Elle avait commencé dans cette nouvelle organisation en travaillant pour le compte de Corban Yaxley, avant de prendre son indépendance grâce au savoir-faire qu'elle avait accumulé, après tant d'années passées à travailler pour le Ministère.
Pas qu'elle désapprouve quoi que ce soit venant du mangemort, en vrai elle espérait même un jour être admise dans un cercle beaucoup plus intime que celui des collègues de travail de Corban Yaxley... Mais avoir son indépendance lui permettait pour le moment de s'illustrer et c'est ce dont elle avait besoin pour la suite de sa carrière ainsi que pour ses projets personnels.
Il fallait qu'elle soit totalement indispensable et qu'elle compte dans ce milieu, si elle voulait espérer s'y faire une place durable. Il n'y avait que par ce moyen qu'elle pourrait s'élever encore, jusqu'à atteindre des sommets.
Mais par Merlin, à trente-deux ans les portes s'ouvraient enfin grand devant elle avec ces promotions et distinctions successives qu'elle recevait ! Sans parler de son salaire qui avait quintuplé en quelques mois, lui permettant de s'offrir de nombreuses choses dont elle rêvait depuis des années : un appartement digne de ce nom et situé dans le meilleur quartier de la Londres sorcière, des bijoux anciens très utiles pour appuyer son nouveau statut...
Bref, tout lui réussissait depuis qu'elle avait pris la décision de suivre les bonnes personnes. Elle n'aurait pas pu rêver mieux.
Toujours est-il que Dolores se sentait troublée depuis quelques semaines. En effet plus le temps passait, plus elle admirait le directeur du Département de la Justice Magique, et plus elle se sentait irrésistiblement attirée par lui. Des chimères qui l'occupaient jusqu'au milieu de la nuit et nécessitaient de sa part une pratique soutenue de l'occlumencie.
Si elle avait pu se mirer dans le miroir du Rised, Dolores se serait vue radieuse et triomphante, au bras de l'un des hommes les plus craints du monde magique anglais. Et ce rêve si dangereux qu'il soit lui procurait une motivation infinie.
Contrairement à elle qui souffrait de sa petite taille, Corban Yaxley était relativement grand et bien bâti, avec un visage aux traits durs et un sourire mauvais qui la faisaient fondre par le charisme qu'ils dégageaient.
Cela dit, elle devait se montrer d'une prudence de chat tout en le côtoyant et en essayant d'attirer subtilement son attention, car elle savait qu'à ce jeu-là, elle jouait sa propre vie plus sûrement encore que si elle avait été une sang-de-bourbe. Corban Yaxley était en effet quelqu'un de terriblement fier, impitoyable, cruel et ambitieux, espérant s'attirer les bonnes grâces du Seigneur des Ténèbres et le servant avec une grande dévotion. Si ce dernier point renforçait encore son admiration, Dolores savait parfaitement qu'il suffisait d'un rien pour qu'elle représente à ses yeux un obstacle dans son avancement.
Car le fait qu'elle n'était Pas digne de lui. Sa naissance à elle seule suffisait à l'affirmer.
D'ailleurs au départ, lorsqu'ils avaient été amenés pour la première fois à comploter ensemble, Corban Yaxley se montrait extrêmement brutal et malpoli avec elle, l'ignorant comme certaines autres personnes quand elles ne l'intéressaient pas. Son mépris implacable l'avait immédiatement blessée mais le sentiment d'exclusion qu'il avait fait naître en elle, plutôt que de la paralyser ne l'avait rendue que plus féroce encore.
Car Dolores n'était pas à Serpentard pour rien et sa détermination n'avait d'égal que sa ruse.
A force de travail et à force de faire oublier d'où elle venait, elle avait réussi à arracher un salut à Corban Yaxley lorsqu'elle le croisait, malgré sa propre ascendance qui, elle le savait mieux que personne, était terriblement douteuse. Elle était la seule sang-mêlée directement issue de moldus avec qui il se montre un tant soit peu respectueux. Et de cela, elle était extrêmement fière, c'était comme s'il avait accepté de manière tacite de lui reconnaître cette autre identité qu'elle avait toujours désirée au plus profond d'elle-même : celle d'une véritable sorcière de pure souche.
