Les flammes vertes dansaient autour d’elle et la suie lui chatouillait les narines. Addison ferma les yeux, essayant de faire abstraction de la sensation oppressante qui s’emparait d’elle.
Elle rouvrit les yeux à temps pour voir le sol dur et noirci s’approcher à vive allure. Elle se rattrapa à la paroi en pierre du conduit, manquant de peu de s’étaler de tout son long. D’un coup de baguette magique, elle arrangea son allure, faisant disparaître les résidus de suie qui s’étaient collés à sa robe et incrustés dans ses cheveux. Elle s’avança d’un pas faussement assuré pour masquer son malaise.
Un homme de petite taille et à l’allure peu soignée s’avança immédiatement vers elle.
— Miss Griffith. C’est un plaisir de vous voir ici. Puis-je vous servir un rafraichissement ?
— Je vous remercie, mais je ne compte pas m’attarder.
Le tenancier du Chaudron Baveur réprima une grimace déçue et se courba légèrement pour saluer la jeune femme qui ne tarda pas à quitter l’établissement, prête à arpenter les rues animées de Londres.
Addison prit une grande inspiration bienvenue après l’air lourd et vicié du conduit enfumé. Elle détestait utiliser la poudre de cheminette. Si au moins son voyage avait été utile, elle aurait pu s’en accommoder plus facilement, mais son rendez-vous avec Eupraxia Mole avait été une perte de temps. La directrice de Poudlard s’était renseignée, mais, malgré ses nombreux contacts au Ministère, elle n’avait pu l’aider.
Le seul à chercher du personnel était Camminus Ford, actuel directeur du Département des Transport Magiques. Addison réprima une moue écoeurée. Il était tout bonnement impensable qu’elle y travaille. Elle détestait toute forme de transport magique : le mot « Portoloin » la faisait frémir, les balais et autres objets volants ne la rassuraient pas plus, transplaner seule était totalement hors de question et elle n’utilisait la poudre de cheminette qu’en dernier recours. En résumé, Addison préférait marcher. Et c’est ce qu’elle fit avec plaisir pour rejoindre la demeure familiale en plein coeur de Londres.
— Addy, te voilà !
— Dora. Tu es déjà prête ? s’étonna Addison en voyant sa soeur aînée toute apprêtée.
Dorothea lui jeta un regard chargé de reproches.
— Déjà ? Addison, as-tu vu l’heure ? Tu as encore marché, n’est-ce pas ? Par Merlin, quand te décideras-tu à apprendre à transplaner ?
Addison frissonna. Comment sa soeur, qui avait pourtant les mêmes antécédents qu’elles, pouvait seulement imaginer prendre un tel risque ?
Dorothea n’insista pas, mais poussa un soupir agacé.
— Allez, viens enfiler ta robe. Il va falloir faire un petit effort si tu souhaites un jour devenir Lady Black.
Addison adressa un sourire las à son aînée avant de la suivre à l’étage. Lady Black… C’est ce qu’elle avait été destinée à être à sa naissance, avant que ce futur ne lui soit arraché.
Le jeune Sirius Regulus Black, à qui elle avait été promise à sa naissance, était décédé alors qu’il n’était âgé que de huit ans et son cadet de quinze mois, Phineas Nigellus, avait pris la position d’héritier. Addison avait perdu un ami ce jour-là, mais ce n’était rien comparé à la désillusion de Lady Griffith qui ne s’en était jamais vraiment remise. La volonté de ses parents de la voir contracter une union avantageuse — si possible auprès du nouvel héritier Black — était devenue une obsession, particulièrement depuis qu’elle était sortie de Poudlard.
Dorothea poussa doucement sa soeur dans sa chambre et convoqua Misty, l’elfe de maison familial, qui arriva aussitôt dans un « crac! » sonore. Addison enleva sa robe grise et bien trop peu élégante pour la soirée mondaine qui s’annonçait puis ôta ses chaussures de deux mouvements souples et rapides. Elle eut un rictus amusé face à l’air outré de sa soeur en voyant une savate s’élever et atterrir à l’autre bout de la pièce.
