jolie. Mais je la trouve quand même un peu fade."
Et il m'embrassa, avec tendresse et passion à la fois, comme pour mieux me prouver sa sincérité.
Comment lui en vouloir après ça, hein ?
Mardi, 17 mars 1998 :
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Une attaque a eu lieu dans le Hall d'accueil de Ste Mangouste. Bilan : 23 morts.
Ils ne se sont même pas donnés la peine de mettre leur cagoule. C'est des membres du ministère, parfaitement connus pour leur combat acharné contre Voldemort, qui ont soudain tiré leur baguette et lancé des Avada Kadavera dans toutes les directions. Du coup, quand les Aurors sont arrivés, ils ne savaient pas qui ils devaient capturer et n'ont rien pu faire.
Des témoins ayant vu les vrais membres du ministère dans leur bureau à l'heure du drame, on a écarté l'hypothèse de l'Impérium. On hésite encore entre Polynectar et sort de Ressemblance.
Nous avons crié "NON A VOLDEMORT !", mais le coeur n'y était pas. Comment combattre quand, en pleine bataille, on ne peut distinguer ses ennemis de ses alliés ?
Jeudi, 19 mars 1998 :
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Ce midi, Harry et quelques préfets discutaient gravement à un bout de la table des Gryffondors à la fin du repas, quand Drago Malefoy s'est brusquement immiscé dans leur conversation.
"Alors Potter, toujours en train de sauver la terre entière ?
- Ca te pose un problème, Malefoy ?
- Je me disais juste que cela devait être fatigant à force. Tu ne refuses jamais du monde ?
- On ne fait pas de discrimination ici. Le NAV est ouvert à tous !
- C'est une invitation, Potter ?
- Pas spécialement. Je préférerais crever que d'appartenir à la même association que toi !
- T'en fait pas ! J'ai pas l'habitude d'adhérer aux fans clubs", il a répondu de sa voix traînante en tournant les talons
Tout à coup, j'additionnais enfin deux et deux, et compris ce que j'aurais dû comprendre depuis plusieurs semaines déjà. Mais c'était trop tard, Harry venait de faire une erreur magistrale.
"Bon sang, il en rate pas une, le Survivant !"
Au silence qui s'ensuivit et aux regards stupéfaits tournés dans ma direction, je compris que j'avais encore pensé tout haut.
Merde !!!
Harry me fixait, manifestement partagé entre l'agacement et la perplexité.
Zut de zut, hors de question d'avoir une explication dans la Grande Salle avec une vingtaine de personnes à portée de voix. Je haussais les épaules
"Tu ne peux pas comprendre, j'ai marmonné entre mes dents.
- Non mais t'es pas bien Ginny ! a protesté Ron
- Laisse tomber, a dit Harry, elle doit avoir ses trucs"
Mes "trucs" ! Abruti va ! Tu feras moins le malin quand j'aurais mes "trucs" dimanche prochain. Et puis celui d'après. Et tous les dimanches, tant que tu ne m'auras pas présenté tes excuses à genoux devant toute l'école. Mes "trucs" !!!
***
Alors que je me rendais à mon cours d'Arithmencie deux heures plus tard, une main surgit brusquement et me propulsa dans une classe vide. Je me retrouvais face à Harry, la mine était boudeuse. Il se contenta cependant d'un bref "Pourquoi ?"
Je lui racontais tout : le fait que Malefoy ne se baladait plus avec Crabbe et Goyle, la baisse de son agressivité à l'égard des Gryffondors, les conversations que j'avais eues avec lui en haut de la tour d'astronomie et pendant notre retenue commune (sans parler de l'agression, bien sûr), ce que m'avait confié Nico, les éléments que Malefoy avait laissé échapper deux heures auparavant.
"La seule explication valable, c'est qu'il ne veut pas vraiment être mangemort, j'ai conclu. Peut-être qu'il ne croit pas à la victoire de Voldemort ou qu'il ne veut pas plier l'échine devant lui. Quoi qu'il en soit, il était en train de tâter le terrain pour voir s'il pouvait passer de notre côté. Et toi, tu viens de lui notifier une fin de non-recevoir."
Il resta un long moment silencieux.
- Allons voir Dumbledore ! dit-il simplement, me prenant par la main et m'entraînant dans les couloirs désormais déserts.
J'avoue que je n'étais pas très enthousiaste. La seule fois où je m'étais rendue dans le bureau du Directeur n'évoquais pas pour moi de très bon souvenir. Mais ce n'était pas le moment de le rappeler à Harry.