Comme beaucoup de Mangemorts, Corban Yaxley se montrait obsédé par la pureté du sang et il méprisait aussi bien les Sang-de-Bourbe que les Sang-Mêlé ou les cracmols. Pourtant, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, elle pensait à présent qu'elle avait réussi à gagner son respect, notamment grâce à l'action des Selwyn avec qui elle s'était alliée et qui la tenaient publiquement pour une proche.
Dolores était toutefois bien consciente qu'elle ne devait surtout pas aller trop vite en besogne avec le mangemort, car elle le savait aussi terriblement dangereux que méprisant avec les personnes d'ascendance douteuse. Un rien pouvait suffire à le retourner contre elle et ses propres chimères ne pouvaient en aucun cas lui dissimuler cette effrayante réalité.
Le mangemort était un tueur confirmé. Il n'en était pas à son coup d'essai avec le meurtre de sang-froid qu'il avait commis la veille, c'était un grand spécialiste des impardonnables et Dolores s'étonnait même qu'il n'ait pas plus de crimes à son actif.
Huit mois plus tôt en effet, il se trouvait dans la tour d'astronomie lorsque ce damné Albus Dumbledore avait enfin rendu l'âme.
- C'est même lui qui tentait de pousser Drago Malefoy à le faire ! Avant que Severus Rogue n'arrive et prenne la suite du plan, lui avait confié cette crapule d'Alecto Carrow lorsqu'elle lui avait raconté l'événement sur un ton à la fois enthousiaste et furieux.
- Mais pourquoi diable ne pas agir lui-même ? Lui avait demandé Dolores en retour.
- Ordre du Seigneur des Ténèbres, avait répondu la mangemort. Ce n'était pas à lui d'agir... Malefoy devait le faire... Ou bien Severus je pense.
En descendant de la tour, Corban Yaxley avait été arrêté par ce petit crétin de Harry Potter, qui avait eu l'outrecuidance de le neutraliser avec un vulgaire maléfice du Saucisson. Puis une fois capturé il avait été envoyé à Azkaban, d'où il s'était échappé quelques jours plus tard seulement avec beaucoup d'autres partisans du Seigneur des Ténèbres, dont cette lavette de Lucius Malefoy qui, toujours aux dires d'Alecto Carrow, ne tarderait sans doute pas à être liquidé et toute sa famille avec lui.
Ensuite, pendant l'été, Corban Yaxley avait réussi l'exploit incontestable de soumettre Pius Ticknesse au sortilège de l'Imperium après s'être infiltré dans le Ministère de la Magie... Grace notamment à Dolores puisqu'elle l'avait hébergé un temps, supporté ses sautes d'humeur contre la vaisselle dont elle ornait le salon de son appartement, et qu'elle l'avait fourni en polynectar afin qu'il prenne l'apparence de cet idiot de Dawlish sur lequel elle avait largement la main.
Aussi il lui devait une fière chandelle et il n'avait pas manqué de la récompenser une fois son plan exécuté avec succès.
Le 1er août 1997, après le coup d'état du Seigneur des Ténèbres, l'interrogatoire de Scrimgeour auquel Dolores avait eu le privilège de participer et qui s'était soldé par la mort du Ministre de la Magie, Corban Yaxley était devenu le chef du Département de la justice magique où il avait créé avec sa collaboration à elle une commission d'enregistrement des nés-Moldus.
Dolores s'était bien entendu retrouvée à sa tête, ce qui l'avait comblée de bonheur et l'avait profondément galvanisée. Par Merlin, cette tâche était tout ce qui lui fallait pour faire ses preuves et monter en grade ! Aussi elle n'avait pas ménagé ses efforts.
Cette commission mettait en œuvre tout ce qui était possible afin de purifier le sang des sorciers ainsi que de prévenir de futurs mélanges délétères. Et dans le but de ne rien laisser au hasard, Dolores avait mis sur pieds des escadrons de Rafleurs chargés de traquer et d'arrêter les nés-Moldus en fuite. Pour cela elle s'était pleinement inspirée des projets de création d'une Brigade Inquisitoriale qu'elle avait mis sur pied lors de son passage à Poudlard.
