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Fleamont quitta aussitôt le château et transplana chez lui. Sans un mot pour son épouse de peur de lui faire une fausse joie, il se rendit directement à la remise pour prendre un balai, une carte et une boussole. Il fixa le tout à son balai et décolla.
Direction Durham. Le trajet lui pris sûrement dix bonnes heures, mais il s’agissait de James, et Fleamont Potter faisait tout ce qui était en son pouvoir pour permettre à son fils de guérir. Il arriva vers dix-neuf heures à destination. Il posa le pied dans une ruelle peu fréquentée et rangea son balai dans sa sacoche soumise à un sortilège d’Extension Indétectable. Il ôta sa cape et transforma sa robe de sorcier en pantalon.
« Excusez-moi, demanda-t-il à un jeune homme à l’air fort aimable. Pourriez-vous m’indiquer la direction de Carbone-les-Mines ? »
L’autre le regarda suspicieusement avant de lui désigner la gauche.
« Faut suivre la grand’route, pis tourner à droite là-bas. Pis après zy êtes, fit-il en le détaillant des pieds à la tête. »
Fleamont le remercia d’un hochement de tête et remonta la rue, perdu dans ses pensées. C’était ce qu’il fallait à James. Une jeune sorcière avec lui toute la journée, capable de partager des jeux avec lui, de lui faire la lecture (une fois qu’elle aurait appris à lire), bref une camarade, une jeune fille de compagnie. La solution était toute trouvée pour qu’il ne soit pas seul lorsque ses amis retourneraient à Poudlard. C’était déjà une situation assez pénible. Il ne fallait surtout pas qu’il soit en plus, seul toute la journée.
Des cris d’enfants le tirèrent de ses pensées et il remarqua la fin de la rue après un parc de jeu. Il tourna à droite et un haut le cœur le prit. Ce n’était pas des maisons. C’étaient des vieilles bicoques qui tenaient plus de ruines insalubres plutôt que d’habitation. Il avait tendance à oublier que de tels quartiers existaient en vivant à la campagne dans un petit village sorcier.
Il s’approcha des gosses.
« Petit ! s’exclama-t-il vers l’un d’eux. Viens ! »
Le gamin s’approcha de lui en se mettant le doigt dans le nez. Il regarda se qui coulait au bout de son doigt et le mit dans sa bouche sous la grimace de Fleamont.
« Saurais-tu où je pourrais trouver Lily Evans, par hasard ? demanda-t-il tout de même. »
Le gamin ne fit même pas mine d’avoir entendu et tendit la main devant lui. Fleamont sortit la petite pièce moldue qui trainait dans sa poche.
« Où ? répéta-t-il. »
Il s’était fait avoir une fois. Pas deux.
« J’vous zemmène M’sieur, fit-il en lui attrapant la manche. »
Fleamont se laissa tirer dans le dédale des ruelles sales. Les gens tournaient le regard sur son passage, et il essaya de ne pas y faire attention. Il entendait des chuchotements et cela ne le rassurait pas.
« C’est là, au troisième, lui fit le gamin en tendant la main.
-Merci gamin, souffla-t-il en faisant face à l’immeuble insalubre. »
Il lança la pièce au môme qui détala aussitôt.
« Fous l’camp ! Casse-toi ! gueula une voix d’homme derrière la porte.
-T’as pas l’droit ! T’as pas l’droit, Bryan ! T’as pas l’droit… gémit la voix de femme en pleurant.
-J’ai tous les droits, salope ! J’t’avais dit… »
Fleamont se décida à ouvrir la porte et à monter les escaliers. Arrivé au troisième, il se retint difficilement de tirer sa baguette. La femme se tenait recroquevillée sur elle-même alors qu’un grand type baraqué lui flaquait des coups de pieds dans le ventre et dans le dos.
« Monsieur ! s’écria-t-il à la place. »
Le type au nez cassé s’arrêta de frapper la femme pour se tourner vers lui. La fille gémit puis se mit à cracher du sang.
« Vous aussi vous-z-en voulez ? fit-il en faisant craquer ses phalanges.