Grâce à l’habileté de Misty, Addison fut rapidement métamorphosée. Sa robe d’une soie vert pâle tombait avec grâce sur ses hanches. Les manches étaient courtes et décorées d’une dentelle finement ouvragée qui courait sur les épaules et le long du col, dissimulant gracieusement son décolleté. La coupe mettait en valeur ses courbes naturelles et la douce teinte de vert faisait ressortir les cheveux bruns et légèrement ondulés d’Addison dont quelques boucles retombaient en un savant mélange d’élégance et de décontraction.
— Addy, tu es superbe !
— Merci, Dora.
— Je doute que Lord Black reste insensible.
Addison répondit par un sourire assuré qui n’atteignit pas ses yeux. Elle avait eu maintes fois l’occasion de croiser l’héritier des Black lorsqu’elle était à Poudlard, mais jamais il n’avait semblé éprouver le moindre intérêt pour elle et elle doutait qu’une robe, aussi majestueuse qu’elle puisse être, puisse l’aider. Encore une fois, ses parents avaient dépensé bien plus qu’ils n’auraient dû se le permettre et elle craignait que le résultat ne soit pas à la hauteur de leurs espérances.
Les deux jeunes femmes descendirent au salon où un homme châtain portant une simple et élégante robe de sorcier rouge aux liserés or les attendait. Il s’avança et baisa la main de Dorothea en la complimentant, avant de détourner le regard vers la cadette.
— Tu es absolument ravissante, Addy.
— Merci Hec !
Hector était le fils aîné de Lord Gamp, cousin des demoiselles Griffith, et grand confident d’Addison. L’homme eut un sourire amusé face à l’attitude désinvolte de sa cousine. Il lui offrit son bras et Addison l’accepta avec un aplomb qu’elle ne ressentait pourtant pas. Elle avait beau avoir une confiance aveugle en son cousin, elle tremblait d’avance en songeant à ce qui allait venir.
Hector, la connaissant par coeur, lui releva le menton et la fixa avec assurance, lui promettant que tout se passerait bien. Addison tressaillit et essaya de se convaincre qu’elle était en sécurité. Elle prit une grande inspiration, puis s’abandonna finalement contre son cousin, le laissant l’escorter dans le transplanage.
Alors que tout devenait noir et que la pression se faisait plus forte, l’agressant de toute part, Addison ne put s’empêcher de visualiser les traits défigurés de sa mère. La sensation d’oppression s’arrêta brusquement, laissant ses tympans se détendre en un claquement désagréable et ses poumons profiter d’une grande bouffée d’air.
— Tout va bien ? lui demanda Hector tout en reprenant une position plus convenable, la tenant simplement par le bras.
Addison hocha la tête, reprenant son souffle. Après que sa mère se soit gravement désartibulée des années auparavant, marquant définitivement son visage d’une longue balafre blanche, Addison avait catégoriquement refusé d’apprendre à transplaner et n’acceptait qu’avec beaucoup de réticence qu’on l’escorte. Ah, si seulement, elle avait pu marcher jusque chez les Black… Le square Grimmaurd n’était pourtant pas très loin, mais la bienséance lui interdisait de parcourir une telle distance dans cette tenue trop habillée pour les rues de Londres.
Pendant le court trajet qui les séparait de la maison des Black, ils croisèrent une femme élégante qui repliait le parasol qu’elle avait déployé pour préserver son teint de porcelaine et levait le bras pour attirer l’attention d’un long carrosse. Addison observa avec étonnement la femme s’engouffrer dans le véhicule qui s’éloigna au rythme des sabots sur le sol pavé.
