« Non, mais ce n'est pas possible, je dois bien avoir une tenue présentable ! »
Lily Luna Potter jurait en sortant, un à un, les vêtements de son armoire, à la recherche d'une robe ou autre ensemble qui pourrait faire l'affaire.
Elle avait déjà entièrement vidé son maigre placard, mais elle n'avait rien trouvé de concluant. Enfin, elle n'avait rien trouvé de nouveau. Et elle aurait bien eu besoin de quelque chose de neuf.
Elle se rendait au Gala de Charité des Potter tous les ans depuis sa majorité et, à chaque fois, elle passait plus de temps à réfléchir à sa tenue qu'à se préparer réellement.
Cette année ne faisait pas exception, elle avait beau chercher dans tous les cadeaux qu'elle avait reçus, elle ne trouvait rien qui lui allait.
Lily soupira en regardant son horloge. Ses parents étaient déjà en route et ses frères n'allaient pas tarder. Elle était partagée entre la joie de retrouver sa famille, ses cousins et ses amis, pour une soirée, et l'appréhension de se sentir si différente.
Lily Potter était la plus jeune des enfants des héros de la guerre. Elle avait été protégée toute son enfance par ses parents, puis par ses frères à Poudlard. Elle avait passé une des plus belles enfances qu'un être humain puisse rêver, avait partagé le bonheur de chacun des membres de sa famille lors de leurs réussites et elle avait adoré ça…
Et puis, un jour, elle avait à son tour quitté Poudlard pour retrouver sa famille. C'était à ce moment-là qu'elle avait compris qu'elle était différente. C'était en rentrant dans une maison vide parce que ses frères n'y habitaient plus et ses parents s'étaient absentés, qu'elle avait réalisé qu'elle était seule.
On avait attribué à James la carrière de sportif, l'assurance, la médiatisation et l'héritage d'un digne Potter. Il était en couple depuis sa septième année avec une femme admirable et leur mariage avait été aussi évident qu'attendu par toute la société. Lily aimait beaucoup Laureen et avait suivi leurs péripéties aux premières loges, aidant son frère aîné à réaliser l'importance de cette fille. Et, même aujourd'hui, Lily était ravie pour son frère.
Albus était moins conforme aux attentes d'un Potter. C'était l'enfant rebelle le fils du Survivant à Serpentard et meilleur ami d'un Malefoy. Mais Albus, c'était le caractère, celui qui ne se laissait pas faire et qui prouvait que les histoires du passé étaient révolues en allant de l'avant. Son ambition et sa volonté sans failles l'avaient poussé vers les plus hauts postes du ministère. Il était aujourd'hui à la tête de la justice magique, pour s'assurer que le monde des sorciers reste le plus équitable possible. Lily suivait avec excitation chaque promotion de son frère et l'encourageait même quand il en avait besoin.
Lily, elle, n'avait jamais eu de carrière prédestinée. Elle qui n'avait jamais eu besoin de rêver parce que son bonheur suffisait à la combler, s'était retrouvée sans objectif et, au fur et à mesure que ses frères se construisaient leurs vies, ses parents profitaient d'une fin de carrière plus calme pour prendre enfin le temps de voyager.
A dix-huit ans, Lily s'était donc retrouvée seule, sans aucune envie de carrière, à n'avoir comme seule attente dans sa semaine le repas de famille avec ses cousins présents à Londres.
Cinq ans plus tard, Lily continuait de vivre seule, dans un petite appartement du chemin de Traverse. Elle continuait de se réjouir pour ses frères. Mais elle sentait qu'elle s'éloignait d'eux, tout en ne rêvant que d'une chose : être avec eux.
Lily finit par se décider pour une robe offerte par un de ses admirateurs secrets de Poudlard, alors qu'elle n'avait que seize ans. Elle jeta quelques sorts pour l'ajuster et lui donner une couleur bleue à la place du rouge flamboyant qui jurait clairement avec ses cheveux.
Elle ne prit pas le temps de s'occuper de ses cheveux et appliqua une légère couche de maquillage autour de ses yeux verts.
Elle transplanna directement dans la petite ruelle qui longeait le ministère et apprécia une dernière fois le calme de ces rues moldues desquelles il était impossible de percevoir l'effervescence d'un début de Gala. Quand elle pénétra dans les couloirs froids du ministère, elle alla directement vers la place centrale. Elle passait devant les premiers invités sans réellement leur porter attention, il y allait avoir tellement de gens qui allaient défiler devant elle tout au long de la soirée qu'elle n'avait pas envie de commencer dès maintenant à serrer des mains inutilement.
Ses parents, ses frères et sa belle-sœur se tenaient près de la scène. Elle leur adressa son plus beau sourire en les rejoignant. Malgré la joie de les retrouver, elle sentait une petite gêne. Elle aimait profondément toutes ces personnes, mais, pourtant, elle se sentait de moins en moins à sa place au milieu d'eux.
