Ce n'était rien. Elle en était certaine, désormais. C'était une erreur, une plaisanterie, un hasard. Et le dernier témoin potentiel était en train de lui confirmer - de leur confirmer.
- Alors vous êtes bien certaine de ne pas avoir entendu ni vu qui que ce soit rentrer dans notre Salle commune la nuit du 18 décembre ?
- Mon petit, j'ai un sommeil très léger. Si j'avais entendu quoi que ce soit, je le saurais, tu ne penses pas ?
- Mais vous n'aviez pas l'air réveillée quand nous parlions à côté de vous, insista Regulus.
La femme leva les yeux au ciel - ou plutôt au lustre qui habillait son tableau.
- Je faisais semblant, dit-elle sur le ton de l'évidence. Mais honnêtement, j'aurais presque pu m'endormir pour de vrai tant votre conversation était ronflante. Entre mademoiselle qui parlait balais et vous et votre absence totale d'humour...
Regulus tira sur ses manches, vexé.
- Vous savez, la moitié du temps, on fait semblant de dormir. Elle le sait bien, elle, conclut la femme en désignant Lauren.
Elle le savait bien, oui, puisqu'elle connaissait personnellement tous les tableaux du château, et qu'ils étaient ses meilleurs informateurs. En fait, interroger la femme lui avait semblé tout à fait superflu mais Regulus avait insisté, arguant qu'ils n'auraient ainsi plus aucun doute. Et voilà, ils n'avaient plus aucun doute. Il ne s'était rien de passé d'extraordinaire la nuit du réveillon de Slughorn. Ce n'était rien.
Elle pouvait enfin se concentrer sur l'affaire Sirius Black - que Regulus avait de toute évidence en tête à en croire son air pincé alors qu'ils traversaient le château pour sortir prendre l'air. Elle décida pourtant d'attendre qu'il se confie et ils s'assirent sur un muret en s'enroulant dans leur cape pour se protéger du froid de l'hiver.
Regulus sortit deux verres de son sac. Il les remplit de jus de citrouille et en tendit un à Lauren d'un air solennel. Elle sortit ses mains glacée de ses poches et le prit avec amusement.
- À notre première affaire ! déclara-t-il.
- Affaire classée, sourit Lauren en faisant tinter son verre contre le sien.
Elle trempa ensuite ses lèvres dans le jus de citrouille et ils contemplèrent tranquillement le paysage écossais. Ils pensaient tous les deux : « affaire classée, mais non résolue ».
- Tu n'as pas bu une goutte de ton verre, fit remarquer Regulus, ses yeux gris toujours rivés sur le Lac de Poudlard comme pour en sonder les profondeurs.
Lauren se mordit la lèvre. Il était gentil, Regulus, avec son jus de citrouille, mais elle détestait ça, et elle n'était pas encore parvenue à en verser discrètement derrière le muret.
- Désolée, capitula-t-elle. Je trouve ça infâme.
Il rit et lui prit le verre des mains, sauvant dans un même temps ses doigts bleuis par le froid qu'elle s'empressa de ranger dans ses poches.
- Je n'avais jamais remarqué que tu n'en prenais pas, dit-il en faisant disparaitre le liquide d'un coup de baguette.
- Tu avais pourtant remarqué que je mangeais bien.
- Il faut croire que j'ai encore beaucoup à apprendre...
Un peu plus et il lui aurait fait un clin d'œil. Cela l'aurait certainement traumatisé, Lauren était toujours surprise par les soudains moments de légèreté de Regulus.
Elle l'observa. Il avait l'air bien. Son teint était moins pale, les joues rougies par le froid. Les bras étroitement serrés contre sa poitrine, il ne s'encombrait pas d'un dos droit et d'un menton fier. Il avait un vestige de sourire sur les lèvres. Puis il se mit à froncer les sourcils et Lauren dut le devancer.
- L'affaire Sirius en revanche... commença-t-elle.
- Je suis désolé de t'embêter avec ça.
Elle soupira.
- Arrête, Regulus. J'ai dit que je t'aiderais. Mais franchement, il est très doué...
Regulus s'appuya sur ses mains pour descendre du muret et lui faire face.
- Alors il cache bien quelque chose ?
- Oui.
Elle s'était imposée plusieurs fois au milieu des Maraudeurs depuis la dernière fois. Elle avait quelques certitudes.