La scène l’avait intriguée mais elle n’eut pas le temps d’y penser davantage car, quelques instants plus tard, Hector Gamp et les demoiselles Griffith pénétraient dans le salon déjà bien animé du square Grimmaurd. Alors que Dorothea les laissait pour retrouver son fiancé, Hector et Addison se lancèrent dans une conversation animée avec un ancien camarade d'Hector. Mais lorsque le jeune sorcier se lança dans le récit de son récent voyage, Addison préféra s’éloigner.
Il fut un temps où Addison rêvait de parcourir le monde, annonçant fièrement à ses cousins qu’un jour elle entrerait au coeur d’une pyramide pour en découvrir les secrets, qu’elle explorerait les temples Maya à la recherche d’ancienne magie ou encore qu’elle traverserait les Indes à dos d’éléphant. Mais son aversion pour les transports magiques avait mis fin à ces fantasmes.
Alors qu’elle n’était âgée que de dix ans, sa soeur et elle avaient pris un Portoloin pour rejoindre leurs cousins partis passer des vacances à l’étranger. Mais lorsque les deux jeunes filles avaient agrippé la vieille couverture déchirée, elles avaient atterri sur les pans escarpés du mont Kenya. Heureusement, l’employé du Ministère en charge des Portoloins s’était rapidement rendu compte de son erreur et avaient récupéré les fillettes peu après leur arrivée. Cette expérience malheureuse, cumulée à l’accident de transplanage de sa mère et à celui de sa soeur, qui s’était un jour cassé le bras en empruntant une section trop étroite du réseau de cheminées, avait eu pour résultat de couper court à ses rêves d’évasion.
Addison fit le tour de la salle, s’arrêtant ici et là pour saluer les personnes de sa connaissance. Son regard fut alors happé par la silhouette familière de Phineas Black qui s’avançait vers sa mère, récemment veuve. Il venait seulement d’atteindre sa majorité, mais tout dans son allure et ses traits criait déjà la noblesse de son rang. Il se tenait bien droit dans une sobre robe habilement ajustée dont la noirceur n’avait d’égal que la couleur ébène de sa chevelure. Il était loin le bambin qui courait derrière Sirius et elle…
Lady Black attira l’attention de l’assemblée en émettant un léger son aigu du bout de sa baguette. Elle et son fils se tenaient sur une estrade sur laquelle trônait un petit guéridon sombre dont les pieds étaient décorés de serpents argentés. Lady Black y déposa un lourd grimoire scellé [1] et Addison retint son souffle. Elle reconnaîtrait ce grimoire les yeux fermés tellement l’aura qui s’en dégageait était puissante : le Black’s Compendium.
Addison se souvenait si bien du jour où Sirius le lui avait montré. Lorsqu’ils n’avaient que sept ans, Addison avait observé avec fascination son ami, si téméraire malgré son jeune âge, sortir avec difficulté le gros grimoire et le déposer sur le tapis sombre du bureau de son père. Addison se rappelait encore sa déception en découvrant des pages désespérément vides, mais Sirius n’avait pas eu l’air étonné et s’était précipité sur le tiroir du bureau d’où il avait sorti un poignard à la lame argentée et s’était entaillé le bras pour faire couler le sang sur le grimoire. Sous les yeux émerveillés des deux enfants, le livre s’était complètement dévoilé, mais ils n’avaient pas eu l’occasion d’en lire la moindre page puisque la porte s’était ouverte dans un brusque claquement et Lady Black avait paniqué en découvrant son fils, pâle et ensanglanté.
Lord Black avait immédiatement scellé le grimoire [1] d’un grand lien en cuir, mais, malgré cela, Sirius avait promis à Addison qu’il réessaieraient. Après tout, c’était leur héritage ! Hélas, quelques mois plus tard, un hiver plus rude que les autres avait emporté le jeune Sirius ainsi que l’insouciance et l’avenir glorieux d’Addison.