Les raffleurs étaient recrutés dans la lie de la société magique, ce qui lui permettait de garder le plus grand contrôle possible sur ces masses instables de marginaux qu'elle avait à présent mis à sa botte. Ils fonctionnaient sous le régime des chasseurs de primes, ce qui garantissait leur efficacité et leur absence de pitié face aux indésirables, puisqu'ils étaient payés au rendement. Peu lui importait au fond qu'ils soient corrompus jusqu'à la moelle ou fassent des erreurs, du moment qu'ils remplissaient leur rôle et qu'elle gardait la main sur la communauté magique. Ils étaient ses marionnettes, et elle la marionnettiste.
Certains pourtant ne s'étaient pas gênés pour tenter de la déstabiliser et Dolores avait manqué d'essuyer la honte de sa vie et de voir ses projets réduits à néant lors de l'infiltration au Ministère du trio constitué de Harry Potter, de Hermione Granger et d'un autre personnage resté impossible à identifier jusqu'à aujourd'hui.
Si le fils Weasley n'avait pas été atteint d'éclabouille, elle l'aurait d'ailleurs largement soupçonné.
Cependant, elle avait déjà mandaté trois experts chez la famille de traîtres et ils étaient formels : le jeune homme était alité, atteint de la dangereuse maladie à un stade déjà très avancé.
Bon débarras ! Avait aussitôt pensé Dolores pour oublier sa déception. De toute manière, une occasion d'arrêter ce clan-là se présenterait bien un jour ou l'autre.
Elle avait également une autre piste : l'événement s'était en effet produit le même jour que l'audition de Mary Cattermole, ce qui lui faisait soupçonner son mari et se mordre les doigts que le couple et leurs enfants aient, elle le savait, trouvé refuge en France.
Reg Cattermole avait-il agi de concert avec Harry Potter et sa bande ? Black ou Lupin étaient-ils impliqués, eux qui, elle le savait, faisaient clairement partie des réseaux d'aide aux Sang-de-Bourbe.
Dolores n'arrivait pas à le déterminer mais, sitôt sortie du Ministère avec son mari, à la faveur de la cohue, Mary Cattermole avait transplanné, prenant les aurors et les raffleurs de vitesse et ceux-ci étaient arrivés au domicile du couple quelques minutes trop tard. Les Cattermole avaient déjà fui avec leur enfants.
Après des recherches qu'elle avait menées avec ardeur et détermination, Dolores savait comment : Mary Cattermole avait gagné sans tarder l'ambassade magique de France, laquelle était en cheville avec tous les mouvements d'Europe qui s'occupaient d'évacuer de nombreux réfugiés. Une preuve si il en fallait que, soit elle avait été aidée, soit elle avait soigneusement préparé son coup.
En effet, la mère de famille possédait par sa mère la double-nationalité et l'avait transmise à ses enfants, leur donnant droit ainsi qu'à son mari au secours de ces damnés hybrides bouffeurs de camembert. Toute la famille avait été exfiltrée par les transports moldus en profitant des saufs-conduits et d'une fausse identité fournie par les Français.
Corban Yaxley tout comme Dolorès Ombrage écumait de rage au souvenir de cet échec. Pour lui c'était d'autant plus grave qu'il était en charge de la sécurité du Ministère.
Et comme si cela ne suffisait pas, ils étaient passés à un cheveu d'arrêter Harry Potter. Elle-même avait perdu dans l'entreprise le fameux médaillon des Selwyn qui la rendait si fière et elle soupçonnait Potter et sa bande d'y être pour quelque-chose maintenant que Runcorn avait fini par être mis hors de cause. Sans compter que l'œil d'Alastor Maugrey, donné quelques mois plus tôt par le père Selwyn à titre de cadeau et qu'elle utilisait comme Judas à la porte de son bureau avait également disparu, arraché de sa place par on ne savait qui.
Que cet imbécile de Runcorn se soit laissé berner n'était rien, du moins à côté des failles qui avaient été révélées dans la sécurité du Ministère. Et à présent Corban Yaxley devait, en plus de tenir Pius Ticknesse docile, pallier à cela et renforcer encore les contrôles.
