Bien qu’elle ait sans-cesse la sensation d’être épiée ou surveillée, Narcissa ne fut absolument pas inquiétée durant toute la matinée où elle fit ses démarches à Gringott’s, si ce n’est en redécouvrant les rudes sursauts des wagonnets qu’elle n’avait plus pris depuis quelques années.
Elle en fut quitte pour une légère nausée mais ce fut vraiment le seul désagrément qu’elle subit durant toute sa visite. Pour le reste, tout se déroula le plus naturellement du monde et elle put même prendre le temps d’avouer et d’expliquer à Drago toutes les dispositions qu’elle avait prises dès la fin de la guerre.
Rien qu’à voir ses yeux étonnés lorsqu’ils se retrouvèrent devant le coffre 938, son fils ne s’en doutait absolument pas jusqu’à ce qu’elle lui en ait parlé.
- Ce n’est pas de l’argent volé, crut-elle bon de préciser dès l’instant où ils furent seuls dans le coffre de la branche aînée des Black. C’est ma part de l’héritage familial, à laquelle j’ai ajouté au fil du temps une partie de l’argent qui me revenait par mes quelques activités propres.
Le silence qui s’installa entre eux était à la fois pesant et chargé d’anxiété tandis qu’ils examinaient le contenu de la chambre forte, divisé d’un côté entre des montagnes de pièces et de l’autre entre des piles d’ouvrages anciens, des objets rares et de valeur… Ainsi que d’une série d’artefacts dont Narcissa ne tenait pas à connaître l’utilité :
- Je ne savais pas que c’était c’était à nous que revenait ce coffre, murmura finalement Drago avec beaucoup d’hésitation. Ta sœur Andromeda n’aurait-elle pas du en hériter ?
- Andromeda a refusé, répondit Narcissa en secouant la tête. J’ai réussi de justesse à la convaincre d’accepter le partage de notre patrimoine en l’état… Il y a tout juste quelques mois et elle y était d’ailleurs plus que réticente. Quant-au coffre en lui-même, elle n’en a jamais voulu.
- Pourquoi ? S’étonna Drago. Elle est l’aînée à présent que Bellatrix est morte, non ? Et puis cela n’aurait-il pas arrangé le Ministère qu’elle accepte d’hériter ?
Bien entendu, Drago n’avait pas grande idée de ce qui se cachait derrière toutes ces manœuvres. Narcissa répondit donc à son fils sur un ton grave qui ne cachait pas tout à fait son amertume après toute cette histoire :
- Lorsque j’ai revu Andromeda et sa famille, dit-elle. C’était juste après la Bataille de Poudlard et même ton père n’était pas au courant. Nous en sommes rapidement venues à évoquer la question car elle était cruciale et aucune de nous ne savait vraiment quels étaient les véritables projets de l’autre, d’autant que la situation politique était loin d’être bonne.
- J’imagine oui, répondit Drago. Le Décret des Sept ans avait tout juste du être adopté. Mais je ne comprend pas pourquoi Androméda aurait été empêchée d’hériter de ce coffre. Elle a toujours été du côté de Kingsley, de même que Sirius Black…
- Même moi j’aurais pu y prétendre, lui répondit Narcissa. Cependant, le problème était tout autre.
- C’est à dire ? La questionna son fils, visiblement perdu.
- À ce moment-là, répondit Narcissa. Alors que toute l’Europe se recomposait autour du Décret des Sept ans, nous avons jugé toutes les deux qu’il serait dangereux pour n’importe laquelle d’entre-nous de réclamer notre patrimoine.
- A cause du Ministère ? Crut deviner Drago qui était à présent franchement incrédule.
- Non, répondit Narcissa. Au contraire, c’était à cause des adversaires du Ministère. Celui-ci souhaitait qu’Andromeda hérite exactement comme tu l’as deviné, et Kingsley en personne avait négocié un passe-droit qui m’aurait permis de faire de même. Mais après que nous en ayons discuté, Androméda a fermement refusé la manœuvre et je pense qu’elle a fait le bon choix.
- Pourquoi donc ?
