Lauren ne prêta absolument aucune attention au décor sophistiqué du lieu. Elle balaya l'assemblée du regard.
Lily Evans, dans une jolie robe verte moldue, riait avec le professeur Slughorn. Elle ne cessait de frotter sa main droite sur son poignet gauche, où se trouvait un bracelet serti d'une pierre violette. À l'autre bout de la pièce (pouvait-il être plus loin ?), Frank Londubat lui jetait des coups d'œil mal à l'aise. Il discutait avec un Serdaigle de sixième année qui avait très certainement du sang de gobelins dans les veines, ce qui laissait croire à une fortune considérable.
Plus loin encore de Lily Evans, Severus Rogue. Son regard perçant croisa celui de Lauren, et elle sut qu'il savait qu'elle-même savait ; c'est-à-dire qu'elle savait qu'il aurait préféré discuter avec elle de la potion de Ratatinage plutôt que d'essuyer les regards mauvais de deux Poufsouffles mal maquillées. Elles étaient littéralement colées l'une à l'autre - fait étrange puisque La Chouette savait qu'elles se détestaient secrètement et cordialement.
Jamila était au centre d'un petit groupe d'anciens élèves (à en croire leur absence de boutons d'acné). Trois joueurs de Quidditch - dont Slughorn prétendait de manière tout à fait fallacieuse avoir reconnu le talent très tôt - l'écoutaient, l'air de regretter d'avoir pris part à la conversation - conversation qui tournait très certainement autour d'une forme très particulière et très complexe de magie pratiquée en Egypte. Ils se consolaient en admirant une Vélane invitée pour l'occasion. Il y avait aussi Rita Skeeter, qui prenait des notes sur les muscles des joueurs, et son cavalier, Anton Fancourt, qui secouait ses bouclettes à chaque affirmation de Jamila.
Ailleurs, deux filles et deux garçons de Poufsouffles, tous en Septième année, avaient l'air de s'amuser comme des fous. Ils cachaient très mal deux bouteilles d'alcool moldu certainement destinées à être versé dans les verres des convives au fil de la soirée. Ils étaient surveillés du coin de l'œil par les quelques professeurs présents, qui semblaient espérer secrètement qu'ils arrivent à leurs fins.
À la grande horreur de Lauren, Regulus se dirigea vers le groupe de Serpentards, particulièrement nombreux et exclusif. Chloe Avery leur servit un sourire angélique contrastant avec l'allure lugubre de son cavalier, Mulciber. Deux autres couples à l'air hautain complétaient cette impression de se trouver à une réception de sorciers cinquantenaires.
Seul Gaspard Shingleton brisait l'ennui de la conversation en faisant ce qu'il savait faire de mieux - à savoir baratiner sur ses inventions farfelues, dont la dernière en date était un Chaudron à Vapeur. Et à en croire la présence de sa compagne - une magnifique Gryffondor de Septième année -, son badinage relevait du génie, et il savait aussi bien vendre ses chaudrons que sa petite personne maigrelette.
- C'est Severus qui m'a donné cette idée en cours de Potion, racontait-il en lissant son éternelle veste d'un bleu pervenche. Je l'ai vu renifler un chaudron. C'était brillant. Mais tout le monde sait que Severus est brillant. Hein, Severus ? Il est où Severus ? Quelqu'un sait où est cet abruti ? Ah ! Te voilà ! je parlais justement de toi. Mais dis-moi, t'as pas de cavalière ? Ne me dis pas que t'es venu avec la petite Alnabil ? Elle me fait flipper, la gamine. Elle fait flipper tout le monde, de toute façon. Tiens, elle te fait même flipper, Mulciber ! Alors que bon... Enfin bref. Imaginez un chaudron rond...
Lauren fut surprise de croiser le regard amusé de son cavalier. Mais au bout de trente-sept minutes, elle remarqua qu'il se raidissait de plus en plus ; il était passé à un stade supérieur de l'agacement. Aucun moyen de glisser un mot sur la noblesse des artefacts. Elle décida donc d'agir.
