Quand Charlie et Yona s’éloignèrent, même si Yona souriait le plus largement possible, Charlie osa lui faire part de ses réticences. Le sourire de son amie disparut aussitôt.
– Je n’y crois pas ! Toi non plus, tu n’as pas confiance en moi ? Tu vois bien que Victoria s’est trompée ! Comment peux-tu ne pas approuver ma démarche ??
Charlie essaya d’expliquer, de lui faire comprendre que tout de même, cela faisait des mois qu’elle tergiversait au lieu de trouver un travail, et que là, une heure après avoir vu un type pour la première fois, elle se précipitait pour lui offrir ses services…
Yona semblait de plus en plus excédée.
– Comment oses-tu dire ça ? J’attendais l’occasion, elle s’est présentée, je l’ai saisie ! Je pense que tu es jaloux.
Charlie fut tellement surpris par l’attaque qu’il s’arrêta. Yona ne l’attendit pas et rejoignit l’aire de Portoloins qui permettait aux participants de la convention de rentrer chez eux. Juste avant de l’atteindre, toutefois, elle se retourna.
Charlie était toujours debout, immobile, quelques mètres plus loin. Ils échangèrent un regard, avant de s’avancer l’un vers l’autre. Yona parla la première :
– Excuse-moi, je… les mots ont dépassé ma pensée. Je ne pense pas que tu sois jaloux, mais je regrette que tu ne te réjouisses pas autant que moi de cette opportunité.
– D’accord, je veux bien te faire confiance. J’ai juste du mal à comprendre pourquoi Scamander a accepté ton offre. Ça me paraît un peu… précipité.
Ils demandèrent au guichet à quelle heure était le prochain Portoloin pour Londres. Ils avaient encore sept minutes à attendre.
Yona répondit à son ami :
– Peut-être tout simplement parce que j’ai un peu d’expérience ? Il a dit que j’étais la première personne à lui demander ça, il s’est peut-être dit qu’une Norvégienne serait comme chez elle en Sibérie, et qu’ayant été élevée avec quatre Norvégiens à crête, j’apprendrai plus vite que beaucoup d’autres…
Charlie ne pouvait qu’acquiescer aux paroles de son amie. Il lui fit promettre qu’elle lui enverrait un hibou dès le lundi soir.
⁂
Le voyage avait été long et plus complexe qu’elle l’aurait pensé, mais Yona parvint à attraper le dernier Portoloin russe qui la menait à Irkoutsk. De là, elle n’avait plus qu’à trouver le bar sorcier (appelé le Nasdrovia, si elle se souvenait bien des indications du professeur) et, de là, à transplaner au nord du lac pour rejoindre Brandon Scamander.
⁂
Cher Charlie,
Tu ne peux pas imaginer à quel point la réserve est extraordinaire. Je suis arrivée ce matin, Scamander m’a montré ma cabane (quatre planches surmontée d’un toit, chauffée à la flamme magique, pas le grand luxe mais rien d’insupportable) puis la réserve. On en a fait le tour en balai. Il a sept femelles et quatre mâles, tu te rends compte ? Ce sont principalement des Péruviens et des Roumains, le climat d’ici leur correspond aussi bien que celui d’origine. Ils arrivent plutôt bien à se cacher entre les arbres, même si évidemment les sorts aident aussi beaucoup.
Mais LA grande surprise de la réserve, que Scamander s’est bien gardé d’évoquer à la convention, c’est une portée de bébés dragons très spéciaux. Figure-toi qu’il a trouvé trois œufs, il y a quelques mois, probablement peu de temps après la mort ou au moins la disparition de la mère. Il ne l’a jamais retrouvée. Les œufs ont éclôt il y a trois semaines, et les bébés dragons sont BLANCS ! C’est une espèce que je ne connaissais pas, et il y avait une bonne raison à ça : j’ai vérifié dans l’encyclopédie que vous m’avez offerte, et cette espèce n’est pas répertoriée ! Ils sont blancs, donc, avec des écailles très brillantes, qui renvoient de nombreux reflets, et des yeux et des griffes rouge foncé. Leurs ailes sont plutôt petites par rapport à leur corps, et enfin, ils ont un jabot gris que je n’ai vu chez aucune autre espèce ! Charlie, c’est tellement excitant ! Scamander ne l’a dit à personne parce qu’il n’est même pas sûr qu’ils survivent, il dit que si ce sont des hybrides il faut de toute façon attendre leurs trois mois révolus pour les déclarer et les faire expertiser. Mais je suis sûre qu’ils sont assez forts ! Je les dessinerai demain pour que tu puisses t’en faire une meilleure idée. J’espère que tout va bien dans ta réserve, et que Stefan est content de ce que vous avez fait pour représenter la Roumanie à la convention.
Je t’embrasse,
Yona
PS : J’ai oublié de te préciser que Scamander me laisse trouver un nom pour les dragons, s’ils atteignent trois mois. J’ai pensé à quelque chose, donne-moi ton avis : les Flamboyants sibériens.