Couloirs de Poudlard, 21 Juin 1939
Les heures, les jours et les mois s'étaient écoulés aussi vite que les amateurs de Quidditch auraient pu dire « Vif d'Or ». Le froid et la pluie avaient laissé place au printemps et à des moments de douceur, et les élèves de Poudlard en profitaient intensément en choisissant de réviser à l'extérieur du château. C'est de cette façon que Tom et Lianna avaient régulièrement étudié depuis le début des examens, tranquillement assis dans l'herbe fraîche auprès d'un séquoia placé en face du lac.
Leurs épreuves s'étaient jusqu'à présent bien déroulées. Du moins, ils en avaient eu l'intense sensation. Dans peu de temps, ils passeraient leur dernier examen : celui de métamorphose. Ce dernier était composé d'une partie écrite et d'une autre centrée sur la pratique qui angoissait plus particulièrement Lianna. Pas pour la difficulté du cours, non, mais bien à cause d'Albus Dumbledore qui leur jetait constamment des regards bien étranges depuis qu'ils eurent mis les pieds au sein de l'école de Magie. Comme s'il se devait de les garder à l'œil quoi qu'il lui en coutât.
- J'ai peur du sujet de transformation qu'il va nous proposer pour la pratique, avoua Lianna quelques heures avant l'examen, entourée de multiples grimoires et parchemins. Et de ne pas être assez concentrée pour réaliser convenablement la demande du professeur Dumbledore.
- Tu es toujours impressionnée par lui à cause de ce qu'il a fait de mon armoire à l'orphelinat en faisant semblant de la brûler en juillet dernier, répondit Tom d'un air nonchalant, tu vas facilement y arriver, tu ne peux que réussir et... je suis certain que Martins va encore te jalouser.
- Justement il a de puissants pouvoirs, continua Lianna, l'air dépité, on ne peut pas se permettre de faire une métamorphose de mauvaise qualité. Et je me fiche de Martins, ce qui compte c'est d'avoir réussi tous nos examens pour passer en deuxième année.
- Tu veux faire bonne impression n'est-ce pas ? continua le petit garçon. Toi aussi tu as l'impression qu'il... qu'il trouve que nos pouvoirs sont plus développés que la normale ?
- Il y a qu'à voir comment il nous regarde parfois. Et puis, pourquoi il tiendrait à tenir de courtes conversations avec nous juste après les cours de temps à autre juste pour voir si on va bien, hein ?
- Hum, tu as surement raison Li', termina le jeune Serpentard, pensif. Mais, de toute façon, maintenant tout ira super bien ! s'écria-t-il en embrassant amicalement Lianna sur la joue avec gaieté, parce qu'on s'en fout, on va aller vivre deux mois chez Liliane ! T'imagine, deux mois cet été ! s'amusa-t-il en jetant en l'air sa plume et son encrier, excité comme une puce. Donc le professeur Dumbledore peut penser ce qu'il veut de nous ! Maintenant au boulot, on doit terminer notre relecture ! Bien, il se racla la gorge d'un air solennel en fouillant dans ses bouquins, dis-moi, petite question pour la théorie : Lianna, quelles sont les propriétés principales des sortilèges de transferts ?
Tom lança alors un sourire éblouissant qu'il abordait de plus en plus régulièrement depuis quelques mois sous le petit rire de Lianna qui comprenait facilement son excitation. Et pour cause, ils étaient sur le point d'être adoptés. Eux. La simple pensée suffisait amplement à leur procurer une bouffée de joie. Il ne restait plus qu'à passer les nouvelles visites imposées par les services sociaux sorciers infiltrés chez les moldus afin qu'ils puissent s'occuper des nombreux papiers à compléter dans les deux mondes. Ceci ayant pour but de régulariser la situation. Normalement, une dernière évaluation s'en suivrait fin août et ensuite... eh bien, ils seraient certains de ne plus avoir à mettre les pieds à l'orphelinat. Leur Maman serait Liliane. Ils n'avaient pas encore osé tester ce mot sur elle, mais ils songeaient sérieusement à l'essayer cet été. Est-ce que cela lui ferait plaisir ? Ils ne le savaient pas.
