— Qu’est-ce que tu fais là ? demande Harry, les yeux plissés.
— Je n’ai pas le droit d’utiliser la Salle-sur-Demande ? répond-il un peu plus sèchement que nécessaire.
Il continue à avancer dans la pièce et Harry fait quelques pas en arrière. Il évite son regard et Drago sourit.
Puis il finit par hausser les épaules et marmonner quelques mots avant de disparaître par une porte que Drago n’avait pas remarqué jusque là.
Depuis qu'il y a un semblant d'entente entre Harry et lui, depuis la fin de la guerre, les choses ne cessent d'être ambiguës entre eux. Plus qu'ambiguës à vrai dire.
Évidemment leur dérapage à cette soirée n'a pas aidé. Drago ne sait pas vraiment ce qui l'a pris, il avait envie, il n'a pas réfléchi. Il a suivi son instinct, et en un certain sens, c'est pire.
Et Harry a suivi. Il en a redemandé.
Et en même temps ce n'est pas de sa faute si Harry est aussi stupide. Naïf.
Attirant.
Il y a un truc chez Harry. Quelque chose auquel il n’aurait pas du goûter, qui lui fait perdre son self-control et céder alors même qu'il sait qu'il ne devrait pas. Qu'il n'a aucune raison de céder.
Sans trop réfléchir il s’assoit au piano. Ça lui rappelle son enfance. Il appuie sur quelques touches, d’une main puis l’autre. Ça sonne mieux que ce à quoi il s’attendait. Il bute sur quelques notes, mais ses doigts se souviennent et les mesures s’enchaînent. Il est presque à la fin du morceau quand il remarque un mouvement dans son champ de vision. Il tourne la tête et voit Harry, appuyé au montant de la porte.
Comme pris en faute, il se lève brusquement.
— C’était quoi ? demande Harry.
— Mendelssohn, répond Drago à contrecœur.
Il veut demander depuis quand il écoute, mais se retient. Quelle importance ? Le brun acquiesce, peu convaincu et Drago suppose qu’il ne connaît pas.
Mais ses pensées sont remplacées par d’autres préoccupations alors que Harry s’avance. Drago ne recule pas. Il incline la tête, curieux de voir jusqu’où il compte aller.
Quand enfin il s’arrête, ils sont tout près, assez près pour qu’il puisse sentir son odeur, celle-là même qui ne l’a plus lâché depuis cette soirée.
— Tu es venu ici pour me voir ? demande Harry avec une fausse assurance.
— Peut-être…
— Comment ça, peut-être ?
Drago se contente de sourire. En face de lui, Harry plisse les yeux, comme si en l’observant plus attentivement il pouvait décoder les pensées de Drago.
Quelques secondes passent, pendant lesquelles aucun d’eux ne détourne le regard, puis, presque imperceptiblement, Harry s’approche à nouveau. Drago tente d’ignorer les couleurs qui sont apparues sur ses joues et attend qu’il ne soit plus qu’à quelques centimètres avant de se détourner.
Il fait quelques pas, nonchalent, mais une main sur son poignet le fait pivoter et à nouveau il fait face à Harry.
— A quoi tu joues, Drago ?
Got lost in the game
Oh baby
Drago hausse les épaules, comme si ce n'était pas important.
Il ne peut s'empêcher de noter que Harry a utilisé son prénom. C'est assez rare pour le déstabiliser. Il ne l'appelle plus Malefoy mais n'utilise pas son prénom pour autant. Il se débrouille toujours pour ne pas en avoir besoin.
Aujourd'hui l'attaque est frontale.
— Drago, insiste-t-il.
— Harry ?
— Je t'ai posé une question.
Le ton est déterminé, mais calme. Il se contrôle bien. Drago se fait distant malgré lui, son sourire n’a plus rien d’avenant.
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
— Sur la tour d’astronomie…
— Oh ça !
Drago balaie l’idée d’un geste de main, avec une désinvolture manifeste, puis il reprend :
— Me dis pas que tu croyais que ça signifiait quoi que ce soit ?
Le ton cassant lui vient avec une facilité déconcertante. Le rire moqueur aussi. L'habitude sûrement.
Le visage du brun change. Il a l'air en colère et ça réveille quelque chose chez Drago.
— Tu pensais quand même pas qu’on allait sortir ensemble, Potter ?
Le nom lui a échappé. C'est un accord tacite entre eux, de ne plus utiliser leurs noms de famille. Trop d'histoire, de souvenirs.
Et en face de lui, Harry a l’air d’avoir été frappé. Drago sait qu’il a franchi une limite invisible. Ses yeux verts le fixent et il attend, incertain.
Petit à petit, la colère regagne les traits du brun. Ses joues sont rouges, son regard fiévreux et Drago manque de perdre pied, comme ce soir-là en haut de la tour. Cette fois pourtant, il se contrôle.
— A quoi tu joues ? répète Harry. Pourquoi t’es venu là jouer du piano sous mon nez? Pourquoi tu m’as embrassé l’autre soir ? Ça t’a pas plu ? T’avais l’air d’apprécier pourtant !
Drago hausse les épaules, imperméable à l’ironie sous-jacente. Il ne sait pas trop lui-même, pourquoi. Il y ce truc qu’il y a toujours eu avec Harry. Avant c’était facile de trouver une raison, maintenant plus vraiment et c’est perturbant. Assez pour qu’il se soit demandé ce que ça donnerait s’il cédait.
— C’était sympa, concède-t-il.
But it doesn't mean that I'm serious
Peut-être que Harry a raison, qu’il aurait dû repartir en le voyant, peut-être que ce n'était pas une bonne idée de rester. Et en même temps, la conversation ne lui déplait pas.
Drago abandonne le sarcasme et s’approche à son tour. Cette fois Harry ne bouge pas. Jusqu’à ce qu’il soit tout près, il soutient son regard. La colère est toujours sur ses traits mais il n'y a plus que ça. Sa respiration se fait plus rapide et dans ses yeux se reflète le feu qui brûle en Drago.
I played with your heart
Il est assez proche pour sentir son souffle sur ses lèvres. C’est Harry qui cède le premier et franchit les derniers centimètres. Alors Drago ne pense plus, insensible au vacarme du piano sur le clavier duquel Harry s’est appuyé.
Il n’y a plus que ses lèvres sur les siennes, et ses mains partout. Avides, impatientes.
Drago n’a pas de raison de céder, mais il n’a pas non plus de raison de résister.