Harry eut une petite pensée nostalgique en s’imaginant ce que Severus Rogue aurait dit s’il l’avait surpris à se promener dans le château, à la nuit tombée. Il lui aurait sans doute rappelé à quel point il était arrogant, comme son père.
Ou bien qu’il se pavanait, comme son père.
Quand on lui avait proposé de revenir à Poudlard pour une huitième année, faisant partie de ceux qui n’avaient pu suivre les cours l’année précédente, il n’avait pas hésité. Il savait que Ron ne le rejoindrait pas mais il avait envie de vivre une dernière fois dans l’endroit qu’il considérait comme sa maison. Hermione avait bien sûr pris la même décision, comme il s’y attendait. Dean avait été le seul autre Gryffondor de leur année à faire de même. Mais Harry savait pertinemment qu’il ne l’avait fait que pour Ginny. Depuis que Dean et elle s’étaient remis ensemble à la fin de la guerre, ils ne se quittaient plus.
Harry chatouilla la poire et ouvrit la porte des cuisines, laissant place à des dizaines d’elfes qui s’affairaient à tout nettoyer.
- Maître Harry souhaite-t-il quelque chose ? lui demanda Winky d’une petite voix aigüe.
Il fut heureux de constater qu’elle avait bien meilleure mine depuis qu’il l’avait acceptée comme elfe de maison, en mémoire de Dobby.
- Du thé, s’il te plait Winky.
Elle l’observa d’un air réprobateur :
- Pourquoi Maître Harry n’a-t-il pas appelé Winky, au lieu de se lever en pleine nuit ?
Le jeune homme lui fit un sourire malicieux :
- Parce que c’est plus amusant de descendre jusqu’ici.
L’elfe secoua la tête de gauche à droite tandis qu’une voix cristalline s’exprimait :
- Pourrais-je avoir un verre d’eau également ?
Harry se retourna brusquement et posa ses yeux sur une jeune sorcière de la même année que lui. Elle avait un visage fin et des traits délicats, des yeux violets et une longue crinière blonde bouclée. « Magnifique composition », pensa-t-il. Elle lui fit un petit sourire qu’il lui retourna, tandis que Winky hocha la tête et s’éloigna.
- Je ne suis pas le seul à aimer prendre des risques, apparemment, dit-t-il. Un aguamenti aurait été plus pratique, non ?
Elle eut un léger rougissement avant de détourner rapidement la tête et répondit timidement :
- Je… préfère ne pas en parler.
Le jeune homme la contempla d’un air étonné. Il savait trois choses sur cette fille, hormis son nom : meilleure élève de leur année avec Hermione, sorcière remarquablement puissante, héritière d’une très ancienne famille. Ils avaient eu l’occasion de se parler à plusieurs reprises depuis le début de l’année. Harry avait toujours trouvé leurs conversations agréables et n’hésitait pas à la taquiner, ce qu’elle semblait apprécier, à tel point que c’était devenu un jeu entre eux. Malgré tout, il avait appris une règle très importante : Daphné Greengrass ne rougissait pas. Vraisemblablement, elle cachait quelque chose. Il posa son regard sur l’insigne vert et argent de sa maison et sourit de plus belle :
- La préfète-en-chef qui viole le couvre-feu pour un verre d’eau, tu as éveillé ma curiosité de Gryffondor.
Nouveau rougissement. Harry comprit que cette nuit allait être pleine de révélations. Elle balbutia :
- Ecoute… j-je n’ai vraiment pas envie d’en parler.
Harry leva les mains en signe d’apaisement :
- Je comprends, ne t’inquiète pas. On a tous nos petits secrets, répondit-il avec un sourire.
La jeune sorcière l’observa d’un air profondément surpris :
- Tu… laisses tomber ?
Harry haussa les épaules :
- Tu as clairement dit que tu garderas cela pour toi. Insister te mettrait dans l’embarras et je n’en ai absolument pas envie.
Daphné lui fit un franc sourire, s’approcha de lui et pencha légèrement la tête sur le côté en l’observant, comme si elle étudiait une espèce particulièrement rare de dragon.