Sous ses yeux, le nouvel héritier des Black défit le lien en cuir d’un simple mouvement de baguette. Il sortit ensuite le même poignard argenté que Sirius avait utilisé par le passé : le sang coula sur les pages vierges et les écritures apparurent sous les regards ébahis et les murmures appréciatifs de la foule.
La maison des Black avait un nouveau Lord.
Addison accompagna les autres dans leurs applaudissements, mais elle ne put s’empêcher d’avoir un pincement au coeur. Sirius aurait dû être là aujourd’hui. Addison ne saurait dire ce qui lui manquait le plus : son ami d’enfance ou la perspective de l’avenir que sa mère lui avait vendu avec tant de ferveur lorsqu’elle était enfant.
Peu après, la musique reprit et les sorciers se dirigèrent avec enthousiasme sur la piste de danse. Addison, perdue dans ses souvenirs, n’avait pas très envie de les suivre, mais n’osa pas décliner l’invitation d’un de ses anciens camarades de Poudlard et se laissa entraîner dans un quadrille dynamique, qui triompha rapidement de sa morosité passagère.
Une fois la danse terminée, Addison se dirigea vers le buffet pour se restaurer. Les hors d’oeuvres étaient exquis et les rafraichissements bienvenus après une telle danse.
— Addison ?
Addison manqua de s’étouffer en entendant cette voix si connue l’interpeller, elle reposa son verre et se retourna pour découvrir Phineas qui lui tendait la main. Addison releva la tête et se perdit un instant dans le regard gris acier du jeune Black, les mêmes yeux que Sirius, mais sans cette petite étincelle de vie et d’insouciance.
Elle accepta sans hésitation son invitation et se laissa guider jusqu’à la piste de danse, apercevant au passage le regard plein d’espoir de sa soeur et l’air conspirateur de Lady Black. Evidemment… Phineas ne l’avait probablement invitée que parce que sa mère le lui avait demandé. Addison réprima un rictus irrité.
— Tu es très élégante, commenta Phineas avec plus de chaleur qu’il n’en faisait preuve d’habitude.
— Je te remercie.
Phineas lui offrit un sourire et, voyant le jeune Black laisser un instant tomber le masque froid et distant qu’il ne quittait jamais, Addison se dit que tout n’était peut-être pas perdu… Au grand plaisir d’Addison, la danse se déroula pour le mieux. Ils parlèrent peu, se contentant de se regarder avec une intensité que Phineas n’avait encore jamais eu à son égard et de laisser leurs corps se rapprocher et s’éloigner au gré de la mélodie et de leurs pas de danse.
Lorsque la musique prit fin, Phineas lui saisit délicatement la main et y déposa un baiser avant de lui adresser un sourire qu’Addison lui rendit sans hésiter. Peut-être que, jusque-là, Phineas avait été trop jeune pour réellement penser à convoler, mais les responsabilités de Lord semblaient avoir fait évoluer ce point. Ce qui ravirait sûrement ses parents…
— Lord Black.
Phineas quitta des yeux Addison pour planter un regard froid dans celui de l’homme d’une quarantaine d’années qui osait les déranger.
— Monsieur Flint. Que puis-je pour vous ? demanda Phineas d’un ton sec et hautain.
— Je voulais simplement vous féliciter pour cette soirée tout à fait remarquable.
— C’est donc ma mère que vous devriez féliciter, le rabroua Phineas avec aplomb. Elle a tout organisé.
— Naturellement, dit l’homme avec un certain malaise. Je tenais également à vous dire que je suis persuadé que vous ferez un excellent Lord.
Phineas ne répondit pas et haussa légèrement un sourcil devant cette situation qu’il jugeait divertissante. De toute évidence, il était lui même persuadé qu’il ferait un bon Lord et n’avait pas besoin qu’on le lui dise. L’homme, sentant que Phineas risquait de perdre rapidement patience, s’empressa de reprendre la parole.