"Frites aux amandes" dit-il aux deux gargouilles et nous nous laissâmes en silence emmener par l'escalier magique.
C'est sans surprise visible que Dumbledore nous accueillit à notre arrivée dans son bureau.
- Que puis-je pour vous mes enfants ? demanda-t-il avec bienveillance, nous désignant deux sièges
- Ginny a mis le doigt sur un élément très intéressant, a simplement dit Harry, en se tournant vers moi pour me céder la parole.
C'est timidement que je recommençais mon exposé, mais au fur et à mesure que j'avançais, encouragée par l'attention soutenue de notre directeur, je pris de l'assurance et j'étais presque à l'aise quand ce fut fini. Je m'étais cependant bien gardée d'exposer mes conclusions.
Il resta pensif un petit moment avant de se diriger vers la cheminée. Il échangea quelques paroles avec un mystérieux interlocuteur avant de se rasseoir et de nous offrir des rafraîchissements. Je faillis m'étrangler avec ma limonade quand le professeur Rogue pénétra dans le bureau. Je jetais un regard paniqué à Harry, qui n'avait pas l'air ravi.
"Que puis-je pour vous Albus ? grogna le grossier personnage, visiblement pas davantage satisfait de se trouver dans la même pièce que nous.
- Mademoiselle Weasley vient de soulever un point intéressant concernant un élève de votre maison", répondit Dumbledore avant de se tourner vers moi.
Je restais muette. Comprenant que je n'avais pas l'intention de répéter mon laïus, notre directeur entrepris d'en faire un résumé au bénéfice de son collègue.
"Qu'en pensez-vous Severus", conclut Dumbledore
- Qu'il me parait prématuré de tirer des conclusions définitives à partir d'hypothèses hasardeuses émanant d'une jeune donzelle émotive !"
Crétin graisseux va !
J'eus juste le temps de poser ma main sur le poignet d'Harry qui, le regard furieux, semblait prêt à se jeter à la gorge de mon détracteur.
"De votre côté, n'avez vous pas remarqué de changement de comportement chez le jeune Malefoy ? insista Dumbledore d'un ton patient.
- C'est possible, finit par répondre à regret le vieux corbeau. Mais en ce moment, toute ma maison est... dans une position délicate. Les comportements de chacun s'en ressentent."
- Si nos soupçons se confirment, cela peut déboucher sur des perspectives intéressantes, continua notre doyen.
"C'est hors de question ! s'écria Rogue en sautant sur ses pieds. Jamais je ne le ferai passer par où..."
Il s'interrompit brusquement, foudroyant Harry, comme s'il était à l'origine de sa colère. Sans se laisser démonter Harry lui retourna un regard glacial.
"Nous vous remercions les enfants", s'interposa le directeur, préférant manifestement mettre fin à ce combat silencieux. Nous nous levâmes, comprenant que l'entrevue était terminée en ce qui nous concernait.
" Merci de nous avoir écoutés, Professeur" dit poliment Harry, s'adressant à Dumbledore comme si Rogue n'était pas là. Il me prit par le bras et me guida hors du bureau.
"Inutile d'y retourner tout de suite. Le prochain cours commence dans moins de vingt minutes", déclara Harry avec un petit sourire, cherchant un recoin discret dans le couloir que nous longions. Nous nous contentâmes d'un placard à balais. Harry me serra contre lui et me dit que j'étais géniale qu'il était très fier de moi et qu'il ne savait pas ce qu'il deviendrait sans moi.
"Hum, les femmes qui ont leurs "trucs" ont parfois de bonnes idées" j'ai répondu d'un ton pincé.
Comprenant qu'il ne s'en tirerait pas avec de vagues excuses, il se mit à genoux, faisant tomber un seau et manquant de peu de recevoir une serpillière sur la tête. Il implora ma grâce de façon si abjecte, outrée et imagée que, morte de rire, je finis par lui empoigner les cheveux pour le remettre debout et nous passâmes les dix minutes suivantes à nous embrasser sauvagement.
Dimanche, 22 mars 1998 :
*****
Après nos occupations habituelles, je décidais d'avoir une conversation sérieuse avec le chef du NAV. Je me rhabillais donc un peu plus tôt que d'habitude, sous l'oeil un peu déçu de mon fougueux amant.
"Allez ! Harry, je voudrais discuter un peu !
- T'es pas obligée de te rhabiller !
- Si ! Je veux ton attention pleine et entière !
- Tu as toujours mon attention pleine et entière quand tu es nue, il a protesté avec un regard lubrique.
- C'est pas de celle là dont je parle. Allez remet tes habits ! Je veux me concentrer."