Ils ne voulaient pas exagérer avec sa bonté et détruire ce qu'ils avaient réussi à acquérir ces dernières années. Ils ne doutaient pas que le bonheur était au bout du tunnel, les deux premières évaluations - celles de Noël et de Pâques - s'étaient bien déroulées. Ils avaient amadoué ces gens en lisant dans leurs pensées afin de répondre exactement à ce que ces derniers voulaient entendre tout en défendant vigoureusement leur tutrice quand ces derniers notaient quelque chose qui aurait pu lui porter préjudice. Comme le fait que cette dernière était assez pauvre ou encore le fait qu'elle soit en chaise roulante. Ils avaient en effet pu le constater en infiltrant leurs songes. Ils s'étaient alors enquis de mettre en avant les nombreuses qualités de l'adulte qu'ils aimaient profondément pour ce qu'elle était : une femme pleine gentillesse et de bonté qui n'avait jamais été cruelle et malveillante avec eux. Ils avaient encore une fois passé un bon Noël malgré la maladie évidente et bien avancée qui épuisait William, le grand-père de cette dernière qui se battait chaque jour pour rester en vie depuis près de deux ans. Et encore une fois, ils avaient reçu des cadeaux. Ce n'était jamais des choses grandiloquentes, mais Liliane faisait de son mieux et selon ses moyens.
Après les vacances de Noël, le temps avait filé à une telle vitesse que la fin d'année avait pointé le bout de son nez sans qu'ils ne se rendent compte que cela faisait un an qu'ils avaient mis les pieds dans le monde des sorciers. Entre les cours et l'étude, leur petit jeu avec Martins et leurs recherches pour Liliane, ils avaient eu l'esprit occupé.
Désormais, ils venaient d'engloutir leur repas de Midi avec sérénité, prêts à conclure cette première année à Poudlard de la meilleure des manières. C'est-à-dire en prouvant encore une fois qu'ils étaient les meilleurs élèves de leur promotion. En quelques mois, Tom et Lianna avaient non seulement mis dans la poche les professeurs de Poudlard, mais ils avaient aussi réussi à prouver à de nombreux élèves qu'ils n'étaient pas que des présumés sang-de-bourbe et des orphelins. Certes, il y avait toujours des récalcitrants, mais ils n'hésitaient pas à se défendre avec ruse contre ces jeunes sorciers. Avançant tous deux tranquillement avec leurs affaires vers la classe du professeur Dumbledore, Tom donna un petit coup de coude à Lianna car il remarqua, alors qu'ils arrivaient devant la classe, Edwin Martins, seul et accoudé contre le mur, le nez plongé dans son livre de métamorphose.
- On angoisse Martins ? interrogea Tom d'une voix moqueuse.
D'un geste lent, ils virent le garçonnet lever les iris de son manuel d'un air agacé. Ils étaient un peu à l'avance, ce qui faisait qu'ils étaient seuls dans ce couloir en particulier, beaucoup devant encore dîner. Mais il était peu étonnant qu'ils trouvent leur rival ici, préférant étudier et relire devant la salle de classe à l'avance et dans le calme. Ils ne partageaient tous trois pas le haut de l'affiche pour rien. Sur ce point, ils étaient semblables et c'était bien là le seul point commun qu'ils partageaient : l'intelligence.
- Il pense encore pouvoir nous dépasser, nargua Lianna, si mes souvenirs sont bons, je l'ai surpassé à l'examen pratique de défense contre les forces du mal.
- Et moi en sortilège, fit Tom en rentrant dans le jeu de sa meilleure amie, du moins, il me semble vraiment avoir fait mieux que lui niveau pratique.
Edwin roula des yeux et Tom ricana dans sa barbe inexistante tandis que Lianna s'installait contre le mur à ses côtés avec un petit air supérieur. Leur rival les ignora durant un instant pendant lequel la petite fille ferma l'ouvrage du sang-pur sous le regard irrité de ce dernier.
- Où sont tes amis ? ricana la jeune Serpentard, tu n'en as pas marre de ce petit jeu ? Parce que nous ça ne fait que nous amuser, encore et encore. Tu détruis ta santé pour rien.
- Où sont les vôtres ? riposta Edwin. Enfin, si ce sont vraiment vos amis. Je dirais plutôt votre petit clan, parce que j'ai l'impression que vous profitez plutôt des opportunités qui se présentent à vous.
- Hum Martins, fit Tom en s'accoudant nonchalamment de l'autre côté du sang-pur après avoir déposé son sac de cours sur le sol, ce que tu racontes est ridicule. Tu devrais vraiment arrêter de relire, tu vas encore plus angoisser.
Il ricana.
- Ce serait dommage que tu aies des trous noirs à la partie écrite.
