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News

Nuit du 15 février 2025


Chers membres d'HPF,

Nous vous informons que la 152e édition des Nuits d'HPF se déroulera le Samedi 15 février. Coups de cœur et coups de foudre seront mis à l’honneur durant cette nuit spéciale romance qui s’étendra de 17h à 2h. N'hésitez pas à venir découvrir les nuits et vous inscrire !
Pour connaître les modalités de participation, rendez-vous sur ce topic.
A très bientôt !


De L'Équipe des Nuits le 22/01/2025 13:15


Nuitd du 17 janvier 2025


Chers membres d'HPF,

Nous vous informons que la 151e édition des Nuits d'HPF se déroulera le Vendredi 17 janvier. Vous tiendrez l’avenir au bout de votre plume tout au long de cette nuit spéciale astrologie de 20h à 1h. N'hésitez pas à venir découvrir les nuits et vous inscrire !
Pour connaître les modalités de participation, rendez-vous sur ce topic.
A très bientôt !


De L'Equipe des Nuits le 11/01/2025 10:30


Nuit de Noël de décembre 2024


Chers membres d'HPF,

Nous vous informons que la 150e édition des Nuits d'HPF se déroulera le Vendredi 13 décembre. Il s’agira d’une édition spéciale ‘Noël autour du monde’, qui durera de 17h à 3h du matin. N'hésitez pas à venir découvrir les nuits et vous inscrire !
Pour connaître les modalités de participation, rendez-vous sur ce topic.
A très bientôt !



De L'Équipe des Nuits le 01/12/2024 21:51


Recrutement - Grand Ménage Orange


Appel à candidatures - Renfort sur le Grand Ménage Orange

Comme le titre de ce message l'indique, les modératrices sont en recherche (un peu) désespérée de plusieurs volontaires pour nous prêter main forte sur le GMO (pour rappel : lecture et vérification des fics des adhérents qui ne sont pas passées par la modération manuelle sur la période 2020-2024).

Au stade actuel, nous avons vérifié environ 970 chapitres sur 4800, soit près de 21 % du total, pour un GMO lancé en mars 2024... En raison de nos contraintes personnelles, nos vies IRL, notre motivation souvent fluctuante et le fait que nous sommes peu nombreuses, nous voyons avec difficulté le bout du tunnel.



Nous aurions besoin donc de plusieurs volontaires (tout renfort est le bienvenu, donc on accueille toustes celleux qui le veulent bien !), pour la durée qui conviendra à chacun.e (si vous n'êtes disponibles que pour 1, 2 mois, aucun problème, et si vous êtes d'accord pour nous épauler plus longtemps, c'est parfait aussi !), à partir du 1er décembre.

 

Les candidatures sont ouvertes du 13 novembre au 30 novembre, et vous pouvez postuler ou demander de plus amples informations sur ce que serait votre mission en envoyant un MP sur le forum à l'une d'entre nous (Eanna, Violety ou PititeCitrouille).

Merci par avance à celleux qui se proposeront !

Les Modératrices d'HPFanfiction


De Equipe de Modération d'HPFanfiction le 13/11/2024 15:50


Nuit de novembre 2024


Chers membres d'HPF,

Nous vous informons que la 149e édition des Nuits d'HPF se déroulera le Samedi 30 novembre. Il s’agira d’une édition spéciale, dédiée à la gastronomie, qui durera de 17h à 3h du matin. N'hésitez pas à venir découvrir les nuits et vous inscrire !
Pour connaître les modalités de participation, rendez-vous sur ce topic.
A très bientôt !


De L'équipe des Nuits le 03/11/2024 17:05


Les Podiums en automne !


Bonsoir à toustes !

Félicitations à Tiiki et Juliette54 qui remportent respectivement le coup de coeur des lecteurices avec "Le Jeu de la Bruine" et le coup des Podiums avec "Et cincta ferro Bella", pour la sélection "Poésie" !

Nous nous retrouvons dans un mois avec notre sélection de texte sur le thème qui a remporté le vote pour l'hiver 2024 : la résistance !

 


De Equipe des Podiums le 01/11/2024 23:10


Un enchantement de Noël par AliFantasque

[2 Reviews]
Imprimante Chapitre ou Histoire
Table des matières

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Note de chapitre:

Je suis de retour avec un nouveau projet ! Un peu en retard sur mon programme, certes : je voulais le poster bien avant Noël pour rester dans l'ambiance. Mais enfin, peu importe quand vous lirez cette fanfiction, tant qu'elle prolonge un peu les fêtes pour vous...

J'aime beaucoup le conte Un Chant de Noël de Charles Dickens. Un beau jour, m'est venue l'idée de le transposer dans le monde de Harry Potter, et le personnage idéal pour le rôle-titre a été tout trouvé.  Il a suffi ensuite d'adapter l'histoire autour de lui...Ca m'a pris plusieurs années mine de rien, le temps d'écrire un début, de le sortir du placard un an plus tard, d'en écrire encore un bout, de le re-sortir encore du placard et le terminer enfin... Toute une aventure, due au fait que j'ai plus de mal à retrouver la motivation pour écrire ces temps derniers. J'espère que pour vous, ça en vaudra la peine et que cette lecture vous amusera ne serait-ce qu'un peu.

De très joyeuses fêtes de fin d'année !

Avant de vous laisser, je tiens à remercier la talentueuse Melfique pour la bannière qu'elle a bien voulu illustrer pour cette fic. 

Et merci également à Elyon pour sa relecture vigilante !

 

Prologue

 

Fudge était mort. La nouvelle remplissait toute une page de La Gazette du Sorcier, et on n’allait certainement pas finir d’en parler. Enfin, cela durerait quelques jours, et puis on passerait à autre chose. Après tout, ce n’était pas comme si on avait annoncé la mort de Harry Potter ou d’un autre héros de guerre.

Héros de guerre… Sornettes ! Qu’avaient-ils fait pour mériter ce titre ? Etait-ce pour leur prétendue morale, leur bien-pensance puante ? Encore aujourd’hui, on les honorait, mais Dolores Ombrage se bornait à ne pas comprendre ce qui leur valait tant de reconnaissance. Tout ce qu’elle voyait, c’était qu’ils n’avaient pensé qu’à eux. Renverser le régime des Mangemorts, prendre le pouvoir à leur tour, obliger insidieusement tout le monde à penser que leur cause était juste, parce que penser autrement voulait forcément dire penser mal… Elle n’était pas faite de ce pain-là, oh non. Elle n’avait jamais aimé les idéalistes niais qui croyaient révolutionner la société rien qu’en claquant des doigts. Les arcanes du pouvoir étaient bien trop complexes pour s’abaisser à ce genre d’imbécillité.

Oh, mais vous devez bien savoir à quoi elle pensait quand elle insinuait cela. Mettez donc votre suffisance au placard pour vous insinuer un tant soit peu dans son esprit. Faites-vous Legilimens l’espace d’un temps, Moldus que vous êtes, inutiles, répugnants Moldus. Ainsi, vous devriez comprendre, malgré votre flagrante étroitesse d’esprit. Personne ne pouvait être plus clairvoyant qu’elle sur l’état de désolation à laquelle était amenée, petit à petit, la communauté magique de Grande-Bretagne. Et elle ne pouvait rien y faire, puisqu’on l’avait mise à la porte et envoyée injustement faire un séjour de quelques années à la prison d’Azkaban.