- Et je suppose que ça a un lien avec ta prédiction de la semaine dernière sur Merri-Lynn Travers ?
Sur le moment, Merri-Lynn avait frôlé crise d'angoisse. Lauren l'avait ignorée et échangé un regard entendu avec un Regulus curieux. Ils n'en avaient pas discuté depuis le cours de Divination.
Elle regarda sa montre. Quatre heures treize de l'après-midi. Ça ne devrait pas tarder. Elle sauta à son tour du muret et pressa son bras.
- Suis-moi, dit-elle mystérieusement.
Ils rebroussèrent chemin en s'efforçant de ne pas glisser sur la pierre enneigée. Ils croisèrent Mulciber, qui réprima une grimace dégoûtée en la voyant passer. Ils croisèrent aussi Gaspard. Cette fois, ils durent s'arrêter. Quatre heures vingt-deux.
- Encore un Black ! s'exclama-t-il en l'enlaçant. Je vais finir par devenir jaloux, ma perdrix.
Lauren ne manqua pas l'expression atterrée de Regulus à l'entente de son surnom. Elle-même avait encore du mal à s'y faire.
- Désolé Gaspard, le pressa-t-elle en vérifiant l'heure. On est en retard.
- Pour... ?
- Un spectacle, répondit-elle évasivement avant de proposer après réflexion : Viens avec nous, si tu veux.
Lauren ne lui laissa pas le temps de répliquer et attrapa sa main. Elle le tira derrière elle, Regulus sur les talons. Oui, ils faisaient un trio bizarre. Mais c'était toujours moins scandaleux que de voir le cadet des Black et La Chouette si souvent seuls ensemble.
- Cinquième étage, c'est ça ? souffla Regulus alors qu'ils montaient les escaliers.
Elle acquiesça. Elle avait prédit une explosion au cinquième étage.
Quatre heures trente. Elle aperçut enfin Merri-Lynn Travers, les bras encombrés des livres que Chloe Avery lui avait chargée de rendre à la bibliothèque.
- Et en quoi consiste le spectacle, exactement ? demanda Gaspard d'un ton léger.
- Je ne sais pas précisément, mais surveillez Merri-Lynn. Non, attendez - moins vite.
Si explosion il devait y avoir, elle préférait se tenir un peu à distance. Elle jeta un regard sur Regulus, très concentré et un peu déconcerté. Gaspard, comme toujours, s'amusait.
Elle s'empressa d'identifier les élèves présents dans le couloir près de la jeune fille. Un groupe de Poufsouffles - elle n'était pas certaine d'avoir déjà vu un Poufsouffle sans son groupe - grignotait. Anton Fancourt expliquait quelque chose à un élève de Serdaigle, un parchemin en main. Face au tableau du Festin des Quatre Poiriers et la baguette à la main, Frank Londubat semblait prêt à répondre aux provocations du chevalier du catogan. Et eux - Regulus, Gaspard et elle - conspiraient. Lauren songea que la Répartition avait des effets alarmants sur les personnalités des élèves.
À quatre heures trente-quatre, un cri d'effroi retentit dans le couloir du cinquième étage. Par chance, ils ne furent pas touchés. Mais ceux qui accoururent vers Merri-Lynn Travers se retrouvèrent instantanément bloqués sur place.
Minerva MacGonagall fut la première professeure à constater les dégâts causés par l'explosion, qui s'était déclenché lorsque la Serpentard était passée devant la salle de classe d'Histoire de la magie. Le sol, les murs, les tableaux étaient couverts de Glue Perpétuelle, et quiconque les touchait était condamné à y rester collé.
Les élèves coincés durent retirer leurs chaussures engluées au sol, et le professeur Flitwick les fit léviter un à un en-dehors de la zone sinistrée. Certains étaient moins chanceux : le Serdaigle qui s'était appuyé au mur dut se faire arracher la peau de la paume de sa main pour se décoller. Les cheveux de Merri-Lynn furent tout simplement rasés, puis rapidement retrouvés grâce à une potion du professeur Slughorn. C'était un joyeux carnage au cinquième étage, Gaspard applaudissait presque, mais Lauren et Regulus ne se joignirent pas aux autres élèves fascinés par le spectacle de la jeune fille qui pleurait ses cheveux.