En soi, il avait raison. Ils avaient appris au cours de ces derniers mois à manipuler encore mieux qu'ils ne l'avaient fait ces deux dernières années à l'orphelinat. Tom et Lianna avaient rassemblé autour d'eux une grande partie des premières années voire même quelques élèves des années supérieures. Ce qui n'était pas des moindres. Ils savaient enfin ce qu'ils valaient par rapport aux autres, ce qu'il fallait faire pour que, plus tard, leurs noms soient marqués dans l'histoire des sorciers. Oui, ils seraient respectés quand ils seraient plus âgés. Les deux enfants s'en étaient fait la promesse. Ils ne resteraient pas que des moins que rien abandonnés et maltraités dans un orphelinat.
- Et vous, vous n'en n'avez pas marre de l'ennuyer ?
Haley Selwyn accompagnée d'Euphémia Macmillan et d'un petit attroupement d'élèves de toutes maisons confondues venaient d'arriver à l'intersection du couloir. Nonchalamment, Tom et Lianna tournèrent leur iris vers l'autre Serpentard. Haley, lassée, soupirait tristement devant cette scène. Cette dernière espérait tellement apaiser les tensions qu'elle n'avait pas encore compris que c'était une peine perdue. Non, ils continueraient à s'en délecter, ils s'étaient jurés de lui faire vivre un Enfer suite à l'humiliation qu'ils avaient subie dans le Poudlard Express et ils respecteraient ces paroles. Au même titre qu'Ariane et Eloïse, Edwin subirait plus particulièrement leur courroux. Quoi qu'il leur en coûte.
- Qui on dérange, Selwyn ? fit Tom avec un sourire narquois tout en faisant mine de presser amicalement le bras d'Edwin. Nous donnions juste quelques conseils avisés à notre camarade qui est stressé !
- Allez au diable !cracha Edwin en se détachant furieusement de Tom et alors que Black, Lestrange et Clanders arrivaient à leurs côtés. Vous êtes pitoyables.
- Oh oui, on est pitoyables, fit Lianna en s'approchant dangereusement de son oreille, on nous l'a assez répété par le passé. Tu as raison, et si tu savais tout ce que nous avons fait ces dernières années au sein de notre orphelinat, tu n'oserais plus nous provoquer.
Sous ces mots, elle se détacha du mur après l'avoir senti frissonner de peur. Un nouvel attroupement d'étudiants arrivaient et le professeur Dumbledore venait d'ouvrir la porte de la classe, les obligeant à refaire bonne figure. Et alors qu'ils apercevaient Eloise et Ariane au sein de l'amas d'étudiants qui les jaugeait avec un étrange rictus, Tom et Lianna rejoignirent leurs « amis » pendant que le directeur de la maison Gryffondor les incitait joyeusement à rentrer et s'installer dans la salle de classe.
Aucun des deux orphelins ne manquèrent le regard perçant que le mage blanc venait de leur lancer alors qu'ils pénétraient dignement dans la pièce.
Ils allaient réussir dans la vie.
Ils rendraient fière Liliane Evans, elle ne serait pas déçue de les avoir adoptés.
~*~
21 juin 1939, salle de métamorphoses
Dès que le professeur Dumbledore leur indiqua de commencer, tous les premières années qui passaient aujourd'hui leur examen théorique de métamorphose retournèrent leur sujet et se mirent au travail en silence. Contrairement à la majorité de ses petits camarades, c'est sans un froncement de sourcils qu'Edwin commença à rédiger des réponses claires et concises aux diverses demandes formulées sur le parchemin remis par leur professeur.
De l'autre côté de la rangée, il pouvait voir Euphemia se gratter le front avec perplexité à la vue de l'intitulé de la dixième question, et il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire satisfait. La prochaine fois, elle n'osera certainement pas se moquer de mes soi-disant trop nombreuses heures de révision ! pensa-t-il avec fierté tandis qu'il attaquait déjà la troisième feuille du dossier qui composait l'épreuve écrite.
Au rythme soutenu auquel il cavalait, il ne mit pas longtemps à terminer son examen, une bonne heure avant la fin du temps imparti et bien avant l'ensemble des autres élèves qui étaient toujours penchés sur leurs copies. Inoccupé tel qu'il l'était à présent, Edwin ne résista pas à l'envie de jeter un regard à Sauwer et Riddle qui, au dernier rang de la salle d'examen, planchaient toujours malgré les visages décontractés qu'ils arboraient tous et qui témoignaient de la facilité que représentait pour eux l'épreuve écrite de métamorphoses.