- Parce que si elle avait accepté, avec la fortune qu’elle aurait reçu, elle serait devenue une cible de choix pour les factions extrémistes et je n’aurais guère valu mieux… Regarde la manière dont les choses ont fini pour cette pauvre Nephtis… Ta grand-mère est l’exemple même du sort qui peut être réservé à ceux qui...
- C’est vrai, concéda Drago qui avait soudain un peu pâli. A présent que nous sommes considérés comme des traîtres, hériter de la moindre somme d’argent nous colle comme une cible dans le dos.
- Exactement, lui répondit la sorcière. Nous avons donc attendu la fin du Décret des Septs ans il y a quelques mois. Puis quand notre coffre s’est débloqué, nous l’avons partagé entre nous deux. Officiellement, c’est moi qui en suis la propriétaire et seul l’argent qu’il contenait a été partagé entre Androméda et moi. Nous avons fait deux parts égales.
- Judicieux, approuva Drago.
- Ton père n’était pas au courant, mais je pense qu’avec notre séparation il risque de le savoir très rapidement… Il faut absolument que je me dépêche pour retrouver un pied-à-terre.
Bien-sûr qu’elle devait agir rapidement et elle se maudissait déjà de son inaction de la veille, elle ne pouvait pas rester comme cela dépendante de Drago. Il fallait absolument qu’elle devienne autonome et qu’elle trouve son propre logement. Elle avait déjà eu de la chance que Lucius n’ait pas bloqué ce coffre plus rapidement.
Elle retira la totalité de la fortune qu’elle y entreposait depuis des années, consciente que Lucius ne tarderait pas à agir. De son côté, Drago qui était chef de famille selon le droit sorcier (encore terriblement archaïque) négociait l’ouverture d’un coffre avec la banque.
C’est là que Narcissa déposerait ses fonds, hors de portée de Lucius. Elle faisait pleinement confiance à son fils pour préserver sa liberté de mouvement.
En attendant elle garda avec elle une certaine somme et passa ensuite directement au bureau de change. Car, la nuit lui ayant porté conseil, elle savait à présent que le meilleur endroit pour passer sous les radars des factions magiques était incontestablement le monde moldu. Et peu à peu, un plan très précis se mettait en place dans son esprit.
Lorsqu’elle fut enfin sortie de Gringott’s avec Drago, elle se sentait libérée d’un poids énorme et ils transplannèrent directement à l’appartement du couple.
A présent que le plus dur était fait et qu’elle avait les fonds nécessaires, elle allait agir et pour commencer retourner à Hastings. Elle n’y avait pas mis les pieds depuis le passage en prison de Lucius, se contentant de temps à autre d’une visite à Ignacius qui vivait à Battle, quelques miles au nord de la station balnéaire.
Ce jour-là et le suivant encore, elle profita de l’hospitalité de son fils, s’employant surtout à chercher un logement et à téléphoner à plusieurs agences moldues (une première pour elle).
Ces deux nuits lui ayant finalement porté conseil (en plus de ses recherches), malgré la présence de Gribouille toujours attaché à elle, son plan d’action s’était peu à peu totalement dessiné.
Il fallait de toute manière impérativement qu’elle veille sur sa nièce et Hastings était l’endroit où elle serait la plus à même de le faire puisque c’était la région où Eris habitait également lorsqu’elle n’était pas en Allemagne.
Entre la ville portuaire (un très grand mot) et Battle où résidaient les cadets de la famille Malefoy, il n’y avait en effet qu’une faible distance et c’était largement faisable.
Et également, elle devrait considérer le fait qu’Eris se trouvait à présent dans cette école allemande. Là aussi elle tenterait de s’établir de temps en temps, histoire de garder un contact régulier avec la jeune fille.
Il était hors de question en effet que Lucius ait le champs libre pour agir à sa guise, car elle avait juré à sa mère de la protéger contre toutes les entreprises de prédation dont elle pourrait être victime.
Or, Narcissa n’avait qu’une parole au sein de sa famille. Elle prendrait soin d’Eris quels que soient les sacrifices auxquels elle devrait consentir.
Au matin de son quatrième jour de présence, elle quitta l’appartement seule pour la première fois et transplanna jusqu’à la gare. Ces quelques nuits chez son fils avaient suffi à lui confirmer qu’elle ne saurait lui être d’aucune utilité à présent qu’il était pleinement adulte, du moins pas tant qu’elle serait dans cette position.
