Je ne sais pas ce qui est pire finalement. Que j’y ai cru ou que j’y crois encore…
-O-
Je voyais dans les yeux de Steve mon reflet s’étioler. Et je ne pensais qu’à elle. Durant cet instant fugace où j’ai eu conscience que j’allais mourir, c’est à Hermione que je pensais, et à ce qui l’attendait. Allait-elle tomber en poussières comme moi ou allait-elle rester à panser les plaies d’un monde meurtri par une autre guerre ?
J’aurais aimé avoir le temps de lui dire encore une fois à quel point je l’aimais, que je voulais l’épouser, si elle avait bien voulu de moi. Mais tout avait été vain. J’aurais dû savoir que tout cela n’était qu’un rêve naïf. Je n’avais jamais été réellement maître de mon destin…
Un battement de cil plus tard, voilà que j’apparaissais en pleine forêt du Wakanda, à l’endroit exact où j’avais disparu, seulement pour constater que la bataille semblait n’avoir jamais eu lieu. D’étranges mages arrivèrent bientôt dans de grands cercles d’étincelles.
J’ai déjà vu la magie d’Hermione à l’œuvre, je savais que la leur était différente. Pas innée comme celle des sorciers.
Un des mages, Wong, nous a expliqué sommairement ce qui se jouait à l’autre bout du monde : les Avengers qui avaient survécu lorsque nous avions disparu étaient à nouveau aux prises avec Thanos. Un Thanos qui avait voyagé dans le temps avec toute son armée.
C’était confus, et Shuri avait tenté de poser mille questions à Wong, mais la seule chose qu’il consentit à nous dire c’est que nous avions disparu durant cinq ans et qu’il était temps pour nous de renaître de nos cendres.
En même temps que nous, Thanos avait supprimé la moitié de la population de l’univers et il tentait de recommencer. Titan Fou. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai compris à quel point ce nom le représentait.
En quelques minutes, les retrouvailles déjà oubliées pour se focaliser sur la bataille à venir, T’Challa avait regroupé l’armée du Wakanda et était prêt à mener l’assaut. J’ai été détaché pour accompagner le groupe des Jabaris avec M’Baku, leur leader.
Nous ne pouvions pas échouer à nouveau. Le sort de l’univers dépendait de nous. Nous avions été battus une fois, nous savions que cela n’était plus possible.
Wong ouvrit un immense cercle d’étincelles sur une scène de guerre qui me rappela ma jeunesse, presque un siècle avant : un immense bâtiment réduit à néant, un sol semblable à un no man’s land, sous un ciel gris anthracite, empli de fumées aux odeurs de fin du monde. Au-dessus, des vaisseaux spatiaux planaient, leurs canons pointés sur le sol, semblant attendre le moment de bombarder à nouveau, plusieurs léviathans ondulaient dans le ciel, funestes augures.
En passant le portail, je me souviens de l’instant exact où je t’ai vue. Tu venais de passer un cercle d’étincelles qui devait avoir été ouvert depuis l’Angleterre, accompagnée de nombreux sorciers. Il semblait que les tiens avaient décidé de se battre eux aussi. Tu te tenais droite et fière, le regard empli de haine fixé sur Thanos, dans une tenue de combat qui devait appartenir à Nat, ta baguette serrée fermement entre tes doigts.
J’ai eu à la fois l’impression que mon cœur allait exploser et s’arrêter de battre. Les Wakandais scandaient des cris de guerre, mais je ne les entendais pas vraiment, mon monde venait de se rétrécir à toi pendant quelques secondes.
Soudain, j’ai entendu Steve lancer le cri qui nous jeta tous dans la bataille. Je ne sais plus exactement ce qui s’est passé ensuite. J’aurais aimé être auprès de toi, te protéger, même si tu es parfaitement capable de te défendre seule… Mais il y avait tant d’ennemis, tant de vagues et de vagues de leurs soldats qui déferlaient inlassablement sur nous. Mais nous étions animés d’une rage que jamais Thanos n’aurait pu concevoir.
Lorsqu’enfin le calme revint, que nos adversaires disparaissaient au vent tandis que la vie glissait entre les doigts de Stark, je te vis à nouveau. T’approchant d’Iron Man pour essayer de le guérir avec ta magie, mais c’était vain, tu le savais. Tes larmes trahissaient l’inexorable.
Alors que tu te relevais pour laisser sa femme le chérir une dernière fois, nos regards se sont croisés. Je crois que c’est à ce moment-là que tu as réalisé que j’étais revenu, moi aussi.