Voilà deux fois aujourd'hui que je trahis la promesse que j'ai faite à Anthony, songea-t-il en se remettant droit. Tout au long de l'année, son aîné n'avait eu de cesse de l'implorer d'arrêter son petit jeu avec les deux orphelins. « Ne t'énerve plus en leur présence, lui avait-il fait promettre lorsqu'ils étaient rentrés au manoir pour les vacances de Pâques. S'ils te provoquent, ne répond pas, ou alors intelligemment. Et, surtout, arrête de leur témoigner de l'intérêt. Ça ne servira qu'à te faire du mal. »
En comparaison aux nombreuses altercations qu'il avait eues avec ses deux camarades au cours du premier trimestre, son gain de maturité était évident. Il s'énervait bien moins facilement maintenant, choisissant plutôt une attitude calme et méprisante. Comme Père et Mère ont toujours voulu me voir faire. Mais, par moment, le self-control qu'il avait réussi à s'imposer volait tout simplement en éclat.
Aujourd'hui avait été un de ces jours. Le stress mêlé à l'angoisse de les voir s'approcher de lui pour l'enquiquiner avait suffi à le faire sortir de ses gonds dès que Riddle avait ouvert la bouche. Et c'était Haley qui lui avait porté le coup fatal en venant s'immiscer dans leur dispute tout ce qu'il y avait de plus courtoise. Pleines de bonnes intentions, elle ne l'avait pas moins fait passer pour une faiblard incapable de se défendre tout seul alors qu'il s'en sortait parfaitement bien sans elle.
Vexé rien qu'en y repensant, Edwin foudroya du regard le dos de son amie qui relisait avec soin ses réponses quelques rangées devant lui. Il savait qu'elle ne faisait cela que par soucis de son bien-être, mais il haïssait cette manie qu'elle avait de toujours s'incruster entre lui et les deux orphelins. Autant que cette manie qu'elle a de vouloir faire amie-amie avec Sauwer ! pensa-t-il avec amertume en repensant à toutes les fois où Haley avait été jusqu'à faire preuve de gentillesse envers l'autre fillette.
- Vous avez terminé, Mr Martins ? s'enquit la voix du professeur Dumbledore, le faisant sursauter tandis qu'il se laissait emporter par le flot de ses pensées.
- Euh ... oui, balbutia-t-il en tendant sa copie au sorcier qui lui adressa en retour un sourire éblouissant en lui indiquant qu'il pouvait quitter la salle d'examen.
Après avoir ramassé ses affaires, Edwin s'exécuta, sillonnant entre les pupitres des élèves pour rejoindre la porte d'entrée sous leurs regards surpris et envieux. Il lui sembla entendre Riddle et Sauwer l'imiter alors qu'il refermait soigneusement la porte, mais il avait déjà quitté le couloir avant d'avoir pu le confirmer.
Profitant des couloirs déserts, il erra longuement dans le château, revivant avec plaisir ou rancœur les souvenirs que chacun de ses recoins abritaient. Après quatre premiers mois difficiles, la pierre grise de Poudlard lui semblait bien plus chaleureuse que tous les papiers peints colorés qui tapissaient les murs du manoir Martins. Le contact humain lui était toujours un peu étrange, bien sûr, mais il n'était pas certain de pouvoir affirmer qu'il ne lui manquerait pas, une fois qu'il serait à nouveau plongé dans le silence étouffant de ce qu'il appelait « maison ».
Pour être tout à fait honnête, Edwin appréhendait ce retour. Lorsqu'Anthony était entré à Poudlard, voilà maintenant près de trois ans, il avait promis - et fait promettre - à Ariane et lui que l'éloignement ne changerait pas leur relation. Dans un premier temps, tous trois avaient respecté leur parole, mais, à présent, Edwin se rendait compte qu'ils ne partageaient plus grand-chose tous les trois. Certes, Ariane et lui se retrouvaient parfois pour travailler ensemble à la bibliothèque et Antony lui faisait de temps à autre découvrir tel ou tel passage secret, mais quelque chose dans leur façon de se comporter était en train de changer.
C'est parce qu'on grandit, le rassurait une voix intérieure dès qu'il formulait cette inquiétude. Mais Edwin savait qu'il ne pouvait entièrement la croire. Ils grandissaient, oui. Mais ils changeaient, surtout. Ils évoluaient. Différemment les uns des autres. Et rien n'indiquait qu'un été dans la quiétude inquiétante du manoir les rapprocherait outre mesure. À quoi serviraient leurs expéditions secrètes d'antan maintenant qu'ils ne ressentaient plus ce besoin de découverte ? À quoi rimeraient leurs longues discussions sur le sens de la vie dans le parc maintenant qu'ils avaient tous des amis à qui parler ?
Contrairement à son examen de métamorphoses, le garçon ne pouvait pas trouver de réponses à ces questions.
Et cela lui faisait peur.
~*~
21 juin 1939, salle de métamorphoses.