- Ce n’est pas souvent qu’on accepte de me laisser tranquille à ce sujet.
Pour Harry, cela ne faisait plus aucun doute : Daphné Greengrass avait un secret. Un secret qui lui semblait être en rapport avec ce fameux verre d’eau. Il lui rendit son sourire :
- Et bien, j’avoue que tu attises ma curiosité. Mais je ne voudrais pas que l’on insiste avec moi non plus, admit-il avec honnêteté. Puis si je le faisais, tu partirais, ajouta-t-il dans un élan d’impulsivité.
Elle ne broncha pas et répondit d’un ton intrigué :
- Et… tu ne veux pas que je parte ?
Harry secoua la tête :
- Ce n’est pas tous les jours que j’ai l’occasion d’être seul en compagnie de la plus jolie fille de cette école, dit-il, enjoué.
Daphné eut un petit rire amusé :
- Je suis seulement descendue prendre un verre d’eau, et voilà que je me fais courtiser par le grand héros des Gryffondors, Harry Potter en personne.
A l’entente du mot « courtiser », Harry se rappela soudainement que la jeune fille était issue d’une très vieille famille et certainement traditionnaliste.
- Et pourquoi pas ? répondit-il en s’approchant un peu plus d’elle. Je t’offrirai tous les verres d’eau que tu voudras !
Elle éclata de rire. Cela fit sourire le jeune homme qui replaça une mèche de cheveux de Daphné derrière son oreille, dans un geste tendre. Elle lui sourit affectueusement tandis qu’il se rapprochait encore un peu plus, jusqu’à ce qu’il puisse sentir son souffle sur ses lèvres. Il voulait définitivement l’embrasser. Cela faisait déjà un moment qu’il y pensait, pourquoi pas maintenant ! Alors qu’il allait franchir le pas, elle murmura d’un ton presque suppliant :
- S’il te plait, non !
Harry se recula brusquement, terriblement déçu. Il était tellement sûr qu’elle partageait les sentiments qu’il éprouvait. Alors qu’il allait se détourner, elle l’attrapa par le bras :
- Ce n’est pas que je n’en ai pas envie, reprit-elle précipitamment. J’en ai autant envie que toi. Mais je suis l’héritière d’une des Vingt-huit Sacrées. Je n’irai pas à l’encontre des traditions.
Elle l’observa en se mordant la lèvre, tandis qu’il lui jetait un regard perdu :
- Je ne suis pas sûr de comprendre…
- Tu obtiendras la permission de mon père d’abord. Et mon verre d’eau.
L’elfe revint soudainement avec leur commande, dont Harry s’empara en remerciant Winky. Puis il se tourna vers Daphné et lui tendit sa boisson :
- Votre verre d’eau, Lady Greengrass.
Elle lui fit un sourire timide et le remercia d’un signe de la tête. Elle but une longue gorgée et soupira de bonheur :
- J’avais tellement soif !
Cela fit sourire le jeune homme. Elle sembla hésiter quelques instants avant de reprendre :
- Et bien… je ferais peut-être mieux d’y aller, maintenant que j’ai ce que j’étais venue chercher.
- Me permettras-tu au moins de te raccompagner à ta salle commune ?
Daphné réfléchit quelques instants avant de hocher la tête. Il lui tendit son bras auquel elle s’accrocha, agréablement surprise. Ils firent un petit bout de chemin dans le silence, sirotant leur boisson, appréciant seulement la compagnie de l’autre et se jetant quelques regards de façon régulière. Arrivés dans les cachots, le jeune homme déclara :
- Je vais le faire, tu sais.
Elle l’observa sans comprendre, les sourcils froncés :
- De quoi parles-tu ?
Il les força à s’arrêter et se retourna vers elle en lui prenant la main :
- J’enverrai une lettre à ton père dès demain matin.
Elle lui fit le plus beau sourire qu’il ait jamais vu et posa sa main sur la joue du Gryffondor, le caressant avec tendresse.
- Harry, je…
- MALEDETTA ! MALEDETTA !
