Le soleil se couchait derrière le manoir Malefoy dans un torrent de pluie incessant. Il avait plu à grosses gouttes toute la journée et l'herbe du jardin s'était transformée en gadoue marécageuse. Les parterres étaient à l'abandon depuis maintenant plusieurs mois et un peu d'eau n'y changeait rien. Quelques lumières près des fenêtres aux deuxième et troisième étages étaient allumées.
Une des entrées secondaires, principalement utilisée par les elfes de maison s'ouvrit dans la pénombre et un homme encapuchonné s'y engouffra de l'extérieur. Lorsqu'il referma la porte discrètement derrière lui, il partit sans réfléchir vers un couloir plongeant dans les sous-sols. Après avoir descendu les escaliers et allumé la lumière, il s'arrêta un instant pour souffler. Puis, doucement il ôta sa cape lui servant de manteau. Il l'accrocha à un coin d'étagère alors que de l'eau continuait de suinter du vêtement, formant déjà une flaque sur le sol.
Sans plus attendre, l'homme attrapa sur une table un bout de ficelle qui traînait et le porta à son crâne. Ses cheveux longs en bataille et collés au visage étaient dans un état lamentable et leur blond original était méconnaissable. L'individu utilisa la ficelle pour regrouper et attacher ses cheveux à l'arrière de son crâne en une queue de cheval négligée. Il s'attarda sur son reflet dans certaines des plus grandes bouteilles entassées dans la cave. Il avait mauvaise allure : sa barbe était maintenant longue de plusieurs semaines, Il manquait de sommeil et cela donnait à ses yeux un air dément. Sa peau creusée était couverte de boue qui lui rentrait jusque dans le nez. Malgré tout, il souriait : Lucius Malefoy était à la maison.
Lucius se doutait bien qu'il ne pourrait peut être pas rester très longtemps. Il avait déçu le seigneur des ténèbres et il redoutait sa vengeance plus encore que les détraqueurs d'Azkaban. Il avait saisi l'opportunité de s'enfuir un jour où les détraqueurs avaient simplement abandonné la prison, sûrement pour rejoindre leur véritable maître, mais n'avait pas réfléchi à ce qu'il souhaitait faire ensuite. Il s'était enfin décidé à revenir au moins temporairement à la maison pour vérifier si sa famille allait bien et récupérer une baguette. La sienne avait été confisquée par le ministère de la magie lors de son emprisonnement et le retour par des moyens moldus infects lui avait suffi. S'il voulait protéger sa famille ou simplement survivre, il aurait besoin de sa baguette.
Il ouvrit un des tiroirs dans un secrétaire délabré proche de lui. A l'intérieur se trouvaient plusieurs baguettes magiques. Certaines, en très mauvais état, semblaient avoir appartenu à de très vieilles générations de Malefoy. Lucius examina plusieurs d'entre elles. Puis il se décida pour une baguette en Orme, similaire à sa propre baguette, en espérant avoir de meilleurs résultats pour une baguette n'étant pas la sienne.
Alors qu'il s'apprêtait à refermer le tiroir, il entendit du bruit au loin, Par réflexe, il éteignit la lumière et s'engouffra entre deux énormes tonneaux de vin.
« ... crois qu'on va faire cela pendant encore longtemps ?
— Si tu veux mon avis, cela sera de plus en plus souvent. Les invités s'accumulent dans la maison, que ce soit en haut dans les chambres ou ici dans les cachots. On n'est pas près de les voir partir.
— Ils ne vont pas tous s'installer ici, non ?
— Je n'en sais rien, ce n'est pas notre problème. Tu fais comme moi, ce qu'on te dit. Et maintenant, ce qu'on nous a dit, c'est de nourrir les prisonniers. Si tu continues à poser des questions à tout le monde, tu finiras comme Dobby, avec un vêtement dans la main ! »
Deux elfes de maison s'approchaient en se disputant à voix basse. Ils allumèrent la lumière. Lucius resta le plus au fond possible. Il ne regarda pas dehors, mais sentit la présence des deux elfes de maison passer devant lui. Ils marchaient maintenant en silence. Lucius resta sans bouger dans sa cachette. S'ils allaient nourrir les prisonniers, cela signifiait qu'ils allaient revenir bientôt. Cela signifiait aussi qu'il y avait des prisonniers dans sa cave. Lucius avait entendu parler de précédents dans la famille. La cave était constituée d'alcôves fermant à clé, parfaites pour faire de petites prisons. Lucius ne les avaient jamais utilisées car il préférait avoir ses prisonniers hors de la maison familiale. On dormait mal avec les cris de torture, même avec une potion de sommeil efficace.
« ... avec sa façon de crier les ordres, comme si elle était complètement folle et s'en fichait ... »
Comme prévu, les deux elfes de maison repassèrent quelques minutes plus tard. Après s'être assuré qu'il ne risquait pas d'être entendu, Lucius sortit de sa cachette et se dirigea vers le fond de la cave, où les prisonniers devaient se trouver. Si le manoir se remplissait, comme semblait dire l'un des elfes, il était possible que sa propre famille soit dans ces cellules après son cuisant échec au département des mystères l'année dernière. Avant de quitter le manoir pour une cachette plus sûre, Lucius souhaitait savoir comment était le traitement laissé à sa femme et son fils. Il ne partirait qu'après s'être assuré qu'ils soient hors de danger.
Il y avait deux cellules occupées. Lucius jeta rapidement un coup d'oeil dans la première par la vitre au centre de la porte et y vit William Bowen du département de la coopération magique internationale. Il était allongé au sol et semblait ne pas bouger. Lucius, soulagé de ne pas y trouver quelqu'un auquel il tenait, ignora l'homme et vérifia qui habitait la deuxième cellule.
Il y vit une femme, les yeux hagards, assise dans un coin et mangeant lentement le contenu inconnu d'une assiette. Ses cheveux longs et roux tombaient sur son visage. Elle leva la tête dans la direction de Lucius, ses yeux verts le regardaient intensément. Lucius s'arrêta ahuri. Cette femme ne pouvait pas être réelle et pourtant, il était impossible de s'y méprendre, même avec une quinzaine d'années en plus.
« Lily ? Lily Evans ? »