-Puis-je parler à Lily Evans, s’il vous plaît ? fit-il simplement en jetant un coup d’œil à la femme au sol qui se tordait de douleur. »
Elle semblait sur le point de vomir, et c’est exactement ce qu’elle fit la seconde d’après.
« J’vous la laisse, fit-il en ricanant en désignant la femme du menton. Faites-en c’que vous voulez.
-Bryan… gémit la femme en avançant une main désespérée vers lui.
-Bas les pattes, cracha-t-il en lui flaquant un dernier coup de pied. »
Il rentra dans sa chambre puis claqua la porte derrière lui.
Fleamont pinça les lèvres. Bon. Il ne s’était pas attendu à cela. Il hésita un instant, puis se rappela que James avait besoin de compagnie pour l’année à venir.
« Vous êtes Lily Evans ? demanda-t-il poliment en tirant un mouchoir de sa poche pour le tendre à la jeune fille. »
Elle le regarda d’un air suspicieux, lui arracha le morceau de tissu des mains puis se redressa en grimaçant.
« Et vous, vous êtes un autre de ces timbrés ? fit-elle abruptement en s’essuyant la bouche.
-Je suis un sorcier, comme vous, précisa-t-il avec douceur en sortant sa baguette. »
Il agita négligemment la main pour faire disparaître la vomissure puis vint s’asseoir à côté d’elle sur les marches de l’escalier mangé par les vers. La gamine regardait l’endroit qu’il venait de nettoyer avec fascination.
« Je m’appelle Fleamont Potter. Il a sûrement dû vous arriver des choses étranges, depuis que vous êtes petite, Miss Evans, reprit-il doucement pour ne pas la brusquer.
-Hum, fit-elle en haussant les épaules.
-Ce n’est pas une tare d’être sorcier, vous savez. Et puis, reprit-il parce qu’elle ne disait rien, il y a même une école de sorcellerie en Grande-Bretagne.
-Poudlard, marmonna-t-elle comme une incantation en regardant ses doigts qui se trituraient.
-C’est cela, oui, se rassura-t-il. Il y a malheureusement eu un petit incident, il y a quatre ans. Et Le Grand Livre qui recense les noms de tous les sorciers a été volé. Il vient seulement d’être retrouvé par les Aurors, des détectives sorciers, précisa-t-il sous son sourcil arqué. Et nous avons découvert votre prénom dans ce livre. Mais le Professeur McGonagall vous l’a déjà expliqué.
-La vieille chouette ? Ouais, grimaça-t-elle en faisant craquer ses poignets.
-Mon fils aussi la surnomme ainsi, s’amusa-t-il.
-Ah, commenta-t-elle platement en se tortillant. »
Fleamont attendit, cherchant comment aborder le sujet.
« Vous n’aimeriez pas apprendre à maîtriser votre magie ? lui demanda-t-il finalement.
-Bryan veut pas, fit-elle de but en blanc. »
Il cligna des yeux. Depuis quand laissait-on des Moldus empêcher leurs enfants sorciers d’aller étudier à Poudlard ?
« Il me semble qu’il vient de vous mettre à la porte, se permit-il. »
Il regretta son indiscrétion lorsqu’il vit ses poings blanchir sous la colère.
« Et puis j’en ai pas besoin, je sais déjà faire de la magie, grinça-t-elle en ouvrant doucement son poing. »
A l’intérieur, une petite pâquerette se mit à onduler, comme si elle poussait dans la main de la jeune fille. Puis elle attrapa la tige entre son index et son pouce, souffla dessus. Comme par magie, les petits pétales blancs s’envolèrent, telles les graines d’un pissenlit. Puis ils se rassemblèrent devant leurs yeux pour former un soleil.
« J’ai pas besoin d’apprendre, j’ai appris toute seule, précisa-t-elle en reniflant.
-Vous ne voulez pas apprendre à vous servir d’une baguette ? Vous ne voulez pas apprendre les sortilèges des vieux grimoires ? s’étonna-t-il.
-Pas besoin. Et puis lire, ça remplit pas ton assiette, fit-elle en haussant les épaules.
-Vous savez, il n’y a pas que la magie. Il y a tout un monde de la magie, avec une population sorcière, des habitations magiques, et même des objets magiques.
