Elles avaient peu à peu compris que leurs disputes publiques ne suffisaient pas.
Il n'y avait qu'à voir comme elles se cherchaient du regard, comme elles s'épuisaient à chercher l'attention avec le fard de la répulsion. Alors - et cela se fit tacitement lors de leur deuxième année - elles convinrent de se retrouver, quelques soir, sur les bords du Lac de Poudlard.
Bellatrix avait invoqué la claustrophobie - et c'était vrai car les cachots l'oppressaient - ; Amelia la science. Elle disait étudier les créatures qui y vivaient, Serdaigle faussement studieuse qui fuyait en réalité la solitude de sa Tour.
Parfois, elles regardaient les étoiles ensemble. Mais elles ne regardaient jamais dans la même direction. Amelia était allongée sur l'herbe mouillée par la nuit et contemplait le ciel avec une attention critique - ce même ciel dont Bellatrix admirait le reflet sur la surface lisse du Lac. Elle s'y voyait aussi dans la pénombre, ou plutôt elle voyait ses yeux y briller avec les astres, et cela la menait immanquablement à cette éternelle réflexion.
- Je suis une étoile.
Elle disait cela d'une manière satisfaite mais aussi hésitante, comme si elle n'était pas certaine de la valeur de son affirmation. Peut-être percevait-elle le discret mouvement d'Amelia qui se relevait sur ses coudes et l'observait de dos. Peut-être savait-elle que pour Amelia, elle n'était pas une étoile.
- Je ne suis pas sûre de vouloir être une étoile, déclara-t-elle un jour, espérant sûrement que son ennemie renchérirait. Tu sais pourquoi ?
- Pourquoi tu ne voudrais pas être une étoile ?
- Oui.
- Parce que c'est impossible.
C'était le ton factuel, détaché d'Amelia, et cette pointe moqueuse dans sa voix car elle savait que cela exaspérait Bellatrix.
- Il y a trop d'étoiles, expliqua-t-elle finalement en se faisant violence pour ne pas répondre à sa provocation.
Il y eut un silence qui signifiait qu'Amelia réfléchissait.
- C'est vrai.
Cela rassura Bellatrix mais elle eut un mouvement de frustration et quitta son reflet et celui des étoiles pour se lever et dominer Amelia toujours allongée, faisant ainsi écran à la voute.
- Alors, qu'est-ce que je suis ? demanda-t-elle avec irritation.
Amelia la contempla longtemps, de la même manière qu'elle avait contemplé le ciel mais avec une lueur plus sensible qui rendit Bellatrix un peu mal à l'aise.
- Tu es toi. Ce n'est pas assez ?
Non. Ce n'était pas assez pour Père, qui voulait un fils. Ce n'était pas assez pour Mère, qui elle voulait une fille, mais distinguée, douce, délicate. Ce n'était pas assez pour les professeurs, et son futur époux, certainement, ni pour ses camarades, évidemment. Pas assez sage, pas assez obéissante, pas assez élégante, pas assez souriante, pas assez faible, pas assez, pas assez, pas assez. Assez ! Ce n'était jamais assez.
Et Bellatrix voulait tout, trop. Elle voulait la magie, la liberté, la puissance ; elle voulait le ciel tout entier et son obscurité et son mystère. Elle voulait briller si fort qu'il n'y aurait plus jamais d'éclipse et d'étoiles filant trop vite.
Si seulement elle avait su : pesante, fascinante, ogre de lumière, Bellatrix Black était un trou noir.