Après les deux heures de pause qu'ils avaient eues suite à l'examen théorique de métamorphoses, Tom et Lianna se rendirent à nouveau devant la salle de classe après avoir relu durant cette même pause la partie pratique de l'épreuve. Espérant tous que le sujet final choisi par le sous-directeur des Gryffondor serait abordable, chaque étudiant de première année avait commencé à rentrer un par un et par ordre alphabétique dans l'antre du professeur Dumbledore afin de passer cet ultime examen de l'année. Mais selon les étudiants qui sortaient et qui étaient assaillis par leur camarade avide de s'avoir ce qui allait en découler, il s'avérait qu'ils devaient transformer une souris en tabatière. Tom et Lianna s'étaient échangé un sourire entendu face à cet annonce, rassurés d'apprendre que le sujet de l'épreuve avait été assidument révisé.
Les couloirs se vidèrent petit à petit, et les derniers à passer sur le parchemin de leur enseignant s'affairèrent à faire des allers retours angoissant dans le couloir, soit afin de répéter en chuchotant les matières apprises, soit en espérant apaiser ainsi les tensions qui les habitaient, en vain.
Fixant les mines joyeuses ou dépités, voire même tristes qui avaient défilé devant leurs yeux alors que les élèves sortaient de la salle de classe n'avait fait ni chaud ni froid aux deux orphelins qui étaient restés impassibles à toute nuisance indésirable. Tom et Lianna s'étaient effectivement désintéressés de leur « camarades » afin de se concentrer et de canaliser au mieux leur Magie afin de réaliser quelque chose de parfait quand ils seraient face à face avec leur enseignant.
Lianna venait de passer à l'instant son examen devant le professeur Dumbledore qui affichait un petit sourire convaincu à son égard. Tom était passé il y avait de cela quatre élèves avant que ce ne fusse son tour. Elle savait pertinemment qu'il l'attendait de pied ferme à la sortie de la salle de classe. Il était anxieux pour elle. Elle le savait car elle avait appris à reconnaitre les variations et les nuances de sa Magie quand il était dans les parages. Tom était sorti fier de lui, apaisé de la fin de cette session d'examens et décidément très convaincu de ce qu'il avait proposé tant à la partie écrite qu'à la partie pratique.
- C'est très bien Lianna, lâcha Albus Dumbledore en la fixant par-dessus ses lunettes en demi-lune. Tu as réussi à faire totalement disparaitre les moustaches de notre jeune souris. Peu ont réussi à le faire. Donc je te félicite.
- Merci Monsieur, répondit-elle poliment en fixant avec fierté la tabatière particulièrement jolie qui était désormais posée sur le bureau de son professeur, prouvant ainsi que la souris qu'elle avait réussi à métamorphoser avait subi un enchantement parfaitement exécuté. Il suffisait de bien travailler les éléments qui composent l'enchantement, professeur, puis s'entrainer, ajouta-t-elle vivement en croisant ses iris bleu électrique qui la fixaient avec un vif intérêt.
- Je ne doute pas une seconde que Tom et toi-même vous êtes particulièrement attelés à décortiquer tout cela, sourit aimablement l'adulte. Veux-tu un bonbon au citron ? Après cet effort, je suis sûr qu'une petite sucrerie fait toujours du bien aux étudiants de votre âge, surtout après une mise sous tension de vos noyaux magiques, continua-t-il agréablement en lui présentant une coupe remplie desdits mets. Fais-toi plaisir.
Depuis qu'elle connaissait l'homme, Lianna avait l'impression que le mage blanc s'intéressait beaucoup à son soi-disant bien-être et celui de Tom. Contrairement aux nombreux élèves de leur promotion, la relation habituelle entre professeurs et élèves semblait être légèrement différente. Définitivement. D'un geste lent, et alors qu'elle ressentait effectivement des picotements jusqu'au bout de ses doigts, signe de l'intense canalisation de son flux magie afin de réaliser son examen, elle prit une sucrerie entre ses doigts, décidant de bien se faire voir par cet homme qui semblait toujours soucieux à son égard.
- Tout tes examens se sont-ils bien déroulés ? Les professeurs Slughorn et Têtenjoy ne tarissent que des éloges à ton propos, je suis certain que Mademoiselle Evans sera très fière de toi lors de la réception de vos résultats afin de savoir si vous pouvez aller dans l'année supérieure, glissa-t-il avec un petit clin d'œil. Profite bien de cet été.