Il a finit par obtempérer.
"Que puis-je pour toi ma belle ?
- Je voudrais qu'on discute de ce qu'on va faire pour les Serpentards"
Il a immédiatement perdu sa bonne humeur.
"On a fait ce que nous devions faire, il a répondu d'un ton un peu agacé. On est allés voir Dumbledore, tu te souviens ?
- On a posé le problème au directeur de Poudlard, j'ai dit. Ce dont je veux parler c'est ce que va faire le NAV.
- On a déjà dit que le NAV était ouvert à tous !
- Mais dans les faits, c'est pas vrai, tu le sais bien. Nous regardons tous les Serpentards avec suspicion. Et puis, de toute façon, c'est pas de ça dont je veux parler. Le problème crucial c'est que ceux qui veulent nous rejoindre ne le peuvent pas de peur de représailles. Tu n'as pas compris ce que Drago te demandait ? Il voulait savoir de quelle façon tu comptais assurer la protection de ceux qui se déclarent de ton côté ! A mon avis, il a le choix entre devenir Mangemort ou se faire massacrer par Nott et Zerbini, sans compter son père maintenant qu'il a été libéré. Sa vie est peut-être en danger. Tu DOIS faire quelque chose.
- J'ai assez d'ennuis comme cela pour ne pas m'encombrer en plus des problèmes de Malefoy. Il est tout à fait capable de se débrouiller tout seul ! Il nous l'a répété bien assez souvent ! Et tu ferais mieux de t'occuper de MES problèmes plutôt que de ceux de cette sale fouine. Moi aussi je risque ma peau dans cette histoire, je te signale ! Et la Terre ne se portera pas plus mal d'avoir un Malefoy de moins à sa surface !
- Tu te rends compte à quel point ce que tu dis est ignoble ?
- Tu te rends compte à quel point tu te trompes de priorité ? Et puis j'en ai assez ! Je ne suis pas venu ici pour parler de ton cher Malefoy."
Il a empoigné sa cape et est parti, sans plus se préoccuper de moi.
Ca veut dire quoi sa dernière remarque ? Il est juste venu tirer son coup ?
Mardi, 24 mars 1998 :
*****
JE LE HAIS CE DEBILE EGOCENTRIQUE ET DESPOTIQUE !!!!!
Ce soir on avait une réunion de maison.
On a pas mal discuté des difficultés posées par l'utilisation des sorts de Ressemblance et de l'Impérieum. Lors de la première guerre, très peu d'actions communes avaient été entreprises car les gens n'osaient même plus faire confiance à leur famille ou à leurs amis.
"Nous avons aussi le problème inverse, j'ai fait remarquer. Je suis sure qu'un bon nombre de Serpentard n'ont pas envie de ramper devant Voldemort et voudraient s'allier avec nous. Malheureusement, ceux qui sont fidèles à leur fameux Seigneur des Ténèbres font régner la terreur dans leur salle commune. Il faudrait trouver le moyen de contacter discrètement nos sympathisants pour ne pas les mettre en danger. Ils méritent notre soutien et je suis sûre que nous avons beaucoup à apprendre d'eux.
- Mais comment faire ? Comment leur parler s'ils doivent se cacher de leurs propres camarades ? a objecté une seconde année.
- On pourrait décider d'un endroit anodin, où les Serpentards intéressés pourraient venir parler de leurs problèmes ou nous demander de l'aide, sans que cela soit trop visible, proposais-je, ignorant le regard ombrageux d'Harry. L'infirmerie ou le bureau d'un professeur.
- Pourquoi pas..."a commencé un 4ème année.
Mais Harry l'a complètement ignoré et, le visage furieux, a craché dans ma direction :
"Si tu les aimes tant que cela les Serpentards, jette-toi au cou de Malefoy, il appréciera le cadeau de bienvenue !"
Il me traitait de pute ce connard !!!
La gifle que je lui envoyais retentit dans le silence choqué de la salle commune.
"Dis donc Potter ! Le fait d'être balafré ne te permet pas d'être grossier !" je lui ai jeté avant de me diriger vers l'escalier menant à mon dortoir, d'un pas que j'espérais digne. Dommage que j'ai trébuché sur la dernière marche.
En tout cas, la porte de ma chambre claqua de façon satisfaisante.
Kat arriva à peine une minute plus tard.
"Ca va ? demanda-t-elle.
- Très bien ! Monsieur-tête-enflée a déjà fini de recevoir les hommages de la foule des fidèles ?
