Les semaines suivantes, Fred s'acharna à faire de sa vie un enfer.
Lucy, qui avait toujours apprécié la sérénité de son quotidien, avait à présent l'impression de vivre dans des montagnes russes en permanence.
Dès qu'elle pensait pouvoir avoir un instant de répit, le Gryffondor venait mettre son grain de sel.
Elle avait mis une semaine avant de se débarrasser de cette immonde teinture violette, à raison de cinq shampoings magiques par jour.
Deux jours avant que madame Pomfresh ne trouve la potion permettant de faire disparaître cette odeur de putois qu'elle dégageait depuis qu'elle avait bu le jus de citrouille que lui avait innocemment tendu George Weasley - évidemment, son ennemi juré avait un complice en la personne de sa moitié maléfique.
Quatre lessives afin de retirer la moindre trace de poil à gratter de tous ses vêtements.
Un duel puis une nuit à l'infirmerie, après avoir tenté d'échapper à Goyle, qui avait bu un philtre d'amour et n'avait qu'un seul objectif : l'embrasser.
Elle ne rêvait plus que d'une chose : la tête de Fred Weasley sur un plateau d'argent.
Alors qu'elle pestait contre le jeune homme, Luna passa près d'elle et lui sourit, tandis que sa meilleure amie, Anna, lui démêlait les cheveux après un énième coup fourré.
« L'ignorance n'est pas le remède pour lui. Il faut qu'il comprenne qu'il a un adversaire à sa hauteur. » Souffla avec malice la blonde rêveuse
« Ha ! » Approuva Anna en brandissant son peigne « Mais pas un adversaire, il faut qu'il comprenne qu'il a trouvé son maître ! »
Le rire de Luna tinta comme une clochette, et elle ajouta :
« Au fait, il y a un sortilège pour tes cheveux, je pense que ça ira plus vite que la manière moldue. »
« Merci Luna. » Lui répondit Lucy, en souriant
Luna était plus jeune qu'elle de deux ans mais elle l'appréciait énormément. Et ses recherches sur les Ronflak Cornus la faisaient rire d'autant plus qu'elle pouvait voir que cela exaspérait l'élève la plus brillante de Poudlard, Hermione Granger.
Dans la glace, ses yeux sombres croisèrent ceux, clairs, d'Anna. En un regard, elles se comprirent.
« Allez, ne me dis pas que tu n'en as pas assez ? Tu es préfète ! Combien de fois tu as dû leur dire d'arrêter ? Les menacer avec des retenues ? »
Hermione Granger regardait Lucy s'époumoner, près du lac, avec un mélange d'irritation et de compassion. Elle adorait les jumeaux, elle avait passé des vacances avec eux, connaissait leurs personnalités hors du commun, mais reconnaissait qu'ils ne se mettaient pas certaines limites nécessaires. Et, pour en avoir parlé avec Harry et Ron, elle trouvait le comportement de Fred étrange. Ce n'était pas son genre de s'acharner sur une personne en particulier. Surtout pas une fille. Membre de l'Ordre, qui plus est. Et Lucy n'était même pas à Serpentard. Non, vraiment, Hermione n'arrivait pas à comprendre l'attitude de Fred et désapprouvait complètement les récents méfaits du jeune homme. Pour cette raison, elle hocha la tête.
« Très bien, Lucy. Je veux bien t'aider. »
Pendant une fraction de seconde, la préfète de Gryffondor eut peur que la septième année de Serdaigle ne lui saute au cou mais elle parut se retenir au dernier moment.
« Merlin, merci ! Merci, Granger. Je te dois une fière chandelle. »
« Ce n'est pas encore fait, ne me remercie pas tout de suite. »
« Même, tu n'étais pas obligée d'accepter. Après tout, tu sors avec son petit frère... »
Une quinte de toux interminable suivit cette déclaration, et ce fut une Hermione Granger au visage cramoisi qui s'offusqua :
« Pardon ? Ronald et moi ne sommes absolument pas ensemble ! »
« Oh ? On croyait pourtant... » Répondit Lucy en fronçant les sourcils
« « On » ? Qui ça, « on » ? »
« Je suis désolée, Granger, les jumeaux ont légèrement laissé entendre à tout Poudlard que c'était le cas. Disons que... ils ont raconté un peu partout qu'après ton... euh... histoire avec Krum, Ron s'était enfin déclaré et que, depuis, vous étiez en couple. »
À ce stade, les yeux de la préfète lançaient des éclairs.
« Merci de me l'avoir dit, Lucy. Et ne t'inquiète pas pour Fred, j'en fais mon affaire. »
Après cette discussion fort instructive, Lucy partit retrouver Anna, qui révisait un peu plus loin, sous un chêne au bord du lac.
