Jazz
Rose tira nerveusement sur son col rond. Elle se maudissait d'avoir enfilé cette robe, beaucoup trop couverte pour la chaleur étouffante qu'il faisait. Elle sortit un premier pied dehors, en profitant jusqu'à la dernière seconde de la clim de l'hôtel.
– Rose ! On t'attend !
La rousse se pressa et serra son sac contre elle. Elle se hissa sur la pointe des pieds pour piquer les lunettes de soleil d'Albus. Scorpius, amusé, la regarda essayer, jusqu'à craquer et lui offrir les siennes. Rose les dupliqua par un sort parfaitement exécuté et lui sourit.
– On a bien mérité ces vacances, se réjouit-elle. Où sont les autres ?
– Partis. Parce que ça fait bien deux heures qu'on t'attend, grogna le brun.
– Désolé. Je me suis endormie, expliqua Rose.
– En même temps, on a des heures de sommeil à rattraper, l'excusa Scorpius.
– Je t'ai pas invité pour que tu la défendes, siffla Albus.
Scorpius leva les yeux au ciel et suivit les deux cousins, qui se mirent à déambuler dans les rues de la Nouvelle-Orléans. La nuit commençait à tomber tout doucement. Quand Albus Potter était venu toquer à sa porte en lui demandant ce qu'il avait prévu de faire de sa semaine de congé, Scorpius avait haussé les sourcils, curieux. C'était comme ça, qu'il s'était retrouvé, un dimanche matin, à prendre un portoloin pour la Nouvelle-Orléans avec la moitié des Weasley.
– Lily ne peut pas venir, avait expliqué Albus.
– Est-ce que je suis condamné à n'être qu'un bouche-trou pour tous les Weasley qui annulent leurs plans à la dernière minute ? Avait soupiré le blond.
– Ça ferait plaisir à Rose. Tu sais, ce sera son anniversaire dans deux jours.
Rose allait fêter ses dix-neuf ans et Scorpius croyait bien que tout le personnel hospitalier de Sainte-Mangouste était au courant. Rose ne faisait que parler de ce voyage à la Nouvelle-Orléans depuis des semaines…
Scorpius soupira nerveusement, en sentant la foule le presser. Les rues étaient bondés, vivantes, tout le monde chantait, criait, dansait. Il n'y avait plus de place, et pourtant, les gens continuaient d'affluer, se donnant des accolades amicales. La musique retentissait, résonnait partout, répondant à d'autres mélodies venues d'autres rues. Scorpius sentit ses poumons se compresser, mal-à-l'aise.
Comme par magie, Rose apparut en face de lui et ses yeux noisette se plantèrent dans les siens. Elle lui releva le menton et le força à la regarder. Il suivit les mouvements de ses lèvres, et alors que tous les autres sons étaient devenus totalement opaques, celle de la voix de Rose, se glissa dans ses oreilles, le ramenant doucement à la réalité.
– Viens, on va trouver un coin plus tranquille.
Elle le traîna à sa suite, dans une toute petite ruelle. Il se retourna pour voir si Albus les suivait, mais il avait disparu, totalement englouti par la foule. Rose ne s'en formalisait pas, alors Scorpius décida d'en faire de même. Ils entrèrent dans la verrière d'un bar, dont toutes les fenêtres étaient ouvertes, et Rose le fit s'asseoir sur une chaise.
– J'avais oublié que tu détestais te sentir oppressé, s'excusa-t-elle.
– Ce n'est pas ta faute.
– Un peu, murmura-t-elle. Si je ne m'étais pas endormie, on serait arrivé plus tôt, quand il y avait encore assez peu de monde et que tu te sentes à l'aise.
Elle partit commander de l'eau et revient quelques instants plus tard, avec des boissons fraîches et de quoi manger. Scorpius avait appris que Rose était un véritable ventre sur pattes et était capable d'avaler absolument tout et n'importe quoi. C'était toujours elle, qui lançait les concours de « mange ce truc immonde de la cantine » avec tous les autres internes. C'était souvent elle qui gagnait, d'ailleurs. Son plat de victoire étant le célèbre « moutarde, café, brioche et brocolis », le tout mélangé dans un gobelet. L'estomac de cette fille n'avait absolument aucune limite…
– D'où est-ce que ça te vient, cette phobie ? Lui demanda Rose en enfourna dans sa bouche une chips.
– J'ai passé plusieurs heures enfermé dans une malle quand j'étais plus jeune.
– Pourquoi ?
– Parce qu'on m'y avait enfermé.
– Pourquoi ?
– Parce que je m'appelle Scorpius Malfoy.