- Vu la tête qu'il fait, personne ne s'est risqué à reprendre la séance. Je n'ai jamais vu la salle commune se vider si vite."
Comme pour illustrer ses paroles, Sophia et Arthémis ont fait leur entrée.
"Pas de pot, a dit Sophia d'une voix faussement compatissante, tes chances me semblent bien compromises maintenant
- Profites-en, j'ai répliqué. Les débiles s'assemblent et se ressemblent". Et j'ai tiré d'un geste rageur les rideaux de mon lit.
Connasse, va !!
Mercredi, 25 mars 1998 :
*****
Il ne se donne même pas la peine de m'éviter. Se contente de me fusiller du regard quand nous nous croisons. Je le lui rends bien.
L'atmosphère est devenue lourde à Gryffondor. Non seulement plus personne ne recherche ma compagnie à part Kat, mais Son Altesse, qui n'est pas à prendre avec des pincettes, a également fait le vide autour de lui.
Même Hermione et Ron lui battent froid.
Jeudi, 26 mars 1998 :
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J'espère que Ron va convoquer le Conseil des frères Weasley.
Et qu'ils prendront la décision de le châtrer.
Vendredi, 27 mars 1998 :
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Ai un peu parlé avec Michael avant le dîner. Du coup, on est entré en même temps dans la Grande Salle. Harry fait semblant de rien remarquer mais à la façon dont il a systématiquement massacré tout ce qui était dans son assiette, j'ai bien vu qu'il était particulièrement en rogne.
Bien fait ! Qu'est ce que tu crois, crétin ! Des garçons y'en a à la pelle à Poudlard ! Je n'ai qu'à me baisser pour les ramasser !
Dimanche, 29 mars 1998 :
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J'ai hésité à me rendre dans la Salle sur Demande aujourd'hui. Je n'avais pas envie de faire comme si de rien n'était, mais je ne voulais pas non plus me disputer de nouveau avec Harry. Du coup, j'étais encore dans la salle commune, quand il partit, comme à regret, entraîné par une Hermione inflexible. Je finis par me décider et me levais à mon tour. Il m'accueillit devant la porte sans sourire, et une fois le seuil franchi, m'entraîna vers le lit toujours muet.
Il ne fut pas brutal, mais pas particulièrement prévenant non plus. Quand ce fut fini, il bascula sur le dos et fixa silencieusement le dais du lit. Je me levais et lui lançais "J'espère que tu te sens mieux" d'une voix méprisante avant de me diriger vers la salle de bains. J'étais sous la douche quand il me rejoignit.
"Je suis désolé", dit-il d'une voix contrite.
Je ne répondis rien, me contentant de me savonner rageusement, comme si je voulais ôter de mon corps tout souvenir du sien.
Il comprit parfaitement le message, et s'affala doucement sur le sol, comme si ses jambes ne le soutenaient plus. Je jetais un coup d'oeil dans sa direction. Il était aussi blanc que le carrelage. Mais cela ne suffit pas à me calmer.
"Je suis désolé répéta-t-il. Je suis sous pression en ce moment et...
- Tu es sous pression ! l'interrompis-je. Et tu crois être le seul ? Le seul à te sentir impuissant ? Le seul à avoir peur ? Moi aussi j'ai peur ! J'ai peur tout le temps ! J'ai peur pour Papa et Percy qui travaillent au Ministère, j'ai peur pour Maman, Bill, Charlie et les jumeaux qui sont dans l'Ordre, j'ai peur pour Ron qui est prêt à mourir pour toi. Et j'ai peur pour mes amis qui risquent à tout moment de perdre leur famille !"
Ses mains maintenant se crispaient convulsivement.
Mais je continuais :
"Je n'aime pas particulièrement Malefoy, mais je dois reconnaître qu'il a été très courageux. Ce n'est pas facile de résister ainsi à la pression non seulement de sa maison mais aussi de sa famille. Sans compter que l'alternative est de rejoindre un mouvement à la tête duquel se pavane une personne qu'il déteste...
- Je ne...
- Je ne parle pas de ce que tu fais, mais de comment il te voit. Tu imagines ce que tu ressentirais si ta conscience te poussait à rejoindre SON mouvement ?"
Il ne répondit pas, et garda les yeux baissés, comme absorbé par le reflet des carreaux de porcelaine sur lequel il était assis.
Je coupais l'eau, sortis de la douche, m'enveloppais dans un peignoir et retournais dans la chambre. Je m'assis dans un fauteuil et m'abîmais dans la contemplation du feu. J'entendis l'eau couler un long moment, puis il me rejoint. Il s'assit à mes pieds et posa sa tête sur mes genoux.
