Il faisait un temps de chien malgré le fait que l’été approche, et devant eux ce bel hôtel particulier offrait un visage aussi sinistre qu’il était magnifique dans la lueur de cette fin d'après-midi. Harry aurait tout donné pour faire partie des renforts qui surveillaient les alentours, quand-bien même c’était Tonks qui dirigeait la manœuvre.
Mais ils y entreraient tout de même, car Nymphadora Tonks, Bill Weasley et Harry Potter perquisitionnaient l’hôtel Nott, en ce jour de mai où l’ordre leur avait été donné. Cette perquisition faisait suite à la mort de Nephtis Malefoy dans une sombre affaire d’héritage détourné.
Non seulement ils soupçonnaient le propriétaire des lieux de s’adonner assidûment à la magie noire, et ce depuis de nombreuses années, mais en plus en temps que notaire très en vue du monde Sang-Pur, Octavius Nott faisait office de témoin incontournable dans cet assassinat sur fond d’héritage.
Un témoin qui aurait d’ailleurs du se rapprocher beaucoup plus tôt des aurors s’il avait réellement été de bonne foi. Kingsley lui-même était persuadé qu’il avait une part de complicité dans cet assassinat. C’est pourquoi il avait signé ce mandat de perquisition et les avait enjoint à « trouver quelque-chose ».
En s’ouvrant devant eux après que la maison soit apparue au milieu d’autres, les portes de la demeure londonienne leur envoyèrent une bouffée d’air chaud parfumé à la lavande. Ils restèrent d’ailleurs un instant étonnés de la chose tandis qu’ils entraient d’un pas presque hésitant, jusqu’à ce qu’une voix masculine retentisse depuis l’escalier d’honneur qui se trouvait dans le hall :
- Mon épouse, Messieurs-dames, est une femme raffinée pour qui les parfums représentent davantage qu’un simple loisir.
Harry sursauta et tourna les yeux en direction de l’escalier, tandis que Nymphadora prenait la parole :
- Maître Nott, dit-elle. Le ministère a donné l’ordre au Bureau des aurors de perquisitionner votre domicile.
- Et bien que cela se fasse, répondit l’homme sur le ton de l’évidence, sans même se donner la peine de bouger de son escalier, ce qui agaça profondément Harry.
Octavius Teignous Nott pouvait avoir cinquante-cinq ou soixante ans et c’était encore un homme solidement charpenté quoique dégarni. Harry avait d’ailleurs constaté avec un vif déplaisir que le suspect le dominait de presque dix centimètres même sans se camper en haut de son escalier.
Mis-à part ce fait et son air de profonde condescendance, il semblait à tout égard un sorcier « bien comme il faut ». Sa robe sobre mais distinguée correspondait parfaitement à sa profession et, alors qu’ils l’interrogeaient sur ses activités, tout indiquait qu’il était sincèrement passionné par son métier de notaire. Pour peu, il aurait même semblé affable tandis qu’il expliquait quels étaient, selon lui, les tenants et les aboutissants de la fin du décret des sept ans. Harry lui-même avait eu du mal à ne pas se ranger à ses arguments.
Pourtant, tous les trois savaient parfaitement que cet homme était tout sauf innocent dans les dernières affaires de blanchiment d’argent perpétrées par les factions extrémistes d’Europe. Et son implication dans ce qui était arrivé à Nephtis Malefoy était peut-être encore plus forte. Il fallait qu’ils en aient le cœur net.
Nymphadora tendait le mandat de perquisition au notaire lorsqu’une porte claqua derrière eux :
- Octavius ? Demanda la femme qui venait d’entrer. Que se passe t-il ? Qui sont ces gens ?
- Des aurors mon amie, répondit le notaire. Accompagnés d’un briseur de sorts.
Il se tourna vers eux :
- Mon épouse, Mrs Nott.
Harry l’examina avec attention. Pour avoir lu le dossier il savait que Mrs Nott était la sœur cadette de Barty Croupton senior, née d’un second mariage si sa mémoire était bonne. Et à présent qu’elle s’approchait d’eux, il pouvait sentir l’odeur d’un parfum floral plutôt bien accordé à son allure à la fois digne et avenante même si elle semblait un peu effrayée.
Et revanche, rien chez cette belle femme ne lui rappelait les Croupton.
Sur une parole de Tonks, ils commencèrent la perquisition du domicile. Harry était chargé de fouiller les pièces aidé de Bill, tandis que les deux époux restaient à la garde de Nymphadora. En cas de pépin, les renforts disposés à l’intérieur interviendraient en quelques secondes. Tous ici le savaient. Pourtant un étrange sentiment d’inquiétude tenaillait le ventre de Harry.
Ils démarrèrent au rez-de-chaussée, par l’endroit d’où Circea Nott était venue à leur rencontre. Il s’agissait de pièces réservée à l’art de la parfumerie, selon les deux époux du moins. Très bien, ils allait vérifier de ce pas.
Bill brisa un sort anti-intrusion juste avant qu’ils ne pénètrent dans une pièce ordinairement réservée à Mrs Nott et ils restèrent figés un instant sur le seuil, frappés une fois de plus par la forte odeur de lavande ainsi que par la disposition des lieux.
Il s’agissait d’une salle ravissante mais vouée à un usage en dessous de son luxe dont les grandes fenêtres obstruées par des persiennes ne laissaient entrer qu’une infime partie de la lumière rasante, malgré la pluie, de cette fin d’après-midi printanière.
Harry soupira en songeant qu’il ne serait jamais rentré chez les Weasley pour le souper mais il ne se mit pas moins au travail avec Bill qui parcourait la pièce d’un regard circulaire et prudent.
