Viktor et Fleur sont mes champions préférés pour leur complexité et leur apport culturel, cette fic est pour moi l'occasion de les mettre un peu à l'honneur.
Ce chapitre a été écrit dans le cadre des nuits, le 9 janvier 2021 sur le thème: "le personnage est révolté par des paroles ou des actes".
Enfin, la nouvelle de la fuite d’Igor Karkaroff à son réveil a été la goutte déclenchant le raz-de-marée sur son esprit déjà au bord de la noyade.
Il ne peut pas y croire, malgré tout le mal qu’il pense du directeur, il n’y arrive pas.
Mais il ne peut nier que Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom est bel et bien revenu, à présent que son père a disparu dans les flammes de la cheminée de sa cabine et que ses paroles d’avertissement résonnent dans son esprit :
« Le père Malefoy et d’autres ont essayé cette nuit-même de m’entreprendre et de m’attirer dans leur cercle. Je ne veux pas savoir ce qu’ils trament… Mais surtout je veux que désormais tu gardes une distance absolue avec les Serpentard. J’ai peur pour toi Viktor. »
La cheminée est devenue froide sitôt le visage de son père disparu, comme si aucun feu n’y avait brûlé depuis un temps éternel. Après seulement quelques secondes, Viktor sent la colère monter en lui jusqu’à le submerger complètement. À côté de lui, ses amis l’observent avec inquiétude et leurs regards sont comme autant de coups de poignard sur son âme déjà meurtrie.
Soudain il cède. Les mots, les imprécations et les injures sortent pèle-mêle sans qu’il ne puisse les contrôler, dans des hurlements presque inarticulés où il a l’impression de devenir une bête féroce et enragée.
Autour de lui il sent bien que c’est la panique car ses colères sont rares mais mémorables, et aucun de tous ces gars ne sait comment le maîtriser dans ces moments. A vrai dire, il se fait même peur à lui-même mais pas question pour autant de se calmer.
Perdu dans son explosion de rage, il voit pourtant qu’autour de lui la minuscule cabine se vide et entend vaguement qu’on appelle à l’aide. Puis soudainement, la couleur parme d’une étoffe légère passe brièvement devant ses yeux.
Une femme vient d’entrer et il la reconnaît sans aucune peine malgré son état second, c’est celle qui était avec Igor Karkaroff, son directeur honni, dans les gradins du tournois la veille au soir.
Une conquête probablement, mais que fait-elle donc ici ? Pourquoi donc l’a t-on laissée entrer dans ce vaisseau.
La jeune femme est plutôt jolie, une trentaine d’années à peine voire moins, les cheveux clairs mais probablement pas naturels, un teint olivâtre et des yeux au regard étrangement pénétrant. Viktor essaie de l’ignorer mais une de ses mains se pose doucement sur son épaule. Et sans se retirer bien qu’il continue à tempêter et crier sa colère.
Peut-être même insulte t-il la femme qui se trouve à côté de lui, aveuglé par la rage comme il l’est.
Pourtant elle reste à côté de lui, debout et totalement inébranlable. Combien de temps cela dure t-il ? Dix minutes ? Une heure ?
Il ne le sait pas vraiment mais lorsque les premières larmes commencent à couler sur son visage, il est épuisé et son souffle court.
Enfin il s’effondre à nouveau sur sa couchette, frissonnant et le corps secoué de sanglots qu’il ne peut arrêter, si honteux à l’idée que ses camarades le voient ainsi qu’il se tire les cheveux à se les arracher et se gifle pour tenter de se reprendre. Il ne devrait pas se laisser aller comme cela, ce n’est pas digne d’un homme et encore moins du champion de Durmstrang.
De sa main encore libre, la femme l’arrête avec fermeté et lui murmure d’une voix douce pour le rassurer :
- Votre fureur a fait fuir tous les hommes de la zone, il n’y a ici que moi et une de vos camarades. Les autres sont en train de faire une manœuvre.
Étrangement, il se sent soulagé à défaut de mieux et sa respiration s’apaise un peu, tout comme son esprit. Pour autant, il lui faut encore un long moment avant de parvenir à parler d’une voix à peu près intelligible :
- Qui êtes-vous ? Pourquoi étiez-vous avec cet enfoiré de mangemort ?
Malgré lui, et malgré la sollicitude de cette femme, son ton est accusateur et il le ressent lui-même.
- Je m’appelle Athénaïs, répond t-elle cependant avec douceur. Je fréquentais Igor Karkaroff depuis quelques années, mais je crois bien qu’à présent, c’est fini…
Oui, tout est fini pour lui pense amèrement Viktor qui note l’air triste et accablé de la femme en face de lui. Car sa fuite ne le sauvera pas si Celui Dont on Ne Doit pas Prononcer le Nom le cherche.
- Qu’il crève, s’entend t-il murmurer avec colère. Qu’il crève et le plus vite possible, je déteste les lâches...
Pourtant, lui-même pleure encore et son corps frissonne toujours. C’est que ce bateau est toujours aussi glacial que lorsqu’ils se trouvaient encore dans le Grand-Nord.
Comme si elle avait deviné son inconfort, Athénaïs ôte sa propre cape et la lui enroule autour des épaules.