"Je suis désolé, répéta-t-il pour la troisième fois. Tout ce que je sais faire, c'est blesser ceux que j'aime.
- Tu ne t'en tires pas si mal, répondis-je doucement. C'est juste que parfois tu fais des bêtises et que tu refuses d'écouter tes amis quand ils te le signalent. On ne te demande pas d'être infaillible, mais d'être ouvert à la critique et de te remettre en question de temps en temps. Nous sommes tous conscients que ce que tu vis est très dur et demande beaucoup de courage. Mais tu n'es pas le seul à porter un lourd fardeau et il existe toutes sortes de courage.
- Neville, souffla-t-il
- Pardon ?
- Neville. On me plaint parce que j'ai perdu mes parents, mais c'est pire pour lui. De ne pas être reconnu pas eux je veux dire. Et il a énormément de qualités, sous sa maladresse et son manque de confiance. Je sais que je peux compter sur lui."
Je fus agréablement surprise par cette analyse. Harry faisait des erreurs mais au moins, il apprenait.
"Oui, Neville", répondis-je simplement.
Je baissais les yeux sur lui et le vis si vulnérable et si repentant que mon coeur se serra et ce fut moi, cette fois, qui l'entraînais vers le lit. Je dois reconnaître qu'il fit tout son possible pour faire oublier sa goujaterie passée. Nous ne nous plongeâmes pas dans la bibliothèque ce jour là, préférant rester blottis l'un contre l'autre, nous murmurant des mots doux, faisant provision de tendresse pour une semaine qui s'annonçait difficile.
***
J'en reviens toujours pas.
Alors que la salle commune était bondée, Harry l'a traversée et est venu se planter devant moi. D'une voix distincte, s'imposant au-dessus de toutes les conversations, il m'a dit :
"Ginny, je viens m'excuser pour l'autre soir. Ma réflexion était absolument déplacée et parfaitement inacceptable.
- Euuuh, j'ai brillamment répondu.
- En plus, sur le fond tu as tout à fait raison. Nous ne pouvons rejeter en bloc le quart de l'école. Notre mouvement doit soutenir tous ceux qui souhaitent nous rejoindre, indépendamment de leur maison ou des opinions proférées par leur famille. C'est en tout cas la motion que je présenterai demain à la réunion du NAV.
- C'est bien" j'ai dit, un peu dépassée par les événements, et intimidée d'être le point de mire de tous les Gryffondors.
Il m'a adressé un petit signe de tête et est reparti s'asseoir auprès d'un Ron satisfait et d'une Hermione approbatrice.
Je suis toute attendrie. Même si je suis pratiquement sûre que c'est Hermione qui lui a suggéré une telle démarche.
Viens de croiser le regard dégoûté de Sophia. La vie est belle !!!!
Lundi, 30 mars 1998 :
*****
J'ai remercié Hermione d'avoir intercédé auprès d'Harry pour qu'il me fasse des excuses publiques. Elle a rougi, manifestement très embarrassée :
"Hem... tu sais... je pensais surtout à son image en tant que chef du NAV.
- Son image ?
- Oui, tu sais, nous sommes censés incarner la liberté et la démocratie s'opposant au despotisme. Si notre meneur se met à injurier les personnes qui font des propositions n'ayant pas l'heur de lui plaire, on a un gros problème."
Mon pauvre chéri avait vraiment tout faux sur ce coup là !
"Mais je n'ai aucun mal à le persuader l'autre soir, a ajouté très vite Hermione.
- Je sais, je l'ai tranquillisée. Il regrettait vraiment.
- Quelle tête de mule, parfois, a soupiré Hermione.
- Il s'est beaucoup amélioré quand même !"
Hermione sourit.
"T'es vraiment folle de lui, hein !
- Plus que jamais ! Je ne pensais pas que c'était possible, mais je l'aime de plus en plus.
- Oui, il est très attachant quand on le connaît bien !"
On s'est regardées, complices.
-"Et Ron, il est gentil avec toi ?
- Oui, il est vraiment mignon, quand on est que tous les deux. Il fait vraiment des efforts pour me plaire. Il est... touchant."
Je méditais un instant sur cette facette inconnue de mon frère. Harry aussi donnait une image très différente de ce qu'il était réellement. Seuls ses véritables amis savaient à quel point il était affectueux et maladroit dans le domaine des sentiments. Et combien il était terrorisé par la tâche qui l'attendait et effrayé à l'idée d'échouer.
Oh mon amour, comme je voudrais pouvoir t'aider davantage.
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