Hasard ou instinct bien placé, cette nuit-là Scorpius fut plutôt calme et ne réveilla la famille qu’une seule fois pour recevoir à manger et être changé.
Un peu gênée, Narcissa fit mine de dormir pendant qu’Astoria traversait le salon avec le bébé pour gagner la salle de bain. Mais Gribouille en revanche se leva en couinant et vint se frotter contre ses jambes, ronronnant et miaulant en quête d’affection.
Décidément, cet animal avait l’art de se faire discret ! Narcissa dut se faire violence pour étouffer un rire tandis qu’elle se concentrait pour paraître encore endormie.
- Gribouille, chut ! Murmura Astoria, et Narcissa devina qu’elle lui jetait un regard inquiet.
Peine perdue, le chaton semblait bien décidé à recevoir son lot de caresses et Narcissa, malgré sa gêne, se leva pour venir le prendre dans ses bras et soulager Astoria qui s’occupait du bébé et essayait d’être tranquille pour pouvoir le changer.
Gribouille se mit à ronronner et s’endormit dans ses bras sitôt qu’elle l’eut calé contre sa poitrine.
- Merci, lui dit Astoria avec un sourire. Il vous aime bien on dirait.
- Cela m’en a tout l’air, répondit Narcissa en hochant la tête à l’affirmative. Il a dormi contre moi… Je ne savais pas qu’un chat pouvait être aussi affectueux.
- Il est encore tout petit, répondit la jeune femme. Avec Drago, on l’a trouvé abandonné dans la rue en bas, maigre comme un clou et on a du lui donner le biberon. Depuis, il ne peut pas se passer d’une présence humaine. D’habitude d’ailleurs, il miaule et il gratte à la porte un petit moment lorsqu’on se couche… Mais on ne peut pas le laisser entrer à cause du bébé bien sûr.
- J’imagine que cela doit poser problème alors, murmura Narcissa en jetant à Scorpius un regard inquiet.
Astoria haussa les épaules et répondit :
- On s’habitue, et puis il n’est pas pénible trop longtemps en général. Cela n’empêche pas Scorpius de dormir pour l’instant.
Narcissa n’osa rien répondre là-dessus et se contenta de regarder le chaton endormi, pelotonné dans ses bras :
- Je dois avouer qu’il est craquant, dit-elle avec un sourire.
La petite bête dormait en ronronnant bruyamment dans ses bras. Son pelage roux, tigré de blanc et tout ébouriffé était extrêmement doux au toucher et il s’était étalé contre sa poitrine, relâchant tous ses muscles dans une posture d’abandon complet. De temps à autre, un petit soupir s’échappait de sa gueule.
- Je croyais que les chats étaient méfiants, remarqua Narcissa. Mais celui-ci est particulièrement affectueux au contraire.
- Ils ne le sont pas tous, répondit Astoria. Et celui-ci a été élevé par des humains alors il n’est pas sauvage du tout. Pire, il est même incapable de se montrer autonome et quémande toujours de l’affection.
- J’ai bien remarqué, répondit Narcissa.
Lorsqu’elle retourna se coucher, Gribouille dormait toujours dans ses bras et elle n’eut pas le cœur à le réveiller pour se rallonger dans une position confortable.
C’est ainsi que Drago la retrouva, assise et assoupie sur son lit improvisé quelques heures plus tard. Le chaton n’avait pas bougé de ses bras même si à présent qu’il était réveillé il ronronnait de plus belle. Elle aurait pu rester ainsi des heures et n’aurait sans doute pas bougé si elle n’avait vu l’air profondément inquiet de Drago.
Associé au fait qu’il tenait à la main un parchemin dont elle craignait de connaître la provenance, il y avait là de quoi prodigieusement l’alerter et elle lui lança un regard interrogateur.
De toute manière, elle n’avait pas d’autre choix que de se lever car il s’avançait vers elle, visiblement avec la ferme intention de lui parler de la chose.
Narcissa soupira et se tourna vers son fils, sans lâcher le chat cependant et Gribouille raffermit sa prise sur son bras, comme s’il avait senti sa brusque crispation.
- Père vient de m’envoyer son hibou, dit gravement le jeune homme. Il sait.
Narcissa soupira :
- Rien d’étonnant au fond, dit-elle. J’ai erré plus d’une heure dans la rue, il a bien du me faire suivre…
A côté d’eux, Astoria qui s’était levée avec Scorpius et avait suivi la conversation frissonna. Il était clair que la situation l’effrayait et Narcissa ne pouvait que la comprendre. Déjà quelques mois auparavant et juste avant leur mariage, les deux jeunes gens avaient fait les frais des manœuvres de Lucius. Astoria avait subi plus d’un acte malveillant de sa part.