Vous ne voyez toujours pas ? Imbéciles de Cracmols. Vous ne valez pas mieux les uns que les autres. Voilà pourquoi il aurait fallu vous écraser, au lieu de contraindre toujours plus la communauté magique à se refermer sur elle-même ; à gâcher ses talents et ses possibilités de sortir de l’ombre. C’était bien sûr de cela qu’elle voulait parler : dès le départ, elle avait su que Harry Potter était un individu dangereux pour la politique du Ministère, et ce avant même qu’il ne sorte de l’école. Voilà où cela les avait menés aujourd’hui : à se soumettre toujours un peu plus au monde moldu et même pire, à adopter leurs coutumes et leur mode de vie ! C’était à vomir.

Dégoûtée de ce monde qui ne filait plus droit et ne tournait plus rond, Ombrage s’était dit finalement qu’il valait mieux qu’elle ne soit plus là pour voir ça. Alors, une fois sortie de prison, elle s’était recluse dans la vieille maison de Londres où elle avait vécu, d’abord avec sa famille entière étant enfant, puis avec seulement son père et toute seule enfin, après sa mort. Elle s’y trouvait bien mieux, au calme, avec pour seule compagnie ses idées et ses ruminations, et les nombreux chats qui miaulaient à longueur de temps, sur les petites assiettes qui tapissaient les murs.

Peut-être était-ce le fait d’avoir assisté à cette déchéance qui avait fait mourir Cornelius. Cornelius n’avait de toute façon jamais eu de grandes idées, malgré tous ses principes. Mais il était certain qu’il avait été l’homme idéal, selon elle, pour mener à bien ses propres objectifs. Il avait suffi de se lier d’amitié avec lui et, en peu de temps, il avait été d’accord avec tout ce qu’elle disait. Il suffisait simplement d’être persuasif et surtout de bien le caresser dans le sens du poil. C’était ce genre d’homme qu’il lui fallait, quelqu’un qui ferait tout ce qu’elle lui demanderait et qui serait persuadé, au bout d’un moment, que toutes les idées qui venaient d’elle étaient en fait les siennes. Elle l’avait considéré comme une étape, l’étape ultime avant sa propre ascension car, alors qu’elle était au sommet de sa puissance, elle avait senti que le pouvoir était à portée de main. Et puis la disgrâce de Fudge avait failli ruiner ses projets. Lorsqu’elle avait su que sa chute était inévitable, elle avait décidé de le rayer totalement de sa liste de contacts, et ce même s’il s’était échiné, par la suite, à essayer de se remettre dans ses petits papiers. Ombrage ne voyait que ce qui lui était avantageux, et Fudge ne pouvant plus lui apporter grand-chose, elle avait au moins réussi à demeurer dans les hautes sphères du pouvoir sous l’administration de Scrimgeour puis, enfin, de Thicknesse.

Shacklebolt nommé arbitrairement Ministre de la Magie, elle avait été remerciée lâchement, traînée dans une salle d’audience et traitée avec médisance, avant qu’un jugement hâtif ne l’envoie croupir en prison. Voilà toute l’histoire. Quant à Fudge, il avait été mis à la retraite et elle n’avait jamais plus entendu parler de lui, jusqu’à ce jour. Elle ne pouvait s’empêcher de renifler de mépris en lisant cet article au style si condescendant, comme si l’information ne valait pas qu’on fasse tant de gorges chaudes. De l’avis général, Fudge avait été un Ministre médiocre et inutile, qui n’avait pas su anticiper la guerre quand elle menaçait ouvertement. Dolores s’en souvenait, de cette époque. Oh, cette petite raclure de Potter, si persuadé d’avoir eu raison dès le départ, alors qu’il n’était juste qu’un fauteur de troubles qui voulait faire parler de lui ! Elle aurait bien voulu lui graver encore et encore des mots sanglants dans sa peau si fine, pour le remettre un peu à sa place et le faire descendre de son piédestal.

Voilà où en étaient les pensées de Dolores Ombrage. Je sais très bien que vous commencez à grogner car vous ne voyez pas pourquoi je parle de ce personnage, surtout en période de fêtes. A-t-on besoin qu’on rappelle ce vieux crapaud à notre bon souvenir, quand nous avons l’occasion de penser à des choses plus heureuses ? Vous voudriez peut-être que je vous raconte une autre histoire. Celle de l’Elfe de Maison qui devint libre après une longue lutte contre des sorciers sans scrupules. Comment ? Vous la connaissiez déjà ? Eh bien, j’ai le regret de vous avouer que je ne connais pas beaucoup d’autres récits. Si vous préférez, je vous proposerais d’aller lire d’autres contes plus gais. Le sorcier au cœur velu, par exemple.

Finalement, cela revient au même, puisque Dolores Ombrage est ce qu’on pourrait appeler, communément, une sorcière au cœur velu.

Je passe désormais au sujet de mon histoire. Vous avez dû entendre parler de Charles Dickens, cet écrivain moldu fabuleux. S’il y a un sorcier dans cette assemblée et qu’il n’en a jamais entendu parler, ce n’est pas bien grave, puisque l’histoire que je vous propose ici est un emprunt à un de ses contes les plus connus : Un chant de Noël. Un de ces jours, allez feuilleter ce livre ou un autre de ses romans, histoire de pouvoir briller à votre prochain devoir d’Etudes des Moldus – s’il y a des chances que vous tombiez sur de la littérature à votre examen de fin d’année. Vous me remercierez ensuite de ce conseil avisé, même s’il s’avère que votre examinateur lui-même ne connaissait pas Dickens. Enfin, je pense qu’avec les dernières réformes mises en place par Poudlard, et la place prédominante qu’occupe désormais cette matière dans l’enseignement, ce genre de problème aurait difficilement cours, et de ce que j’ai entendu dernièrement, on arrive enfin à faire autre chose qu’étudier le fonctionnement des ampoules éclectiques ou des fêlétones potables.

Mais je m’égare, encore ! Veuillez m’excuser ces digressions si nombreuses, je ne suis qu’un modeste conteur débutant, qui parle au fil de ma pensée.

Même si elle avait pris le parti de se moquer royalement de la mort de Fudge, Ombrage ne parvenait pas à lâcher son journal. Voir la photographie de l’ancien Ministre, qui s’étendait sur toute la largeur de la page, réveillait en elle des souvenirs douloureux qu’elle espérait avoir évacués. Car, enfin, elle n’avait jamais digéré l’interruption si soudaine d’une carrière qu’elle avait pourtant eu à cœur de mener à son apothéose, à savoir : pour devenir elle-même Ministre de la Magie. Fudge aurait été l’instrument qui lui aurait facilité la tâche. Mais Fudge, tout comme sa carrière, était parti en fumée, et elle était seule, seule, seule avec sa haine et sa rancœur.

