Harry avait reçu un pull tricoté par Molly dès sa première année à Poudlard et elle… Elle toujours pas.
Le temps avait passé, le vingt-et-unième siècle était là depuis presque un an et elle ne pouvait s’empêcher de se sentir toujours un peu à part dans cette famille qu’elle chérissait tant.
Pourtant elle savait que Molly l’aimait comme un autre de ses enfants ou de ses pièces rapportées. Merlin seul savait l’amour infini dont cette femme savait faire preuve… Et depuis la fin de la guerre, Hermione avait l’impression d’être devenue encore plus proche des Weasley, même si elle n’aurait pas pensé cela possible.
Après son histoire d’amour avec Ron qui naquit aussi rapidement qu’elle mourut comme un pauvre pétard mouillé, elle avait passé tout l’été chez les Weasley, les aidant dans la reconstruction du Terrier qui avait subi l’ire des Mangemorts.
Et lorsque le temps fut venu pour elle de partir en Australie pour restaurer les souvenirs de ses parents, Charlie et Bill l’accompagnèrent sans même y penser. Comme si c’était la plus naturelle des choses que de veiller sur elle.
Ensuite, lorsque le cœur un peu lourd de laisser derrière elle ses amis et ses parents si récemment retrouvés, Hermione était retournée à Poudlard pour sa septième – ou huitième selon comment on comptait – année, c’était vers Ginny qu’elle s’était tournée. Scellant entre les deux jeunes femmes une amitié encore plus forte que celle qui avait précédé la guerre.
Ensemble, elles surmontèrent les cauchemars, les mauvais souvenir que ces murs encore marqués par la bataille faisaient ressurgir.
Hermione parvint à sortir de Poudlard auréolée de pas moins de dix ASPICS et tout cela fut célébré au Terrier, entre ses parents et les Weasley, tous si fiers des accomplissements d’Hermione et de Ginny.
Elle laissa son regard parcourir la table, souriant en voyant Ron, un bras sur le dossier de la chaise de Susan, lui susurrant des mots qui la firent rougir. Depuis qu’Hermione les avaient présentés lors d’une sortie à Pré-Au-Lard presque deux ans auparavant, ils étaient devenus inséparables.
Susan apportait à Ron une confiance en lui qu’elle n’aurait jamais su lui conférer s’ils avaient persisté dans leur amourette.
Ils étaient définitivement mieux comme amis.
Elle poursuivit son tour de table amusée de voir Percy rendre répartie pour répartie aux jumeaux qui ne cessaient de le taquiner pour l’enjoindre à venir présenter sa mystérieuse nouvelle petite amie. Elle sentit son cœur rater un battement lorsque son regard croisa quelques instants celui de Fred qui lui fit un rapide clin d’œil avant de répondre à Percy.
Elle espérait que le rouge ne lui monte pas aux joues alors qu’elle parcourait la tablée, s’amusant un instant de la conversation entre Bill, Charlie et Fleur qui n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur le prénom du bébé que Fleur attendait. Pourquoi Charlie, en tant que futur parrain pensait qu’il avait droit de véto sur le prénom restait un mystère pour Hermione, mais c’est aussi ce qui faisait tant le charme de cette famille…
Elle s’arrêta un moment sur Ginny et Harry, qui avaient l’air si heureux ensemble, prenant soin de Teddy, soigneusement placé entre eux pour permettra à Andromeda de passer une soirée plus tranquille aux cotés de Molly et Arthur. Ils allaient se marier cet été, et il n’était pas encore certain du rôle qu’Hermione jouerait dans la cérémonie. Ginny la voulait comme demoiselle d’honneur et Harry comme témoin… Hermione soupira et se dit qu’elle allait certainement devoir faire les deux, comme toujours.
Un peu saoule du bruit et de la fête, Hermione s’excusa de table et sortit prendre l’air dans le jardin d’hiver que les garçons avaient ajouté sur un des côtés de la maison comme surprise pour l’anniversaire de Molly l’année précédente.
Elle regardait les flocons de neige tomber sur le plafond de verre de la petite serre et sourit. Le calme ouaté du Devon enneigé était vraiment fabuleux en cette saison.
Croiser inopinément le regard de Fred lui avait rappelé cet instant, où, durant la Bataille Finale, elle avait réalisé que son traitreux cœur n’était pas aussi focalisé sur Ron qu’elle avait pu le croire…
Quand elle avait vu le corps inerte de Fred sous les décombres, elle avait senti quelque chose en elle se briser. Comme si soudain son âme s’effondrait en miettes. Elle avait senti ses jambes se dérober sous elle et ce n’est qu’avec un énorme effort de volonté qu’elle avait réussi à garder son sang froid et à se précipiter vers lui.
Elle avait lancé tous les sorts possibles et imaginables pour le soigner et alors que Percy partait après Rockwood, la rage au ventre, elle avait réalisé que le seul moyen de peut-être sauver Fred, c’était de maintenir ses fonctions vitales.
Alors, malgré les protestations de Ron et George qui ne comprenaient rien à ce qu’elle faisait, elle avait commencé à faire des compressions sur la cage thoracique de Fred et à lui insuffler de l’air dans les poumons.
Harry qui connaissait ses gestes pour les avoir vu à la télévision, conjura aussitôt une civière et ils emmenèrent le corps inerte de Fred vers la Grande Salle.
Hermione était à cheval sur le torse de Fred, continuant ses compressions avec une force dont elle ne se serait pas crue capable, lorsque la civière fut lévitée à proximité de Mme Pomfrey qui aussitôt prit le relais et réussit à arracher Fred des portes de la mort.
