Cette histoire à été écrite pour le concours "Mon centaure bien aimé" et fait également partie de ma série "les enfants perdus".
Ce lieu respirait la magie noire par toutes ses pores. D’ailleurs Wlad, son correspondant de Durmstrang, n’était pas rassuré non plus et gardait les mains crispées sur son balais tandis qu’il lui faisait visiter les lieux.
C’est qu’il avait de bonnes raisons de le redouter également.
- Il est enfermé dans les plus hautes cellules à ce que l’on dit, murmura le jeune homme en levant la tête vers la partie supérieure de la forteresse qui se détachait des barres rocheuses aux alentours.
- Tout en haut ? S’étonna Abraxas.
- Non, pas tout à fait. Le haut du château, c’était ses appartements privés à ce qu’on dit et maintenant c’est le QG des gardiens. Les cellules les plus sécurisées se trouvent en dessous.
- D’accord, murmura Abraxas qui regardait à présent les pieds de la forteresse, où un torrent de montagne alimentait des douves.
L’air était empli de croassements de batraciens, étrange à une telle altitude et, sur les flancs des montagnes, on voyait encore les carcasses d’étranges animaux reptiliens. La plupart d’entre-elles se concentraient à l’endroit où une large fissure, suffisante pour permettre le passage d’humains, avait été pratiquée dans la muraille. Les restes d’un affrontement sanglant à n’en pas douter.
- Il y a eu une bataille ici, fit remarquer Abraxas.
- Oui, en 1943 je crois, répondit Wlad. Un vrai fiasco en réalité, même si ses vestiges restent impressionnant. Ce sont les vivernières de la Forêt Noire dont certaines avaient été capturées par Grindelwald qui ont attaqué la forteresse pour tenter de libérer les leurs. Elles ont été complètement massacrées à ce qu’on dit. Je crois qu’il n’y a eu qu’une dizaine de survivantes et certaines ont été tuées peu après en représailles.
Abraxas qui connaissait la piètre réputation des sorciers et surtout des sorcières de la Forêt Noire s’interrogea à voix haute :
- Mais qui a pu être assez fou dans cette région pour défier Grindelwald en personne ?
- Oh mais la Forêt Noire n’a jamais été une terre acquise pour Grindelwald, répliqua Wlad. Cela faisait vingt ans que cette région lui résistait, une véritable enclave encore libre dans son domaine. On dit qu’il n’a pas réussi au départ à la rallier à sa cause, la faute à une magicienne qui se serait opposée à lui et aurait fait disparaître ses partisans dans le coin.
- Tu parles au conditionnel, fit remarquer Abraxas.
- Oui, parce qu’un tel personnage est à mon avis légendaire. Il se raconte que c’était une très jeune sorcière qui avait passé l’épreuve du grimoire avant l’âge requis puis transformé une partie de l’Assemblée des Maléfices en grenouilles. Il se dit même qu’elle était à moitié ondine.
- Rocambolesque en effet, convint Abraxas. Mais la bataille qui nous occupe a, elle, véritablement eu lieu.
- Oui, cela au moins est indéniable, répondit Wlad.
- J’aimerais bien savoir ce qu’il en est vraiment.
Abraxas était en effet curieux de tout, surtout quand un mystère s’imposait à lui. Il le voyait aux traces laissées, cette bataille livrée sans doute six à sept ans plus tôt avait été féroce et Grindelwald lui-même avait du en être ébranlé, car la brèche taillée dans la forteresse n’avait pas été rebouchée.
Cela n’avait donc rien d’une escarmouche désespérée et il voulait en connaître les tenants et les aboutissants.
- Où pourrais-je trouver des renseignements là-dessus ? Demanda t-il à Wlad qui semblait bien moins intéressé par la chose, mais qui pourtant lui répondit :
- Déjà, la Forêt Noire grouille de sorciers et sorcières qui ont pu connaître des combattantes. On dit que le QG de leurs troupes se trouvait à Seebach, un village de montagne non loin du Mummelsee. Ensuite, il y a toujours la bibliothèque magique de Freudenstadt qui possède des archives datées de plus de mille ans sur toute la région.
- Dans ce cas, je propose que nous nous y rendions.
Wlad le regardait avec une surprise mêlée d’agacement, et Abraxas savait pourquoi. Son ami était de son côté sur les traces de son frère aîné, Piotr Krum, tué par le mage noir. Aussi il choisit la voix de la diplomatie et ajouta :
- Pas longtemps, rassure-toi. Juste une étape pour me faire ma propre opinion sur cet endroit et sur les événements. Et puis, tu disais aussi que ton frère était passé par là-bas également…
- Ce coin grouille d’ondins et de vivernes, répliqua Wlad moins motivé que jamais. C’est une zone grise dans le monde magique, avec une communauté sorcière complètement dégénérée, et l’endroit est clairement indiqué comme dangereux.
Cette fois-ci, Abraxas s’agaça franchement :
- Parce que là où nous nous trouvons, ce n’est pas dangereux peut-être ? Nous sommes hors-la-loi depuis que nous avons passé la barre rocheuse je te rappelle.
- C’est vrai… Concéda Wlad à contrecœur.
Il ajouta devant l’air décidé de son ami :
- Seulement quelques jours alors, et on reste à Seebach ou Freudenstadt. Le reste de la Forêt, je ne m’y aventurerai pas.
- A ta guise, répondit Abraxas. Cela n’engage que toi. Mais je veux aller voir… Cette fissure et la puissance magique nécessaire pour la former m’intrigue trop pour que je passe à côté, et puis…
Il termina dans un souffle :
- Des archives de mille ans, je ne peux pas refuser…
Wlad poussa un soupir résigné et s’apprêtait à poursuivre la visite des lieux lorsqu’un hurlement sinistre lui fit écarquiller les yeux de terreur. Il saisit Abraxas par la manche et les deux plongèrent à l’abri derrière les rochers.
Se redressant, Abraxas aperçut dans le ciel quelque-chose qu’il ne parvint pas à identifier mais qui l’intrigua beaucoup. En effet, il s’agissait d’un reptilien volant, visiblement chevauché par un sorcier :
- C’est quoi ça ? Demanda t-il.
- Une vivernière et sa viverne, répondit Wlad. Quand on parle du loup, on en voit la queue… Tu veux toujours aller en Forêt Noire après ça ?
- Et comment ! Répliqua Abraxas. Ce que je vois là est fabuleusement… Puissant !
- Si tu pouvais garder à l’esprit que c’est également fabuleusement dangereux, je serais plus rassuré. D’autant qu’une viverne ce n’est rien… Comparé à un ondin ou une ondine.
- Tu m’expliqueras en route ce que c’est, répondit Abraxas en sortant de leur cachette, car la créature était partie.
Ils remontèrent sur leurs balais et quittèrent aussi vite que possible la zone interdite, mais non sans avoir été vus par la vivernière à laquelle ils avaient cru échapper…
Ils apprendraient bien assez tôt que cette vivernière n’était pas n’importe qui. Et pourtant ce n’était pas une ondine...