Les trois sœurs sont dans le salon de la maison familiale. Leur mère, Jonquil, est aux fourneaux, alors que son elfe de maison la supplie de la laisser l'aider, ce qu'elle refuse en un haussement d'épaules.

Ce soir, les Warren fêtent les 23 ans de leurs trois filles, et ce soir, ils vont proposer à Iris de reprendre l'entreprise familiale, vu qu'elle travaille déjà avec eux depuis sa sortie de Poudlard. Les époux ont longuement discuté de leur retraite, ils ont eu leurs enfants sur le tard, ont travaillé toute leur vie, ont monté et fait fructifier leur magasin et leur atelier d'ensorcellement d'objets magiques. Il est temps pour eux de s'arrêter, et de peut-être faire autre chose. Et surtout, Jonquil comme Herodote ne se sentent pas de taille à refuser quoi que ce soir au mage noir dont l'influence va grandissante, en Angleterre. Il paraît même qu'il se fait appeler Lord Voldemort, ce qui a déclenché un rire triste chez Herodote.

Les parents sont tous si fiers de leurs filles. Iris comme Theodora sont sorties de Poudlard toutes deux il y a quelques années avec des Optimaux à toutes les matières qu'elles ont passé. Iris les a rejoint dans le magasin, Theodora travaille au département de la Justice Magique, et Anémone, leur douce et fragile Anémone, vient juste d'être diplômée en électrotechnique et travaille pour une grande entreprise britannique. Bien que leur plus jeune fille parle régulièrement de ses études, de ses recherches, de ses découvertes, de la technologie moldue, ses sœurs et ses parents se contentent de l'écouter poliment tout en ne comprenant absolument rien à ce qu'elle raconte. Mais, bien qu'elle sache que tous, ils sont bienveillants envers elle, à l'écoute, elle se raconte inlassablement, en mettant de côté que ces conversations ne servent à rien. Car si sa famille de sorciers n'entend rien à ses intérêts sur la technologie moldue : l'électronique en particulier, Anémone s'est fait un devoir d'apprendre tout ce qu'elle pouvait sur cette magie qui se refuse à elle. Dans cette maison pleine de magie qui fait que ses « engins », comme les appelle son père, ne peuvent pas fonctionner, Anémone s'est aménagé un véritable atelier dans la dépendance. Iris a même créé dans cet atelier, une petite zone où la magie ne peut avoir lieu, et c'est l'endroit où Anémone teste ses machines.

Iris et Théodora sont en train de discuter dans le salon, tandis qu'Hérodote lit la Gazette du Sorcier, les sourcils froncés. Anémone regarde le journal par-dessus son épaule, ce qui a le don d'agacer son père, mais Anémone étant leur fille la plus vulnérable, Jonquil et lui lui passent tous ses caprices. La jeune femme fronce également les sourcils, à l'image de son père, puis elle s'assoit à côté de lui, sur l'accoudoir du fauteuil, faisant ronchonner son père qui se pousse pour lui faire de la place et tend le journal vers elle afin qu'ils puissent le lire tous deux. L'article parle d'une certaine agitation chez les géants, les gobelins, et chez les loups-garous. Une famille de gobelins a été assassinée, près de Nottingham, sans que l'on sache vraiment le mobile ou l'identité du meurtrier. Barthemius Croupton senior, chef du département de la Justice Magique, a autorisé les Aurors à utiliser les Sortilèges Impardonnables contre les Mangemorts et Lord Voldemort.

« Papa, c'est la guerre ou pas ? » murmure Anémone, interrompant la conversation d'Iris et Theodora qui se tournent vers eux, silencieuses.

« Non, mais attends, tu as lu ça ? Cela arrive au moment de la publication du livre de Blenheim Stalk, Témoins moldus... Cela ne peut pas être une coïncidence. » Le regard d'Anémone se pose sur celui de Theodora, qui travaille au département de la Justice Magique.