J’ai eu l’impression que tu voyais un fantôme. Tes immenses yeux bruns, si expressifs, se sont écarquillés, et sans même réfléchir, tu t’es précipitée vers moi, te jetant dans mes bras malgré la douleur, malgré le deuil, malgré les regards.
Je t’ai serrée contre moi à t’étouffer, mon visage contre ton cou, me repaissant de ton odeur et de ta chaleur. Pour moi ce n’était qu’un instant, mais pour toi, c’était cinq années d’absence que je m’efforçais de te faire oublier. Je sentais ton corps secoué de sanglots et à cet instant, je n’avais pas encore compris que ce n’était pas nos retrouvailles et la mort de Stark que tu pleurais, mais aussi notre histoire qui avait pris fin sans que je le sache.
Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés dans les bras l’un de l’autre, mais alors que je m’apprêtais à poser mes lèvres contre les tiennes, tu as stoppé mon geste de tes doigts. Tu as murmuré des excuses que je n’ai pas comprises. Et doucement, aussi implacablement que le froid qui m’avait envahi quand j’ai disparu, tu m’as lâché et tu t’es éloignée.
Et alors que tu quittais notre étreinte pour faire un pas en arrière, je le vis. Je ne le connaissais pas, mais j’ai su immédiatement qui il était : celui avec qui tu passais tes jours dorénavant.
Il se tenait à quelques mètres de nous, nous regardant avec un mélange de détermination et de compréhension.
Il savait ce qui nous avait lié, ce qui nous liait encore, parce que mon cœur était toujours tien, mais il te connaissait. Il savait que tu avais besoin de me retrouver pour mieux me dire au revoir et dans son regard, je vis qu’il était prêt à se battre pour toi.
Ce n’est que plusieurs jours plus tard, alors que nous étions réunis pour dire adieu à Stark, que je pus te voir à nouveau. Il avait son bras autour de tes épaules alors que les larmes coulaient abondamment de tes yeux habituellement si chaleureux.
Iain Proudfoot.
Steve m’a dit son nom. Il m’a tout expliqué pendant qu’on pansait ses blessures après la bataille. Comment tu as sombré dans une intense dépression après ce qu’ils appelaient le Snap, comment tu as cherché tous les moyens de nous faire revenir, de me faire revenir. Comment tu as été licenciée de ton poste de Langue-De-Plomb parce que tu étais obsédée par la Salle de la Mort et que tu étais persuadée que c’était le moyen de nous faire réapparaître.
Tu as tout perdu, alors tu as quitté l’Angleterre et tu es venue à New-York. Steve m’a dit qu’il t’avait suppliée de venir t’installer au Quartier Général des Avengers avec Nat et lui. Il avait tellement peur que tu laisses dépérir. Tu n’étais plus que l’ombre de toi-même.
Il m’a tout raconté. Que c’est Steve qui t’a poussée à aller de l’avant, à te reconstruire et à donner une autre chance à l’amour.
Il s’en veut tellement. Il sait ce que c’est de perdre la femme de sa vie. C’est pour cela qu’il est parti retrouver Peggy.
Mais moi, je suis coincé là. Dans un présent auquel je n’appartiens pas, et avec ma seule chance de bonheur qui vit de l’autre côté de l’océan, heureuse dans les bras d’un autre.
Et je t’aime trop pour ne pas te laisser partir.
Je lui ai parlé, ce jour-là. Le jour des obsèques. J’avais envie de me persuader qu’il ne te méritait pas. Je l’ai coincé pendant que tu regardais l’holovidéo de Stark avec les autres. Steve m’a aussi raconté comment tu es devenue amie avec Pepper, même si tu n’as jamais vraiment supporté Stark.
Quand il m’a vu arriver près de lui, il a poussé un soupir. Il savait que cette conversation devait avoir lieu, mais il la redoutait autant que moi j’en avais besoin.
- « Est-ce que tu peux être étendu auprès d’elle et lui donner ton cœur autant que ton corps ? »
C’était malsain de lui demander cela, mais je voulais être certain qu’il soit digne de toi. J’aurais tellement aimé qu’il ne le soit pas.
Il n’a pas répondu, il a seulement planté ses yeux dans les miens et a hoché la tête. C’était comme s’il n’avait pas envie de me gratifier du son de sa voix. J’aime à croire qu’une part de lui avait peur de moi.
- « Est-ce que tu lui as confessé ton amour aussi bien que tes désirs les plus secrets ? »
Je ne pouvais pas m’en empêcher, j’avais l’impression que l’on frottait du sel sur mes plaies à vif chaque fois qu’il opinait, mais il fallait que je sache. Que je me prouve encore et encore que je n’avais plus de place dans ta vie.
