Rose et Scorpius avaient beaucoup de points communs. L'amour de la lecture, une appétence certaine pour la métamorphose, une gourmandise excessive pour tout ce qui était susceptible de contenir du chocolat, et une passion presque inconditionnelle pour les échecs version sorciers. Ils étaient très différents pourtant. Scorpius aimait les romans fantastiques, Rose ne vivait que pour les policiers. Scorpius excellait dans l'art de métamorphoser les êtres humains, Rose elle, préférait transformer des objets ou des animaux. Scorpius ne mangeait que du chocolat au lait, Rose, ne jurait que par le chocolat noir. Scorpius était batteur, Rose attrapeuse. Il observait le jeu de son adversaire avant de prendre des risques, quand elle, attaquait et improvisait au fur et à mesure. Il était étonnant de constater comme ils se ressemblaient dans leurs différences…
Mais le plus cocasse, c'était qu'ils partageait un trait de caractère, qui complexifiait grandement leurs interactions : la timidité. Bien plus qu'une simple réserve, Scorpius était incapable de parler sans que ses oreilles ne virent au rouge et Rose, bafouillait toujours un margouillis de mots qu'il faillait souvent déchiffrer, voir même, traduire. Albus, était coincé entre ces deux énergumènes, qui maladroitement mais surtout, étonnement, arrivaient pourtant à communiquer.
La vérité, c'était que Scorpius avait l'impression d'être cotonneux chaque fois Rose pénétrait sa bulle. Elle le faisait toujours tout doucement, délicatement, sans qu'il ne s'en rende compte. De toute façon, même quand il venait à s'en apercevoir, il la laissait faire, parce qu'avoir Rose dans sa vie, dans sa bulle, c'était la garantie de passer une excellente journée. Rose était toujours la première à lui demander comment il allait le matin. C'était aussi la première à lui souhaiter son anniversaire, la première à le féliciter quand il gagnait un match, la première à le consoler pour lui remonter moral. Albus disait de Rose qu'elle faisait « la météo de Scorpius » et qu'elle était capable de lire ses humeurs et d'annoncer les prochaines comme s'il s'agissait de la pluie et du beau temps. Scorpius trouvait la métaphore pertinente.
– Je t'en supplie va lui parler avant que je ne manque d'air à expirer ! Gémit Albus à ses côtés et à voix basse.
Scorpius écarquilla les yeux. Adsorbé dans ses pensées, il en avait presque oublié qu'il était en cours, et censé lire le paragraphe du manuel que leur avait indiqué leur enseignant.
– Parler. Mettre des mots bout à bout. Faire une phrase. Formuler une pensée. Tu sais, ce truc qu'on t'a normalement appris à faire quand tu étais gamin ?
Le blond baragouina un bref « jenosepas », qu'Albus déchiffra pourtant sans peine.
– C'est Rose ! Tu la connais depuis sept ans ! C'est pas un monstre ! Sauf le matin quand elle se lève et qu'elle a trop bu la veille… Là, je te jure que j'ai presque envie de courir pour ma vie !
Il haussa un sourcil.
– Sérieux, va lui demander de sortir avec toi. Elle attend que ça !
– Ah oui ?
– J'ai vraiment l'impression de regarder un film muet sans sous-titres quand je vous observe. Au début c'était marrant, mais maintenant que la bande est rayée, je te jure que j'ai envie de prendre ta tronche pour la cogner contre la sienne !
Scorpius baissa la tête, penaud et la releva un bref instant pour observer Rose, qui s'était retournée. Leurs yeux se croisèrent et les joues de la jeune femme rosirent. Elle lui fit un petit coucou, et mordilla sa lèvre. Elle avait sa baguette dans les mains et surveillait du coin de l'œil, leur professeur qui déambulait dans l'allée, vérifiant de temps à autre que ses élèves lisaient le chapitre qu'ils étudiaient en ce moment. Elle prit son courage à deux mains et articula quelques mots. Scorpius secoua la tête, sans comprendre. Elle gesticula un peu les mains, mima quelque chose, qu'il ne comprit pas davantage.
– Un film muet sans sous-titres…, répéta Albus en ricanant.
Rose soupira à son tour avant de se redresser, droite comme un « i », ce qu'elle faisait toujours lorsqu'elle avait une idée derrière la tête. Elle exécuta un mouvement fluide du poignet, sa baguette toujours dans les mains, en se concentrant, et observa Scorpius, trop occupé à la regarder elle pour remarquer les lettres qui étaient en train de se graver sur son bureau. Elle lui fit signe de baisser les yeux, mais il était plongé dans ses pensées, perdu dans ses contemplations. Elle était vraiment belle, Rose…
– Mec, t'as reçu un message je crois, l'informa Albus en lui faisant du coude.
Scorpius baissa enfin les yeux.
« Samedi ? A Pré-au-lard ? :) »
Des lettres cursives, un peu penchées, écrites dans le bois de son bureau, un peu grossièrement certes, mais Scorpius les trouva belles. C'était l'écriture de Rose. Il l'aurait reconnu entre mille. Il y avait une petite rose, dessinée, inscrite dans le bois, à la fin du message, en guise de trouva ça adorablement mignon.
– Elle détériore les biens publics de l'école pour communiquer avec toi… Que c'est romantique ! Souffla Albus.
– Eh ! C'est privé !
– C'est aussi mon bureau !
– Mais le message m'est clairement adressé !
– Ah oui ?
– Tu l'as dit toi-même.
– Pourtant rien ne l'affirme.
« PS : le message est pour Scorpius » s'écrivit à la suite du premier message, contredisant le brun.
Albus souffla une seconde fois, tout de même amusé. Le Serpentard sourit et enfouit sa tête dans ses bras, avec la sensation étrange que son cœur était un cognard, et que les batteurs d'au moins six équipes différentes s'amusaient à frapper de toutes leurs forces d'un bout à l'autre de sa poitrine. A la fin du cours, Rose s'approcha timidement de son cousin et de son meilleur-ami.
– Tu as bien reçu mon message ? Demanda-t-elle. Sur le bois. Je l'ai gravé sur ta table. C'est un sort que j'ai jamais tenté et vu que tu n'as pas répondu, je …
Elle s'interrompit, confuse, et passa une main dans ses cheveux, s'empêchant de mâchouiller nerveusement une mèche.
– Tu l'as bien reçu ? Répéta-t-elle.
Scorpius leva un pouce en l'air.
– Ca veut dire oui ?
Son pouce resta en l'air.
– Et pour samedi ?
Un deuxième pouce rejoignit le premier. Rose se mit à sourire de toutes ses dents et hocha la tête, ravie. Elle s'en alla sans ajouter un mot, pour aller à son prochain cours. Albus secoua Scorpius, totalement pétrifié, les deux pouces toujours en l'air… Il prit le blond par les épaules et se mit à rire.
– Un putain de film muet ! s'amusa-t-il.