La jeune femme se lève, avec grâce, et les rejoint. Des années de danse lui ont donné une élégance naturelle et un port de tête délicat. Les longues mains fines de Theodora prennent le journal que lui tend son père, et elle commence à lire l'article, bientôt rejointe par Iris qui, elle, a une démarche plus vive, plus racée. Pour ceux qui auraient les trois sœurs sous les yeux, ils remarqueraient ces infimes différences. Le fait que Theodora soit un peu plus grande, et légèrement plus élancée, qu'Iris soit un peu plus musclée, et plus vive, qu'Anémone soit un peu plus petite et d'un physique moins sportif. Leurs parents qui les connaissent par cœur reconnaîtrait le sourire en coin d'Anémone, le regard rêveur de Theodora, la démarche énergique d'Iris, entre mille. Mais les sœurs Warren vont toujours deux par deux à l'extérieur de la maison, quand elles vont dans le monde sorcier. Toujours deux par deux, une des sœurs sorcières avec la sœur Cracmole. Anémone n'est jamais seule.

« Oui... Monsieur Croupton se montre très prudent... »

Sentant sur elle les regards incrédules de sa famille, Theodora précise.

« Enfin, prudent n'est pas le mot. Impitoyable, plutôt... Il y a de plus en plus d'attaques contre les moldus, des choses inexpliquées pour eux : des explosions, des incendies, des morts subites... Les Oubliators ne savent plus où donner de la tête, et la Brigade des tireurs d'élite aussi. »

Les regards restent insistants, et bien qu'elle n'ait pas envie de parler boulot, Theodora s'exécute. Elle est, des trois sœurs, la plus douce et la plus malléable. Elle lève ses yeux marrons du journal, et regarde ses sœurs puis son père.

« Il commence à y avoir des disparitions chez les Nés Moldus, aussi... »

Puis son regard se pose, profondément inquiet, sur sa petite sœur.

« Et chez les Cracmols... Alors, oui, je pense qu'on va vers une guerre... »

Jonquil arrive à ce moment-là, portant les petits fours qu'elle a passé une partie de l'après-midi à confectionner. Elle prend un air mécontent en voyant les mines sombres de sa famille, et pose un peu trop fort le plat de métal sur la table de bois, puis elle s'essuie les mains sur son tablier et plante ses poings sur ses hanches.

« Nous n'allons pas parler de cela ce soir, les filles. On a quelque chose à fêter. »

Mais l'atmosphère reste grave, le cœur n'y est plus.

« Il est hors de question que je reste cloîtrée là ! » tempête Anémone. « J'ai un travail, je vous signale... »

Herodote soupire tant que son soupir se transmet à sa femme puis à ses deux filles aînées. Il y a encore eu une disparition de Cracmoles la veille, et les Warren veulent protéger la leur, parce qu'Anémone leur appartient tout comme ils lui appartiennent tous.

La jeune femme continue de faire les cent pas dans son atelier, cette dépendance dans le jardin où un fouillis de fils électriques, de circuits imprimés, de résistances et d'autres objets aux noms étranges est rangé méticuleusement sur tout un tas d'étagères accrochées à chaque mur.

« Anémone... »

« Non ! Je vais travailler, un point c'est tout ! »

Jonquil s'avance alors, dans un geste d'apaisement. Les colères de ses filles sont mémorables, et celle-là est parmi les plus emplies de rage. Anémone explose alors, pointant son doigt vers sa famille.

« Et je vous jure que si vous essayez de me retenir, je m'en vais vivre chez les Moldus, et vous n'aurez plus jamais de mes nouvelles ! »

Alors, sa colère se brise, et elle essuie d'un geste agacé ses larmes. Jonquil enveloppe sa fille de ses bras, et elle s'y engouffre. Les sœurs et le père se rapprochent aussi, et les Warren fusionnent en une embrassade immense.

Les longs doigts fins d'Iris font tourner la mitaine de cuir entre ses mains, observant de près l'objet. Elle fronce les sourcils.