Depuis ce jour-là, Hermione avait un accès gratuit et illimité à tout le magasin des jumeaux. Et la reconnaissance immodérée de Molly. Mais toujours pas de pull avec un grand H dessus. Des mitaines, une étole… Molly avait tricoté pour elle depuis qu’elle la connaissait, mais jamais le fameux pull qui lui aurait donné l’impression de faire vraiment partie de la famille.
Et au fond d’elle, il fallait bien reconnaître que ça la blessait un peu. Mais elle ne pouvait en parler à personne. Surtout pas à Molly, ni même à aucun des enfants Weasley ou à Harry. Elle serait passé au mieux pour une envieuse ou au pire pour une prétentieuse qui pensait que ce privilège qui lui était du.
C’était peut-être un peu une question d’envie parce qu’elle aurait vraiment aimé être reconnue comme faisant partie de cette famille qu’elle aimait tant, mais elle ne pouvait pas les forcer à l’accepter…
Comme elle ne pouvait partager avec personne les sentiments qu’elle s’était découvert envers Fred…
- « Une Noise pour tes pensées… » lui souffla une voix depuis la porte qui allait de la maison au jardin d’hiver.
- « Mes pensées valent bien plus qu’une Noise et tu le sais, Fred. » répondit-elle sans même se retourner. Elle aurait reconnu son timbre entre mille. Les gens continuaient à les confondre George et lui et pourtant ils étaient deux personnes si différentes…
- « Je veux bien aller jusqu’à un Mornille, mais parce que tu es dure en affaires… » poursuivit-il en s’approchant d’elle.
- « Dans tes rêves, Weasley. » le taquina-t-elle en se retournant vers lui.
Oh. Il s’était plus rapproché d’elle qu’elle ne le pensait et ils étaient quasiment l’un contre l’autre maintenant. Mais alors qu’elle essayait de faire un pas en arrière pour mettre un peu de distance entre eux, Hermione se sentit comme retenue par un champ de force invisible. Un sourire en coins sur les lèvres, Fred désigna du doigt un morceau de gui enchanté qui flottait au-dessus de leurs têtes.
- « C’est Noel, pas le nouvel an… C’est trop tôt pour le gui, Fred. » s’étonna faiblement Hermione, habituée aux excentricités des jumeaux.
- « Et si je te disais que c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour tenter ma chance sans me ridiculiser complètement ? »
Hermione ne put contenir un hoquet de surprise. Fred ? Et elle ? Comment avait-il deviné ? Depuis qu’elle avait réalisé ses sentiments pour lui, elle avait essayé d’être aussi discrète que possible…. Elle pensait qu’il était intéressé par Angelina, mais elle avait appris au cours de la soirée que celle-ci était en couple avec George…
Est-ce qu’il éprouvait vraiment quelque chose pour elle ? Mille questions traversaient son esprit et elle repassait dans sa tête toutes les interactions qu’ils avaient eues ces derniers mois. Ces moments de complicité, ces petites attentions, les boucles d’oreille qu’il lui avait offertes à son anniversaire, les mains de Fred qui parfois effleuraient les siennes, les dîners fréquents au Terrier où les jumeaux ne semblaient être présents que quand elle pouvait venir… Les regards appuyés de George à Fred…. Tout semblait soudain faire sens.
- « Oh ! » déclara-t-elle en mettant une main devant sa bouche pour masquer son étonnement.
- « Oui : oh ! » lui répondit Fred avec un sourire un peu incertain. « Alors maintenant, je vais juste fermer les yeux et c’est toi qui vas décider… Soit tu m’embrasses sur la joue et le gui se volatilisera et je me suis complètement trompé sur ce qui m’a semblé être ton intérêt pour moi et je te jure qu’on ne reparlera plus de ce moment, soit… Soit tu prends une autre décision. »
Doucement, Fred ferma ses grands yeux marrons et durant un instant qui lui sembla infini, Hermione hésita. Soit elle agissait maintenant et elle révélait à Fred qu’effectivement, elle avait envie de lui, soit elle mentait et renonçait à cette histoire.
Mais elle n’avait pas été répartie à Gryffondor pour rien et, se dressant sur la pointe des pieds, elle posa doucement ses lèvres sur celle de Fred qui lui répondit aussitôt avec enthousiasme.
Un an plus tard, alors qu’elle ouvrait ses paquets, faisant attention de ne pas attraper sa bague de fiançailles dans un ruban, Hermione eut le plaisir d’ouvrir un pull tricoté des mains de Molly sur lequel figurait un grand H.
Lorsqu’elle leva la tête pour remercier la matriarche, celle-ci lui fit signe de la suivre et elles se dirigèrent discrètement vers la cuisine, les autres Weasley ou Potter ne remarquant même pas leur départ au milieu du capharnaüm qu’était l’ouverture des cadeaux.
- « Je suis désolée de ne pas t’avoir fait de pull avant, Hermione. » Voyant la jeune femme très étonnée et prête à répondre, Molly l’interrompit. « Les pulls que je fais sont enchantés selon la tradition des Weasley. Ils font entrer quelqu’un dans la magie de la famille. Harry a pu en avoir un très tôt car il était orphelin et que j’ai tout de suite eu envie de le prendre sous mon aile. Mais tu avais tes parents, tu as une famille… Et tant que tu ne faisais pas partie de la nôtre officiellement, » Elle désigna la bague qui brillait à l’annulaire de la jeune femme. « Je ne pouvais pas t’offrir ce que je voulais pourtant tellement te donner. Bienvenue dans la famille, ma chère, très chère Hermione. » acheva Molly un sanglot dans la voix.
Plus un mot ne fut prononcé et ce ne fut que quelques minutes plus tard, que Fred, quelque peu inquiet d’avoir égaré sa fiancée, ne les retrouva dans les bras l’une de l’autre.