C’était une ancienne ferme perdue dans les collines des landes des Moors, dans le Yorkshire. Un endroit un peu étrange fait de multiples bâtiments.
Une allée bordée de vieux arbres menait jusqu’à la maison. C’était une immense bâtisse qui avait tout d’un petit manoir. Un imposant carré à la façade principale percée de multiples fenêtres. À droite de la maison de maître, dans l’alignement de celle-ci, se tenait une ancienne petite chapelle, la croix avait été décrochée de l’édifice et plus rien n’attestait de son ancien statut si ce n’est la niche sur un des murs qui devait accueillir autrefois une statue de vierge à l’enfant. À gauche du bâtiment principal, toujours perpendiculaire à l’allée de grands chênes, il y avait une magnifique serre. C’était un bâtiment vitré de grande proportion, à son centre, une rotonde en verre saillait du plafond.
Un peu plus loin, répartie de part et d’autre de la cour carrée qui se dessinait derrière la demeure, il y avait d’anciennes écuries, une grange et autres dépendances.
Un peu plus loin, un sentier se dirigeait vers le fond de l’immense jardin. Caché des regards un pont en pierre avait été construit sur la rivière qui coupait le domaine en deux. Sur l’autre parcelle une maison était entourée de bois, sans doute une ancienne métairie.
Cet endroit avait quelque chose de suranné, comme si le temps s’était arrêté ici. Les fenêtres aveugles, les volets manquant par endroits, les carreaux de la serre crevée renforçaient cette impression de déchéance. Les herbes folles avaient envahi l’ancienne pelouse et des arbres étaient tombés dans le bois.
Tout avait été laissé à l’abandon par le propriétaire des lieux. Tous ces hectares, c’était trop à entretenir pour un vieil homme. Plus d’un potentiel acheteur avait été refroidi par l’état des lieux. Mais lorsque Dean était venu visiter avec Seamus, Neville et Luna cet endroit, il en était tombé amoureux. Et il voyait au regard fiévreux de ses amis que c’était pareil.
Il savait que la serre avait séduit Neville dès qu’il l’avait vu et lorsqu’ils étaient rentrés dedans, malgré les décombres et les gravats, il avait vu le visage de ce dernier s’éclairer. La vieille bâtisse, où un fantôme semblait avoir élu domicile dans un des greniers, avait parlé à Luna, à moins que ça soit la vieille servante familiale qui occupait les lieux depuis un peu moins de deux siècles. C’est la rivière qui avait emporté le cœur de Seamus, lui qui avait toujours habité près de l’eau avait tout de suite imaginé les rives changer au gré des saisons et des crues. Quant à lui, il avait tout aimé. Mais c’était surtout ce petit pont en pierre posé dans un des lacis du cours d’eau qui l’avait décidé à acheter cet endroit. De là, il voyait la vigne vierge enserrant la serre, le toit d’ardoises du manoir et les arbres qui se balançaient au gré du vent. Alors il avait imaginé ce qu’il pourrait faire d’un tel endroit.
Une fois leur visite terminée, ils étaient allés se poser au chaudron baveur pour discuter. Au détour d’une bièraubeurre ils avaient parlé des travaux qu’il fallait faire. Certes, il y en avait beaucoup et ils comprenaient pourquoi les moldus avaient vite déchanté face à l’ampleur du chantier, mais en quelques coups de baguette la majorité des choses seront vite réglées et nul doute que leurs amis seront prêts à les aider.
Les larmes aux yeux, il avait regardé ses amis, il ne pourrait jamais autant les remercier. Sans eux il ne se serait pas lancé dans une telle folie. Ils l’encourageaient, le soutenaient. Ils lui prêtaient même un peu d’argent pour qu’il puisse acheter cette demeure au-dessus de ses moyens malgré la jolie pension de guerre qu’il avait touchée.
Quelque part dans la campagne Anglaise, fin juin 2000
Il était heureux, fatigué, épuisé et il souriait.