Lianna ne pouvait pas s'en empêcher. À la mention de Liliane, toute colère, tout mépris s'évaporaient instantanément d'elle pour être remplacés par un bien-être et une profonde joie. Elle voulait la rendre fière. C'était un fait, son acharnement au travail, n'était pas anodin. Après-tout, elle voulait lui montrer à elle aussi qu'elle ne regretterait pas ses démarches d'adoption. Le processus en lui-même était très long, mais le simple fait de savoir qu'elle allait passer deux mois en dehors des murs froids de l'orphelinat lui procurait de l'allégresse. Tom et elle-même n'avaient rien trouvé de concret pour sa guérison. Et même si des élèves des années supérieures avaient pu leur procurer des livres de la réserve via des statuts de préfets, cela n'avait pas été probant.
Cependant, la sœur de Doréa, Galatéa, qui venait de passer ses Aspics, allait apparemment leur envoyer durant les vacances un livre de la bibliothèque familiale quelque peu « particulier ». Dans le sens où ce n'était pas de la Magie toute blanche. Mais ils s'en fichaient, ils se devaient d'éplucher toutes les possibilités. Peu importe la provenance. Et bien que leur ainée ne fût pas très ravie d'aller récupérer cela dans la bibliothèque de sa génitrice, ils avaient su se montrer convainquant malgré leur jeune âge. En cette fin d'année scolaire, La légilimancie et l'occlumancie n'avaient presque plus de secrets pour eux, maintenant qu'ils avaient fait de nombreuses recherches à ce propos. Et lui donner des visions pas très jolies afin de lui faire peur avait été ... très utile. Ils obtiendraient ce qu'ils voulaient.
- Oui monsieur, très bien, nous étions bien préparés, lâcha-t-elle en déballant la friandise avec une lenteur démesurée. J'espère aussi que Liliane sera contente de Tom et de moi-même. Est-ce que je peux ... y aller, professeur ? Je dois justement lui envoyer une lettre.
- Vas-y donc, fit gaiement le sorcier. Tu peux faire rentrer... il se pencha et regarda le parchemin posé sur son bureau avec attention, miss Selwyn, s'il te plait.
- Bien, monsieur, merci pour le bonbon au citron, termina-t-elle poliment en mettant ladite confiserie au citron dans sa bouche. Bonne fin de journée à vous, professeur.
Lianna sentit aisément son regard qui donnait l'impression de vous analyser au rayon X dans son dos alors qu'elle traversait les diverses allées de pupitres afin de se rendre vers la sortie. Mais elle ne s'y attarda pas, soulagée d'avoir terminé ses examens.
Lianna Sauwer ne se doutait pas à quel point, Albus Dumbledore la gardait déjà avec un œil particulièrement attentif.
~*~
- C'est à toi, Selwyn, lâcha Lianna en sortant de la salle de classe si calmement à cause du soulagement qu'elle éprouvait qu'aucun venin ne sortit de sa bouche.
Lianna était tellement apaisée qu'elle ne prit pas tout de suite conscience de la situation qui lui faisait face. Personne ne sembla faire attention à elle et c'est surprise qu'elle vit Eloïse Carrow qui était probablement restée dans les couloirs afin d'attendre avec Ariane Martins et son frère, qu'Haley Selwyn passe à son tour son examen. Eloïse avait la baguette levée vers Tom et tenait dans ses mains ce qui semblait être une photographie. Haley semblait vouloir calmer la situation et les jumeaux Martins abordaient un air faussement détaché qui ne dupait pas Lianna : ils jubilaient intérieurement. Les quelques élèves restants, derniers dans les listes alphabétiques, étaient positionnés en cercle autour d'eux, avares de curiosité.
- ... rends moi ça, Carrow, disait Tom, d'un ton plein de rage.
- Mais c'est que tu y tiens à cette photo qui est tombée de la poche de ta cape, lâcha Eloïse, amusée, en la secouant en hauteur. C'est qui la paralysée, une des femmes qui s'occupent de Sauwer et de toi-même dans cet endroit crasseux qu'est votre orphelinat ?
Comprenant rapidement ce qui en découlait et sachant pertinemment que Tom gardait tout comme elle une photo de Liliane dans l'une des poches de sa cape de sorcier en guise de porte-bonheur lors des examens, elle serra ses poings et sortit a son tour sa baguette noire tacheté de rouge, sans encore bien savoir quel sort permettrait de récupérer la photographie puisqu'ils n'étaient qu'en première année.
- Rends-nous cette photo, ce n'est pas à toi, lâcha Lianna froidement. Et je me répète, c'est à ton tour Selwyn. Le professeur Dumbledore t'attend.