Elle fit signe à un malheureux élève de Quatrième année reconverti en serveur pour l'occasion. Il s'avança prudemment et fit mine de lui faire passer un message - message qu'elle avait préalablement rédigé en prévision d'une telle situation. Elle passa à son tour le bout de parchemin à Regulus, qui le lut d'un air légèrement surpris. Finalement, il s'excusa et quitta le groupe en entrainant sa compagne avec lui.
- « Quittons la marmite » ? s'amusa-t-il une fois qu'ils furent hors d'écoute des élèves de leur maison.
Elle avait aussi pensé à « les carottes sont cuites », avant de se rappeler qu'une expression de son père Né-Moldu ferait moyennement plaisir à un Black. Elle haussa les épaules.
- Comment as-tu su que je voulais partir ? Parfois je me demande si tu n'es pas Legilimens...
- Loin de là, rit-elle en prenant cependant soin de bien manger le petit four qu'elle venait de piquer sur un plateau flottant. J'observe, c'est tout.
Elle gardait justement dans son champ de vision les deux Poufsouffles engluées.
- Joli maquillage, commenta-t-elle à leur intention.
Regulus la considéra avec étonnement. La Chouette n'avait jamais montré quelconque signe d'intérêt pour le maquillage. Les filles serrèrent encore plus fort leur verre et lui jetèrent un regard suspicieux.
- Merci, Veerman, minauda finalement la première. Toi aussi tu t'es faite très belle pour Regulus.
L'autre lui prit le bras et l'entraina un peu plus loin, non sans avoir gobé une Tartelette-à-Ailes-Citrouille. Ou quelque chose comme ça.
- Ah ! Regulus, vous voilà !
Le gros ventre du professeur Slughorn venait de faire apparition dans leur champ de vision. Il était accompagné d'un homme d'une quarantaine d'années, élégant dans un smoking et rasé de près. Il avait dans une main un verre d'hydromel à peine entamé, et tenait fermement une mallette de travail.
- John, je vous présente Regulus Black, un excellent élève de ma Maison. Vous avez sûrement déjà entendu parler de la famille Black, son père Orion exerce un poste élevé au Ministère de la Magie britannique. Et Regulus, voici John Martin. Il est le conseiller personnel du président du MACUSA. Il vient d'arriver tout droit de New-York par Port-au-Loin !
Slughorn souriait de toutes ses dents, et il y avait en effet de quoi être fier.
Regulus quant à lui était tout simplement avide de l'attention de personnes importantes. Aussi revêtit-il son air le plus aristocratique avant de lui serrer la main.
- Enchanté, Mr Martin, dit-il. C'est un honneur de vous avoir ici. Et voici ma cavalière, Miss Lauren Veerman.
Lauren sursauta : à force d'être ignorée, elle avait elle-même oublié qu'elle participait à la scène. Que Regulus ait eu la délicatesse de l'introduire l'ennuya un peu, mais elle se força à sourire à l'homme. Elle évita son baisemain et lui présenta à la place sa poigne toujours étonnement ferme.
- J'ai entendu parler des réformes que votre président avait l'intention de mener, continua Regulus. Sachez que vous avez tout le soutien de mon père.
La discussion politique se poursuivit pendant un long moment - une discussion qui ne semblait plaire qu'à Regulus. Le sourire du conseiller personnel du président de la magie américain était particulièrement crispé, et s'il n'avait toujours pas touché à son verre, le professeur Slughorn commençait à se noyer dedans. Le seul amusement qu'il paraissait tirer de la conversation était de faire remarquer que chacune des personnes célèbres citées avait appartenu à son fameux Club.
Comprenant que la discussion sur les artefacts n'était toujours pas à l'ordre du jour, Lauren se mit à observer les autres convives. Lily Evans et Frank Londubat continuaient de s'éviter. Jamila avait rejoint le petit groupe de Serpentards, et affirmait tranquillement que Gaspard Shingleton était un baratineur certes honteux, mais de grand talent. Les joueurs de Quidditch avaient rejoint les quatre ahuris de Pouffsouffle et s'amusaient à un jeu impliquant beaucoup, beaucoup d'alcool moldu.