« Alors ? » Fut la première question d'Anna
Lucy, pour toute réponse, lui topa dans la main.
« C'est génial ! » S'exclama son amie « Je savais que tu arriverais à la convaincre, elle est exaspérée à chaque fois qu'ils prennent les 1ères années pour leurs cobayes ! »
« Pas de doute, elle est aussi déterminée que moi, j'ai hâte. » Renchérit Lucy, en se frottant les mains
Le lendemain matin, alors que Lucy, Anna, et Robert, le meilleur ami des deux Serdaigle, prenaient leur petit-déjeuner, des cris se firent entendre et s'amplifièrent petit à petit pour résonner dans toute la grande salle.
Lucy faillit recracher ses corn flakes en se rendant compte de qui était le destinataire de cette beuglante.
La source de ses problèmes, la raison de son urticaire, l'origine de ses cernes violettes : Fred Weasley.
Elle ne pensait pas que Granger agirait aussi vite, mais il fallait lui reconnaître du cran. Prendre le risque de se mettre les jumeaux à dos en mettant au courant leur mère, c'était un pari risqué. À Poudlard, la réputation de Molly Weasley n'était plus à faire depuis la beuglante qu'avait reçu Ron, le dernier garçon de la fratrie, après sa folle expédition en voiture volante avec Harry Potter. Tout le monde s'était rendu compte qu'il y avait bien une personne que les farouches rouquins craignaient : leur mère. Une seule avait eu l'audace de s'y frotter : Granger.
« COMPLETEMENT IRRESPONSABLE » « ABSOLUMENT SCANDALEUX » « ...ECRIRAS UNE LETTRE D'EXCUSES » « HARCELEMENT »
Lucy pouffa de rire sans pouvoir se retenir. Elle jubilait ! Enfin, son ennemi juré recevait un châtiment justement mérité ! Il était tellement habitué à être traité, avec son frère, en demi-dieu par les autres élèves qu'il fallait le faire atterrir de temps à autre et dégonfler son énorme boulard, sans quoi il ne pourrait bientôt plus passer les portes.
« UN COMPORTEMENT INTOLERABLE » « ... VAIS TE RAMENER A LA MAISON A COUPS DE PIED DANS LE DERRIERE, TOUT MAJEUR QUE TU ES ! »
« Ça, c'est un beau retour de bâton. » Approuva Robert en lui faisant un clin d'œil
Elle retint le sourire satisfait qui lui montait aux lèvres et se racla la gorge d'un air distant.
« Je ne vois pas de quoi tu parles, je n'ai rien à voir là-dedans. » Se dédouana-t-elle
« Oh, je t'en prie, Lucy. Je t'ai vue comploter avec Granger, hier. »
« Qu'est-ce que tu vas chercher là ? Elle me demandait mon avis pour... les BUSE. »
Robert, tout comme Anna, ne sut cacher son étonnement.
« À toi ? »
Bon, d'accord, elle n'était pas brillante comme Percy Weasley, dont la réputation était faite, ni comme Hermione Granger. Mais enfin, ses meilleurs amis pouvaient au moins faire semblant de la trouver crédible, non ?
« Ne sois pas vexée, Lucy, mais Robert est déjà au courant. » La prévint Anna
« Et je m'en délecte ! » Renchérit Robert « Cela dit, j'aurais presque de la peine. Tout ce qu'il est en train de se prendre en pleine poire, et devant tout le monde... »
La brune soupira et se passa la main dans les cheveux d'un geste agacé.
« Je m'en fiche, ce n'est pas moi qui ai contacté sa mère. Je n'ai rien à me reprocher. »
Anna lui fit les gros yeux, comme si elle voulait la faire taire. Ce qui énerva un tantinet la jeune sorcière.
« Et puis qu'est-ce qu'on en a à faire, de ce qui peut lui arriver à cet abruti congénital ? À cause de lui, ça fait des semaines que je vis un calvaire ! Mes vêtements sont quasiment tous fichus, je vais devoir aller voir un coiffeur magique, mes cheveux sont dans un état lamentable après cette couleur affreuse, j'ai failli me faire aplatir par Goyle, qui, je vous le répète, a manqué de m'EMBRASSER. Vous ne vous rendez pas compte du traumatisme. Donc cette beuglante, à côté, c'est du pipi de chouette. Il peut se la foutre au... »
« Au quoi, Robinson ? »
Elle ferma les yeux, priant Merlin que Fred Weasley n'ait pas assisté à l'intégralité de son speech qui l'accusait entièrement.
Comme si elle essayait de nier la réalité, elle concentra son regard sur ses amis, qui, eux, observaient la scène comme s'il ne leur manquait plus que du thé et des petits gâteaux.
« Robinson ? »