Je viens de m’apercevoir d’une information que j’ai oubliée et qui, d’ailleurs, contredit l’incipit de ce texte. Peu importe, on va rattraper ça : en vérité, le numéro de La Gazette qu’Ombrage tenait entre ses mains datait de plusieurs mois. Si je peux donner une explication tout à fait bancale – mais peu importe, du moment qu’elle passe –, je vous dirais que c’est parce qu’elle n’avait pas eu le cœur de se débarrasser du journal et que, dès qu’elle en avait l’occasion, elle y jetait et rejetait sans cesse des coups d’œil, furtifs ou prolongés, en sachant très bien qu’elle allait encore se faire du mal. De plus, Ombrage restait bloquée dans un présent perpétuel. Dans sa petite maison londonienne, le temps n’avançait plus. Visiblement, elle accordait plus d’importance qu’elle ne croyait à la mort de Cornelius Fudge. Non parce qu’elle l’aimait ou quoi que ce soit – elle n’aimait qu’elle-même – mais on pouvait difficilement effacer le chemin qu’elle avait parcouru avec lui, et le succès qu’il aurait pu lui garantir si le vent avait tourné en leur faveur. Mais le fait était que la communauté magique n’avait pas vu où était son véritable intérêt, et s’était laissée séduire par des fariboles.

On sonna à la porte. Ombrage sursauta. Elle n’avait pas l’habitude qu’on vienne la déranger, vu que ses voisins savaient qui elle était et ne se risquaient pas à venir, et qu’elle n’avait pratiquement plus de famille. Pratiquement… Le visiteur qui venait l’importuner ne pouvait être qu’une seule personne, et l’idée ne l’enchantait guère, il fallait bien le dire. Elle avait pris l’habitude de ne plus aller ouvrir, quand bien même les bruits de sonnette devaient se prolonger, encore et encore. L’indésirable avait fini par bien le comprendre, puisqu’il se contentait à présent de sonner trois fois avant d’ouvrir la porte d’un Alohomora bien senti. Ombrage avait essayé, au départ, d’utiliser toutes sortes de systèmes pour bloquer l’entrée, avant de s’apercevoir que rien n’y faisait, car son visiteur arrivait toujours à passer ces épreuves, montrant par-là son talent indéniable en sortilèges. Voilà qui ne lui plaisait guère, sachant d’où venait la personne…

La porte émit un déclic. Une voix claironnante résonna dans le hall d’entrée :

« Bonjour, tatie ! »

Ce surnom si stupide et si agaçant… Elle avait envie de hurler dès qu’elle l’entendait. Tatie ! Comment ce rebut pouvait-il oser prononcer un tel mot ? Etait-ce donc pour la tourner en dérision, pour la réduire à moins que rien ? Tatie ! Elle allait lui apprendre où était sa place.

« Je t’arrête tout de suite, petite sotte, épargne-moi ton enthousiasme puéril, » répondit-elle, du ton le plus froid qu’elle pouvait avoir. Cela faisait longtemps qu’elle avait renoncé à sa voix de petite fille. Cette manie ne lui était plus très utile maintenant qu’elle était en tête à tête avec elle-même, et non plus sur le devant de la scène, exposée à tous les regards. Il lui arrivait de regretter cette époque si glorieuse, où elle était crainte et respectée. Aujourd’hui, son aura ne suffisait plus à dompter la première idiote venue.

Iphigenia, voilà comment s’appelait l’idiote en question. Iphigenia Ombrage s’était un jour présentée à sa porte, visiteuse inattendue qui avait bouleversé son morne train de vie. Iphigenia, la fille de son frère qu’elle n’avait plus revu depuis des décennies et à qui elle n’avait jamais voulu avoir affaire pour cette unique raison : c’était un Cracmol. Lorsque leurs parents s’étaient séparés, il était parti vivre avec leur mère, et ils avaient rompu tout contact à partir de ce moment-là.

Iphigenia était, contrairement à ce que son nom laissait entendre de sinistre mémoire, l’exact inverse de sa tante sur le plan de la personnalité ; aussi joyeuse qu’elle était aigrie, aussi ouverte qu’elle était intolérante, aussi avenante qu’elle était fausse. Quoiqu’elle lui ressemblât physiquement, son sourire perpétuel et ses yeux pétillants lui conféraient la beauté que son aînée n’avait pas, illuminant ses traits et animant son visage de gentillesse. Ledit visage gardait cette fraîche rondeur qui la faisait ressembler à une poupée de porcelaine, au lieu de s’affaisser pour lui donner des allures de vilain crapaud. La différence la plus évidente entre elles deux, enfin, c’était qu’Iphigenia avait du goût, tant sur le plan vestimentaire que matériel. D’ailleurs, il fallait remarquer son effort inimaginable pour aller rendre visite à une tante qui ne voulait pas d’elle en supportant, en plus, l’effroyable décoration de sa maison. N’importe qui, même quelqu’un qui avait un amour infini pour la race féline, ne pouvait supporter longtemps de demeurer ici et de supporter les miaulements continus en fond sonore. C’était à vous donner envie d'aller noyer des chatons.

Mais Iphigenia n’en démordait pas, ce qui était admirable. Cette jeune femme pleine de vie l’avait retrouvée après avoir fait de longues recherches sur le côté sorcier de sa famille. Sur son lit de mort, son père, qui avait toujours été secret sur le sujet, avait enfin avoué à sa fille qu’elle n’était pas Née-moldue comme il le lui avait toujours laissé croire mais qu’ils avaient, en fait, une parentèle sorcière, avec qui ils avaient coupé les ponts depuis des années. Emue par cette découverte, sans comprendre réellement ce qui avait motivé cette séparation, Iphigenia s’était échinée à rechercher les membres de cette famille. Cela l’avait d’abord conduite sur les traces de son grand-père, dont elle avait appris la mort peu de temps avant. Et puis, les bruits courant au Ministère, où elle occupait un poste assez discret, elle avait su que l’ancienne sous-secrétaire d’Etat, si proche du Ministre et connue pour d’effroyables exactions pendant la guerre, était sa tante. Elle avait attendu sa sortie d’Azkaban pour aller la voir, même si une telle découverte aurait plutôt mérité qu’elle coupe court à son enquête et fasse comme si elle n’avait jamais eu aucun rapport avec cette partie de la famille. Mais Iphigenia était trop douce et pas assez perverse : elle était convaincue qu’il y avait une raison pour laquelle sa tante avait fait tout cela, fût-elle douloureuse. Elle était persuadée qu’elle avait le droit au rachat. Cette douce naïveté l’empêchait de comprendre une chose : Ombrage ne voyait pas l’intérêt de se racheter, puisqu’elle était convaincue d’avoir toujours eu raison. Et elle s’agaçait de voir cette nièce tenter de la convaincre, à longueur de temps, qu’elle « n’avait pas à s’en vouloir » et que, quoi qu’il arrive, « elle serait toujours là pour elle ».