Puis elle nota que les regards commençaient à se tourner sur leur petit groupe. La discussion ronflante avait été remplacée par un débat passionné - en grande partie du fait de l'intervention de ma fondatrice de la très jeune entreprise de matelas « MagicoDodo ».
- Tout simplement scandaleux, répétait-elle.
Son visage se colorait d'une teinte écarlate semblable à sa robe dont la coupe rappelait les tailleurs moldus.
- C'est votre naïveté qui est scandaleuse, Madame, répliqua aussitôt l'Américain. Nos relations avec les Non-Maj n'ont jamais été aussi apaisées depuis la création de ce service.
- Et pourquoi aurions-nous besoin d'apaiser nos relations, dites-moi ? Nos relations sont déjà apaisées ! Très apaisées ! Je vais même vous dire : j'ai des amis moldus !
Il y eut quelques exclamations du côté des Serpentards qui assistaient à la scène. D'autres tendaient l'oreille. Regulus échangea un regard qu'il voulait certainement entendu avec John Martin et adopta son ton le plus hautain :
- Des amis ? Et puis quoi encore... un mari je suppose ?
- Ça te pose un problème, petit ? grinça la sorcière.
- Regulus Black, la corrigea-t-il froidement. Et en effet, cela m'importune. De fait, c'est bien pour prévenir ce genre d'attitudes qu'il est nécessaire de créer un service surveillant la Fraternisation avec les Moldus semblable à celui du MACUSA.
Cris victorieux chez les Serpents. Lauren capta toutes les attitudes indiquant une montée de la tension dans la pièce. La femme plissa les yeux.
- Dis-moi, quel âge tu as pour sortir des conneries pareilles ?
Cette fois, aucun son côté Serpentards ; simplement un raidissement, des regards assassins. De la satisfaction, aussi : Black allait la mater, cette Traître à son Sang.
Un silence épais s'installa. Regulus laissa passer six secondes avant de déclarer, les doigts serrés sur le col de sa robe :
- Peut-être avez-vous raison, finalement. Il ne nous faut pas un service surveillant la Fraternisation avec les Moldus. Il nous faut bien plus. Toute personne entretenant quelque sorte de relation avec un Moldu devrait être exclue de la communauté magique. Les individus de votre espèce ne méritent ni leur baguette, ni leur...
- Regulus, voyons mon garçon...
- ...ni leur magie. Le Ministère s'est montré trop clément. Il est temps de...
- Et dis-moi, Black, comment fait-on quand notre famille est moldue ? le coupa pour de bon une voix claire chargée d'ironie. On la jette aux oubliettes ? Non, ce n'est peut-être pas suffisant... On la tue nous-même ?
Lily Evans s'était imposée dans la discussion et sa fureur semblait avoir atteint chacune de ses mèches rousses. Slughorn était apathique. Les témoins de la scène - Rita Skeeter en premier plan - étaient surexcités. La situation avait un excellent potentiel de dérapage.
- Beaucoup de Moldus préfèrent eux aussi ne pas avoir de relations avec les sorciers, intervint alors Lauren d'un ton neutre, considérant Lily avec attention. Ta sœur en est un bon exemple, si je me souviens bien.
C'était bas. C'était aussi un peu méchant. Mais Regulus vrillait la Née-Moldue de regards hostiles et La Chouette avait déjà une bonne idée de ce qu'il aurait répondu si elle n'était pas intervenue. Cela impliquait des insultes voilées, du mépris et l'activation du mode « harpie » de Lily Evans. Personne n'avait envie de voir cela.
Pour l'heure, la Gryffondor gardait les poings sur les hanches et les yeux flamboyants, mais elle était trop estomaquée pour répliquer. Tout le monde la regardait avec une certaine pitié ; la tension était quelque peu retombée.
