Silas se faisait habiller pour la chasse. Deux serviteurs s'activaient autour de lui pour l'équiper de ses carquois, de sa cape, une petite épée d'apparat et de plusieurs couteaux. Le seigneur sans titre n'aimait pas du tout voir ses hommes manipuler ses lames autour de lui. Seuls leurs tremblements étaient rassurants. Jamais ces gueux n'oseraient tenter quoique ce soit. L'ignoble sans magie lui tendit son arc en if quand un palefrenier s'engouffra dans la pièce.

« Votre cheval est prêt monseigneur » réussit-il à articuler.

Le mage ne lui accorda pas un regard et ne lui répondit pas. C'était son cadet Salazar qui lui avait appris cette technique pour marquer son autorité sur les rustres qui les servaient.

« Vos vassaux et le maître du chenil vous attendent avec les chiens » ajouta-t-il prudemment.

Silas se tourna vers lui en attrapant son arc et lui jeta un regard agacé. Un éclat de terreur traversa les yeux du palefrenier qui préféra tomber à genoux se voyant déjà mordu par un reptile ou ensorcelé.

Un serviteur lui tendait une cravache en cuir en se raidissant. Le sorcier lui arracha la lanière de cuir et la fit claquer avec satisfaction. L'autre serviteur ne peut retenir un glapissement effrayé.

« Silence » tonna Silas avec mépris avant de se diriger vers la sortie.

Les trois manants s'écartèrent vivement de son chemin en masquer leur soulagement. Certains étaient morts pour moins que ça.

Trois nobliaux de province, le maître du chenil et une quinzaine de paysans l'attendaient à l'extérieur pour l'accompagner à la chasse.

Tous placèrent aussitôt un genou respectueux à terre.

« Seigneur Serpentard » salua l'un des pseudo-nobles.

Silas se surprit à regretter l'absence de son frère. Lui au moins n'était pas aussi ridiculement servile et il avait une bonne conversation.

« Qu'on n'amène mon cheval, ordonna le mage d'un ton glacial. Les serfs, vous allez à la source noire et vous ferez une battue vers l'Est. Nous contournerons à cheval le petit bois des druides à cheval avec les chiens. Vous avez plutôt intérêt à rabattre du beau gibier. Allez ! »

Les paysans échangèrent quelques regards inquiets puis se dépêchèrent d'obéir. Ils tournèrent les talons et partirent en courant.

Silas soupira devant autant de médiocrité. Il se savait le seul sorcier de la région. Aucun égal avec qui converser et peu de distraction. La chasse était distrayante, mais le climat humide ne le permettait pas tous les jours. Le temps serait d'ailleurs limite aujourd'hui.

Ce serait tout de même plus satisfaisant que de rendre le jugement des paysans qui n'arrivaient pas payer les lourds impôts qu'il faisait lever. La particularité de ses jugements étaient bien sûr les serpents. Ceux-ci ondulaient dans la salle principale du petit manoir pendant qu'il questionnait les manants. Généralement il ordonnait quelques morsures pour rappeler à chacun son devoir et les survivants retournaient trimer dans les champs.

Pire que tout, les paysannes locales n'avaient guère de charme et mettaient peu de cœur à l'ouvrage quand il leur ordonnait de s'allonger sur la paille. Le lupanar local comportait quelques beaux spécimens, mais il en avait déjà fait le tour. Et il n'avait pas oublié les conseils de Salazar de ne pas engrosser les femmes des notables locaux pour éviter les tentatives d'assassinats. Enfin si on pouvait parler de notables, songea-t-il en regardant de haut les trois hommes qui chevauchaient à ses côtés.

Finalement les livres familiaux et les quelques sorciers éduqués du comté lui manquaient. Silas ressortit le lourd médaillon familial avec nostalgie. Sa dernière relique du passé. Il donna un coup d'éperon pour forcer son cheval à accélérer la cadence et penser à autre chose.

Soudain deux cavaliers débouchèrent d'un chemin. Pour la première fois depuis des mois, Silas en fut surpris. Il n'y avait pratiquement pas de chevaux dans cette région morne et pauvre.

Le pâle soleil leur apprit par ses éclats que les nouveaux venus étaient cuirassés. Que pouvaient bien faire des soldats dans ce trou perdu ? songea Silas curieux.

« Des soldats ennemis, monseigneur ? lança un nobliau qui voulait se rendre utile.

— Possible. Sinon, ils devront payer le droit de passage. Allons à leur rencontre.

— Mais la chasse monseigneur ? s'interrogea le maître du chenil.

— Elle attendra imbécile » trancha Silas d'un ton peu engageant.

Un court galop les rapprocha des intrus. Le mage observa l'écusson des deux soldats. Silas regretta de ne pas avoir mieux écouté les cours d'héraldique de Caïus Black. Pour ne pas trahir son ignorance, il tenta d'utiliser la Legilimencie sur eux grâce aux pouvoirs du médaillon familial.

« Nous cherchons Silas de Serpentard ? demanda l'un des guerriers.

— Qui le demande ?

— Le chevalier-mage Godric Gryffondor et ses hommes, annonça fièrement le mercenaire.

— Le chasseur de géants. C'est le duc moldu qui vous envoie, n'est-ce pas ? réalisa Silas avec mépris.

— C'est exact.

— Je vous imaginais plus imposant, messire Gryffondor. Vous ressemblez juste à un soldat rachitique dépourvu de magie.

— Nous ne sommes pas messire Gryffondor, mais nous venons vous défier en son nom.

— Ici les duels ont lieu au bord de l'eau, prétendit Silas en songeant au simulacre de port à l'extérieur de la ville.

— C'est parfait, allons-y. »

Silas dissimula un sourire satisfait. Les deux hommes avaient mordu à l'hameçon.

« Un volontaire pour me servir de second ? » demanda le mage en se tournant vers les nobliaux.

Le plus jeune s'avança en espérant attirer un peu de reconnaissance pour sa famille. Puis toute la troupe se dirigea vers les eaux marécageuses pour prendre position sur les berges.

Le guerrier le plus imposant dégaina une rapière usagée, mais parfaitement entretenue. Silas pour sa part, ne garda qu'un large coutelas à la plus grande surprise de chacun.

Le mercenaire s'approcha, laissant l'autre en retrait. Un cri déchirant l'arrêta. Le mercenaire qui ne devait pas combattre était tombé à genou. Le guerrier ne comprit qu'en voyant onduler plusieurs serpents aquatiques à proximité de son compagnon d'armes. Les reptiles se levèrent et frappèrent à plusieurs reprises.

Silas ne resta pas inactif et profita de l'horreur pour incanter une malédiction et fracturer les jambes de l'autre guerrier.

« Maintenant, tu vas me dire exactement où se trouve le chevalier Gryffondor » siffla Silas en s'approchant doucement de sa victime.