Son père était le Survivant, sa mère s'était battue à ses côtés lors de la guerre et ses frères brillaient dans leur carrières respectives. Même Laureen, pourtant enceinte de leur premier enfant, excellait avec un laboratoire de potion moderne et réputé dans le monde entier. Lily, elle, n'était que la secrétaire dans une maison d'édition qui ne l'avait embauchée que parce qu'elle s'appelait Potter. Depuis qu'elle avait quitté Poudlard, elle était spectatrice de la vie de sa famille.
« Lily, l'accueillit sa mère en la prenant dans ses bras. Comment vas-tu ? »
Lily embrassa sa mère ainsi que tout le reste de sa famille.
« Teddy n'est pas là ? Demanda-t-elle. Ça m'étonnerait que je ne sois pas la dernière ! »
Tout le monde rit autour d'elle, mais son père répondit avec un air sérieux :
« Non, il est arrivé bien avant tout le monde. Il y avait juste Remus qui voulait venir, mais à cinq ans, c'est un peu compliqué, alors Victoire et Teddy lui ont fait visité le ministère avant d'aller le coucher, ils devraient arriver bientôt. »
Lily acquiesça, avant de se tourner vers sa belle-sœur, pour discuter avec elle. Elle aurait voulu prendre des nouvelles de chacun de ses cousins avant qu'ils ne débarquent tous, sa mère en avait décidé autrement.
« Tourne-toi ma chérie ! Exigea-t-elle en sortant sa baguette. »
Lily s'exécuta en soupirant. Elle avait l'habitude des sorts de sa mère pour arranger ses cheveux. En quelques secondes, elle arborait un chignon haut et serré.
« Tiens, Teddy est là ! Nota Albus, c'est parti pour la photo de famille. »
Comme à chaque évènement depuis la guerre, la famille Potter se faisait photographier par les journaux du monde entier. Laureen Potter prit la main de Lily et l'entraîna vers les objectifs. Lily suivit sa belle-sœur en se rappelant des premiers évènements où elle avait dû elle-même amener Laureen qui n'osait pas se joindre à eux. Désormais, elle faisait partie de la famille au même titre qu'elle, que Teddy ou que Victoire.
« Teddy, cheveux bruns s'il te plaît, sinon ça ne va pas avec mes yeux, rit James.
-Je peux aussi me faire plus gros, comme ça ta femme ne se sentira pas seule, répliqua l'intéressé.
-Ne t'inquiète pas pour moi, avec la grosse tête de ton frère, je ne me sentirais jamais la plus grosse, même si on attendait des quadruplés. »
Lily, comme tous les autres membres de la famille, rit de cette réflexion, puis sortit du cadre pour laisser ses deux parents poser ensemble.
Ses cousins arrivèrent. Lucy et Molly, dans un premier temps, restèrent discrètes et se contentèrent de rapides salutations avant de discuter avec des invités qu'elles connaissaient. Dominique était rayonnante au bras de son mari Jonathan. Si Fred n'avait pas pu venir, Roxane Weasley-Wilson était là, toujours aussi souriante et amoureuse de son mari Nathan. Louis Weasley les suivait de peu, avec son petit ami du moment. Rose Weasley débarqua en même temps que ses parents et son frère. Elle était au bras de Scorpius Malefoy, toujours aussi digne malgré le regard menaçant de Ronald Weasley. Lily admirait sa cousine pour son courage, mais elle ne pouvait s'empêcher de jalouser la passion qui l'unissait à Scorpius et lui permettait d'avoir la force de le faire entrer dans leur famille. Hugo fut le dernier à arriver, mais Lily était contente de le retrouver.
« Alors petite cousine, la salua-t-il. On ne se sentait pas trop seul sans moi ?
-Je te rappelle que tu n'as que deux mois de plus que moi, Hugo. Corrigea-t-elle. »
Comme à chaque fois qu'elle avait l'occasion de les retrouver, Lily prit le temps de discuter avec tous les membres de sa famille. La soirée commençait bien, et Lily savait déjà qu'elle aurait la joie de rire aux affrontements de James et Laureen, de constater la complicité de Roxane et son mari, de s'amuser des anecdotes de Louis, d'admirer l'amour de Rose et Scorpius et d'accompagner Albus dans ses innombrables poignées de mains.
Lily était au milieu des siens et Lily partageait leur bonheur. Pourtant Lily ne se sentait pas à sa place et Lily était malheureuse.
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Lily s'assit à son bureau, comme tous les lundis matins. Elle noua ses cheveux dans un chignon bâclé avant de s'attaquer à la pile de lettres qui l'attendait.
Le dernier livre de Francis Whilth, écrivain dont la réputation n'était plus à faire, était un franc succès. De nombreuses admiratrices contactaient les Éditions Enchanteresses pour espérer accéder à leur auteur préféré, qui avait toujours autant de succès, même du haut de ses 65 ans.
Lily saisit une plume et commença à recopier le modèle de réponse.
Bonjour,
Nous vous remercions de votre intérêt. Malheureusement, Mr. Whilth est très sollicité et n'aura sûrement pas le temps de vous répondre personnellement.