— Je vous présente ma fille, Ursula.
La jeune fille qui l’accompagnait s’avança timidement. Phineas la jaugea du regard, observant ses cheveux soigneusement noués et sa robe argentée à la coupe impeccable. Un léger sourire vint étirer les lèvres de Phineas à la vue de ce parangon de bienséance et Addison perdit immédiatement de sa superbe.
Phineas avait le même sourire et le même regard intense qu’il avait eus avec elle. Oui, Phineas avait compris qu’il devrait prendre épouse, mais il ne semblait intéressé que par l’idée de trouver le meilleur parti. Or, Ursula Flint était un très bon parti. Son oncle, Lord Flint, avait également une place importante dans la population sorcière, mais, contrairement à Lord Griffith, sa situation financière était stable et aucune rumeur concernant des Cracmols dans sa famille n’avait fait le tour des salons londoniens.
Lorsque Phineas s’excusa auprès d’Addison avant d’inviter Ursula à danser, ses manières étaient parfaitement étudiées et rien ne pouvait laisser paraître les pensées de Phineas. Mais Addison le connaissait depuis toujours et elle savait suffisamment le déchiffrer pour savoir que si elle avait un instant été la cible du jeune Lord, sa place de potentielle Lady venait de lui être ravie par une fillette venant tout juste de faire son entrée dans le monde. Addison ne put que répondre par un sourire feint avant de quitter la piste de danse, vexée.
Addison s’éloigna, évitant de se rapprocher de sa soeur à qui elle ne souhaitait guère raconter sa mésaventure. Perturbée par ses pensées et concentrée sur les silhouettes lointaines à la recherche des cheveux châtains et ébouriffées de son cousin, Addison faillit ne pas remarquer l’homme au regard vide et terne qui s’avançait vers elle d’un pas traînant pour l’inviter à danser. Oh, un très bon parti, certes… Il ferait probablement le ravissement de ses parents, mais Addison avait également ses critères ! Et imaginer son existence auprès d’un homme qu’elle ne considérerait pas comme son égal lui était une vision insupportable.
Addison se recula, mais, dans sa hâte, elle se heurta contre un dos puissant et manqua de tomber. L’homme qu’elle venait de bousculer la rattrapa sans mal. Addison eut un moment d’absence et rosit en reconnaissant l’homme face à elle. Il portait une robe d’un vert sapin profond, parfaitement accordée à ses yeux, et dont les revers aux manches et au col étaient cousus dans un tartan marine, sapin et argent. Un « M » de ce même fil argenté était brodé sur sa poitrine.
Le ministre de la Magie, Dugald McPhail, affichait ses origines écossaises avec raffinement.
— Monsieur le ministre, le salua Addison en se courbant légèrement. Excusez-moi, j’étais ailleurs.
A ces mots, Addison ne put s’empêcher de jeter un oeil vers son prétendant, qui, heureusement, faisait demi-tour en la voyant en si brillante compagnie. Le jeune ministre suivit son regard et s’efforça de masquer l’amusement qui venait de teinter ses traits au vu de la situation.
— Ce n’est rien, miss… ?
Addison se laissa un instant happer par la lueur de malice qui habitait son regard. Une mèche cuivrée un peu plus folle que les autres barrait son front, mais Addison se reprit vite, arrêtant de détailler les traits séduisants de son interlocuteur.
— Griffith, se présenta-t-elle finalement.
— Addy !
Addison se retourna pour voir son cousin qui s’était approché en hâte.
—Oh Dugald ! C’est toi. Je te présente ma cousine, miss…
— … Addy Griffith, termina le Ministre.
Addison rosit en entendant l’homme reprendre le surnom que son cousin avait utilisé.
— Addison, le corrigea la jeune femme.
— Addison, répéta le Ministre de sa voix grave et profonde. Enchanté.
— Moi également, monsieur le ministre.