- Déjeunons, proposa Drago pour changer de sujet. Nous aviserons ensuite.
Narcissa se leva en soupirant et fit rapidement son lit. Puis elle se chargea volontiers de changer Scorpius pendant qu’Astoria préparait le déjeuner et que Drago repliait le canapé.
Il faut dire que son petit-fils était un bébé particulièrement calme qui se laissait faire sans problème, aussi elle n’eut aucune difficulté à s’en occuper et y prit même du plaisir.
Ensuite ils déjeunèrent et Drago montra à Narcissa le courrier que lui envoyait Lucius.
Elle s’en empara avec appréhension et la lecture qu’elle en fit acheva de la troubler et de la mettre mal-à-l’aise.
Le mot était bref, sec et froid et sans aucune marque d’affection. Il ne lui était d’ailleurs pas destiné mais simplement à Drago.
Narcissa déglutit tout en lisant. Lucius se contentait d’informer son fils que sa mère avait quitté le domicile conjugal, « au mépris de la légalité et des règles de bienséance », et qu’il était nécessaire que cette situation soit régularisée.
Il n’y avait pas la moindre marque d’affection, ni même de colère ou de rancœur, et c’était un mot totalement impersonnel, comme si Lucius avait voulu bien montrer que la chose ne l’affectait pas personnellement. Elle s’en voulut aussitôt de mettre ainsi Drago en mauvaise posture, mais à a grande surprise, il soupira en murmurant d’une voix mi-accablée, mi-ironique :
- Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’âge n’arrange pas Père… Bientôt, il sera bon pour devenir notaire.
Astoria quant-à elle jetait des regards inquiets à Narcissa.
- Comment vous sentez-vous ? Lui demanda t-elle d’une voix douce et pleine de prévenance.
- Je survivrai, répondit celle-ci d’une voix neutre mais aussi éteinte. Juste un peu vexée d’être considérée comme une éternelle mineure, et inquiète pour mon fils...
Pourtant, Drago n’avait pas l’air si affecté que cela par les manières de Lucius et elle en fut soulagée, voilà qui réglait au moins un problème.
Et pour le reste, elle était bien décidée à se sortir de là. Étrangement, ce dernier affront de Lucius lui donnait même comme des ailes pour se remettre en mouvement et une idée germait dans son esprit.
Après tout, Lucius n’était pas le seul à avoir créé des comptes parallèles à Gringott’s. Et même si son patrimoine était bien plus modeste que celui de son futur ex-mari, il pouvait au moins lui assurer de quoi subsister pendant un moment, le temps de régulariser sa situation par exemple...
Environ deux heures plus tard et après avoir un peu aidé Astoria, Narcissa avait pris ses dispositions et marchait d’un pas décidé le long du chemin de Traverse. A présent qu’elle était escortée de Drago, elle craignait beaucoup moins pour sa sécurité et se sentait même plus légère que la veille.
Entrer à Gringott’s se fit également sans encombres mais elle attendit toutefois de se trouver au guichet pour sortir sa clef du coffre des Black.
A présent elle était l’héritière de la branche aînée et pouvait profiter de son patrimoine puisque le Décret des Sept Ans venait de prendre fin, ce qui fait qu’elle pouvait utiliser le coffre des Black pour sa fortune personnelle.
Or, depuis la fin de la guerre et même si à ce moment les fonds étaient bloqués pour plusieurs années, elle avait effectué pour son propre compte un certain nombre de placements judicieux qui, après huit ans, lui rapportaient suffisamment pour qu’elle puisse espérer vivre par ses propres moyens.
Au départ, elle avait prévu ce stratagème pour Drago, afin d’assurer son avenir s’il devait brusquement se retrouver privé de l’héritage familial pour une raison ou pour une autre. Un jour de toute manière cela lui reviendrait en héritage.
Mais pour l’instant, elle devait assurer sa propre indépendance financière et prendre son envol, autrement elle ne serait d’aucun secours, ni à son fils et à sa famille, ni à sa nièce qu’elle chérissait plus que tout.
Et elle savait que, pour cette dernière, Lucius représentait sûrement la plus terrible des menaces et un redoutable prédateur. Quelque-part, c’était peut-être pour cela qu’elle était la plus soulagée de rompre enfin avec lui.
Oui, à présent elle avait les mains libres pour la protéger, ainsi qu’elle l’avait juré à sa mère des années auparavant...
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