Après, tout était allé à la vitesse d'un Comète 370.
Le plus curieux : elles ne parlaient plus. Pourtant, elles disaient beaucoup. Leurs mains, leurs lèvres, leurs cils, leurs jambes enlacées comblaient le silence et exprimaient l'indicible. Bellatrix faisait aussi silence sur son éducation. Elle se jetait à corps perdu dans leurs étreintes, presque rageusement. Dans ses rares moments de doute, elle se rassurait ainsi : ce n'était que des baisers. Des caresses. Ce n'était pas l'acte. Ce n'était pas le sexe de l'homme en elle, voilà, elle restait vierge. Peut-être que c'était une bonne chose, qu'Amelia soit une femme. Oui, c'était une bonne chose.
Ensuite, elle oubliait. Bellatrix avait toujours préféré l'action. Les conséquences et la morale viendraient plus tard, ou jamais.
Et elles se découvraient, apprenaient leur corps et le corps de l'autre. Elles le faisaient témérairement. Une fois, prise d'une impulsion incontrôlable, Bellatrix glissa sa main entre les cuisses d'Amelia, et cette dernière poussa un soupir qui fit l'effet d'une tornade, brisant son masque de contrôle, détendant brusquement tout son corps, et procurant à la jeune fille ce sentiment enivrant et familier de puissance. Alors, allongées dans la poussière et la nuit, elles eurent envie de tout tenter, de tout goûter.
Curieusement, Bellatrix était plus réticente à se laisser toucher. Quand son ennemie tirait sur ses cheveux pour dévoiler sa nuque et l'embrasser, elle griffait son dos en réponse, comme pour rappeler que la douceur de ses baisers ne l'affaiblirait pas. Si elle effleurait ses seins, elle l'imitait avec plus d'ardeur. Et Amelia ne disait rien, car peut-être savait-elle que ses efforts étaient vains.
Bellatrix aimait quand Amelia se trouvait entièrement nue devant elle. Son visage figé prenait une expression insolente, inouïe, et même allongée, un bras sous la tête, il lui semblait qu'elle demeurait debout, droite, imperturbable. Sa frange collait à son front, ses cheveux fins à ses tempes, glissant parfois jusque ses lèvres fines et sa mâchoire dure. Et puis il y avait son corps, mince, ses os saillants d'avoir grandi si vite.
Un tas d'os. Amelia était infiniment plus que cela. Il n'y avait qu'à caresser sa peau, douce, et éprouver la solidité de ses épaules. Il n'y avait qu'à sentir l'infime goutte de parfum au creux de son cou, imperceptible comme une invitation à venir plus près, tout près pour y deviner un citron, peut-être, ou une feuille de menthe ? Il fallait la sentir trembler sous son corps, s'animer au-dessus, entendre son cri étouffé contre ses seins.
Ensuite, Amelia souriait, un sourire immense et rare sur ses traits placides. Ses lèvres étirées étaient rougies. Et Bellatrix, admirant secrètement sa liberté, riait brusquement, euphorique, avant de se reprendre en une expression hautaine, puis moqueuse, nonchalante. Elle expirait enfin quand Amelia l'attirait à elle et la laissait respirer, s'abandonner dans le secret de son parfum.
Elles faisaient l'amour dans la poussière des salles abandonnées et des placards oubliés. Quand elles en sortaient, cette poussière les accompagnait, emmêlée à leurs cheveux, collée à la sueur de leur peau, et cela embaumait comme la prophétie d'une relation condamnée au passé.