- Les relations sont toujours très compliquées, conclut Lauren avec détachement. Elles le sont encore plus quand les personnes sont très différentes. Personne ne pourra le contredire, n'est-ce pas ?
Elle n'aurait su faire assertion plus générale et vide. Elle s'en félicita.
Finalement, la musique revint comme une bourrasque qui remplit la pièce et leurs poumons. Slughorn sauta sur l'occasion :
- Regulus, pourquoi n'inviteriez-vous pas votre compagne à danser ?
C'était incongru mais cela eut le mérite de faire revenir sur terre les invités. Ils s'accrochèrent par paires. Regulus fut forcé d'abandonner le débat avec un certain soulagement que La Chouette ne manqua pas. Elle reposa sa main sur celle qu'il lui tendait, tournée vers le ciel.
Ce fut bien moins embarrassant que Lauren ne l'avait imaginé. C'était simple, curieusement naturel, sans une once de séduction. Leurs mains enlacées lui rappelaient l'école moldue et la manière dont garçons et filles se tenaient la main sans gêne, sagement rangés devant l'institutrice. La paume de Regulus sur son omoplate était légère, car il n'éprouvait ni le besoin de la rapprocher, ni celui de la guider. Sa propre main reposait sur l'épaule du sorcier. C'était confortable.
Lauren regarda les autres couples dansant autour d'eux. Lily et Frank avaient fini par se retrouver (certainement à cause de l'incident), mais évitaient soigneusement que leurs regards ne se croisent. Jamila était aux bras de Gaspard Shingleton (ou peut-être était-ce l'inverse ?) ; Chloe disparaissait dans les bras de Mulciber. Le groupe de meilleurs amis de Poufsouffle semblait au bord de la crise, les joueurs de Quidditch bouleversant leur petit équilibre. Les deux siamoises mal maquillées de sixième année se tenaient le plus loin possible de la piste de danse. Enfin, le demi-gobelin de Serdaigle attendait dans un coin, dans une posture ennuyée semblable à celle de Severus Rogue.
- Ce que tu as dit à Evans..., commença Regulus au bout de quatre minutes trente-trois.
Il tirait un peu le cou comme pour prendre de l'air. Lauren lui adressa un regard interrogateur.
- Tu le penses ? termina-t-il avec un peu plus d'assurance.
Elle s'attendait à cette question. Elle l'avait soutenu, après tout. Et personne ne savait où se rangeait La Chouette.
- Lily Evans et sa sœur ont bien une relation compliquée, et les relations en général sont aussi compliquées. Je le pense, oui.
Elle resta sur ses gardes. Lauren savait que sa neutralité à toute épreuve pouvait autant agacer que des propos extrêmes. Mais Regulus hocha doucement la tête sans qu'elle ne sache ce qu'il en pensait.
- Tu danses vite, enchaina-t-il sans plus de transition, tentant d'accrocher le regard de La Chouette qui jonglait sur les invités.
- Désolée. Je ne connais que la valse viennoise. La valse anglaise est beaucoup plus lente...
Elle se cala sur le rythme de son cavalier.
- Mais tu danses bien, reprit-il. Je suppose que cela fait partie de l'éducation que ta mère t'a donnée.
- En réalité... c'est mon père qui m'a appris à danser.
La sorcière délaissa ses observations et guetta l'expression de son cavalier. Elle ne parlait jamais de son père - à raison puisqu'il était Né-Moldu et adultère. Mais la valse et l'alcool faisaient tourbillonner de vieux souvenirs.
- J'ai appris à danser le jour où j'ai manifesté mes dons magiques pour la première fois, lui dit-elle. J'avais presque neuf ans, nous étions sur une place à Vienne, et un orchestre jouait « Le Beau Danube Bleu ». J'ai dansé avec mon père, et je suppose que le moment m'a paru trop beau pour qu'il cesse. Au bout d'un moment, mon père a réalisé que tout autour de nous s'était figé.
