Mai 1998
Théodore se réveilla avec des courbatures. Il essaya de les compter, de les visualiser, de commander à son corps de lui faire moins mal. Il grimaça dans son lit, en se retournant péniblement. Il n'avait jamais été très sportif. De toute façon, il n'était pas fait pour les activités collectives. Il n'avait jamais été très doué pour s'intégrer dans un groupe.
« Théodore, tu n'es pas n'importe qui ! Tu n'es pas comme les autres ! », répétait son père. Un sang-pur, ça devait tenir son rang. Le lit et ses dents grincèrent et crissèrent en même temps. Son épaule le faisait souffrir. La veille, il s'était endormi en étant tellement crispé, que son corps tout entier était plié et replié sur lui-même, en autant de fois qu'il le pouvait. Il avait mal au ventre. Il pencha la tête à gauche, puis à droite pour détendre sa nuque, endolorie. Son cou était douloureux. Ses muscles pulsaient, pourtant fatigués. Tout le faisait souffrir. Ses os hurlaient presque autant que les voix dans sa tête, celles qui ne voulaient pas se taire et s'égosillaient en permanence, comme s'il était leur agresseur, leur adversaire, leur meurtrier. Dès qu'il fermait les yeux, il y avait des éclats de lumières verts, des sorts mortels, qui ricochaient sur les murs de Poudlard...
Théodore se redressa. Il posa ses deux jambes sur le sol. Ça tanguait un peu. Il avait sûrement trop bu. Il s'ancra un peu plus sur la terre ferme, mais ses mollets, eux aussi, le faisaient souffrir. Il expira par la bouche, bruyamment. Ça n'apaisa en rien ses épaules tendues, son dos noué, son cou bloqué, ni même ses jambes, verrouillées.
Il se mit à rire.
Hier, la bataille de Poudlard avait eue lieu. Il n'y avait pas participé. Lui, fils de mangemort. Lui, qui avait toujours défendu la suprématie des sang-purs. Hier, il avait eu peur. Pourtant, il n'avait jamais été du genre lâche. Il détestait ça, les gens lâches, ceux qui se cachaient. Lui, il ne s'était jamais défilé, n'avait jamais fait semblant d'être quelqu'un d'autre.. Mais hier, il n'avait pas voulu choisir.
Il trouvait ça ridicule d'avoir mal parce qu'il s'était plié de peur et d'horreur toute la nuit. Il se demanda si elle en avait, des courbatures. La dernière fois qu'il l'avait vue, Sally-Anne Perks était en train de courir dans la direction opposée à la sienne, vers le danger, en souriant.
Théodore bougea une dernière fois. Quelque chose craqua en lui. Il ferma encore une fois les yeux et se concentra sur toutes ses courbatures. Il les compta. Compter, c'était concret, ça avait du sens. Les chiffres étaient vrais. Tout le reste, ce qui s'était passé hier, l'était aussi. Mais il n'était pas encore prêt à l'admettre. Alors, il se concentra sur ses courbatures, en se demandant si Sally-Anne Perks en avait, ou si elle était morte.