C’était comme cela qu’il avait survécu à son premier emprisonnement à Azkaban, et c’est comme cela qu’il supporterait le deuxième, qui serait bien plus court, il n’en doutait pas…
De toute manière, les gardes se foutaient de lui. Il était certainement un des meilleurs créateurs d’enchantements et de sortilèges d’Europe, mais seuls quelques intimes parmi le cercle rapproché du Seigneur des Ténèbres le savaient. Il n’attirait pas l’attention et ainsi, il pouvait réfléchir tranquillement, travaillant sa théorie magique et réfléchissant déjà au prochain sort qu’il créerait.
Lors de sa première incarcération, il lui avait fallu des semaines, des mois peut-être - après tout, la notion du temps était quelque chose de très abstrait à Azkaban - pour créer un sortilège permettant de résister à l’aura des Détraqueurs.
Cela avait une simple variation du Tête-en-bulle qui avait permis à Antonin de finaliser son projet et en rassemblant les quelques forces magiques qu’il lui restait, il était parvenu à se protéger durant plusieurs minutes, puis durant plusieurs heures, jusqu’à ce que l’enchantement lui soit si intrinsèquement lié qu’il arrive à le maintenir en permanence.
Lancer un sortilège sans baguette requerrait une énergie particulière, mais Antonin avait toujours pensé que dépendre de sa baguette était une faiblesse et s’était très vite entraîné à la fois aux informulés mais aussi à canaliser sa magie entre ses mains, sans recourir à sa baguette.
Evidemment, il n’en avait parlé jamais à personne. Les découvertes d’Antonin n’appartenaient qu’à Antonin. Jamais il ne les partageait. Même pas avec Yax.
Son premier emprisonnement avait duré quatorze ans, lui avait-on dit. Antonin en avait un moment douté, tout lui avait paru à la fois si court et si long...
Mais lorsqu’il constata que Azkaban avait terminé de faire vriller l’esprit de Bella et avait rendu Yax encore plus taciturne, Antonin dut se rendre à l’évidence : il n’y avait que lui qui en était ressorti tel qu’il y était entré.
Mais il y avait eu un heurt. Un autre secret qui pesait désormais sur Antonin : la gamine. Celle avec la peau café au lait et les boucles folles.
Il lui avait lancé son maléfice fétiche, celui de la flamme violette, elle aurait dû mourir immédiatement, ses organes liquéfiés… Mais il en était certain, alors que les Aurors les menottaient, il avait vu la poitrine de la fille se soulever et l’avait entendue gémir.
Alors que son sort ne pouvait pas échouer. C’était impossible.
Même si elle lui avait jeté un sort pour le rendre muet. Informulé, ce sort restait létal, Antonin le savait, il s’était suffisamment entraîné pour cela. Elle n’aurait pas dû survivre.
Non, si la gamine n’était pas morte, cela ne voulait dire qu’une seule chose : la protection qu’il incluait dans tous ses maléfices s’était activée.
C’était cela tournait en boucle dans l’esprit d’Antonin tandis qu’il était confiné dans sa petite cellule à Azkaban.
Si elle s’en était sortie, et il le saurait très vite une fois qu’il serait à nouveau sorti, c’est qu’elle était de son sang. C’était une Dolohov.
Après avoir, par imprudence, blessé sa mère lors d’une de ses premières expérimentations, Antonin avait toujours veillé à ce que sa magie ne puisse nuire à ceux de son sang.
Tout d’abord en gardant jalousement le secret de ses créations, mais surtout en rendant ineffectif ses propres maléfices sur des Dolohov.
Si jamais quelqu’un le torturait ou fouillait dans son esprit grâce à la Legilimencie, peut-être qu’Antonin divulguerait-il son savoir malgré lui, mais au moins, aucun Dolohov n’aurait jamais à en pâtir.
Et cette foutue gamine avait survécu ! C’était impossible.
Antonin connaissait grâce aux informations de Snape ceux qui composaient le cercle restreint de Potter. Il avait reconnu les rouquins sans problème comme des Weasley, la blonde, il n’en avait aucune idée, le garçon, Bella l’avait identifié comme le fils Longbottom, ce qui voulait dire que la fille à la peau brune et aux épais cheveux bouclés ne pouvait être que la Sang-de-Bourbe Granger.
Comment aurait-elle pu être une Dolohov ?
Elle n’était certainement pas de lui. Antonin préférait les sortilèges à la compagnie de qui que ce soit et n’avait jamais ressenti le besoin primaire de copuler.