Nous vous prions de nous excuser pour cette déception,
Cordialement,
Les Éditions Enchanteresses
Lily soupira. Toute cette missive n'était que mensonge. Les lettres n'étaient jamais transmises à l'auteur. D'ailleurs, depuis qu'elle avait pris son poste il y a quelques années, elle n'avait jamais eu l'occasion de lui parler. Il ne faisait que passer ponctuellement dans le bureau de la Présidente générale ou discuter des heures avec Scott Jefferson, son éditeur avec lequel il n'était jamais d'accord.
« Quoi ? Dans deux mois ? Mais vous me demandez toujours d'écrire plus vite mes nouvelles histoires ! »
Lily interrompit sa rédaction pour tendre l'oreille. Dans le bureau de la présidente générale, l'auteur le plus populaire de la décennie avait haussé la voix. Autour d'elle, Lily avait constaté que tous les autres employés avaient également cessé leurs activités.
« C'est dans votre contrat, vous devez donner une belle suite à tous vos personnages.
-C'est dans mon contrat, c'est dans mon contrat… Tous mes personnages sont heureux, je ne peux plus me les voir à cause de leur bonheur. Ça fait 20 ans que je les rends heureux, que je réécris perpétuellement la même histoire en changeant simplement le lieu et les noms. Ce n'est pas un contrat ça, je n'apporte rien !
-C'est ce qui marche ! S'exclama Mrs Blobolow. Pourquoi changer ?
-Parce que c'est nul, c'est faux, et c'est un mensonge ! Je refuse que de continuer dans cette spirale.
-Vous n'avez pas le choix, riposta-t-elle. Vous êtes engagés.
-Vous savez ce qu'il vous dit mon engagement ! »
Aussitôt, Francis Whilth se leva, il avait encore beaucoup d'énergie pour son âge, ouvrit la porte et sortit :
« -Francis ! S'écria la présidente, votre engagement, par exemple, vous oblige à faire la promotion de votre livre jusqu'à la fin, vous partez demain au Brésil pour rencontrer la maison d'édition partenaire qui vous a traduit. Sinon, vous renoncez à tous vos droits sur ce livre et les précédents ! Votre éditeur et votre attachée de presse vous accompagneront. »
Mrs. Blobolow était une femme d'affaire, elle ne lisait presque jamais. Enfin, elle ne relisait que les manuscrits de Francis pour s'assurer qu'il rentrait bien dans les codes de la romance adolescente. Il était son poulain qui enrichissait son entreprise, elle tenait à ce qu'il reste dans les normes.
Elle arbora un sourire malicieux, presque méchant et montra un parchemin clairement signé par l'auteur quelques années auparavant.
Francis soupira :
« Super, je vais encore devoir me pavaner avec des Brésiliennes aussi nunuches que vos employées. »
Tout le personnel le regarda offusqué, avant de reprendre une expression aussi mielleuse qu'hypocrite. Seule Lily ne s'était pas vexée de cette remarque, elle pensait même exactement la même chose puisqu'elle se demandait chaque matin ce qu'elle faisait dans ces locaux. Elle laissa même échapper un petit rire quand ses collègues se remirent à faire les yeux doux.
Ce fut en brisant ce silence hypocrite qu'elle attira l'attention du grand Francis Whilth.
Seulement, Lily n'était pas impressionnée. Elle avait à peine lu un de ses livres et l'avait trouvé écœurant. Il ne s'agissait que de romances entre des adolescents de douze ou treize ans qui trouvaient déjà l'amour de leur vie. Ce genre d'utopie avait le don d'énerver Lily.
Elle soutint le regard bleu perçant de l'auteur et haussa même les épaules. Face à elle, les yeux du sexagénaire s'illuminèrent.
« Tu fais quoi ici, toi ? »
Lily ne savait pas si Francis avait reconnu ses origines Potter, ou s'il demandait simplement son poste. Elle prit un peu de temps avant de répondre. Sa supérieure hiérarchique, qui ne voulait absolument pas mentionner le nom de Potter, utilisa ce temps de latence pour s'exprimer :
« Il s'agit de ma secrétaire ! Je suis assistante de direction. Je m'appelle Melinda J…
-Eh bien, la coupa Francis Whilth, la secrétaire de l'assistante, fais ta valise, tu pars pour le Brésil demain matin ! »
Lily ouvrit la bouche en grand, se délecta intérieurement de la détresse de Melinda Jena, mais ne sut quoi répondre.
« J'ai encore le droit de demander une assistante ? S'énerva-t-il face à une directrice qui se vit obligée d'accepter. »
Sans rien dire de plus, Francis Whilth quitta la maison d'édition. Lily resta interdite devant les regards jaloux de ses collègues. Mrs. Blobolow se posta devant elle, lui tendit un document.
« Les informations de voyage sont là. Prenez votre après-midi pour vous préparer… Bon voyage Miss Potter ! »