Sa camarade présente, Marta qu’il reconnaît enfin, s’approche également et lui tend un gobelet :
- Un peu de potion calmante ? Lui propose t-elle de sa voix aiguë si caractéristique.
- Merci… A t-il la force de souffler.
Il boit aussitôt avec reconnaissance. Marta est la meilleure potionniste de toute l’école et elle a le don de fabriquer d’excellents remèdes. Cette fois-ci ne fait pas exception puisque, après simplement quelques secondes, son esprit semble se décongestionner un peu et gagner en cohérence.
Ses tremblements de rage deviennent un peu plus contrôlables et il parvient enfin à dire ce qu’il a sur le cœur :
- Je… J’ai jeté un doloris, avoue t-il honteux. Sur Cédric Diggory… Je ne sais pas ce qui m’a pris mais je…
- Une force vous y a obligé et vous n’avez pas pu résister ? C’est cela ? Lui demande la jeune femme.
- Oui, avoue t-il. Je mérite au moins Nurmengard, pas vrai ?
Rien que la perspective suffit à le terroriser, rien que l’idée de devoir côtoyer Grindelwald…
- Vous étiez sous imperium Viktor, lui répond Athénaïs qui semble vouloir le rassurer. Rien ne peut être retenu contre vous.
- Il n’empêche que je me suis conduit comme un monstre ! S’écrie t-il en se redressant malgré les effets de la potion. Diggory… C’était le meilleur de nous tous, un gars d’un bonté extraordinaire qui méritait de gagner… Et moi j’ai fait ça… Et il est mort…
A présent les larmes coulent à nouveau, rageusement. Marta lui étreint doucement l’épaule :
- Tu n’as pas tué Cédric Viktor, murmure t-elle. Tu es innocent et tu n’y es pour rien même. Les partisans des forces du mal s’étaient infiltrés dans le tournois pour permettre la renaissance de Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom… Tu n’es qu’une de leurs victimes, pas un coupable.
Athénaïs renchérit :
- Je sais qu’Igor Karkaroff s’est conduit comme le dernier des lâches, et lui mérite clairement d’être blâmé. Mais vous Viktor, vous n’avez strictement rien à vous reprocher. Vous avez été soumis à un impardonnable qui ne vous laissait aucune chance de lui résister, et vous auriez tout aussi bien pu vous retrouver à la place de ce pauvre Cédric Diggory. Le vrai coupable est celui qui vous l’a jeté et cet homme a été arrêté.
Viktor baisse la tête, il sent la culpabilité continuer de le mordre malgré tout.
A vrai dire, à cet instant, il se sent terriblement seul et démuni malgré la présence des deux jeunes femmes.
Ses parents sont loin et il leur a interdit hier de venir après ce qui s’était passé et alors qu’il ignorait encore tout de la tragédie, de peur que sa réputation n’en prenne un coup de plus.
A présent, il voudrait juste serrer sa mère dans ses bras. Sauf que c’est parfaitement impossible.
C’est pour ça qu’il se sent si reconnaissant envers cette Athénaïs en fait, juste parce qu’elle reste près de lui, qu’elle lui offre la sécurité d’une présence adulte :
- Vous, demande t-il en pleurant. Pourquoi êtes-vous restée ?
- Pourquoi serais-je partie ? Lui répond t-elle. Igor Karkaroff a fui plutôt que d’accepter d’aider le directeur de Poudlard. Il m’a abandonnée comme les autres, bien que je n’ai jamais attendu autre-chose de lui à vrai dire. Et puis Albus Dumbledore, même s’il sait que les élèves de Durmstrang sont autonomes, m’a demandé de veiller sur vous et de vérifier que vous n’ayez pas de difficultés particulières. Je serai donc présente jusqu’à votre départ de Poudlard, ou jusqu’à l’arrivée d’un autre de vos professeurs.
Viktor acquiesce et elle ajoute :
- En parlant du directeur de Poudlard, il m’a dit de vous accompagner auprès de lui une fois que vous serez en état de le rencontrer. Il souhaite discuter avec vous.
- Il veut me questionner ? Demande Viktor soudain effrayé.
- Peut-être un peu, répond t-elle avec une certaine franchise, mais surtout une douceur rassurante. Mais ce n’est pas dans une démarche d’accusation ou pour vous reprocher quoi que ce soit, au contraire. Je pense qu’il s’inquiète pour vous et qu’en temps qu’hôte et référent adulte à présent, il veut surtout savoir comment vous allez.
Viktor sent son ventre se tordre. Il a peur d’affronter le directeur de Poudlard, le plus grand sorcier de cette époque, surtout après ce maléfice qu’il a lancé à Cédric.
Mais en même temps il l’admire : c’est lui qui a vaincu Grindelwald, le meurtrier de son grand-père. Et c’est également lui qui inspire de la crainte à Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom depuis toujours.
- J’aimerais bien qu’il me donne quelques conseils, souffle t-il pour lui-même.
Oui, il ira, il l’affrontera et comprendra ce qui s’est produit, et pourquoi il a agi ainsi. De toute manière, tout vaut mieux que ce feu ravageur qu’il sent dans ses veines encore bouillonnantes, ou le profond sentiment de dégoût de la veille...