- « Est-ce que tu pourrais t’agenouiller devant ton Roi ou devant Merlin et jurer être irréprochable ? »
A nouveau, il hocha la tête. Mais à quoi m’étais-je attendu ? Evidemment que tu ne pouvais qu’aimer un homme droit et bon. Je le détestais, j’avais envie de le frapper, de l’agonir d’insultes. Mais je n’en fis rien.
A quoi bon ?
Dis-moi, Hermione, dis-moi maintenant où était mon erreur, en quoi me suis-je trompé en t’aimant de tout mon cœur ?
-O-
Je crois que j’ai un ami maintenant, Sam est finalement moins insupportable que je ne le pensais…
Mais dans mon carnet, maintenant que j’ai avoué tous mes crimes et que mon passé ne m’accable plus, il ne me reste qu’une page blanche et une tempête de rage.
Je t’ai perdue. Tu es repartie en Angleterre, Sam m’a dit que Pepper lui avait confié que tu l’appelais régulièrement, demandant à demi-mots de mes nouvelles. Pepper avait demandé à Sam ce qu’elle devait te répondre, si elle pouvait te donner mon numéro de téléphone peut-être…
Tu sais quel effet cela me fait ? Une brûlure. Tu es une brûlure sur mon âme et chaque fois que j’entends ton nom cela me pousse à nouveau au bord de ce précipice. J’ai l’impression que tu désires mon attention, mais que je n’ai pas le droit de t’aimer.
Dis-moi, Hermione, dis-moi maintenant où était mon erreur, en quoi me suis-je trompé en t’aimant de tout mon cœur ?
Peut-être que je devrais faire comme toi et rencontrer quelqu’un. J’ai essayé d’avoir un rendez-vous. Mais personne ne me comprendra jamais comme toi. Tu es à moi et je suis à toi. J’aimerais tant que tu le vois à nouveau.
Je passe la porte de mon appartement, après quelques jours chez Sam, en Louisiane et il y a une lettre qui a été glissée sous ma porte par le gardien. Je suis surpris, personne ne passe jamais le contrôle que le SHIELD exerce sur mon courrier.
Je reconnais vite ton écriture, et dans une hâte dont j’aurais presque honte, je déchire l’enveloppe pour m’emparer de ta lettre.
« Bucky,
Je ne pense pas avoir le droit de t’écrire, mais pourtant… Je ne peux pas m’empêcher d’avoir envie de te parler.
Je ne suis pas certaine que tu aies envie de lire ces mots non plus. C’est égoïste de ma part de te contacter alors que…
Je veux que tu saches que je n’attends rien de toi, tu as le droit de jeter cette lettre au feu et peut-être que je ne mérite pas mieux…
J’ai besoin, encore une fois, égoïstement de te raconter ce qui s’est passé pour moi. Je suis sûre que Steve t’a expliqué à quel point j’ai sombré, après le Snap et je n’y reviendrai pas, c’est trop douloureux, encore maintenant.
Je t’ai pleuré, Bucky, tant pleuré. J’ai fait le deuil de tous nos espoirs, de la vie que nous aurions méritée. Mais plus le temps passait et plus tous étaient certains que rien ne pourrait être changé.
J’ai parlé longuement avec Ramonda. Elle était aussi seule que moi et c’est elle, finalement qui m’a poussée à m’ouvrir à nouveau aux autres.
Cela a été un long processus. T’oublier a été une épreuve pour moi.
Une épreuve à laquelle j’ai visiblement échoué.
Je voulais que tu saches que j’ai rompu avec Iain, ça n’était pas honnête de poursuivre quoi que ce soit avec lui alors que mon esprit vagabondait vers toi dès qu’il le pouvait.
Je ne sais pas pourquoi je te dis tout cela, tu dois me détester et tu as déjà certainement jeté cette lettre de toute manière. Mais j’ai…
Je vais finir une fois de plus égoïstement.
Tu me manques. Plus que mes mots ne sauraient le dire.
Hermione. »
Je sais que je devrais te détester. Que je devrais t’en vouloir pour cette lettre qui ravive en moi les braises de ce à quoi je tente de renoncer. Mais c’est illusoire.
Avant même d’avoir réfléchi à ce que je fais, je suis à la porte, un sac de voyage dans une main et mon passeport dans l’autre. J’ai un avion pour Londres à prendre.
Guide-moi vers la vérité et je te suivrais toute ma vie.