Lui était pleinement indispensable, et Dolores ne rêvait que de devenir comme lui. Mais avant cela il lui fallait faire sauter un dernier obstacle sur sa route : celui qui lui faisait craindre plus que tout d'être évincée :
L'autre Ombrage
C'est pour cela qu'aujourd'hui elle se sentait si tendue, même si savoir que ses fidèles l'avaient enfin retrouvé aurait du la rassurer. Aussi elle retint de justesse un soupir de soulagement lorsque, après avoir frappé respectueusement, Dawlish entra avec un homme qu'il tenait en joue.
Un vieil homme, petit, dégarni, le visage prématurément ridé par la tristesse et l'angoisse. Un sorcier comme elle, mais qu'elle détestait plus que tout. Et pour cause : Il s'agissait de son propre père.
L'autre Ombrage, celui qui lavait les sols et avec qui elle n'avait rien à voir, s'évertuait-elle à dire dans le temps. À présent qu'elle l'avait mis au chômage, peu de temps après sa propre arrivée heureusement, on l'avait complètement oublié et il n'y avait qu'elle pour craindre un retour de sa part.
Aussi, pour éviter cela, il lui appartenait de prendre les devants. Car sous sa carcasse de vieux type inoffensif et malheureux en amour (après le départ de sa propre mère, il ne s'était jamais remis en couple), il pouvait encore se montrer dangereux, et à plus d'un titre.
Car, au-delà d'être en mesure de révéler les origines de Dolores, il avait protégé, et elle le savait parfaitement, la partie la plus honteuse de sa famille.
Le vieil homme assis dans un fauteuil du bureau, désarmé et entravé, Dawlish sorti, elle vérifia que la porte de son bureau était totalement fermée avant de revenir vers l'auteur de ses jours, ne prenant même pas la peine de cacher le dégoût qu'il lui inspirait.
De toute manière, la même expression paraît de visage de l'autre Ombrage. Après toutes ces années à se décevoir l'un l'autre, ils se haïssaient profondément.
- Où sont Hélène Craknell et son fils ? Demanda sèchement Dolores au vieil homme.
Celui-ci ne répondit pas et son visage resta totalement insondable. Dolores contint un soupir contrarié.
S'il y avait une discipline dans laquelle l'autre Ombrage avait jamais excellé, c'était bien l'occlumencie puisqu'il la pratiquait de manière innée. Une aptitude dont Dolores avait d'ailleurs partiellement hérité, et qui était sans doute la seule chose utile qu'il lui ait jamais transmise.
Pour le reste, la seule chose qu'ils possédaient en commun était leur nom de famille. Celui d'une lignée de sorciers plutôt doués pour les arts obscurs, mais très récente et déjà presque éteinte puisqu'elle en était la dernière représentante.
Plus résignée qu'enthousiaste, Dolores tira sa propre baguette de sa poche et la pointa vers le vieil homme :
- Endoloris !
Elle n'était pas en mesure de lui arracher autrement l'information, car s'il n'avait pas le centième de son ambition, l'autre Ombrage l'égalait par la détermination farouche qu'il avait à protéger les siens.
Tandis qu'il se tordait en hurlant sur le sol après être tombé de sa chaise, Dolores ne ressentait aucune honte, seulement de la contrariété à le voir braver son autorité et retenir l'information cruciale qui lui manquait encore pour effacer entièrement le souvenir de sa lignée souillée.
Elle savait aussi déjà qu'elle le tuerait ensuite, ou du moins qu'elle le supprimerait et elle se sentait impatiente à cette idée. Trop longtemps, il ne lui avait inspiré que de la honte et de la peur à l'idée que l'on ne fasse le lien entre elle et lui. Et à présent qu'il avait choisi son camps, préférant la femme qui l'avait abandonné et son beau-fils plutôt que la brillante sorcière qu'était sa fille, Dolores éprouvait à son égard une haine sans le moindre mélange :
Elle effacerait ces gens de la surface de la terre, ou elle leur ferait pire si cela était possible.