Les meubles peu nombreux de ce salon étaient tous recouverts de draps mais c’est le plafond qui frappait tout d’abord, par la foison de bouquets suspendus à sécher la tête en bas. A présent que ses sens se précisaient, Harry percevait par dessus la lavande d’autres fragrances végétales : rose, genet…
C’était un bouquet de senteurs sans précédent et une seule question demeurait : Comment Circea Nott pouvait-elle travailler sur des parfums raffinés au milieu d’une telle débauche d’odeurs ?
Comme s’il avait deviné ses interrogations, Bill murmura :
- Il y a une autre pièce là-bas, toute vitrée.
- Protégée également ? Demanda Harry.
Bill agita sa baguette et hocha la tête à l’affirmative :
- Oui, dit-il. Je sens plusieurs enchantements. Rien de bien agressif cependant et ils ne semblent pas destinés à entraver l’entrée de quiconque.
Ils fouillèrent la salle aux bouquets suspendus, soulevant chaque draps mais sans trouver autre-chose que des fauteuils et des tables, avant de s’intéresser à la petite pièce vitrée. Pour l’instant ils étaient bredouilles, mais est-ce que cela durerait ?
- De toute évidence, murmura Bill au bout de quelques minutes de recherches méticuleuses. Cette pièce est bien ce qu’elle semble. En tout cas je ne vois rien qui ne soit totalement inoffensif.
Harry, lui, n’était pas d’accord :
- Ne nous fions pas trop vite aux apparences, murmura t-il. Le neveu de Mrs Nott était l’un des plus puissants mangemorts à avoir jamais existé et il n’aurait jamais été soupçonné si on ne l’avait pas pris sur le fait. Quand à Octavius Nott, il a deux frères à Azkaban.
Il ajouta en désignant le box vitré :
- Je veux voir cette pièce là-bas. Elle ne me dit absolument rien qui vaille.
La pièce, ou plutôt le box vitré du fond intriguait en effet beaucoup Harry. De ce qu’il en voyait pour l’instant, ses murs étaient couverts d’étagères remplies de flacons soigneusement étiquetés. A sa demande, Bill vérifia une fois de plus les sortilèges et, comme il n’en avait repéré aucun dangereux, ils pénétrèrent tous les deux dans le box vitré. Là encore, Harry sursauta.
- On ne sent plus rien, remarqua t-il. Il n’y a plus aucune odeur ici.
- Mrs Nott a jeté sur cette pièce un sortilège d’impassibilité. C’est logique en même temps car ce doit être l’endroit où elle prépare ses parfums.
En effet, à part un large plan de travail sous lequel était rangés divers flacons et ustensiles, la pièce était vide. Un contraste saisissant avec les étagères garnies de plus d’une centaine de flacons étiquetés : Lilas, Rose, Jasmin, Bergamotte, Orange, Iris, Musc, Cédrat… Autant d’essences variées et envoûtantes dans un lieu aseptisé et étincelant de propreté.
- Tu crois qu’il s’agit vraiment de parfums ? Demanda Harry à Bill.
- Des essences, rectifia celui-ci. On va vérifier.
Il saisit un flacon au hasard sur une des étagères, en ôta le bouchon de liège et le porta à son nez.
- Oui, dit-il. C’est bien de la rose…
Harry suivit le regard de son beau-frère le long des étagères. Il se sentait intrigué sans parvenir à mettre le doigt dessus, jusqu’au moment où quelque-chose s’éclaira dans son esprit :
- Toutes ces essences sont achetées, fit-il remarquer. Tu ne trouves pas cela bizarre alors que Mrs Nott fait sécher des fleurs dans la pièce d’à côté ?
- La question est à creuser en effet, répondit Bill. Mais les fleurs séchées pourraient aussi tout simplement servir à parfumer les pièces de la maison. C’est une chose qui se fait souvent.
Il ajouta sur un ton d’expert :
- Si je comprends bien, les deux premiers murs abritent les essences et le troisième ses compositions personnelles.
Il saisit sur une étagère du troisième mur un nouveau flacon dont il lut l’étiquette à voix haute :
- Rose, Iris, Jasmin, parfait pour les enterrements… Voyons…
Harry se rapprocha et fronça le nez lorsque Bill lui fit passer le flacon ouvert dessous. L’odeur était aussi forte que désagréable. On aurait dit un détergeant pour les toilettes.
- Mrs Nott aime les parfums lourds et capiteux si on en croit cette étagère, fit observer Bill tandis qu’il lisait plusieurs étiquettes et sentait tour à tour les compositions. Pourtant, elle semblait beaucoup plus fine tout à l’heure et son parfum était à la fois léger et raffiné.
- Oui, répondit Harry qui s’en souvenait également. C’est vraiment bizarre.
Sans bien savoir pourquoi, il craignait qu’il ne s’agisse pas là de la seule chose bizarre dans cette maison.
- Allons voir le reste, dit-il avec appréhension. On n’obtiendra rien de plus à rester là.
Cette histoire est écrite dans le cadre de ma participation au concours "Les ombres du manoir".
Petit changement par rapport au canon: Nymphadora Tonks a survécu à la bataille de Poudlard.
Ah oui! Et comme j'oublie à chaque fois: le personnage Silvère Canestrier appartient à Xuulu!
Cette fic est bâtie comme une enquête et les chapitres formeront un puzzle.
Je vous propose donc un petit jeu: selon vous qu'est-ce que Harry et ses collègues pourraient bien trouver dans cette maison on ne peut plus suspecte?
Je ne révelerai pas la réponse, mais si une de vos hypothèses est juste, je vous laisserai une review dans les 48h.
J'espère que cela vous a plu et que les deux contraintes (crépuscule et exquise fragrance) vous semblent bien respectées.