« Il s’est mis à neiger, aujourd’hui, tatie ! déclara Iphigenia, comme si elle annonçait le retour de Merlin en personne.

-Merci bien, j’ai remarqué, » grogna-t-elle. En vérité, c’était faux, Ombrage n’ayant pas détaché une seule fois son regard du journal.

Se précipitant vers la fenêtre, Iphigenia contempla, avec un regard d’enfant, les flocons qui tombaient pour aller s’échouer sur le rebord du toit, recouvrant progressivement les ardoises d’une couche de neige. Des enfants jouaient sur le trottoir d’en face. Un groupe se formait à sur la place pour lancer une chorale.

« Comment te portes-tu, depuis la dernière fois que nous nous sommes vues ? »

Ombrage ne daigna même pas répondre, choisissant d’ignorer ce petit parasite qui venait troubler ses paisibles journées.

« Oh, tatie… ne m’ignore pas comme ça ! Je t’ai apporté du thé, je pensais que ça te ferait plaisir d’avoir ton cadeau de Noël en avance ! »

Iphigenia savait que sa tante adorait toutes les sortes de thés, à force de l’avoir vue en préparer et en tombant par hasard sur un service complet, dans la cuisine. Ce qu’elle avait du mal à comprendre, en revanche, et moi aussi, c’était cette tendance à rajouter du sucre par paquets dans ses tasses. Les puristes diront que c’est contre-nature.

« Noël, tu te rappelles, tatie ? C’est demain ! Pourquoi ne pourrions-nous pas le fêter ensemble ? Ce serait le premier que je passerais avec toi.

- Je m’en passerai volontiers, » répliqua Ombrage d’un ton acide. Elle le pensait vraiment : déjà qu’elle n’aimait pas cette fête stupide, mais si en plus il lui fallait supporter la présence de l’autre idiote, elle ne risquait certainement pas de revoir son opinion.

En fait, le simple fait de devoir faire semblant d’aimer les gens en leur souhaitant tout le bonheur du monde à cette période lui avait toujours donné envie de vomir. Les autres n’en valaient pas la peine et être gentils à Noël n’allait certainement pas les rendre meilleurs le reste du temps. Alors, au moins, Ombrage osait rester elle-même. L’esprit toujours tourné vers son objectif, ne se laissant pas détourner par des futilités, résolument centrée sur elle-même. Les autres étaient ses outils.

« Il faut que tu te changes les idées, tatie. C’est une période de joie et de bonheur pour tous. Ce serait trop triste de rester seule. Viens avec moi, ce soir. Je dois me rendre à une soirée assez spéciale, j’aimerais que tu sois là, c’est important pour moi. »

La voix d’Iphigenia était devenue soudainement timide tandis qu’elle se triturait les mains avec gêne. Elle espérait vraiment qu’en essayant de lui faire du charme, elle la ferait céder ? Trop heureuse de saisir l’occasion de lui rabattre le caquet, Ombrage asséna :

 « Eh bien, vas-y donc, et fiche-moi la paix. »

Un bref instant, sans qu’elle la vît, une expression de tristesse et de lassitude passa dans les yeux d’Iphigenia. Son regard s’arrêta alors sur la une du vieux journal que tenait sa tante.

« N’est-ce pas un vieux numéro de la Gazette ? Et Fudge ? Pourquoi l’avoir conservé ?

- Une fois pour toutes, petite sotte, ne voudras-tu pas cesser tes questions stupides et aller voir ailleurs si j’y suis ? » dit Ombrage, ses doigts boudinés tapant impatiemment sur la table où elle avait posé le journal. Elle s’était tournée pour la regarder en face ou plutôt, la fusiller du regard.

Les joues d’Iphigenia se teintèrent de deux jolies taches rouges qui rehaussaient la fraîcheur de son teint. C’était une rougeur d’embarras plus que de colère. Elle avait l’habitude des réponses peu aimables de sa tante, mais c’était la première fois qu’elle le lui disait en face, avec une telle haine dans la voix.

« Crois-tu vraiment que j’ai besoin de toi pour vivre comme je l’entends ? Crois-tu vraiment que je ne suis pas heureuse, dans ma situation actuelle ? Je n’ai jamais demandé à te rencontrer et j’aurais d’ailleurs préféré ne jamais entendre parler de toi. Tu me répugnes. Toi et ta sale famille moldue, vous me répugnez. Je n’ai jamais eu aucun rapport avec vous. Je suis une sorcière au sang tout ce qu’il y a de plus pur, une descendante des illustres Selwyn ! Toi, tu n’as rien à voir avec moi, alors tu peux dès cet instant quitter cette maison et ne plus jamais poser un pied ici, car tu n’es rien pour moi ! Tu n’es rien du tout, d’ailleurs. Pas même digne de tenir une baguette. Je serais curieuse de savoir à qui tu l’as volée. »

Si elle fut affectée par ces paroles, Iphigenia n’en montra rien. Elle se contenta de soutenir le regard de sa tante, sa gaieté habituelle laissant la place à une expression sérieuse. Finalement, elle s’avança vers la table, ouvrit le petit sac à main qu’elle avait posé dessus et en sortit un autre journal, plus récent celui-là : il s’agissait du numéro de La Gazette du Sorcier paru ce jour. Elle l’ouvrit à la page 4 et le posa par-dessus la photographie de Fudge, juste sous le nez d’Ombrage qui eut un mouvement de recul.

Elle fronça les sourcils en distinguant sa photographie, accolée au portrait de sa nièce. De longues colonnes de texte entouraient les deux illustrations, et elle devina sans peine qui avait écrit cet article en reconnaissant le style impitoyable et inimitable de la journaliste la plus redoutée de la communauté magique, Rita Skeeter.

« J’ignore comment elle a fait ça, murmura tristement Iphigenia. Mais elle a su. Et visiblement, ce n’est pas une bonne chose car j’ai eu cet après-midi des tas de Beuglantes et des menaces de mort. J’aurais préféré te le cacher, pour ne pas que tu te sentes coupable, mais vu que tu es abonnée à la Gazette… Je me suis dit que tu l’aurais vu… »

En lisant l’article en diagonale, Ombrage devina que le lien de parenté entre elle et sa nièce était établi, et Rita Skeeter se perdait en tournures dramatiques et en figures de style pour raconter la « triste histoire des Ombrage ». Si elle avait espéré continuer à faire croire à la pureté de son sang, tous ses efforts étaient ruinés à présent. Elle savait sur qui rejeter la faute.

« Peut-être as-tu été indiscrète, ma chère… Il n’y a que les sorciers idiots pour devenir les cibles de Rita Skeeter, siffla-t-elle. Et je n’aime pas l’idée que tu aies pu répandre des rumeurs sur mon compte. Je pourrais te poursuivre en diffamation, tu sais.