Ils scannaient le couloir du regard. La Chouette surveillait les réactions des étudiants.
- C'était bien eux, déclara finalement Regulus en chuchotant. Sirius, du moins.
Lauren n'en doutait pas vraiment mais elle avait besoin d'une confirmation.
- Qu'est-ce qui te fait penser ça ? s'étonna-t-elle, s'éloignant légèrement de Gaspard qui commentait la scène pour les nouveaux arrivants.
- L'explosion... C'était une Bombaglue. Une invention de mon frère. Il... ma mère maitrise plutôt bien le sortilège de Glue Perpétuelle, et il a voulu se le réapproprier, une fois.
Les sourcils froncés et le ton enthousiaste, il avait l'air d'hésiter entre l'admiration et la réprobation. Lauren hocha lentement la tête.
- Alors on sait où il cache son secret.
Et devant son expression intriguée, elle désigna la porte de la salle de classe d'Histoire de la magie. Elle était recouverte de Glue Perpétuelle, parfaitement scellée. Autour, le sol, les murs, le plafond même, étaient recouverts de substance visqueuse. Une partie du couloir du cinquième étage venait d'être condamnée. Et pourtant, nulle trace des Maraudeurs.
***
Après cet épisode, Regulus et Lauren cherchèrent des moyens d'accéder à la salle d'Histoire de la magie. On disait que le professeur Binns, profondément troublé, continuait d'y faire cours sans ses élèves, incapable de faire face à un tel changement après des siècles d'enseignement. Les deux Serpentards y avaient donc vu une opportunité pour savoir ce qu'il s'y cachait. Mais malgré toute la politesse de Regulus et toute la force de persuasion de La Chouette, le professeur restait bloqué sur ses révoltes gobelines. Impossible de lui soutirer la moindre information.
Ils songèrent aussi à guetter l'arrivée des Maraudeurs pour comprendre comment ils s'y prenaient pour entrer dans la salle. Mais leur Carte magique les aurait trahis. Impossible de faire preuve de discrétion. La sorcière décida donc de ne pas soulever les soupçons et se contenta d'espionner en plein jours leurs conversations, laissant toujours entendre qu'elle travaillait pour une admiratrice secrète de Sirius Black.
Mais espionner Sirius se révélait épuisant. Les Maraudeurs avaient une telle complicité qu'ils étaient capables de communiquer sans échanger un seul mot. Ils avaient en outre une capacité étonnante à disparaitre en un clin d'œil. Lauren les prenait parfois par surprise et se plaçait au milieu de leur groupe pour les déchiffrer. Il lui arrivait de prendre part à leur discussion dans l'espoir que quelque chose leur échapperait, mais elle restait généralement en retrait, ses grands yeux rivés sur l'aîné des Black. Sans succès.
Quoi qu'il en soit, il était clair que Sirius Black était à mille lieux de ce que sa famille souhaitait qu'il devint. Il avait certes le charme, la puissance et l'air hautain des Black ; mais il était intenable, irréfléchi et ses fréquentations auraient fait frémir d'horreur ses parents.
Et au-delà de son attitude générale, Lauren était convaincue que le sorcier cachait quelque chose. Alors elle persistait, s'attirant tantôt l'agacement, tantôt l'amusement de la part du petit groupe. Parfois, elle s'inquiétait qu'ils ne finissent par perdre patience et la jette du haut de la Tour d'Astronomie. Elle restait toutefois confiante, rassurée. De toute façon, elle n'avait pas d'ennemi. Elle en était certaine. Ce n'était rien.
Elle pouvait même se permettre de passer du temps avec Gaspard. Ils se retrouvaient régulièrement dans une salle de classe désaffectée où le Serpentard entassait ses diverses inventions. Il y avait là un curieux empilement de bureaux, où Gaspard rangeait sa paperasse interminable. De la place était ainsi laissée pour ses Chaudrons à Vapeur, ses Parchemins Auto-Effaçables et ses Cages à...il n'avait pas encore trouvé le nom. Enfin, l'ancien bureau du professeur, légèrement branlant, servait de siège à Lauren à chaque fois qu'elle allait voir son petit ami.
Elle y était justement, ce premier mardi de février. Et comme toujours après trente-neuf minutes sans bouger, elle entrait en phase de congélation.
- Tu as froid ? s'inquiéta Gaspard.