Percevant enfin sa présence, ils se retournèrent tous vers elle alors qu'elle jaugeait les jumeaux Martins et Carrow d'un regard glacial. Ces derniers étaient assurément amusés, et Haley profita du moment pour arracher l'image des mains d'Eloïse et se dépêcha d'approcher Tom afin de la lui rendre. Son meilleur ami l'arracha à son tour des mains, la plia soigneusement et la remit précautionneusement dans sa cape de sorcier avec dignité.
- Un merci aurait été gentil, Riddle, lança Euphémia Macmillan.
Pour la première fois, elle fit attention à cette fille exubérante qui était resté en retrait alors qu'Eloïse semblait lancer un regard noir à Haley, peu ravie de son intervention. Tom ignora ses propos et se dirigea vers elle à pas pressés. Il la tira par le bras, agacé, afin de s'éloigner de ce couloir. Lianna pressentait qu'il se maitrisait pour ne pas exploser, alors à son tour, elle ne répliqua pas. Après-tout, il ne fallait pas se faire mal voir des professeurs.
Et alors que le petit attroupement d'élèves s'éloignait, comprenant qu'il n'y aurait pas de duel, et qu'Haley pénétrait finalement dans la salle de classe, Eloïse Carrow cracha :
- Je ne savais pas que vous pouviez être sentimentaux. Mais c'est mignon d'aimer ce qui est différent comme ça. Cette moldue répugn...
- Petrificus Totalus !
Son maléfice et sortilège de saucissonnement fusa tel un éclair vers cette petite fille si imbue d'elle-même. Il fut si précis, si rapide, que cette dernière tomba à la renverse, figée, sans que personne ne puisse réagir. Un certain bien-être venait d'envahir son petit corps. Faire sortir son énergie magique faisait toujours du bien, soulageait. Ils l'avaient remarqué. Cela déchargeait leur flux magique. Rangeant sa baguette magique qu'elle avait serrée si fortement que ses bouts de doigts étaient devenus blancs, elle aborda un sourire en coin, enchantée d'avoir réussi son sortilège.
Constatant rapidement qu'Ariane, Edwin et Euphemia se penchaient vers Eloïse et considéraient son état afin de la libérer sous les regards surpris des autres élèves, Tom laissa à son tour échapper un rire victorieux qui, elle aussi, la fit éclater de rire.
- Bien joué, Li', je n'aurais pas fait mieux, s'exclama-t-il entre deux spasmes de rires. Ça fait moins les malins d'un coup.
Tom passa son bras par-dessous le sien. Les joues de son ami étaient devenues rouges par l'excitation suite à cette scène fantastique qu'ils avaient sous les yeux. C'est en pressant sa propre photo de Liliane de son bras libre, sous sa cape, la remerciant de l'avoir accompagnée en quelque sorte durant leurs examens, qu'ils s'éloignèrent se décidant à rejoindre Doréa, Aldébaran, et Orion qui devaient probablement les attendre dans la salle commune.
Ils étaient décidément doués en Magie.
~*~
30 juin 1939, coté moldu du quai 9 ¾
- Maman !
Tom n'avait pas pu s'en empêcher. A peine venait-ils de passer la barrière magique et de repérer Liliane dans la foule de voyageurs moldus, qu'il venait de laisser tomber sa malle à ses pieds, surpris que cela ne soit pas un frère et ou une sœur de l'orphelinat qui viennent les récupérer de leur « internat ». Mais bien évidemment, ils allaient passer deux mois de vacances chez leur future mère adoptive. Un intense sentiment de joie comprima sa cage thoracique alors qu'il s'élançait entre les bras ouverts de Liliane, prête à les réceptionner sur ses genoux. Ils se laissèrent joyeusement tout deux glisser sur elle. Se retrouver au creux de sa poitrine était si réconfortant après tous ces mois d'éloignement. Il huma avec bien-être son aura, et il lui fallu un temps considérable afin de la laisser respirer.
C'est avec un petit rire amusé qu'elle les positionna calmement sur elle.
- Eh bien quel accueil, je vous ai manqué ? sourit-elle.
Tom constata, terrifié, qu'il venait de la nommer par ce mot si délicieux à entendre aux creux de ses oreilles. Ce terme qu'il n'aurait jamais pensé prononcer de sa vie. Il sentit ses joues rosir de gêne en le constatant, mais bien au contraire, Liliane avait les yeux légèrement embués, signe qu'elle était émue. Lianna et lui-même avaient longuement discuté en privé à ce propos dans le Poudlard Express, ils voulaient le faire. Et voir si cela lui plairait. Il n'avait pas attendu bien longtemps avant de tester ce mot qui était si doux et exaltant à proférer de sa bouche.
- On a pensé à toi tous les jours, clama Lianna. On a plein de choses à te raconter, Li ... Maman, on peut t'appeler, Maman hein ? rosit-elle avec envie.
