— Nom d’un troll en goguette, Cat, ton appartement est une véritable porcherie !
Pénélope Deauclaire use d’une moue dégoûtée en enjambant – du mieux qu’elle le peut sans tâcher ses escarpins vernis – un carton de pizza, quelques bières, et un soutien-gorge. Assise sur un canapé où s’entassent des tas de vêtements, Catalina Diaz souffle négligemment une bouffée de sa cigarette avant de sourire à son amie. Visiblement, elle semble prêter peu d’attention à son environnement, tout comme à son apparence. Si la blonde Pénélope porte une jolie robe noire cintrée, des collants couleur chair, et des escarpins assortis, la brune Catalina est seulement vêtue d’une vieille robe de chambre mauve qui n’est plus de toute première jeunesse.
— J’allais ranger, Penny.
— Évidemment ! Tout comme tu allais t’habiller dans à peine trente secondes, ironise celle-ci, agacée.
— Détends-toi, mi bella, c’est ta soirée… soupire Catalina.Tu ne devrais pas être aussi tendue du string pour ton enterrement de vie de jeune fille… Assieds-toi cinq minutes, fumes un joint, et souris à la vie ! Demain, Liam te passera la corde au cou et tu pourras dire adios à ta liberté !
— Liam ne me passe pas la corde au cou, il me met la bague au doigt !
— Du pareil au même, mi querida, du pareil au même, chantonne Catalina avec un sourire en coin.
Catalina et Pénélope n’ont pas – comme vous pouvez le constater – la même vision du mariage. Si la première estime qu’il ne s’agit que d’un contrat grotesque qui continue à promouvoir le patriarcat et un modèle archaïque de la société, la seconde est une incurable romantique qui rêve depuis toute petite d’un mariage de princesse de conte de fées.
La jeune anglaise s’apprête d’ailleurs à l’obtenir dès le lendemain avec un dénommé Liam Foster et – autant vous le dire – elle est aux anges. Enfin, elle l’était jusqu’à ce qu’elle découvre que Catalina n’est pas encore prête pour leur soirée. Et Pénélope a du mal à le supporter, elle qui se sent obligée de chronométrer ses horaires et de caser ses tâches quotidiennes dans un agenda rempli d’une écriture soignée.
— Tu sais que nous devons être au Lutin Etoilé dans à peine un quart d’heure ? dit-elle, les lèvres pincées.
— Tu as une réservation, Penny, tu peux débarquer à l’heure que tu veux, réplique Catalina, insolente.
— Mais je suis ponctuelle ! C’est une notion que tu ne connais pas et que tu devrais connaître parce qu’il est important de savoir respecter un horaire, c’est une question de savoir…
— Elle est encore montée sur ses grands cheveux ?
Charlotte Lewis, une grande rousse de plus d’un mètre quatre-vingt, vient de passer la tête par l’entrebâillement de la porte d’entrée. Elle doit se baisser pour accéder à l’appartement et son sourire complice semble devenir énorme sur ses lèvres pulpeuses teintées d’un rose pâle. Il ne trompe ni Pénélope, qui lève les yeux au ciel visiblement blasée, ni Catalina qui laisse échapper un petit rire. Les expressions détournées de Charlotte amusent la jolie espagnole aux attitudes indolentes alors qu’elles agacent l’anglaise collet-montée.
— Les grands chevaux, Charlie, les grands chevaux, la reprend gentiment Cat.
— Je ne vois vraiment pas ce qu’un cheval vient faire dans cette histoire ! rétorque Charlotte d’un ton songeur, se laissant tomber à la gauche de son amie sur le canapé. Après tout, ce serait plus logique que ce soit des cheveux puisqu’on dit « se laisser tirer par les cheveux », non ?
— Ce n’est pas exactement ça, mais cette version me plaît bien, plaisanta Catalina, passant un bras sur les épaules de Charlotte avec affection. Moi, en tout cas, je me laisserais volontiers tirer par les cheveux si l’occasion se présente ce soir !
Catalina Diaz, jeune femme à la sexualité libérée, l’assume entièrement et ne se prive pas pour en parler. Elle sait parfaitement que cela trouble la sainte Pénélope et ne peut s’empêcher de la taquiner dès qu’elle le peut. Justement, la jeune femme blonde pince le nez d’un air sévère.
— Retiens tes ardeurs, Cat, la réprimande-t-elle, nous ne sommes même pas encore sorties.
— Je vais essayer, mi querida… susurre Catalina, évocatrice, tandis que sa langue vient lécher sa lèvre inférieure.
— Qu’’est-ce que tu vas essayer, Cat ?
Une quatrième personne vient d’ouvrir la porte d’entrée, dûment refermée par Charlotte à son arrivée. Katie Bell entre à tour dans l’appartement, salue les trois autres femmes d’un signe de main à la cantonade, et pousse un profond soupir de soulagement. Elle est soulagée que la journée se termine enfin et elle le fait savoir à ses amies. Celles-ci tournent à l’unisson un regard compréhensif vers elle. Il faut dire qu’elles ont de quoi compatir puisqu’elles sont toutes les quatre infirmières à l’hôpital Sainte Mangouste. C’est là-bas qu’elles se sont rencontrées, qu’elles sont devenues amies. A force de se retrouver dans la salle de garde, entre rires et larmes.