— Quelque chose ne va pas ? demanda Hector qui la connaissait décidément trop bien.
Embarrassée de se voir poser la question en compagnie d’un étranger, Addison se contenta de dire qu’elle souhaiterait rentrer.
— Maintenant ? En es-tu sûre ? J’espérais t’inviter à danser.
— Une autre fois, proposa Addison, mal à l’aise.
— Et rater l’occasion de rappeler à mes amis à quel point ma cousine est ravissante ?
Addison rosit davantage et donna un léger coup sur le bras de son cousin. Comment osait-il se moquer d’elle devant une personnalité aussi importante ? Hector n’en fut que plus amusé, mais il ne la taquina pas d’avantage.
— Bien, je te ramène. Doug, je ne serai pas long. A mon retour, j’irais bien déguster cet excellent Whisky-Pur-Feu si cela t’intéresse.
Dugald accepta avec plaisir d’attendre son ami et s’éloigna après avoir poliment salué la jeune femme qui essayait de masquer son étonnement en entendant son cousin s’adresser au ministre de la Magie avec tant de familiarité. Ils avaient beau avoir fait Poudlard ensemble, cela restait le ministre !
Entre les souvenirs douloureux de Sirius, sa déception face à l’attitude de Phineas et sa rencontre embarrassante avec le ministre, Addison était tellement pensive qu’elle ne remarqua même pas quand son cousin commença à transplaner. La sensation d’étouffement la prit donc par surprise et, une fois matérialisés dans le hall, Addison se serait effondrée s’il ne l’avait pas soutenue fermement. Allait-elle un jour être capable de voyager normalement ou ses angoisses la hanteraient-elles jusqu’à la fin de ses jours ?
Le lendemain, Addison se réveilla tard après avoir rêvé d’un long carrosse se matérialisant directement sur le perron du square Grimmaurd où un elfe l’avait accueillie d’une révérence et d’un poli « Lady Black ». Addison se leva en soupirant de lassitude. Si son impression était la bonne, alors il n’y avait plus aucune chance qu’elle obtienne un jour le titre de Lady Black.
La première partie de son rêve, aussi improbable qu’elle puisse sembler, avait plus de chance de se concrétiser… Addison se surprit à sourire à cette idée saugrenue, s’imaginant déjà faire de ce carrosse magique une réalité. Hélas, elle avait à peine eu le temps d’y réfléchir lorsque Misty lui annonça l’arrivée de Mary Carter. [2]
Addison aurait généralement été ravie de voir son amie, mais, dans l’immédiat, elle aurait préféré explorer son idée, d’autant que Mary lui demanderait probablement tous les détails de la soirée, qu’elle ait envie de les lui donner ou non.
Et effectivement, c’est ce que Mary fit à peine installée. Addison jeta un coup d’oeil frustré vers l’esquisse de carrosse qu’elle avait commencé à dessiner puis elle se tourna vers son amie et, résignée, se lança dans le récit de la soirée.
— Hé bien ! En même temps, je ne comprends pas ce que tu trouves à ce Black.
— Mary…
— Voyons, tu dois bien admettre qu’il n’est pas très divertissant ! Tu as besoin de quelqu’un avec un brin de folie, quelqu’un qui t’aime pour qui tu es, pas pour la soi-disant pureté de ton sang ou pour la popularité de ton père au Magenmagot.
Addison resta un instant sans voix. Son amie Mary était d’origine moldue, ne lui donnant guère accès aux mondanités du monde sorcier, mais cela ne l’avait pas empêché d’être déjà fiancée, et profondément éprise qui plus est. Addison enviait parfois son amie, mais, hélas, son rang lui donnait au moins autant de responsabilités que de privilèges…
— Me marier par amour serait utopique, objecta Addison, résignée. Tu connais ma mère. Elle rêve que je devienne une Lady.
