– Charlie, allume les bougies s’il te plaît !
Charlie Weasley s’exécuta d’un Incendio, faisant trembloter dix-huit petites flammes au-dessus du glaçage jaune. Il s’empara du plat et se dirigea dans le salon, suivi par Hollie et Mikkel, qui avaient tous deux les mains prises par un gros paquet cadeau. Victoria et Yona les attendaient, assises autour de la table basse du petit appartement londonien d’Hollie. C’est devant Yona que Charlie déposa le gâteau, alors qu’ils entonnaient en chœur le Joyeux anniversaire qui s’imposait. Les yeux de Yona brillaient de plaisir en voyant ses amis les plus chers rassemblés autour d’elle.
Charlie Weasley était l’un des meilleurs joueurs de Quidditch qu’elle connaissait, passionné par les dragons, celui qui lui ressemblait le plus, également généreux, courageux, loyal.
Hollie Murray était la meilleure joueuse de Quidditch qu’elle connaissait, débordant d’énergie, toujours partante pour suivre ses idées impulsives. Qu’aurait-elle fait sans elle ?
Victoria Pasteur était son amie la plus réfléchie, très certainement la plus brillante des futures médicomages qui existaient alors en Grande-Bretagne et même en Europe.
Mikkel Sveinn, enfin, norvégien comme elle, était un ami doux, compréhensif, celui qu’elle associait à son enfance et dont elle admirait la capacité d’empathie.
Ces quatre amis constituaient sa bande, celle qu’ils avaient formé à Poudlard et dont la période de scolarité était à présent terminée. Après un dernier regard empli d’amour pour chacun d’entre eux, Yona ferma les yeux et souffla ses bougies.
Leurs exclamations et applaudissements firent grand bruit.
– Ouvre tes cadeaux, Yona ! lui dit Mikkel pendant que tout le monde se réinstallait autour de la table.
Elle fut ravie des deux présents : une panoplie complète de jeune dragonnière, des bottes ignifugées aux gants de cuir, en passant par la ceinture porte-outils (elle avait bien certains éléments de ce genre de tenue à la maison, mais ceux fournis par ses parents étaient au moins aussi vieux qu’elle, et donc fortement usés) et une encyclopédie sur les dragons dont la subtilité de la magie la stupéfia : à chaque fois qu’on tournait une page, une projection magique semblable à un Patronus en jaillissait, faisant tournoyer au-dessus du lecteur une version grandeur nature du dragon correspondant à la description du livre.
Ses amis la connaissaient très bien, et même un peu trop bien. Victoria lui demanda où en étaient ses recherches de stage dans une réserve. On était déjà le 17 août, presque deux mois après la fin de leurs Aspics. Yona avait obtenu un Optimal à son Aspic de soins aux créatures magiques, et trois Effort Exceptionnel en sortilèges, botanique et potions. Il aurait été normal que ces notes dans ces matières lui ouvrent facilement les portes de n’importe quelle réserve d’Europe, mais Yona n’avait entamé aucune démarche auprès desdites réserves. Elle l’avoua à Victoria, qui ne put s’empêcher de la réprimander. Elle n’avait vraiment pas l’air de savoir ce qu’elle voulait, elle était incompréhensible, elle avait eu de si bonnes notes parce qu’elle était si passionnée par les dragons, et pourtant, elle n’avait fait aucun effort pour trouver un travail…
Yona se sentait vexée en entendant son amie la sermonner ainsi. Faire la morale à ses amis était l’activité préférée de Victoria. Yona était persuadée, secrètement, qu’elle avait tort en ce qui concernait son avenir. Les vacances étaient faites pour se reposer et s’amuser, ils sortaient tous de sept ans de travail acharné à Poudlard, et elle était absolument certaine qu’une opportunité ne tarderait pas à se présenter. Cela ne servait donc à rien qu’elle s’épuise à démarcher les réserves. Mikkel non plus, d’ailleurs, n’avait aucun plan pour la rentrée.
– Yona, je sais que ça ne t’inquiète pas, mais je trouve que Victoria a raison, dit justement Mikkel d’un air préoccupé. Elle s’est démenée pour décrocher ce stage à Ste Mangouste, et Charlie aussi pour le sien en Roumanie. Moi, je voudrais travailler en ville, mais je n’ai rien trouvé et je sens que je vais finir soigneur de rennes en Laponie…
Yona se sentait bouillir : pourquoi étaient-ils tous persuadés qu’elle allait lamentablement échouer à trouver un travail ? Mais Hollie éclata de rire.
– N’importe quoi, Mikkel ! Tout le monde sait que c’est difficile d’entrer dans la vie professionnelle. La preuve, je n’ai pas eu d’opportunité incroyable et je vais travailler avec ma mère à l’atelier de balais. Bonjour le piston ! Je suis sûre que tu vas trouver quelque chose à Londres ou Oslo, ne t’inquiète pas. On n’a que dix-huit ans, après tout.
Comme tout le monde acquiescait, même si les signes de têtes de Victoria et Mikkel étaient un peu forcés, la tension retomba et les cinq amis finirent de déguster le gâteau au citron en parlant de sujets plus légers que leurs perspectives d’avenir.
⁂
Après avoir passé la nuit chez Hollie, Victoria et Mikkel restèrent à Londres : les parents de Victoria y habitaient, et Mikkel faisait un saut chez son oncle avant de rentrer en Norvège. Les adieux furent brefs, tout le monde se promettant de se revoir très rapidement. Yona devait, elle, rejoindre le centre de Portoloins internationaux, vers Bond Street. Charlie l’accompagna, à pieds.
Lui n’avait pas besoin de s’assurer des plans qu’elle avait établis concernant son futur. Ils marchaient sans rien dire depuis quelques minutes quand elle lui expliqua :
– Evidemment, je rêve d’une réserve plus grande que celle de mes parents. Quatre Norvégiens à crête dans une vallée déserte, c’est pas vraiment un challenge. Je préfèrerais l’Australie ou l’Ukraine, un endroit qui me dépayserait. Le voyage, l’aventure, c’est ce que j’aime ! Mes meilleurs souvenirs d’enfance, ce sont des courses en forêt avec Enok et Nola. Le temps filait si vite, qu’est-ce que je me faisais engueuler en rentrant…
Charlie connaissait les chiens de la famille de Yona. Il avait passé une semaine chez ses parents l’été précédent, et il était lui aussi tombé amoureux de la vallée montagneuse, des forêts interminables, des arbres qu’ils avaient escaladés ensemble, et surtout des magnifiques et féroces dragons dont les Vengen s’occupaient. Il savait que l’intérêt de son amie pour les dragons était aussi sincère que le sien, mais il constatait à la suite de Victoria que Yona ne s’était pas donné les moyens de réaliser son rêve. En revanche, il avait une idée pour l’aider.
Il lui proposa de l’accompagner à la quatre-vingt quatorzième convention internationale sur les dragons, qui avait lieu cette année à Dublin, en septembre. Il y allait de toute façon, pour représenter la réserve roumaine dans laquelle il travaillerait avec son maître de stage. Peut-être que Yona y trouverait des idées de lieux où elle voudrait postuler, en plus de profiter du plus grand rassemblement de dragonniers et dragonologistes du monde.
Yona était ravie, elle remercia plusieurs fois Charlie de son idée et parut particulièrement enthousiaste à l’idée de l’accompagner à la convention. Ils se donnèrent rendez-vous à Dublin en septembre, avant de se séparer. Yona savourait la chance d’avoir pour ami un garçon aussi merveilleux que Charlie.