Son expression se fit rêveuse le temps de deux centièmes de seconde.
- Alors c'était...
- Une sorte d'Aresto Momentum, termina-t-elle avec une certaine fierté.
Regulus ne dit rien, et elle lui en fut étrangement reconnaissante. Peut-être méprisait-il cette famille qui dansait avec des Moldus ; ou bien cette petite fille qui manifestait des dons si tard en comparaison des enfants Sang-Purs. En réalité, il avait l'air plutôt perdu dans ses propres pensées.
- Et toi ? lui demanda Lauren. Je sais que Sirius et toi avez eu un précepteur...
Il la regarda longuement, avant de se décider à répondre franchement lui aussi.
- Nous avions un précepteur, c'est vrai, mais son enseignement était surtout réservé à Sirius. Dès l'âge de sept ans, il a reçu des cours de toutes sortes de danse. Il était très doué...
Et rien qu'à voir comment Sirius marchait, parlait, se comportait, il était évident qu'il était un danseur incroyable.
- Mais il devait s'entrainer. Alors j'ai servi de cobaye, murmura Regulus avec un sourire.
Lauren imagina les deux petits garçons valser dans la maison froide des Black, et se joignit à son sourire. Elle non plus ne dit rien. Ils achevèrent leur danse tranquillement.
Assise dans un coin, Jamila fit signe à Lauren. La sorcière abandonna donc son cavalier qui en profita pour inviter une Serpentard. Elle avait un peu le tournis d'avoir valsé si longtemps, et s'installa donc sur une chaise à côté d'elle.
- Félicitation pour ton intervention, commença la sorcière égyptienne. Maintenant tout le monde te déteste.
Lauren soupira et fit jouer le fermoir de sa montre à gousset à son cou.
- Ça n'a pas plu à Mulciber ?
- Il te hait trop pour cela. De ce que j'ai entendu, tu aurais dû te taire pour laisser Black gagner le débat. Ou bien le soutenir réellement. En fait, je crois que seul Shingleton t'a trouvée merveilleuse - va savoir pourquoi.
La Chouette parcourut encore la pièce du regard et remarqua qu'en effet, elle recevait une hostilité inhabituelle. Cela l'inquiéta un instant, avant qu'elle ne réalise que son pouvoir sur les rumeurs du château était suffisant pour qu'elle fasse en sorte de rapidement retrouver l'indifférence.
- Londubat a une allure étrange depuis le début de cette soirée, reprit Jamila.
Une expression moqueuse s'empara immédiatement du visage de Lauren. Oubliés les regards hostiles.
- Il s'est fait rejeter par Lily Evans, répondit-elle avec légèreté.
- Comment le sais-tu ? Je ne t'ai pas vu leur adresser la parole. Et puis, je croyais qu'ils y allaient « en ami » ! s'énerva Jamila.
- Frank Londubat lui a offert un bracelet.
Elle grogna.
- C'est assez peu amical, en effet. Et qu'est ce qui te fait croire qu'elle l'a éconduit ?
- Elle n'a pas l'air d'aimer le bracelet. Je l'ai vu tirer dessus environ cinquante-quatre fois depuis le début de la soirée. Je suppose qu'elle a hâte de l'enlever. Et puis comme tu dis, elle évite son regard...
Son amie cligna plusieurs fois des yeux et hocha la tête.
- Alors je suppose que je n'ai aucune chance avec lui ? Je veux dire, il est vraiment amoureux d'Evans ?
- Oh absolument pas, s'amusa-t-elle.
- Bon sang, Lauren, arrête avec tes devinettes ! Il lui a offert un bracelet...
- Violet, la coupa La Chouette.
- Violet ?
- Il lui a offert un bracelet violet.
- Tu es franchement insupportable.
Les yeux toujours fixés sur la piste de danse, Lauren gardait son petit sourire moqueur.
- Lily Evans n'aime pas le violet, dit-elle.