Au loin, alors que Lianna posait cette question qui en succéderait toute une floppée, Haley Selwyn qui venait de passer la barrière magique avec ses parents vit ses deux camarades de classes, assis sur les genoux de cette femme aux cheveux roux qui semblait arriver à les dérider et ... à les faire rire.
La petite Haley n'allait pas arrêter de sitôt d'essayer d'être leur amie.
Elle savait pertinemment qu'il y avait du bon en eux. Elle en avait la preuve juste sous ses yeux.
~*~
30 juin 1939, voie 9 ¾
Silencieux. Voilà ce qu'était devenu le quai à présent qu'il avait été vidé de tous ses occupants. Seule restait la locomotive rouge, parfaitement visible maintenant que toute la fumée s'était évaporée.
- Arrête donc ta comédie, Anthony ! s'agaça Ariane en voyant que son aîné ne semblait toujours pas décidé à bouger. Allez, viens, il n'y a plus personne.
- Hors de question, répliqua Anthony en s'asseyant sur sa malle d'un air buté. Je ne bougerais pas tant qu'ils ne se seront pas rappelés que parents est un réel rôle à jouer et non une simple étiquette qu'on se colle sur le front pour faire bon genre !
Ariane soupira d'exaspération mais, sans chercher à contredire davantage l'adolescent, elle l'imita et s'assis à ses côtés. Face à eux, Edwin demeura debout, fixant les scintillements ardents des rayons du soleil sur le Poudlard Express. Il ne savait pas bien ce qu'il était censé ressentir à ce moment précis. De la joie parce que l'année s'était terminée et qu'il avait passé tous ses examens sans encombre ? De la tristesse parce que, encore une fois, il constatait que ses parents n'agissaient pas en tant que tels ? Ou de la confusion parce qu'il ne cessait de ressasser dans sa tête l'altercation qui avait eu lieu quelques jours plus tôt suite à l'examen pratique de métamorphose ?
Edwin ne savait pas ce qui le gênait le plus dans cet incident. Le fait de côtoyer des petites pestes comme Eloïse qui n'avaient aucun respect pour autrui, ou celui, plus étrange, de découvrir que Sauwer et Riddle gardaient précieusement la photo d'une femme dans la poche de leur cape ? Si le garçon devait être tout à fait honnête avec lui-même, il répondrait sans aucun doute que c'était le deuxième. Des enfants comme Eloïse, il en existait des tas, certains au sein même de la foule de partisans que s'étaient créé les deux orphelins. Ces comportements auraient même sans doute rythmé leur quotidien s'ils n'avaient pas eu autant de talent.
En revanche, comprendre que, en dépit de leur condition d'orphelins, ils avaient la chance d'avoir une figure maternelle pour les appuyer dans leur vie était tout sauf commun. Déjà que leurs aptitudes naturelles en magie le faisaient crever de jalousie, apprendre qu'ils disposaient malgré leur statut d'un amour maternel qu'Euphellys Martins ne daignait pas leur montrer le rendait mille fois plus envieux.
Rien que d'y repenser le faisait à nouveau verdir mais, heureusement pour lui, il en était là dans ses pensées lorsqu'un craquement résonna dans le silence du quai.
- Kaly ! s'exclama joyeusement Ariane en se redressant d'un bond à la vue de la mère de Nelly, son elfe de maison préférée.
- Kaly est désolée, s'excusa l'elfe de sa petite voix fluette en s'inclinant. Kaly est une si mauvaise servante ! Elle avait oublié que mademoiselle et messieurs rentraient aujourd'hui.
- Ce n'est pas grave, la rassura Anthony en se levant à son tour. Kaly ! la réprimanda-t-il en la voyant se cogner la tête contre sa malle. Kaly, arrête ça tout de suite ! Tu n'as pas besoin de te punir, ce n'était pas à toi de venir nous chercher de toute façon.
- Monsieur se trompe ! Monsieur votre père m'a bien dit que c'était à moi de vous occuper de lui jusqu'à ce que lui et madame rentrent de Hongrie !
Un soupir s'échappa des lèvres d'Anthony et Edwin vit ses yeux briller de colère avant de retrouver leur éclat naturel.
- Ça n'a pas d'importance, assura-t-il. Ramène-nous à la maison, maintenant.
Tandis qu'ils transplanaient, Edwin ne put s'empêcher de repenser aux propos d'Eloïse. Au final, qu'est-ce qui était vraiment minable ? Aimer une moldue paralysée comme mère ou bien avoir des parents qui déléguaient leurs tâches à des elfes de maison ?