Les deux jeunes gens se retournèrent brusquement et contemplèrent l’un des portraits qui se trouvaient là. Un homme y était représenté avec un pinceau entre les mains, à côté d’un chevalet sur lequel se trouvait une toile.
- Léonard De Vinci, murmura-t-elle.
L’homme pointa du doigt le verre d’eau qu’elle tenait encore entre ses mains avant de pointer Daphné elle-même en observant Harry :
- MALEDETTA ! MALEDETTA !
Le sorcier haussa les épaules :
- Nous ne comprenons pas ce que vous dites.
Il se tourna vers sa compagne qui était maintenant toute pâle et dont le sourire avait totalement disparu. Harry s’inquiéta :
- Est-ce que tout va bien Daphné ?
- La maudite… murmura-t-elle. C’est de l’italien qui signifie : la maudite.
Le Survivant la contempla quelques instants en tentant de comprendre la signification de tout ceci. Le portrait s’exclama à nouveau :
- La maledizione dell'acqua ! Lascia andare la sua mano !
La jeune femme lui jeta un regard noir qui disparut rapidement au profit de la culpabilité.
- Tu parles Italien ? Demanda calmement Harry.
- Je parle huit langues, admit-t-elle.
- Qu’a-t-il dit ?
Elle plongea son regard dans le sien et répondit à regret :
- La malédiction de l’eau. Lâchez sa main.
Elle poussa un profond soupir de déception :
- C’est une mise en garde pour toi. Contre moi.
Harry sentit qu’elle était sur le point de se confier. Voyant que le portrait allait à nouveau s’exprimer, il lâcha la main de la jeune femme, sortit sa baguette, lui jeta un Silencio avant de s’emparer à nouveau de la main de Daphné.
- Tu n’as pas à m’en parler si tu ne veux pas, assura-t-il.
- Ce ne serait pas correct de ma part alors que tu as promis d’envoyer une lettre à mon père demain, répondit-elle en secouant la tête.
Elle semblait hésiter profondément avant de prendre une grande inspiration :
- Comme il l’a dit, je suis maudite. Cela remonte à plusieurs siècles. Je ne m’étalerai pas sur le pourquoi mais tous les membres de ma famille peuvent déclencher cette malédiction, cela dépend. Je l’ai, ma sœur non. Ma magie ne peut ni invoquer ni manipuler de l’eau. Et je suis condamnée à… ressentir une très grande soif de façon régulière.
Harry comprit qu’elle avait honte. Il serra sa main un peu plus fort et répondit :
- Mais… ça ne change rien pour moi, tu es toujours la même.
Elle l’observa avec espoir :
- Tu penses ce que tu dis ?
- Bien sûr que oui ! affirma le jeune homme. Je t’ai dit que je t’offrirai tous les verres d’eau que tu voudras.
- Alors commence tout de suite, s’amusa-t-elle en lui tendant son verre presque vide.
Harry fit tournoyer sa baguette.
- Aguamenti, dit-t-il tandis que le niveau de l’eau augmentait.
- Tu fais cela avec autant de facilité que le Carapuce de Sasha lance une attaque Pistolet à Eau, murmura-t-elle avec une légère pointe de nostalgie.
Etonné par la référence, il lui jeta un regard de compassion en s’emparant à nouveau de sa main :
- Je le ferai pour nous deux à partir d’aujourd’hui. Je serai ton Carapuce personnel, promit-il.
Daphné lui refit son sourire « spécial Harry », posa son verre d’eau sur le rebord d’une des fenêtres et vint se blottir contre le jeune homme qui la serra dans ses bras.
- J’ai hâte que tu rencontres mon père, murmura-t-elle, le nez niché dans le cou de son compagnon.
- J’espère qu’il aime les Carapuce, marmonna-t-il, la faisant rire aux éclats.
- Oh oui. Papa va t’adorer, assura-t-elle avant se serrer un peu plus fort contre lui. Comme moi.
Pour la première fois, Daphné était heureuse d’être descendue en plein milieu de la nuit pour aller chercher son verre d’eau.