- Mais tout est vrai ! s’exclama Iphigenia. Tu le sais comme moi : tu avais un frère qui n’avait pas de pouvoir magique, nous avons le même nom de famille, tu ne peux pas faire comme si tout ça n’avait jamais exis…

- Cesse de dire des balivernes, idiote. Sors de chez moi, va-t-en ! Et ne reviens plus ici ! »

Iphigenia resta un moment plantée là, hébétée. Ombrage eut une expression satisfaite : enfin, elle avait réussi à effacer ce sourire insupportable sur la figure de cette empotée. Sa nièce prit lentement son sac à main, fermant la boucle dans un léger déclic, et recula vers le hall d’entrée sans la lâcher du regard. Qu’espérait-elle ? Qu’elle revienne sur ses propos ? Qu’elle la rappelle et vienne s’excuser ? Dans quel monde vivait-elle ? Dans aucun, visiblement : ni le monde magique, ni celui des Moldus. Dans aucun d’entre d’eux, les contes de fées n’avaient leur place. Si elle avait eu la patience, elle lui aurait enseigné qu’il ne faisait pas bon être trop naïf, dans la vie. Tant pis, cette fille stupide l’apprendrait à ses dépens, en d’autres circonstances.

« Joyeux Noël, tatie, dit faiblement Iphigenia, comme si elle s’efforçait de ne pas pleurer. Profite bien de ton thé. »

Et elle tourna les talons.

De nouveau, le silence s’installa dans le salon, terne et morose. Un silence bienvenu pour Ombrage, dont le cœur velu ne frémit pas un seul instant devant ce qu’elle venait de faire. Pour elle, c’était une épine en moins dans son pied boudiné. C’était la tranquillité assurée. Et elle n’en avait rien à faire que cette idiote puisse subir les conséquences d’un article au vitriol d’une journaliste en quête de réputations à détruire. La seule chose qui la tracassait, pour tout dire, c’était que l’effort qu’elle avait fait pour prouver son ascendance purement sorcière était finalement balayé sans état d’âme ; elle ne pourrait pas compter, cette fois-ci, sur ses contacts du Ministère pour démentir la rumeur, vu qu’ils l’avaient tous laissée tomber.

Ainsi allaient les choses, en politique : quand on était mis hors-jeu, on n’avait plus de valeur pour ses alliés. Ses « amis » ne feraient rien pour elle puisqu’elle n’avait plus rien à leur donner en retour. Et qui voudrait encore frayer avec une bureaucrate véreuse qui avait séjourné un temps à Azkaban, la prison des sorciers, pour collaboration avec des Mangemorts ?

Enfin, il suffirait de laisser retomber l’affaire. Maintenant qu’elle n’avait plus de vie publique, elle ne risquait pas de souffrir des retombées. A la place, ce serait Iphigenia qui prendrait tout : elle travaillait encore au Ministère, à un poste tellement peu important qu’elle en avait oublié l’intitulé exact. Avec ça, elle ne risquait pas de grimper dans la hiérarchie. Peut-être ses employeurs la remercieraient-ils aussi, d’ailleurs… Ils avaient fermé les yeux sur son nom de famille, croyant qu’elle venait d’une famille moldue et qu’elle était, au plus, une homonyme de l’ancienne sous-secrétaire d'Etat du Ministre. Mais désormais, sa réputation était fichue.

La nuit tombait doucement au-dehors. Ombrage n’avait décollé ni de sa place ni des deux journaux empilés l’un sur l’autre. Son thé sucré avait depuis longtemps refroidi. Quand elle le porta à sa bouche, elle grimaça et le reposa. Dehors, la chorale chantait depuis un bon moment. Irritée, Ombrage prit sa baguette, qu’elle avait posée sur la table, à côté d’elle, et la dirigea vers la fenêtre dont le store se rabattit d’un coup sec. Une autre formule et le silence s’abattit sur son salon. Elle ne voulait pas entendre ces mièvreries insignifiantes. Noël était une telle futilité…

Une soudaine lassitude s’abattit sur elle comme une chape de plomb. Elle passa une main sur son visage en soupirant. Une autre raison pour laquelle elle détestait cette période, tout particulièrement, c’était l’intense sentiment de vide et de solitude qu’elle ressentait invariablement. Et cela ne faisait qu’augmenter la haine qu’elle ressentait pour autrui, et renforçait le froid, les ténèbres glaciales qui enserraient son cœur dans un étau…

« Hem, hem. »

Elle tressaillit et retira soudain sa main de son visage, alerte. Mais dans le salon, il n’y avait personne. Elle était bien toute seule. Alors pourquoi avait-elle entendu un raclement de gorge ?

Elle n’était certainement pas folle. S’il y avait bien un adjectif qui lui était le moins approprié, c’était celui-ci. Ombrage avait toujours eu la tête solidement ancrée sur les épaules et avait toujours tiré fierté de sa parfaite maîtrise d’elle-même. On était Serpentard ou on ne l’était pas. Alors ce n’était pas la vieillesse qui allait la faire changer !

Elle secoua la tête et replongea sa tête dans ses mains. Quelques secondes passèrent puis :

« Hem, hem ! »

Cette fois, Ombrage garda la tête dans les mains. Ne pas lever la tête… Elle pourrait voir des choses qu’elle ne voulait pas voir… Du coin de l’œil, elle cherchait à distinguer si quelque chose, ou quelqu’un, se trouvait près d’elle. Un individu sous cape d’invisibilité ? Un objet ensorcelé ? Un portrait ? Elle n’avait rien de tout ça chez elle. Mais elle distinguait cependant une légère forme grise…

Elle retira brusquement sa main une nouvelle fois et jeta autour d’elle un regard circulaire. Personne, encore une fois.

« Qu’est-ce donc encore que cette magie ? » siffla-t-elle entre ses dents. Elle oscillait à la fois entre décontenance, peur et irritation.

L’horloge du salon affichait sept heures du soir. C’était l’heure à laquelle elle dînait, habituellement. C’était son Elfe personnelle qui lui préparait à manger. Une créature insipide qu’elle s’amusait à terroriser, à l’occasion, et qu’elle forçait à dormir dans sa cave sans paillasse ni chauffage. Elle ne donnait pas signe de vie. Elle espérait qu’elle n’avait pas eu le toupet de décéder ce soir même. Elle ne voulait pas s’épuiser à chercher un nouveau serviteur au moment de Noël ou pire, à devoir préparer elle-même ses repas.

Ombrage contempla pensivement une de ses assiettes où le chaton qui l’occupait s’employait à faire une toilette intime minutieuse, détourna les yeux et se leva. Elle laissa le journal défraîchi sur la table et l’autre exemplaire plus récent qui présentait son portrait, et se dirigea vers la salle de bain. Ce qu’il lui fallait, c’était un peu de détente. Elle ne connaissait rien de tel qu’un délicieux bain chaud et parfumé pour se remettre d’aplomb et oublier les fantômes du passé qui allaient la rendre folle. Et elle voulait oublier, quelques instants, à quel point le monde était hideux, au dehors.