Son frère Alexeï était rentré en Sibérie depuis la fin des années soixante-dix. Parti se cacher comme le lâche qu’il était entre les jupes de leur mère pour ne pas rejoindre les rangs du Seigneur des Ténèbres. Il ne pouvait pas avoir laissé derrière lui une bâtarde en Angleterre…
Alexeï ne se serait pas abaissé à forniquer avec une Moldue ! C’était impossible. Son frère était un lâche, Antonin l’avait maudit pour cela, mais jamais il n’aurait foulé ainsi les valeurs de leur famille.
Les Moldus étaient la raison même de l’exil des Dolohov en Sibérie. Foutus bolchéviques et surtout maudit soit ce Cracmol de Raspoutine qui avait achevé la déliquescence de la Maison Romanov ! Il avait mené tous les Nobles et tous les Sorciers à leur perte !
Alexeï ne pouvait pas avoir fait ça ! Antonin avait envie de hurler. Il n’existait plus d’autres Dolohov que son frère, sa mère et lui…
Soudain, des bribes de souvenirs remontèrent à la mémoire d’Antonin. Si vieux qu’ils lui semblaient flous : Alexeï et lui, encore en culottes courtes, cachés dans les escaliers de leur grande maison du Lancashire et leur père qui sortait d’une chambre d’où on entendait des pleurs de bébé… Puis plus rien.
Antonin se leva brusquement de son lit et alla se pencher au-dessus du seau dans lequel il conservait le peu d’eau qu’on lui donnait.
Observant son reflet un instant, il sut qu’il y avait là, dans son regard, un souvenir dont on avait essayé de le débarrasser et qui pourtant tentait de percer vers la surface.
Concentrant son énergie entre ses mains, Antonin se lança le contre-sort qui annihilait les effets des sortilèges de mémoire, ciblant ce point de son enfance, cette bribe de pleurs persistants et tout lui revint :
Alexeï et lui attendaient la naissance de leur petite sœur. Leur mère avait été ravie d’avoir une future petite princesse à choyer. Leur père aussi s’était réjoui, cela faisait des générations que les Dolohov n’avaient engendré que des garçons, une fille serait une future alliance avec une famille puissante, il en était certain. Peut-être même réussirait-il à mettre la main sur la fortune d’une Très ancienne maison. Les Blacks avaient deux héritiers… Si Andreï jouait bien ses cartes, la petite Anouchka Dolohov pourrait être promise à un bel avenir…
Mais quelque chose s’était passé le jour de la naissance. Andreï était furieux. Antonin n’avait pas encore dix ans, mais il était sûr d’avoir entendu sa mère supplier ne pas la tuer.
Mais pourquoi Andreï aurait-il voulu tuer le nourrisson ?
Un frisson de révulsion parcouru l’échine d’Antonin. Son père avait dû pratiquer la Ligne de Sang. Ce sortilège connu seulement des Nobles russes et qui permettait de vérifier la pureté d’un enfant.
Anouchka n’était pas magique. C’était une Cracmolle. Andreï voulait faire disparaître cette tâche sur son arbre généalogique, mais Svetlana le suppliait. Lui disant qu’ils pourraient l’abandonner et que personne ne saurait jamais.
Et Andreï était bien trop amoureux de sa femme pour lui imposer une telle souffrance, il avait dû céder. Abandonner la honte dans un orphelinat moldu. Oublier pour toujours cette enfant qui n’avait jamais officiellement vu le jour. Et faire oublier à ses fils qu’ils n’avaient pas été ses uniques héritiers.
Antonin prit une grande inspiration et leva les yeux vers la meurtrière qui éclairait sa cellule d’une lumière faiblarde. Au loin, là-bas, en Sibérie, Svetlana et Andreï Dolohov avaient caché un secret. Un secret qu’ils avaient cru emporter dans leur tombeau.
Mais maintenant, Antonin savait. Si cette gamine était une descendante d’Anouchka… Mais quelle était l’autre possibilité ? La trahison de son frère ?
Non, jamais. Anouchka s’était reproduite, comme l’engeance qu’elle était. Et Antonin savait, avec une inéluctabilité qui ne le rendait que plus déterminé à garder ce secret, que la gamine Granger était liée à lui.
Alors il faudrait qu’il l’efface. Pas de tâche sur l’arbre généalogique des Dolohov.
Ils étaient purs.
Chistyy.
Il s’en assurerait.
Ce petit OS est en toute modestie dédié à Kriss aka Mrs Dolohov ♥
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