Il était accroupi devant un chaudron récalcitrant. Ses mains étaient noires de saleté mais sa coiffure n'avait pas bougé, ses cheveux blonds luisant sur son crane comme si on y avait lancé un Maléfice de Glue Perpétuelle. Il se releva et retira son éternelle veste pervenche qu'il tendit à Lauren après trois pas sautillants.
C'était à la fois galant, charmant et ringard, alors la sorcière se tut et enfila le vêtement tandis que Gaspard se lavait les mains. Il revint à elle et lui frictionna le dos. Comme toujours avec lui, Lauren se retrouvait secouée comme un Saule Cogneur. Elle l'arrêta, l'embrassa.
- Tu ne portes jamais de vert, fit-elle remarquer en l'éloignant légèrement. Toujours ce...pervenche.
- Tu n'aimes pas ?
Elle considéra la veste sur ses épaules.
- Si. Enfin... je n'aime pas la couleur, mais j'aime ce qu'elle signifie.
- Ma virilité ?
- Ton indépendance, corrigea-t-elle en riant.
- Tu devrais aussi la porter, alors.
- Surtout pas ! s'alarma-t-elle faussement. Après je dépendrai de toi.
- Et Merlin sait que tu ne veux pas ça...
Il se remit à gigoter en face d'elle, et avec ses yeux bleus vifs et ses dents plus blanches que la plus pure des licornes, elle lui trouva des airs de boule à facette. Lauren se laissa retomber sur ses pieds et bloqua ses épaules pour le forcer à se calmer.
- Tu m'épuises, soupira-t-elle.
- Pas comme Regulus Black, je suppose, sourit-il.
- Donc tu es jaloux, devina-t-elle en embrassant son sourire.
- Tu passes plus de temps avec lui qu'avec moi, répliqua-t-il sans paraitre vraiment soucieux. Je sais qu'on s'était mis d'accord sur le fait que nous ne voulions pas être toujours collés l'un à l'autre, mais j'ai besoin de savoir que je n'ai pas à m'inquiéter.
- Tu n'as pas à t'inquiéter. D'abord, parce que nous avons passé un accord, toi et moi, et que je ne brise jamais mes contrats. Ensuite et surtout, parce que Regulus ne me plait pas comme ça.
- Et il te plait comment ?
- J'aimerais... j'aimerais être son amie.
Elle grimaça sur ce dernier mot et lui rit franchement.
- Tu as conscience que c'est plus ambitieux que toutes mes inventions dans cette pièce ? se moqua-t-il alors qu'elle se vengeait d'une légère tape.
Lauren le contourna et examina les machines crachotantes.
- En parlant de tes inventions, tu as trouvé un investisseur ? demanda-t-elle.
- Gringotts a refusé mon prêt.
- Sûrement parce que tu es jeune.
- Ou à cause de ce que j'ai dit sur le nez du gobelin.
Elle rit sincèrement devant son air vaguement coupable.
- Pourquoi ne pas passer par une riche famille sorcière ?
- J'ai déjà demandé à tous les Sang Pur non désargenté de Serpentard.
- Et les Potter ? insista-t-elle. C'est une des familles les plus fortunées d'Angleterre et Fleamont Potter est aussi un inventeur. Il pourrait être sensible à tes idées.
L'idée interpella le sorcier et ils discutèrent encore de cela un moment.
Lauren aimait bien Gaspard. Son badinage elle arrivait même à oublier son gabarit de Pitiponk. Elle aimait aussi sa légèreté et sa fourberie. Elle sortait toujours de bonne humeur de sa salle à inventions. Vraiment, elle l'aimait bien. Mais elle ne l'aimait pas, et c'était parfait ainsi.
Elle songeait à cela alors qu'elle se pressait pour aller à son cours de Métamorphose. Elle s'arrêta en voyant Sirius, Peter et Remus en plein conversation aux pieds des escaliers du quatrième étage. James se dirigeait à grand pas vers eux, l'air inquiet.
- Ça fait trop de bruit, dit-il sans se douter de la présence de la sorcière.
- Quel genre de bruit ? s'inquiéta Pettigrow.
- Comme un... - il fronça les sourcils - comme un rugissement.
Il avait baissé la voix, et La Chouette tenta de se rapprocher discrètement.
- C'est normal, les rassura Remus. J'ai déjà vu ça et...