La salle de bain était peut-être le seul endroit, dans cette maison, qui gardait une apparence à peu près sobre par rapport au reste de la maison. Rien n’échappait à sa manie d’orner les lieux qu’elle fréquentait avec des décorations et autres accessoires immondes dont les rumeurs disaient qu’il s’agissait, pour la plupart d’entre eux, d’objets de magie noire. En réalité, Ombrage aimait faire les brocantes et les boutiques de souvenirs sur le Chemin de Traverse. Quand elle était agent du Ministère, elle pouvait même se permettre le luxe de saisir quelques objets sous un prétexte fallacieux, pour ensuite se les approprier. Cela évitait au moins la peine de sortir le porte-monnaie pour des babioles qui coûtaient souvent les yeux de la tête.

Cependant, si la salle de bain restait un endroit relativement simple, il n’en fallait pas moins constater la présence, sur la coiffeuse, d’une multitude de produits maquillants et, sur le rebord de la baignoire, d’un nécessaire de toilette complet, doté de produits onéreux et sophistiqués. Ombrage avait toujours été coquette. Elle avait toujours aimé se sentir jolie et, dans ses vieux jours, elle avait la main un peu plus lourde pour essayer de masquer sur son visage le passage du temps et garder des allures de jeune fille. Ses attitudes avaient toujours été savamment étudiées pour la faire paraître plus jeune que son âge et réussir à charmer ses interlocuteurs. S’il y avait une chose qu’elle haïssait plus que tout au monde, c’était la vieillesse.

Elle fit couler l’eau chaude pendant un long moment et se déshabilla, retirant couche par couche maquillage et vêtements. En quelques gestes, Ombrage ne fut plus que Dolores, simple et sans artifices. Elle évitait toujours de se regarder dans le miroir, dans ces moments-là, sachant que ce qu’elle y trouverait lui déplairait au plus haut point. Qui avait envie de se voir tel qu’il était, tel qu’il n’apparaissait jamais aux autres, elle voulait dire ? Les miroirs étaient des outils pour aider à masquer les apparences, pas pour les révéler. Ce n’était en tout cas pas comme ça qu’elle concevait leur rôle. Elle ne voulait pas voir l’image qu’il lui renvoyait, ce serait trop cruel. Elle se détourna rapidement pour s’empresser de rentrer dans la baignoire, qui dégageait de lourdes senteurs parfumées. Elle s’immergea avec un soupir d’aise et saisit une des potions qui se trouvaient sur le rebord, un masque hydratant Fontaine de Jouvence qui préservait la fermeté de la peau et avait également pour effet de gommer miraculeusement les rides.

(Alors oui, en effet, on m’a payé pour que je fasse du placement de produit dans cette histoire. Que voulez-vous, il faut bien assurer ses arrières : le métier de conteur ne paye pas assez !)

Bon, pour être tout à fait honnête, je doute fortement de la qualité de ce produit qui est, en plus, scandaleusement cher ; ou alors Ombrage n’est pas tellement la meilleure publicité pour cette gamme, si je puis me permettre cet avis. C’est selon, il n’est pas dans mon intérêt de discréditer qui que ce soit (contrairement à Rita Skeeter).

S’y ajoutait la touche finale : une tranche de concombre sur chaque œil, ou son équivalent magique dont je ne sais plus le nom, et Dolores posa la tête tout contre le bord de la baignoire, profitant d’une petite heure de sérénité.

Enfin, sérénité, c’est vite dit. On me paie, même assez peu, pour vous divertir, alors il faut bien amener un peu de spectacle. Et je n’ai pas l’intention de laisser Dolores tranquille, à votre plus grand bonheur, j’imagine.

Vous devez avoir vaguement remarqué qu’une voix sortie de nulle part avait apostrophé Dolores dans son salon. En temps ordinaire, si Dolores avait été moldue (je n’aurais jamais cru placer un jour ces deux mots côte à côte dans la même phrase), elle aurait attribué cela à un effet de son imagination et peut-être à une folie galopante – et ses proches aussi. Mais Dolores n’était pas moldue et je vous rappelle qu’on est dans l’univers de Harry Potter, où rien n’est jamais dû au hasard et où tout a toujours une explication, y compris quand ça n’a pas besoin d’être expliqué, enfin…

Bref. Il est temps de lever le voile sur cette voix mystérieuse et de lui attribuer un visage. Vous êtes prêts ? Je suis certain que vous ne devinerez jamais de qui il s’agit. Je suis un maître dans l’art du suspense et je me félicite de toujours savoir surprendre mes auditeurs. Alors, devant vos yeux ébahis, voici…

Quoi ? Comment ça ? Ah… Bon. Bon, d’accord, il y a quelques connaisseurs du conte de Dickens dans cette salle, à ce que je vois. Mais s’il vous plaît, n’allez pas spoiler la suite à vos petits camarades qui n’y connaissent rien. Même moi, vous voyez, je ne sais pas toujours ce qui va arriver ensuite dans mes propres récits. On appelle ça l’art de l’improvisation (et l’opération du Saint Esprit, pour reprendre une expression moldue).

« Hem, hem. »

Dolores n’en crut pas ses oreilles, vu que l’ouïe était le seul sens qu’elle avait encore à disposition. Elle se raidit et se redressa dans la baignoire, n’étant pas sûre d’avoir bien entendu. Elle n’était pas loin de se dire qu’au bout du compte, elle avait peut-être définitivement basculé dans la folie… Ou quelqu’un lui avait jeté un sortilège de Confusion… Cette peste d’Iphigenia aurait-elle fait quelque chose ? Elle avait toujours trouvé que cette sainte-nitouche donnait trop l’air d’être trop innocente pour être honnête, mais elle devait cacher des vices profonds comme savait si bien le faire sa tante. C’était de famille, après tout, n’est-ce pas ?

Dolores n’osa pas bouger pendant quelques instants. Le raclement de gorge recommença, plus sonore, plus masculin aussi. Lentement, elle dirigea ses mains vers les tranches de concombre qu’elle avait sur les yeux et les souleva, appréhendant déjà ce qu’elle allait trouver.

Là, juste devant elle, le visage fantomatique de Cornelius Fudge la fixait.

Elle le regarda. Il la regarda. Bref. Après quelques secondes d’un silence hébété, Ombrage hurla en projetant des jets d’eau un peu partout dans la salle de bains, sortant précipitamment de sa baignoire. Paniquée, elle mit un certain temps à trouver le peignoir rose bonbon qu’elle accrochait habituellement à la patère près de la porte. Cornelius, pendant tout ce temps, était resté là où il était, l’observant avec intérêt.

Même après s’être couverte hâtivement, Dolores continua de brailler. Le fantôme de Cornelius attendit patiemment qu’elle se fatigue et, lorsque le volume diminua enfin, se racla de nouveau la gorge. Mais à peine avait-il ouvert la bouche qu’elle repartit de plus belle, ouvrit la porte à la volée et se précipita dans le couloir. Il l’appela vainement par son nom mais elle ne l’entendit pas, ayant pour unique objectif de sortir de cette maison hantée où un indésirable avait élu domicile pour la reluquer en train de faire sa toilette.

Ombrage n’avait pas peur des fantômes, habituellement. Enfin, tout dépendait dans quelles circonstances. J’avoue que je comprends tout à fait sa réaction, pour le coup. Mais pour le moment, contentons-nous d’observer, au lieu de compatir avec elle. Tiens, encore un mot que je n’aurais pas cru pouvoir accoler au nom de Dolores Ombrage, un jour : compatir. Décidément, la magie de Noël nous fait bien des surprises, ce soir.