Il souriait avec cet espoir au ventre qu’il avait déjà ressenti une fois dans sa vie. C’était un jour de l’année mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit, alors emprisonné au sein du manoir Malefoy il avait ressenti l’espoir renaître au cours d’une conversation qui n’avait rien de banal entre lui et Drago Malefoy. Ils s’étaient laissé aller et avaient parlé de leur rêve le plus profond.
Au cœur des ténèbres, dans une des caves sombres d’un manoir isolé dans la campagne Anglaise, il avait rêvé d’un endroit où la lumière renaîtrait. Un endroit où tous seraient accueillis quel qu’il soit. Un endroit où ils pourraient renaître et se reconstruire une fois la guerre finie.
Une fois la guerre finie, il avait oublié ce rêve. Il avait fui le monde magique. Il s’était réfugié dans le monde de sa mère. Oublié la magie, et ce durant deux ans. Et puis il était revenu. Et son rêve, oublié au fond d’une cave, était revenu le démanger.
Alors il s’était lancé, il s’était jeté à l’eau sans savoir si ça allait marcher. Il avait acheté ce manoir perdu dans la lande Écossaise. Il avait vu dans cette bâtisse un heureux présage, une opportunité de créer un pendant lumineux au manoir sombre et couvert de sang des Malefoy.
Aujourd’hui, il accrochait la plaque de son auberge à la porte de son chez lui. L’auberge des gens brisés.
Il se doutait que les hommes et femmes qui viendront chez lui ne seront pas aussi faciles à redresser que son manoir, mais il voulait espérer. Il voulait rêver à un avenir meilleur. Et aux sourires de ses amis, qui se tenaient derrière lui alors qu’il s’apprêtait à accrocher la plaque lui, il sut qu’il n’était pas le seul à espérer.
L’auberge des gens brisés, aout 2000
Ça ne faisait que deux mois que l’Auberge était ouverte, pour l’instant seul la bouche-a-oreille ramenait des gens en ces murs. Des tracts avaient bien été distribués, mais il n’annonçait son ouverture que pour le premier septembre. En ces mois d’été l’auberge n’était habitée que par les amis du quatuor, pour leur plus grand plaisir.
Petit à petit, l’Auberge s’était remplie d’objets et de fragments de vie comme un reflet distordu d’une certaine version de la salle sur demande.
Chacun avait amené ses habitudes et ses affaires en s’installant dans la vielle ferme à commencer par le quatuor qui en avait fait leur demeure permanente.
Neville avait nettoyé la serre, il y avait installé toutes ses plantes sauf son Mimbulus Mimbletonia qui trônait fièrement dans le salon. La vigne vierge avait été taillée, les vitres réparées et maintenant quelques plantes poussaient dans la grande serre. Le jeune botaniste s’était accaparé le petit cabanon d’à côté pour ses croisements et son capharnaüm de pots, terreaux, cisailles et instruments en tout genre.
Les bords de la rivière avaient été nettoyés, les arbres taillés, l’étang était maintenant orné d’un petit pont japonais rouge et de multiples massifs de couleurs explosifs s’étaient répartis dans le jardin ornemental. Si Neville aimait les plantes magiques, étranges et surprenantes, Seamus s’était trouvé une passion pour l’aménagement du jardin. Ici, il créé des univers fantaisistes et détournait les objets du quotidien en superbes créations et petites décorations.
Dean avait créé de nombreuses chambres à l'étage pour les gens qu'il comptait accueillir dans son auberge, chacune d’entre elles aurait bientôt, à leur porte, une de ses toiles. Une des dépendances avait été transformée en atelier de peinture et il s’était mis en tête de peindre un des murs en briques du salon en vert. Petit à petit, il transformait son nouveau chez soi en maison d’accueil pour toutes les âmes en perdition.
Luna quant à elle avait planté un pied de prune dirigeable non loin du porche de l’entrée. Ses affaires se partageaient entre la maison de son père et l’auberge. Avec l’aide de Dean elle avait peint dans sa chambre des ombres chinoises de ronflaks cornus, de botrucs, et de pitiponks. Elle avait apprivoisé le fléreur qui avait fait de cette vieille bâtisse son terrain de chasse et aimait se promener dans les collines environnantes à la recherche de créatures magiques.
Petit à petit, l’auberge se reconstruisait, et eux avec.