-Comme ? demanda-t-elle.
-Comme les balais volants, par exemple, dit-il en pensant douloureusement à James. »
Ses yeux pétillants lui apprirent qu’il avait gagné la partie.
« Les balais volants existent vraiment ? s’émerveilla-t-elle.
-C’est exact, confirma-t-il avec un sourire amusé. »
Elle sourit dans le vide.
« Ecoutez, Miss Evans, j’ai une proposition à vous faire. Mon fils, James, a des problèmes de santé, et il ne pourra donc pas retourner à Poudlard l’année prochaine. Je lui cherche une dame de compagnie afin qu’il ne s’ennuie pas pour l’année à venir sans ses amis. En lisant la Gazette, le journal des sorciers, tout à l’heure, j’ai tout de suite pensé à vous. En effet, James recevra l’enseignement d’un professeur à domicile cette année afin de pouvoir passer ses examens de Poudlard et retourner à l’école lorsqu’il sera guéri. Si vous acceptiez de venir habiter chez nous, de tenir compagnie à James la journée, nous vous hébergerions et nous vous permettrions d’apprendre à pratiquer un peu mieux la magie avec un professeur qualifié. Lorsque vous saurez lire, vous pourrez même faire la lecture à James et…
-Lire, ça sert à rien, le coupa-t-elle. »
Il cligna des yeux, peu habitué à ce qu’on remette en question ses propos et surtout à ce qu’on refuse de s’instruire.
« Comment voulez-vous maîtriser votre magie sans lire les grimoires ? Apprendre à lire ne sera pas négociable, Miss Evans, la prévint-il. »
Il s’était juré de tout essayer pour la convaincre, mais si la première étape la rebutait à ce point, ce n’était pas la peine.
Il la regarda réfléchir. Elle semblait réellement peser le pour et le contre.
« Et combien vous me payerez pour être « dame de compagnie » de votre fils ? demanda-t-elle finalement. »
Son audace l’amusa. Il lui proposait déjà le couvert et l’instruction, mais non, elle voulait une pièce en plus.
« Disons un Gallion par semaine en plus du logement, du couvert, du linge et de l’instruction, proposa-t-il quand même.
-C’est quoi, ça, un Gallion ?
-C’est la plus grosse pièce de la monnaie sorcière, lui apprit-il en souriant.
-Je suppose que vous savez pas ça fait combien en argent normal, fit-elle.
-En argent moldu ? Aucune idée, avoua-t-il. »
Il s’attendait à la voir refuser lorsqu’elle se leva.
« Vous habitez loin d’ici ? demanda-t-elle en enfouissant ses mains dans les poches de sa robe.
-Assez. Il faut prendre le balai pendant une demi-journée. »
Elle pinça les lèvres et malgré son jeune âge, elle avait le même que James, il remarqua qu’elle devait souvent être soucieuse puisque des rides creusaient déjà son front. Elle entortilla ses doigts dans la couture de sa poche.
« Je pourrais pas rentrer ici alors, en conclut-elle. »
La grimace qu’il lui répondit la fit hocher la tête.
« Faut faire quoi quand on est dame de compagnie ? demanda-t-elle en s’appuyant contre le mur.
-Vous devez tenir compagnie à James. Rester avec lui la journée, jouer aux jeux qu’il veut, lui faire la lecture, étudier avec lui… Faire tout ce qu’il veut en somme, fit-il à présent rassuré.
-Je suis pas une putain, moi, hein, répliqua-t-elle aussitôt en croisant les bras sur sa poitrine.
-Comment ? s’étonna-t-il en secouant la tête. Bien sûr que non ! Tout ce qu’il veut sauf en ce qui concerne ce sujet, la rassura-t-il aussitôt. »
Comment pouvait-on penser aussitôt à ça à quinze ans ?
« Dernière condition, exigea-t-elle.
-Je vous écoute, fit-il avec un sourire amusé.
-On peut y aller en balai ? fit-elle, lui permettant de remarquer les plus beaux yeux verts du monde dans ce visage malingre. »
Et Fleamont sut qu’elle s’entendrait très bien avec James.