Dolores n’avait même pas gagné le hall d’entrée que la porte qui donnait sur la rue fit entendre un bruit de loquet verrouillé. Elle se rendit compte alors qu’elle avait oublié sa baguette dans la salle de bain et chercha une autre issue du regard, peut-être une fenêtre qu’elle avait malencontreusement laissée ouverte en ce froid jour de décembre. Tandis qu’elle regardait tout autour d’elle, elle se retrouva de nouveau nez à nez avec Cornelius Fudge qui continuait de la fixer d’un air vaguement intrigué.

« Il est inutile de vous mettre dans tous vos états, ce n’est que…

- Arrière, fantôme, arrière !!! »

Dolores prit la première chose qui lui tombait sous la main : un vase kitsch posé sur une commode, et le lança de toutes ses forces sur le fantôme qui le reçut en plein visage. Evidemment, cela eut pour seul effet de le traverser. Il cligna des yeux.

« Allons, Dolores, calmez-vous… Vous n’allez pas gâcher toute cette splendide… euh… décoration…

- Sors d’ici, fantôme, tu n’es pas le bienvenu ! J’irai me plaindre au Ministère, j’irai…

- Dolores, vous êtes sur les nerfs et je vous comprends, mais je vous suggère de respirer un bon coup et d’aller vous asseoir. Je peux tout vous expliquer…

- Il n’y a rien à expliquer. Vous êtes un fantôme ! Sortez d’ici !

- Et encore heureux, au moins je ne suis pas un esprit frappeur. Je peux vous dire que Peeves m’en a fait voir de toutes les couleurs, l’autre jour…

- Ne me parlez pas de ce maudit esprit frappeur ! Sortez d’ici immédiatement !

- Alors non. »

Le ton de Fudge s’était subitement durci. Pour la première fois, il parut plus grand tandis qu’il se rapprochait dangereusement de Dolores en l’écrasant de son regard menaçant.

La condition de fantôme lui offrait probablement des facultés qu’il n’avait jamais eues de son vivant. Dolores se calma et se recroquevilla sur elle-même. Elle avait pour une fois réellement l’air d’une petite fille effrayée devant un spectre sorti d’un de ses cauchemars. Attendri, Fudge se radoucit et voulut la toucher. Seulement, il avait oublié que sa main ne pouvait que la traverser et un frisson glacial, au sens propre, traversa l’échine de Dolores quand elle sentit la tentative de réconfort de l’ancien Ministre.

« Voilà, ça va mieux ? » murmura-t-il d’une voix qui, se voulant bienveillante, avait en fait un accent sinistre aux oreilles de son ancienne collaboratrice.

Dolores mit encore un temps avant de rassembler ses esprits et de balbutier ces quelques mots :

« Que… Comment…

- Comment se fait-il que je suis ici ? J’allais commencer par là. Voulez-vous me suivre au salon ? Nous allons prendre un fauteuil. Je vous proposerai même de vous préparer un peu de thé pour vous remettre de vos frayeurs. En revanche, il vous faudra le faire vous-même, car comme vous le voyez, je suis un peu indisposé… »

Il montra ses deux mains transparentes puis lui fit signe galamment de le suivre, comme si le maître des lieux, c’était lui. Elle obtempéra, hébétée. Quand ils arrivèrent dans le salon, elle ne fit cependant pas le moindre geste pour commencer à préparer du thé. Elle se contenta de s’affaler dans le premier fauteuil venu, juste devant la cheminée, la bouche ouverte et tremblante, le regard exorbité. Cornelius, ou plutôt son fantôme, alla quant à lui s’asseoir sur l’encadrement de la cheminée sans prêter attention aux innombrables objets décoratifs qui s’entassaient dessus. Il croisa les bras sur ses genoux et contempla attentivement son ancienne associée.

« Vous savez, tout cela me rappelle une anecdote cocasse qui date de la période de mon mandat… La fois où, après mon élection, j’ai été rendre visite pour la première fois à cette Première Ministre moldue en poste… Cette chère Margaret… Elle a été tellement surprise de me voir qu’elle a essayé de me jeter par la fenêtre. Une sacrée poigne… ! La ressemblance entre vous deux est troublante, d’ailleurs. Maintenant que j’y pense, on ne vous a jamais vues toutes les deux ensembles dans la même pièce. »

Ombrage ne réagit pas à son monologue. Si elle l’avait fait, elle aurait tiqué en l’entendant la comparer à une Moldue. Mais son esprit tournait en boucle autour d’une autre séquence, toujours la même, comme une machine grippée. Elle parvint à émettre quelques mots :

« Vous… Dans la salle de bains, vous…

- Oh, croyez bien que j’en suis navrée, Dolores, mais je n’avais pas le choix. Voyez-vous, je n’ai pas beaucoup de temps à vous accorder. Je suis venu vous mettre en garde. »

Cornelius parlait d’un ton tout à fait tranquille mais à ce moment-là, elle perçut une légère nervosité dans sa voix, comme s’il prenait conscience enfin que le temps pressait. Mais pourquoi ?

« Vous ne sembliez pas m’entendre, alors j’ai dû faire fi de toutes les convenances et… enfin, bon. Sincèrement, ce n’était pas pour ce que vous pensez. Vous n’êtes pas… Comment dire… » De légères taches grisâtres apparurent sur les joues flasques de Fudge. « Enfin… Ma chère Dolores, je pensais qu’il serait important pour vous de savoir tout cela avant de mourir vous-même et, quant à moi, c’est mon unique occasion de venir en aide à quelqu’un. Vous savez, la vie de fantôme n’est pas une sinécure !

- Alors pourquoi… demanda Ombrage d’une voix hésitante. Pourquoi êtes-vous là ? Pourquoi n’avez-vous pas choisi de passer de l’autre côté ?

- Oh, vous savez, quand on meurt, on prend parfois des décisions absurdes et là, je ne sais pas bien ce qui m’a pris… Je n’arrivais pas à me résoudre à mourir. J’avais encore besoin d’un accomplissement. Mais les morts n’ont pas leur place dans ce monde et je m’en suis aperçu trop tard : une fois que vous êtes un fantôme, vous pouvez toujours interagir avec les vivants, mais vous n’avez aucun droit d’intervenir dans leurs affaires. Vous comprenez ce que je veux dire ? »

Dolores voyait mais tout le reste lui était encore obscur.