- Bien sûr qu'elle n'aime pas le violet ! Personne n'aime le violet ! C'est une couleur tout bonnement affreuse. Alors quoi ? Tu vas me dire que j'ai une chance avec Londubat parce qu'il n'a aucun goût ?
Cette fois, Lauren rit franchement.
- Non, je veux dire qu'il ne sait même pas quelle est la couleur préférée de Evans, expliqua-t-elle en prenant son amie en pitié. Et s'il était un minimum amoureux de d'elle, il aurait au moins essayé de se renseigner. Surtout que c'est plutôt évident à deviner, c'est le...
- Rouge.
- Vert ! Sa couleur préférée est le vert, enfin !
- Bon, s'impatienta Jamila. Pour être honnête, je me fiche un peu de la couleur préférée de Lily Evans. Alors tu me confirmes qu'il n'y aura rien entre ces deux-là ?
- Je n'ai aucun doute. Mais il faut reconnaitre que c'est assez drôle de les voir si gênés... Le gentil Londubat a du se sentir obligé de faire un cadeau à sa cavalière, et Evans a eu peur qu'il n'ait une idée derrière la tête. Alors elle l'évite, et Monsieur Parfait croit qu'elle est embarrassée parce qu'elle a des sentiments pour lui. Et il l'évite...
- Les Gryffondors sont vraiment des attardés sentimentaux, conclut Jamila.
Lauren se retint de faire un commentaire sur la manière dont son amie choisissait ses potentiels époux. Elle la vit ensuite s'éclipser pour se poster devant le pauvre Frank Londubat qui fut bien forcé de lui accorder une danse. Non loin, Regulus invitait à danser une des deux Poufsouffles mal maquillées qui parut franchement troublée.
Elle resta ainsi, seule, à observer les convives s'amuser plus ou moins. À un moment, le groupe des quatre Poufsouffles de Septième année passa devant elle. Ils avaient apparemment réussi à trouver de nouvelles bouteilles d'alcool moldues. Elle les intercepta.
- Tiens, salut La Chouette ! fit un garçon myope et passablement éméché. Tu t'amuses ?
- Oh oui, beaucoup, mentit-elle alors qu'une idée germait dans son esprit. Mais d'autres ont l'air de bien moins s'amuser.
- Ah oui ? s'étonna une brune qui avait passé la soirée accrochée au bras d'un joueur de Quidditch, causant la colère de son copain myope.
- Tenez, vous voyez cette Poufsouffle de Sixième année ?
- Celle qui danse avec Regulus Black ? demanda l'autre fille.
- Oui. Et l'autre, qui mange au buffet, vous la voyez ? Margareth Williams.
- C'EST MAGGIE !! rugit le quatrième ahuri du groupe. Josh est sorti avec elle l'année dernière, pas vrai Josh ?
Le garçon myope parut embarrassé, et sa copine agacée.
- Oui, voilà, Margareth Williams, reprit Lauren. Ou Maggie, comme vous voulez. Bien, alors que penseriez-vous d'échanger leur verre avec un peu d'alcool, à elles deux ?
Une étincelle s'alluma dans les yeux déjà brillants du groupe de quatre Poufsouffles.
- T'es une vraie rebelle, Le Chouette, dit le deuxième garçon en lui donnant un coup de coude complice.
- Je n'aurais su mieux dire, s'étouffa-t-elle.
Lauren était tout sauf rebelle. Elle suivait les règles à la lettre. Et parfois, comme tout bon Serpentard, elle en trouvait les failles, et les exploitait. Pour l'heure, elle s'amusait simplement à manipuler un groupe d'élèves de deux ans ses ainés.
- Alors ? que diriez-vous de dérider ces deux pauvres camarades ? Vous n'avez qu'à échanger leur verre...discrètement, bien sûr !
Les Poufsouffles acquiescèrent bruyamment, et se mirent à échafauder un plan. Neuf minutes vingt-six plus tard, Lauren vit avec satisfaction la fille qui dansait avec Regulus rejoindre sa siamoise et s'agripper à un verre désormais rempli d'alcool moldu.