« Et du coup, tu dis que cela permet de ne pas être désarmé ? »

« Oui. Tu portes la mitaine sur la main portant la baguette... »

« Et pour les gauchers ? »

« … Il y a un autre gant, bien sûr. Donc, tu portes la mitaine. Tu as vu au niveau de la paume de la main, il y a une incrustation d'un circuit intégré. »

« Heu... Ouais »... Iris tourne la mitaine dans tous les sens et observe le machin vert avec des trucs branchés dessus, qui est recouvert ensuite d'une fine couche transparente.

« Le circuit intégré permet d'absorber l'énergie magique du sortilège de désarmement... »

« Et c'est quoi ce truc ? » Anémone soupire, puis inspire, puis expire... Jamais elle n'arrivera à terminer son explication.

« C'est une magnétite. Enfin non. C'est un genre de magnétite. Attends, je cherche son nom, il est compliqué. » Anémone chausse ses lunettes, ouvre le grimoire poussiéreux à la bonne page, suit de son doigt l'écriture en pattes de mouche et lit.

« Bon, je vais pas te le dire en latin, c'est illisible. En gros, c'est une magnétite, donc une pierre magnétique, mais qui au lieu d'attirer le métal, attire la baguette. »

« Et du coup, tu ne peux par exemple même pas me la prendre des mains ? » demande Iris, indécise.

« Non. Vas-y, essaie. »

Iris forme une moue peu convaincue sur sa bouche, enfile la mitaine qui est un peu trop grande pour sa main fine, et retire sa baguette de son étui pour la tenir en main. Anémone la saisit, mais sans tirer.

« Je vais tirer doucement, puis de plus en plus fort, puis de toute mes forces. »

Iris hausse les épaules. Anémone prend le bout de la baguette rouge dans sa main et se met à tirer dessus à petits coups, essayant de faire lâcher Iris. Puis, elle raffermit sa prise, et tire plus fort. Enfin, elle campe bien ses jambes au sol et essaie de l'arracher d'un geste vif à sa sœur, jusqu'à ce que, la main moite, Anémone soit entraînée par son geste, glisse, et atterrit sur les fesses. Iris éclate de rire et lui tend une main secourable.

« Théo ! » appelle Anémone. « Viens nous aider, Théo, on a besoin de toi ! »

Leur sœur qui était dans le jardin, les rejoint. Iris a les yeux qui pétillent et Anémone se masse les fesses. Elles ont l'air toutes deux excitées comme des gamines.

« Désarme-la. » Anémone indique Iris d'un signe de tête.

« Quoi ? »

« Lance-lui le sort de désarmement, essaie de la désarmer » insiste Anémone.

« Ok. » Theodora prend sa baguette blanche en main, et prononce un expelliarmus bien vigoureux, mais s'étonne quand rien ne se passe. Iris et Anémone éclatent alors de rire et bondissent dans les bras l'une de l'autre, sautant sur place.

« Heu... J'ai raté quoi ? »

Iris coince alors sa baguette magique entre ses dents, une de ses sales manies, et ôte la mitaine de cuir qu'elle tend à sa sœur.

« Vas-y, enfile-la, je vais essayer de te désarmer. »

Iris lance alors un expelliarmus sur sa sœur, sans plus de succès. Les deux aînées se retournent alors, ravie, vers leur plus jeune sœur qui a un visage grave. D'une voix intense, elle demande alors.

« Vous allez m'aider à en fabriquer d'autres. Et vous allez en vendre, sous le manteau, aux Aurors, aux tireurs de baguette d'élite, aux Nés-Moldus, à tous les parias persécutés qui portent une baguette. Vous allez me le promettre toutes les deux. »

Le visage des deux aînées s'assombrit aussi, à l'image de celui de leur benjamine. Elles hochent toutes deux de la tête ensemble, sans même se consulter, l'une étant le miroir de l'autre.