— Chacun sa religion…
Addison haussa les épaules face au ton renfermé de son amie et changea de sujet, lui racontant son entretien avec la directrice de Poudlard et le peu d’opportunités qui s’offrait à elle.
— Tu m’imagines, moi, travailler au Département des Transports Magiques ?
A ses mots, Addison ne put s’empêcher de poser son regard un instant sur son dessin inachevé. N’était-elle pas en train de réfléchir à un moyen de transport quelques minutes auparavant ?
— Toi ? Au Département des Transport Magiques ? Sûrement pas ! J’imagine déjà l’article dans la Gazette du Sorcier : Une névrosée réduit en cendres les travaux sur la poudre de cheminette et oblige les sorciers à se déplacer à cheval.
— J’aime bien les chevaux… répliqua Addison d’un ton d’excuse.
Mary éclata d’un rire franc et chaleureux.
— Oh Addy… Comment peux-tu envisager épouser ce Black avec un esprit libre comme le tien ?
— Cela t’amuse peut-être, mais à défaut d’un mari, je n’ai plus…
— Qu’à trouver un emploi, je sais, soupira Mary. J’ai eu le droit à cette rengaine maintes fois ces derniers mois. Oh je t’en prie, Addy, oublie ces soirées mondaines et la quête effrénée de ta mère pour te trouver le soi-disant époux idéal. Oublie l’idée de faire carrière au ministère pour combler la fortune déclinante de ton père. Tu es créative et rêveuse, ne va pas t’enfermer dans un bureau.
Addison fronça les sourcils, à la fois touchée par les paroles pleines de sens de son amie et frustrée par l’incompatibilité de ces conseils et des attentes de ses parents.
— De toute façon, vu l'impression que tu as faite à notre cher ministre, tu ne risques pas de te faire engager ! fit remarquer Mary d’un ton amusé.
Les joues d’Addison se teintèrent au souvenir d’avoir non seulement bousculé le ministre, mais également pour s’être laissée taquiner par son cousin face à lui. Elle préféra changer de sujet, laissant la conversation dévier vers des sujets moins sensibles que sa recherche d’emploi.
Une fois Addison à nouveau seule, elle put reprendre le cours de sa réflexion et son esquisse. Elle s’appliqua, persuadée que cette manière de se déplacer permettrait à de nombreux sorciers de voyager sans crainte.
Et si Mary avait raison ? Devait-elle oublier ces idées d’époux et d’emploi pour se concentrer sur ce nouveau projet ?
Hello hello !
Merci à Chrisjedusor et Maplumeapapote pour leur superbe idée de concours : raconter une invention magique en trois chapitres.
Je vous propose de voyager au 19ème siècle avec mon OC Addison Griffith pour découvrir comment elle a contribué à l'évolution du monde sorcier.
Merci à Laura pour sa relecture et à Arnaud pour le montage.
Bienvenue dans ce premier chapitre : Complaisance
Dans le cadre du concours, voici les contraintes à respecter :
> Un grimoire scellé [1]
> Quelqu’un vient vous importuner dans votre réflexion [2]
> Champ lexical de la confiance (en italique dans le texte)
> Mots à placer : désillusion, bambin, parasol, Kenya, savate, hors d’oeuvres, religion, pyramide, savant, téméraire. (en gras dans le texte)
Merci à jukava pour avoir accepté de me prêter le Black's Compendium dans cette fiction. Quitte à devoir inclure un grimoire alors que j'avais prévu de parler du nouveau Lord Black, j'ai eu envie de faire un clin d'oeil à sa fic Nos jours heureux.
Sur ce : Bonne Lecture ! :D
Voilà pour le premier chapitre !
Et pour le deuxième, vu que c'est un concours, je dois attendre les nouvelles contraintes avant de me lancer dans la suite de l'écriture :)
Alors, une petite idée de ce qui attend Addison dans les deux prochains chapitres ? Un mari et/ou un emploi au ministère ? Ou alors une toute autre voie ?