Regulus la rejoignit à son tour.
- Tu t'amuses ?
- Pas plus que ça.
Il eut ce petit rire étouffé.
- Elle dansait bien, cette Poufsouffle, ajouta Lauren.
Son cavalier lui jeta un drôle de regard.
- Hum... Oui.
Il ne trouva rien de plus à ajouter.
- J'ai une surprise pour toi, reprit-elle.
Regulus lui jeta un regard suspicieux mais se laissa entrainer vers le buffet. Elle leur servit alors à chacun et verre d'hydromel et se tourna innocemment vers les deux filles à leurs côtés.
- Joli maquillage, dit-elle.
- Tu l'as déjà dit, grogna la Poufsouffle d'un air suspicieux. Tu te moques de nous, c'est ça ?
- Je ne sais pas. Qu'est-ce que tu en penses, toi, Regulus de leur maquillage ?
- Je ne suis pas expert, répondit-il avec diplomatie.
Il lui décrocha au passage un regard noir. Il avait aussi l'air de s'inquiéter de sa santé mentale.
- Moi non plus, dit Lauren avant de changer brusquement de sujet. Vous avez vu Lily Evans ?
Les siamoises hochèrent la tête lentement, toujours suspicieuses.
- Elle est ravissante, n'est-ce pas ?
Deuxième hochement de tête parfaitement coordonné.
- J'ai entendu dire que Londubat lui avait offert un bracelet...
La plus blonde des deux (Maggie) manqua de s'étrangler dans son verre, et son amie la frappa lourdement dans le dos. Elles avaient l'air passablement éméchées - signe que leurs camarades de Septième année avaient accompli leur mission avec succès.
Regulus regardait toujours Lauren comme si elle venait de s'échapper de Sainte Mangouste. L'affaire de la mallette, et voilà qu'elle discutait histoires de cœur... Mais Margareth Williams était une Sang Pure, et pensant qu'elle avait des vues sur Frank Londubat, il eut un peu pitié d'elle.
- Ne t'en fais pas, Londubat n'a aucune raison de s'intéresser à une Sang de Bourbe. Et Evans n'a pas l'air d'aimer ce bracelet... N'importe qui pourrait deviner qu'elle aime le vert et non le violet.
Il ne vit pas l'énième expression admirative de Lauren. À ce niveau-là, c'était pour elle comme trouver une âme sœur, et c'était plutôt désagréable et plaisant.
En tout cas, la Poufsouffle avait l'air rassurée. Elle se passa une main dans ses cheveux hirsutes. La Chouette était aux anges.
- Jolie coupe, commenta-t-elle.
- Merci...répondit la blonde sans se rendre compte qu'elle devenait de moins en moins blonde.
Alors, tout se passa très vite. Son amie lui jeta un regard affolé. Elle fit mine de partir, mais Lauren la retint par le bras. Elle croisa le regard de Regulus, et il lui sembla voir les choses se mettre en place dans sa tête. Elle attendit un peu avec l'espoir que vraiment, le garçon pouvait être son âme-sœur.
- Tu dansais vraiment très bien..., fit-il à la Poufsouffle, choqué.
La fille tira pour s'échapper de l'emprise de Lauren, mais Regulus la retint lui aussi, ainsi que la blonde-brune.
- ...Sirius.
Et peu à peu, le visage des deux jeunes filles se mit à fondre, laissant place à deux barbes, deux yeux joueurs, l'un d'un brun très chaud, l'autre d'un gris incisif. Elles prirent quelques centimètres et leur maquillage pitoyable s'effaça.
James Potter et Sirius Black regardèrent longuement le fond de leur verre, réalisant que l'alcool avait remplacé le Polynectar. Et avec une nonchalance dont seuls les deux plus grands Maraudeurs étaient capables, ils offrirent aux Serpentards leur plus beau sourire.
- Salut, petit frère !