Il y avait beaucoup de bruits dans la salle, beaucoup de chuchotements et de murmures. C’était un moment attendu par la plupart des gens, attendu avec de la haine et de la curiosité. Bien sûr, tout le monde était content que Voldemort ou Bellatrix Lestrange soient morts, on dormait mieux en sachant cela. Mais tout de même, leur mort laissait un goût amer d’inachevé et de frustration. S’ils étaient morts, alors qui allait payer pour tout ce qui s’était passé ? Qui allait subir le courroux des foules qui avaient perdu des parents, des sœurs, des fils, des amis ? Qui allait essuyer la haine, la colère et la vengeance des sorciers qu’on avait humiliés, privés de leurs baguettes, emprisonnés et torturés ? Parce qu’il fallait bien que quelqu’un paie, c’était inévitable. Il ne pouvait en être autrement.
Et ces gens qui allaient payer, c’étaient eux. Les murmures baissèrent significativement quand ils entrèrent dans la salle d’audience, entourés d’Aurors. Ils étaient sept et ils avaient passé deux mois à Azkaban dans l’attente de leur procès. Personne n’avait songé à trouver cela injuste, tout le monde était d’accord pour dire qu’ils le méritaient bien. Yaxley, Alecto et Amycus Carrow, Antonin Dolohov, Lucius, Narcissa et Drago Malefoy. Ils s’assirent sur les chaises qui leur étaient désignées, Drago tout au bout, à côté de sa mère, comme si elle essayait de mettre le plus de distance possible entre lui et les autres Mangemorts. Cela se voyait qu’ils avaient fait de la prison, ils étaient tous pâles, amaigris et silencieux. Ils avaient tous perdu leur superbe depuis la mort de leur maitre et ils n’essayaient plus de faire semblant.
Quand ils s’assirent, le silence devint pesant. Les regards posés sur eux n’étaient que des regards de haine et de rancœur, de mépris et de dégoût. Il n’y avait aucune compassion dans les yeux de la foule qui assistait au procès. Personne n’était là pour les sauver.
- Assassins ! cria une voix.
Il était impossible de dire d’où venait la voix mais elle résonna dans la salle comme un écho désagréable. Dolohov se retourna vers la foule et lui lança un regard noir qui n’impressionna personne. Il fut le seul à réagir de cette façon, les autres restèrent apathiques.
- Meurtriers ! Monstres ! Vous êtes coupables, sales Mangemorts ! Allez crever à Azkaban !
Le premier cri avait réveillé les autres et une pluie d’injures s’abattit sur les accusés. Drago baissait la tête, comme s’il essayait de se protéger de coups imaginaires. Narcissa regardait un point invisible droit devant elle. Tout s’arrêta brusquement quand le président-sorcier du Magenmagot entra à son tour dans la salle et prit place sur la haute estrade qui surplombait les prisonniers. Autour de lui, tous les juges s’assirent solennellement et le procès commença. Il n’y avait aucun témoin de la défense pour Yaxley, les Carrow et Dolohov. Il n’y avait de toute façon rien à dire pour leur défense. Ils étaient coupables avant même d’entrer dans cette salle et ils en ressortiraient tout aussi coupables. Leurs cellules les attendaient à Azkaban, c’était juste pour la forme.
Ce fut un peu différent quand on arriva aux Malefoy. L’attitude de la foule changea imperceptiblement aussi, parce que Drago était jeune et que cela dérangeait un peu. On osait moins espérer une condamnation. Le président-sorcier énonça les charges, comme il l’avait fait pour les autres. Meurtres, tentatives de meurtres, actes de torture, participation active à la chute du Ministère et à la prise de pouvoir de Voldemort. Là non plus, il n’y avait pas grand-chose à dire pour leur défense. Ou du moins, c’était ce qui semblait.
- Témoin de la défense, Harry Potter, déclara le président-sorcier d’une voix ferme.
Il y eut des murmures et des chuchotements à nouveau. Drago et Narcissa relevèrent vivement la tête pour regarder Harry venir se mettre debout à la barre. Harry évita de regarder Lucius, il préférait ne jamais le revoir. Il croisa le regard de Narcissa, resta impassible, puis croisa celui de Drago. Ce qu’il vit rendit Harry mal à l’aise. Il y avait beaucoup trop de désespoir dans ce regard-là.