Mais il fut coupé d'un geste par Sirius qui venait de d'apercevoir Lauren. Elle se crispa, comprenant à son attitude qu'elle aurait mieux fait de passer son chemin cette fois-ci.
Sirius, si léger huit centièmes de seconde plus tôt, vint vers elle, l'air menaçant.
- Faut que t'arrêtes ça, Veerman.
- Quoi donc ?
- Toi, toujours dans nos pattes. Je ne sais pas qui t'a demandé de m'espionner, mais dis à cette fille que c'est pas comme ça qu'elle arrivera à...
- Qu'est ce qui fait du bruit ? le coupa-t-elle.
Elle se sentait très Gryffondor, d'un coup. Provoquer un Sirius Black en colère relevait du plus stupide des courages. Mais elle pensait à Regulus si inquiet, à ce qu'elle ressentirait si un secret se mettait entre elle et sa propre sœur, alors elle soutint le regard sombre du garçon.
- C'est toi qui va faire du bruit si je te lance un sort parce que tu continues de fouiner dans nos affaires.
- Sirius, l'interrompit Lupin d'une voix ferme. Arrête, c'est vraiment pas la peine de...
- Non ! J'en ai marre qu'elle nous suive partout, La Chouette. T'as vraiment rien de plus intéressant à faire ? Ah, tiens ! fit-il en voyant un Poufsouffle de Première année approcher. Voilà un de tes stupides informateurs ! Peut-être que tu trouveras une autre cible à qui pourrir la vie ?
Le gamin tira sur sa manche pour lui chuchoter un message, mais elle décida de l'ignorer. Elle respira lentement, faisant appel à tout son calme, comme avec Suzanne lorsque cette dernière s'emportait.
- Je ne cherche pas à te pourrir la vie, Black. Je suis désolée si je te dérange, ça n'est pas mon but. J'étais seulement - Wilson une seconde s'il te plait - j'étais seulement en train d'aller en cours quand je vous ai vu. Et je suis intriguée, voilà tout, mais peut-être - Wilson par Merlin attends une seconde ! - et...
Elle avait perdu le fil de ses pensées. Le gamin de Poufsouffle ne cessait de tirer sur sa robe avec angoisse. Elle finit par l'écouter. Il murmura un prénom. Elle se figea.
Sirius lui-même semblait avoir oublié sa colère.
- Qu'est-ce que t'as dit ? demanda-t-il au garçon.
- Elle... - sa voix était à peine audible - à l'infirmerie... Suzanne...
Lauren ne s'attarda pas davantage. Elle tourna les talons et courut à toute allure, sans rien voir, ni ce Gryffondor qui trompait sa petite amie, ni ce Poufsouffle qui déclarait connaitre le futur directeur de sa Maison. Elle n'entendait plus rien, elle ne voyait plus rien. Une seule chose importait.
Elle s'arrêta devant la porte de l'infirmerie. Fermée.
Sans qu'elle ne sache pourquoi, cette porte fermée la stoppa net. Elle aurait pu lancer un Alohomora, frapper à la porte, ou même la fracasser. Mais elle ne pensait plus. Elle resta peut-être des heures face à cette porte, jusqu'à ce qu'elle s'ouvre sur la professeure de Divination.
- Ça, je ne l'avais pas vu venir ! rit-elle.
Lauren ne rit pas. Peut-être partageaient-elles une certaine complicité, mais la légèreté de Miranda Crook se rapprochait parfois de la cruauté.
- Comment va-t-elle ? souffla La Chouette.
- Assez mal.
Elle suffoquait.
- Je veux la voir.
- C'est non, Miss Veerman. Revenez plus tard : je peux prédire qu'elle sera plus présentable.
L'humour noir de sa professeure ne lui plut pas. Elle l'éjecta - le mot est fort mais c'est bien cela - loin de la porte et entra dans l'infirmerie. Là, essoufflée, tremblante, faible, elle la vit.
Elle était indemne. Aucune trace de coups sur son corps. Elle se précipita à son lit, ignorant les protestations de l'infirmière. Cette fois-ci, elle vit vraiment.
Les paupières de Suzanne étaient fermées et noires. Des yeux grotesques se dessinaient dessus, immense, bleus, effrayants. Ils étaient barrés de deux grandes croix rouges sang.
Ce n'était pas rien.