Salazar Serpentard avait été exilé. Malgré ses connaissances, son talent magique et sa ruse, il s'était brouillé avec son père et son frère. Elitiste et méprisant la médiocrité, Salazar avait fini par lancer les quatre vérités à son frère. Le domaine des Serpentard tomberait aux mains d'un incapable et c'était inacceptable. Comme Salazar n'était que le cadet, son père avait refusé de trancher en sa faveur.
Jamais le charmeur de serpent ne l'aurait reconnu, mais cela avait été la meilleure chose qui lui était arrivée. Doué pour les langues, assoiffé de connaissance et de magie, Salazar avait voyagé. Son sang noble et sa ruse lui ouvraient les portes de la plupart des demeures. Les soins et les ensorcellements lui permettaient de vivre de la bonne grâce des seigneurs locaux. Le numéro de charmeur de serpent était particulièrement impressionnant pour les mages comme pour ces ridicules Moldus effrayés.
Le mage anglais voyagea à l'étranger et fit en sorte de rencontrer les enchanteurs locaux, les druides, les prêtresses, les devins, les mathématiciens, les herboristes, les potionnistes et les astronomes. Chaque rencontre était enrichissante à sa manière. C'est ainsi que Salazar, sorcier moyen de petite noblesse, devint un maître en magie.
Serpentard, parlant le latin et appréciant la culture romaine, séjourna longuement à Rome. Il franchit la Mare Nostrum avec des marchands crédules et débarqua sur le continent africain. Il y avait tant à apprendre. Les prêtres égyptiens le reçurent avec méfiance, mais l'Anglais parvint à gagner leur confiance et à s'instruire. Quelques mois en Grèce étaient aussi indispensables mais ayant le mal du pays, il décida de regagner son île natale.
Un aventurier était parti, un savant en revenait. Finalement, l'héritage des terres de Serpentard n'avait pas le moindre intérêt en comparaison. Attiré par Rome, il avait négligé d'explorer le royaume de France à l'aller. Un Fourchelangue comme lui s'intéressait énormément aux vouivres mais ces créatures restaient discrètes et l'Anglais ne s'attarda pas car il voulait retourner chez lui.
Salazar demanda l'hospitalité dans un petit manoir campagnard. Le baron lui accorda le gite et le couvert mais néanmoins avec une certaine méfiance. Celui-ci se révéla heureusement être un mage également. Certes le baron Ysengrin n'était pas au même niveau mais cela faisait des sujets de conversations. Le seigneur était un peu sauvage mais son épouse, dame Hersent, était cultivée et intéressante.
Serpentard questionna ses hôtes sur leur magnifique blason, un fier loup sanguinaire, ce qui était somme toute assez inhabituel. C'est à ce moment que le baron lui apprit qu'il était loup-garou. Le blason prenait hélas tout son sens. L'Anglais qui avait déjà eu affaire ce genre de monstre refusa prudemment de terminer son repas et voulut quitter les lieux aussi vite que possible. Le baron offensé par une telle attitude rugit et voulut déclencher un duel. L'affrontement fut évité de justesse grâce à la diplomatie exemplaire de dame Hersent. À la place, Serpentard fut jeté à la porte.
Le voyageur quitta le domaine du loup en ruminant ses sombres pensées et évaluant ses chances de se venger. Perdu dans ses pensées, Salazar fut ramené à la réalité par le sifflement de la petite vipère qui enlaçait son poignet. Le mage s'immobilisa en apercevant un goupil nonchalamment allongé sur le chemin. L'animal roux se remua, s'étira et se releva. Ses yeux étaient bien trop brillants pour être naturels. Salazar brandit son bourbon, prêt à tout. Le goupil eut une espèce de grimace qui ressemblait à un sourire, à moins que ce ne fut l'inverse. Dans un pop sonore, il se transforma en homme.
Salazar détailla le trentenaire qui venait d'apparaitre devant lui. Une barbichette rousse, un air malicieux et des yeux brillants. Ce sorcier lui ressemblait.
« Bonsoir infortuné voyageur. Je suis damp Renart, baron de la contrée qui jouxte celle du loup.
— Êtes-vous un de ses alliés ? demanda Salazar les dents serrées.
— Pas vraiment non, ricana l'homme-goupil. Disons que je suis régulièrement en désaccord avec mon voisin.
— Tiens donc ? »
Salazar qui commençait à entrevoir les bénéfices de cette nouvelle rencontre.
« Le mage qui chante avec les serpents, souffla Renart.
— Me connaissez-vous ?
— Votre réputation vous précède maître Serpentard. Que diriez-vous de retourner au manoir pour donner une leçon au loup ?
— Ce sera un plaisir maître Renart. »