Il fallait qu’elle construise quelque-chose par elle-même d’abord. Ensuite seulement elle pourrait l’épauler, et encore ce serait seulement en fonction de ses besoins.
Depuis Londres, Narcissa prit donc le train pour Hastings avec la perspective d’honorer déjà deux rendez-vous, plusieurs heures de transport durant lesquelles elle se demanda comment tous ces gens dont la plupart allaient et revenaient du travail pouvaient faire. Ce n’était pas une vie.
Ce jour-là, et aidée d’Astoria, elle s’était vêtue comme une moldue : caban noir sur une jupe longue couleur brique foncée, bottines de cuir blanc et sac à main assorti. Et pour compléter le tout : un bonnet de la même couleur que sa jupe. Sans trop détonner du reste de l’assistance, elle avait donc une apparence distinguée et élégante qui n’était pas pour lui déplaire.
Arrivée à la gare de Hastings, beaucoup plus petite que celle de Londres, elle évita de prendre un taxi et choisit de traverser la ville à pieds, profitant des embruns marins et cherchant son chemin à son rythme. De toute manière, elle avait bien le temps avant son rendez-vous et elle prit le temps de parcourir le littoral, songeant douloureusement au temps où les Malefoy du Wiltshire et de Battle, souvent accompagnés des Lestrange, promenaient ensemble sur cette même plage ou dans les collines environnantes.
Il y avait si longtemps que cette époque avait pris fin, et pourtant Narcissa s’en souvenait comme de la veille. A présent, de toute cette bande, ils n’étaient plus que quatre survivants : Hortense était morte la première de sa maladie, puis Rodolphus avait été frappé en plein vol et projeté dans le vide lors de la Bataille des Sept Potter, Ignacius était mort pour s’être opposé aux raffleurs, Bellatrix avait été tuée lors de la Bataille de Poudlard, Rabastan était mort deux ans plus tard à Azkaban et, enfin, Nephtis avait été sauvagement assassinée quelques mois plus tôt pour avoir tenté de protéger Eris et son héritage d’odieuses manœuvres de prédation.
Narcissa se sentait donc particulièrement amère, il ne restait plus en vie qu’elle et Lucius, ainsi que Drago et Eris. Que resterait-il dans quelques années si les choses continuaient à aller à ce rythme ?
A présent elle s’autorisait à y réfléchir : Quelle aurait été leur vie sans le Seigneur des Ténèbres, sans le fanatisme de Bellatrix ? Combien de ceux qu’elle avaient aimés seraient encore là, à ses côtés ? Aurait-elle eu d’autres neveux et nièces que Eris également ? Combien d’enfants auraient pu être chéris ici, par ces familles réunies ?
Pour elle, cela ne faisait aucun doute : mis-à-part Hortense, tout le monde serait resté en vie.
Devant elle sur la promenade, un couple de touristes français entre deux âges et probablement égarés en une telle saison achevait une promenade. Ils s’apprêtait à prendre le bus :
« En voiture Simone ! » Entendit-elle l’homme dire à son épouse avec un grand sourire lorsque l’imposant véhicule s’arrêta devant eux.
Narcissa aussi sourit, mais tristement. Lucius n’aurait jamais usé de telles manières avec elle et pourtant, en cet instant, elle aurait tout donné pour qu’il le fasse. Bien qu’elle lui en veuille terriblement et que ces dernières années aient été un véritable calvaire pour leur couple, il lui manquait terriblement.
C’est le cœur lourd qu’elle poursuivit son chemin vers les hauteurs de ville en direction de la colline la plus à l’Ouest. C’est là qu’elle avait rendez-vous pour visiter une maison qu’elle avait repéré.
Il lui fallut près d’une demi-heure de marche pour parvenir à destination. Lorsque, enfin arrivée en haut de la côte, elle put souffler un peu, Narcissa se dit que finalement, un trajet en voiture n’aurait pas été de refus.
Mais comme elle était sorcière, elle ne connaissait pas bien ces véhicules moldus et craignait même de les utiliser. Il faudrait qu’un jour elle se décide à essayer.
Note de chapitre:
Bonne lecture!!
J'espère que vous apprécierez ce chapitre.
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