— Rien de sérieux, répond finalement Catalina en se redressant sur le canapé sur lequel elle s’était affalée. Comment s’est passée ta garde, Kat ? interroge-t-elle ensuite, toute trace de sourire ayant disparu de son visage.
— Épuisante, Cat, comme tu t’en doutes.
La référence à leur surnom identique – à propos duquel les deux amies plaisantent régulièrement – dessine un léger sourire sur les lèvres fines de Katie. Celle-ci, jeune femme de trente ans à la frêle silhouette, est vêtue simplement pour l’occasion d’une jupe pourpre et d’un élégant chemisier blanc au col en dentelle. Comme Pénélope hausse les sourcils pour en savoir plus sur sa journée, la petite blonde reprend, haussant négligemment les épaules.
— J’étais affilée au deuxième étage, au Service des Virus et Microbes Magiques et, entre Mr Watterson qui a passé près de trois heures à disparaître exprès pour me faire tourner en bourrique, et Mrs Diggle qui réclamait de l’eau pour son mari toutes les quatre minutes, j’ai failli perdre patience à de multiples reprises…
— Mais tu ne l’as pas fait, glissa Pénélope d’une voix douce.
— Je ne l’ai pas fait, non. Mr Watterson doit vivre avec sa pathologie, il fait ce qu’il peut pour ne pas devenir fou. Quant à Mrs Diggle, elle s’inquiète pour son époux, voilà tout… En tant qu’infirmière, je me dois de conserver mon calme et d’être disponible pour mes patients.
— La patience est d’or ! s’exclame Charlotte, sûre d’elle, le doigt en l’air.
Toutes se tournent vers leur amie sans pouvoir retenir leur rire. Celui de Catalina est franc, sans chichis, alors que celui de Pénélope est plus aiguë et sonne joliment. Enfin, le rire de Katie est discret, tout en retenue, presque pour souligner sa personnalité. Les yeux verts de Charlotte papillonnent, elle a conscience de son erreur et attend qu’on la reprenne comme on le fait habituellement. Elle ne s’en formalise jamais.
Cette fois-ci, toutefois, aucune des filles ne se permet de s’en moquer. Si Charlotte n’était pas là, sans doute qu’elles ne seraient pas amies. Si Charlotte n’était pas leur pierre angulaire – ce petit plus qui fait la différence et les rassemble – il y a bien longtemps que les quatre infirmières auraient fini par abandonner leurs soirées entre filles. Et Pénélope n’aurait peut-être jamais fêté cet enterrement de vie de jeune fille.
— Quoi ? Qu’est-ce que j’ai encore dit ? s’enquiert la jeune femme, confuse.
— Rien, Charlie, tu es géniale, la complimente Catalina, déposant un baiser sur la joue de son amie.
— C’est vrai, approuve Pénélope avec un fin sourire amusé, j’ai beau me plaindre de tes bêtises, elles sont rafraîchissantes et elles ont le mérite de détendre l’atmosphère.
— Comme quoi, les expressions n’ont pas toujours raison, soulève Katie, ce n’est pas le silence qui est d’or.
— Peut-être, en effet, appuie Pénélope, mais toujours est-il que la ponctualité est la politesse des rois.
Cette remarque, sans aucun doute, est destinée à Catalina. Cette dernière, comprenant le message, se lève finalement de son canapé. Elle s’étire longuement tel un chat paresseux, adresse un grand sourire à Pénélope, et se dirige vers la salle de bains d’une démarche qui se veut exagérément chaloupée. Avant de refermer la porte, Catalina Diaz ne manque pas d’envoyer une dernière pique de son cru à la reine de la soirée.
— Crois-moi, tu ne vas pas le regretter, Penny…
Bonjour,
Tout d'abord, bienvenue sur ma participation au concours d'Hazalhia, Les associations improbables. Comme précisé dans le résumé, le couple que j'ai choisi pour relever le défi est Pénélope Deauclaire / Lee Jordan. J'ai longuement hésité avec James Potter / Cho Chang (et je reste persuadée que je peux écrire quelque chose dessus) mais j'ai finalement opté pour la sécurité. Au moins, je ne m'embarque pas dans une fiction longue :mrgreen:
Je vous souhaite une bonne lecture et je vous embarque avec moi pour l'enterrement de vie de jeune fille de Pénélope Deauclaire. ;)
Lyssa
Petite dédicace à Bevy (si tu passes par là). Tu remarqueras que le titre de ce chapitre m'a été inspiré par "Qautre filles et un jean" dont tu m'as parlé. Rien à voir avec la choucroute (ou plutôt avec ma fiction) mais voilà :mrgreen:
Sinon, vous remarquerez que Pénélope Deauclaire n'est pas un personnage très fun, mais elle devrait s'améliorer par la suite. xD