Rose poussa vers lui le bol de chips. Elle était de ces personnes qui pensaient que tout allait mieux quand on avait le ventre plein.
– Les gens sont des crétins, commenta-t-elle.
– Pas tous.
– Pas tous, répéta Rose en souriant.
Ses éternels macarons étaient de travers, signe qu'elle s'était réveillée vraiment peu de temps avant de s'habiller. D'ailleurs, sa robe était mal boutonnée. Il s'attacha à la reboutonner correctement, en commençant par le col, pour terminer à la naissance de sa poitrine.
– Il fait super chaud, bredouilla Rose.
– Oui en effet, s'amusa-t-il.
Plus de deux ans qu'ils avaient quitté Poudlard, et pourtant Scorpius n'avait toujours pas trouvé le courage de dire à Rose comme il l'aimait …
Une trompette commença à jouer, des notes toutes timides au début et Rose se retourna immédiatement pour écouter. La trompette fut vite suivit d'une contrebasse, et d'un trombone. Elle se leva, pour aller voir les musiciens, dans le bar, sur une toute petite scène. Ils avaient l'air de tellement s'amuser. Rose commença à sourire et à danser, simplement heureuse d'être ici avec Scorpius, juste derrière elle.
– C'est une jam session, lui expliqua-t-elle.
Elle savait tant de choses sur la musique. C'était vraiment fou… Scorpius croyait bien qu'elle était capable de citer n'importe quel genre musical rien qu'en écoutant la première note. Rose vivait pour la musique. Elle était elle-même, une musique, quand Scorpius y songeait. Tout ce qu'elle faisait, elle le faisait en rythme et mélodieusement. C'était un air joyeux, entraînant.
– C'est totalement improvisé ?
– Totalement ! Sourit encore plus Rose.
C'était si dansant, que même lui, qui n'aimait pas particulièrement danser, se retenait de le faire. Rose lui avait prit la main et il la fit tourner en riant. Elle se plaqua contre lui, son dos collé à sa poitrine. Ils se balancèrent tous les deux en rythme, seuls spectateurs de ce petit concert improvisé. Puis Rose s'approcha du piano, timidement, qui trônait au centre de la scène juste pour le regarder. Quand les musciens lui firent signe de les rejoindre, Rose retourna tout de suite entre les bras de Scorpius qui se moqua légèrement d'elle.
– Pourquoi tu ne vas pas jouer avec eux ?
– Je ne suis pas assez douée.
– Arrête avec ça !
– Je t'ai déjà répété mille fois que j'avais l'impression que mes doigts devenaient des boudins incontrôlables quand je me mettais à jouer devant des gens.
– Rose… On est littéralement dix dans ce bar. Tu ne joueras que devant moi, trois clients et le propriétaire !
– Et les musiciens !
Scorpius secoua la tête :
– Non Rose. Tu ne joues pas devant eux. Tu joues avec eux.
– Mais je n'ai pas de partitions, je ne connais pas…
– Je croyais que ce n'était que de l'improvisation ?
Elle planta un baiser sur sa joue, n'y résistant pas. Scorpius avait tout compris au jazz. Il la poussa légèrement et hurla pour l'encourager. Elle s'assit et laissa passer quelques mesures, sous les regards encourageants de toutes les personne déjà en train de jouer. Puis ses doigts se mirent à courir sur les touches, un peu hésitants, puis de plus en plus confiants.
Rose n'avait jamais été aussi belle qu'avec ses deux macarons de travers, sa robe bien reboutonnée, ses joues encore rouges et son regard pétillant. Quand les dernières notes se firent entendre, Rose remarqua que tout le monde l'applaudissait. Ce n'était peut-être que dix personnes, mais pour Rose, c'était énorme. Elle rejoua encore, et encore, chaque fois avec plus d'envie et d'enthousiasme que la fois d'avant. A la fin, elle sauta dans les bras de Scorpius et passa ses mains autour de son cou, totalement enivrée par la musique.
– T'as vu ce que je viens de faire ? Lui demanda-t-elle. C'est le meilleur anniversaire de ma vie !
– C'était génial Rose. Tu étais éblouissante !
Il ouvrit la bouche, prêt à lui dire tout ce qu'il ressentait, lui aussi, galvanisé par ce qu'il venait de voir. Mais Rose le devança et embrassa le coin de ses lèvres. Elle l'aimait vraiment beaucoup trop. Quand Scorpius referma ses bras autour de sa taille, son coeur se mit à chanter une nouvelle mélodie, elle aussi, totalement improvisée, mais habituelle. Rose la connaissait bien cette musique à force… Un jour, elle aurait le courage de lui dire.