- Les filles de mon dortoir disent que je passe trop de temps avec toi. Tu savais que tes parents étaient des Traitres à leur sang ?
- N'insulte pas mes parents, Trix. Ils sont des personnes justes, et ils sont qui ils veulent, et si l'avis des idiotes de ton dortoir compte autant pour toi, ce n'est pas la peine de venir me parler.
Parfois, elles se demandaient comment elles parvenaient à seulement discuter. Car l'une comme l'autre était incapable de mentir ; car elles étaient toutes deux intransigeantes et qu'un compromis était impensable.
Quand c'était ainsi, elle finissait immanquablement pas se disputer jusqu'au matin, mais cette fois-ci, Amelia décida qu'il en serait autrement. Peut-être était-ce à cause de cette nouvelle lune qui se reflétait sur le lac noir. Elle semblait leur dire de tout recommencer. De mettre leur orgueil de côté. Et Amelia avait un objet merveilleux à lui montrer.
Aussi, alors que Bellatrix s'apprêtait à répliquer avec colère, elle sortit de son sac un miroir qu'elle lui tendit.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda la jeune fille, coupée dans son élan.
Amelia en bonne Serdaigle se taisait, avec cette insupportable manie de tout vouloir lui laisser deviner.
- Un miroir à double sens ? s'étonna-t-elle encore, ses mains parcourant l'objet avec une attention mi dédaigneuse, mi curieuse.
Elle faisait référence à ces miroirs permettant aux sorciers de communiquer par reflet interposés. Un artefact que seules des riches familles pouvaient s'offrir.
- Attends... ricana la sorcière comme si elle venait de comprendre. Tu m'offres ça pour qu'on puisse échanger pendant les vacances ? Comme c'est mignon... je ne savais pas que je te manquais tant que ça, petite Amelia.
Elle accompagna sa moquerie d'une caresse sur sa joue et Amelia frissonna légèrement avant de lever les yeux au ciel.
- Ce n'est pas un miroir à double sens, soupira-t-elle. C'est un un Miroir Déformant.
- Et à quoi ça sert ? demanda Bellatrix d'un ton hautain, comme à chaque fois qu'elle avait la conviction d'avoir manqué quelque chose.
- Ça sert à voir comment les autres nous voient. Il faut se regarder dedans avec quelqu'un pour voir comment l'autre nous voit, et ensuite...
Elle s'interrompit, agacée par son propre manque de clarté.
- Si nous nous regardons toutes les deux dedans, je verrai comment tu me vois, et tu verras comment je te vois. Ma mère me l'a envoyé hier pour que je comprenne que tout le monde me voit comme une jeune femme merveilleuse.
Elles échangèrent un regard sceptique qui les fit sourire. Amelia ne manquait pas de confiance en elle. Elle se savait brillante, juste, drôle parfois, et elle aimait ses yeux bleus et son cou (même si ce dernier point était une excentricité qu'elle se gardait de partager). Amelia ne se trouvait pas merveilleuse, mais elle s'aimait.
Contrairement à l'intégralité de Poudlard. Et si elle avait dû se regarder dans le Miroir Déformant avec un autre élève, elle se serait sûrement vue impressionnante (car elle les intimidait) mais surtout terriblement ennuyante.
En revanche, avec Bellatrix...
La sorcière dut lire dans ses pensées car elle vint s'asseoir à côté d'elle et plaça le miroir devant leurs deux visages.
D'abord, Amelia ne parvint pas à se concentrer sur son reflet. Elle ne sentait que les boucles de Bellatrix effleurer son cou, et son épaule caresser son omoplate, son parfum lourd, et son souffle presque chargé de magie.
- Ça ne marche pas, déclara finalement la Serpentard.
Amelia secoua la tête comme pour s'éclaircir les pensées et reporta son attention sur l'artefact.
Elle se vit, ses traits durs, froids et déterminés, et à côté, le visage si vivant de Bellatrix. Cette dernière plissait les yeux avec méfiance, prête à en découdre avec son propre reflet. Puis prête à en découdre avec Amelia quand elle vit qu'elle l'observait.
Amelia trouva qu'elles étaient belles. Mais elles étaient elles, comme si elles s'étaient regardées dans un véritable miroir, comme si le Miroir Déformant n'en était pas un.
Ou que...
Elles parlaient souvent trop. Cette fois-ci, elles se turent. Et elles s'admirèrent longtemps, côte à côte dans le miroir sous la lumière de la nouvelle lune.
Elles avaient quinze ans. Elles s'aimaient mais elles ne se l'avouaient pas encore.