« Alors de quel droit vous êtes-vous introduit chez moi ce soir, Cornelius ? chuchota-t-elle, sa voix reprenant un accent sucré derrière lequel se dissimulait une pointe de menace. Il parut reconnaître le ton qu’elle adoptait quand elle s’apprêtait à faire passer un sale quart d’heure à un de leurs associés, du temps où ils travaillaient ensemble, et il s’empressa d’argumenter :

- Je ne me suis pas introduit à proprement parler, je suis un fantôme… Je peux rendre visite aux vivants quand cela m’arrange. Mais d’ici peu de temps, il faudra que je me fixe quelque part. C’est le Ministère qui le veut : tous les fantômes doivent s’enchaîner à un lieu magique dès qu’ils sont déclarés auprès du service des Esprits du Département de contrôle et de régulation des créatures magiques. Et la loi étant la loi… Vous comprenez, je ne suis jamais allé contre la loi, moi, en qualité de représentant de la communauté magique ! Avant cela, cependant, il me fallait vous voir pour vous demander d’éviter de répéter la même erreur que moi.

- Devenir un fantôme ? C’est absurde !

- Oh, croyez-moi, vous êtes encore jeune, vous n’imaginez pas quelles bêtises on fait quand on meurt… Non, pas seulement ça. Voyez-vous ces chaînes ? »

Ombrage s’aperçut alors que Cornelius portait des sortes de chaînes gigantesques qui faisaient un bruit du tonnerre que, jusqu’ici, elle n’avait pas entendu. C’étaient des chaînes monstrueuses et interminables. Maintenant qu’elle les voyait, elle s’apercevait aussi que son ancien supérieur hiérarchique avait l’air plus voûté que de son vivant, sans doute du fait de leur poids.

« Et encore, je ne sais pas si vous vous souvenez de celles du Baron Sanglant… Je ne sais pas ce qu’il a fait quand il était encore en vie, celui-là, et je ne crois même pas avoir envie de le savoir !

- Qu’est-ce que c’est ?

- Le symbole de ma culpabilité, Dolores, pour toutes les erreurs commises durant ma vie de sorcier ! »

Il pointa alors un doigt si menaçant sur elle qu’elle recula sur son fauteuil.

« Regardez-les ! Regardez-les bien… Parce que les vôtres sont cent fois plus lourdes, cent fois plus longues…

- Que voulez-vous dire ?

- Vous avez consacré votre vie entière, patiemment, à les fabriquer. Je peux les voir enroulées tout autour de vous… Vous ne les voyez pas car vous ne le pouvez pas encore, mais un jour, vous passerez de l’autre côté et vous en sentirez le poids. Vous perdrez alors toute chance de connaître le repos.

- Mais, Cornelius, je n’ai jamais rien fait de mal !

- C’est ce que vous vous dites pour justifier vos actes. C’est ce que je me suis dit pour me justifier quand j’ai refusé d’accepter le retour de Lord Voldemort (Ombrage eut un violent frisson en entendant le nom ; des années après, il y avait des habitudes qu’on ne perdait pas). Pour moi, il est trop tard, mais vous, vous pouvez faire quelque chose ! Vous, et seulement vous.

- Pourquoi avoir jeté votre dévolu sur moi ?

- De tous mes anciens associés, j’ai vu que vous étiez celle qui avait le plus besoin d’aide. Nous avons tous nos chaînes, mais les vôtres sont effroyables. C’est pourquoi je vais vous dire une chose, car le temps presse et je ne vais pas tarder à partir. »

Il leva une main pour l’empêcher de parler tandis qu’elle ouvrait la bouche.

« Cette nuit même, vous subirez trois épreuves.

- Des épreuves ?

- Trois. Elles vous mèneront, si vous vous y sentez prête, sur la voie de la rédemption.

- Balivernes ! Ce n’est qu’une vaste mascarade !

- Vous seule, évidemment, pouvez décider ce que vous en retirerez, mais c’est un mal nécessaire. Elles vous apparaîtront sous différentes formes à divers moments de la nuit. Elles vous feront sûrement souffrir à un degré inimaginable, mais rappelez-vous ce qui vient de se passer entre nous : lorsque vous les aurez passées, il se produira peut-être un changement. A défaut de supprimer votre peine, elles pourraient l’alléger, au moins. »

Fudge plongea la main dans une poche de sa veste et en retira une montre à gousset qu’il observa attentivement. Puis il la rangea et souleva l’éternel chapeau melon qu’il portait sur la tête, en parfait gentleman.

« Mon temps est écoulé. Je dois prendre congé. Il me faut encore trouver un logement où je pourrais me reposer dans mes vieux jours… Enfin, façon de parler.

- Où pourrais-je vous trouver ?

- Et quand bien même, Dolores, vous ne voudriez quand même pas vous mettre à ma recherche ? dit-il d’un ton jovial. Croyez-moi, vous n’en aurez pas plus envie plus tard que maintenant. Enfin, je peux quand même vous le dire si ça peut soulager votre curiosité : le manoir des Fudge a toujours été un endroit où je me sentais très bien. J’aimerais y passer ma non-vie pour y profiter de ma famille. »

Dolores s’abstint de dire que la famille, elle, ne serait sûrement pas ravie d’avoir la compagnie d’un ancêtre dans sa propre maison. Mais, pour la première fois de sa vie, elle garda ces mots pour elle de peur de froisser la sensibilité de l’Ancien Ministre. Tant qu’il était là, il pouvait encore être dangereux.

« Vous ne retournerez donc pas au Ministère ? demanda-t-elle absurdement.

- Quelle idée ! Le Ministère ? Ils ont toujours refusé que les fantômes viennent élire domicile chez eux. Cela deviendrait envahissant au bout d’un moment et puis, c’est réservé aux vieilles bâtisses abandonnées ou aux demeures des sorciers ! Ensuite, quel fantôme voudrait passer sa mort sur son ancien lieu de travail ? »

Dolores aurait bien proposé le nom de Percy Weasley mais elle se ravisa, ayant déjà hâte que le fantôme de Cornelius s’éloigne pour toujours de sa maison.

« Eh bien, au revoir, Dolores ! Au plaisir de ne jamais vous revoir ! »

Après un léger salut de la main, Cornelius s’enfonça dans le mur et disparut. Dolores resta longtemps à fixer sa cheminée, interdite. Avait-elle rêvé ce qu’elle venait de voir ? Une voix fluette la sortit de ses pensées.

« Le repas est prêt pour la maîtresse. Que fait  la maîtresse encore en peignoir ? »

Elle se tourna vers son Elfe de Maison qui n’avait pas eu l’air perturbée le moins du monde par ses cris de tout à l’heure. Les avait-elle seulement entendus ? La situation devenait de plus en plus absurde.

Pour une fois, Dolores n’entra pas dans une colère noire. Elle ne se mit pas à tancer et humilier son Elfe pour son retard évident dans la préparation du repas. Elle se contenta de dire d’une voix faible :

« Je… Je n’ai pas faim. Je vais aller me coucher plus tôt.

- La maîtresse ne se sent pas bien ? »

Ombrage ne répondit rien et passa devant l’Elfe d’une démarche incertaine.

Elle ne prit pas la peine de revêtir une robe de nuit et s’affala directement sur son lit, ses pensées embrouillées tourbillonnant dans le vide. A l’occasion, elle aurait bien eu besoin d’une Pensine pour se vider l’esprit de toutes ces interférences… Ou alors d’un sortilège d’Oubliettes pour ne pas se souvenir de ce qui s’était passé… Elle s’endormit sur ces pensées-là.

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