- Monsieur Potter, vous êtes ici pour témoigner des actes de Narcissa Malefoy et de Drago Malefoy pendant la guerre.
Harry hocha la tête. Il avait prévenu Kingsley et le président-sorcier, il ne raconterait rien. Il avait déjà suffisamment parlé comme ça, il ne se sentait pas capable de le répéter encore devant une foule à un procès. Il avait accepté de venir, il avait même souhaité venir, mais simplement pour dire oui ou non.
- Vous nous avez raconté que Drago Malefoy avait, à plusieurs reprises, montré des signes de repentir ou exprimé de façon assez claire qu’il ne voulait pas commettre les crimes dont on l’accuse. Confirmez-vous cela ?
- Oui, répondit Harry en fixant la sorcière qui l’interrogeait.
- Comment pouvez-vous en être sûr ?
- Je l’ai vu.
- Vous avez affirmé que Drago Malefoy avait essayé de vous sauver la vie lors de la bataille de Poudlard. Je cite vos mots : « Drago Malefoy a essayé plusieurs fois d’empêcher Vincent Crabbe et Gregory Goyle de me tuer ». Confirmez-vous cela ?
- Oui, répéta Harry en se tournant vers Drago malgré lui.
Ils se regardèrent dans les yeux une seconde. Drago semblait pendu aux lèvres de Harry, comme si elles étaient son unique chance de survie. Elles l’étaient assurément.
- Selon vous, Drago Malefoy n’aurait agressé personne durant cette bataille et se serait contenté d’essayer de fuir. Vous le confirmez ?
- Oui.
- Avez-vous une preuve de cela ?
- Je le sais, c’est tout.
La sorcière sembla un peu agacée de cette réponse mais Harry ne fit aucun effort. Il ne voulait pas parler de la bataille, des morts ou de quoi que ce soit.
- Bien, passons à Narcissa Malefoy. Vous avez déclaré qu’elle vous avait sauvé la vie lors de la bataille de Poudlard. Confirmez-vous cela ?
- Narcissa Malefoy a délibérément menti à Voldemort pour me laisser en vie, oui.
Les trois Malefoy frissonnèrent en entendant le nom de Voldemort, ainsi que le reste de la salle. Harry ne se démonta pas.
- Savez-vous pourquoi Narcissa Malefoy a choisi de vous sauver ?
- Je n’en ai aucune idée, répondit placidement Harry.
Il échangea un regard avec Narcissa mais détourna vite la tête. Il savait parfaitement pourquoi elle l’avait épargné mais il ne jugeait pas utile de le dire. Dans la salle, il y avait un silence étrange et embarrassé, comme si les gens ne savaient pas vraiment quoi faire de cette information.
- Ce sera tout, merci monsieur Potter, conclut la sorcière.
Harry alla se rasseoir. Il hésita à partir tout de suite mais finalement, il voulait connaitre la fin du procès. Il se demandait dans quelle mesure son geste de compassion allait les aider. Il ne savait pas lui-même ce qu’il en espérait.
- Lucius Malefoy, compte tenu des crimes dont vous êtes accusés, de votre passivité durant la bataille à Poudlard et de la repentance dont vous avez fait preuve, vous êtes condamné à un an de prison ferme à Azkaban ainsi qu’à la confiscation de votre baguette et ce, jusqu’à votre mort.
Il y eut un bruissement dans la foule, cette sentence était originale et très peu utilisée. Lucius écarquilla les yeux et fixa le président-sorcier avec effroi.
- Vous n’allez pas… ma baguette, vous ne pouvez pas me l’enlever. Je ne serai plus un sorcier si vous…
- Eh bien de cette façon, nous serons sûrs que vous ne vous en prendrez plus jamais à qui que ce soit, répondit le président-sorcier d’une voix neutre qui ne montrait aucune pitié.
Il retourna sa feuille pour passer à la sentence suivante. Elles avaient visiblement été décidées à l’avance, comme c’était souvent le cas ici.
- Narcissa Malefoy, compte tenu du soutien que vous avez finalement montré à Harry Potter à la fin, votre peine de prison est annulée. Cependant, tout comme votre mari, votre baguette vous sera confisquée pour toujours.
Narcissa n’aurait pas eu la même expression si elle avait reçu un violent coup à l’estomac. Harry estimait qu’ils avaient bien de la chance de ne pas être davantage punis mais il savait également que pour des gens comme les Malefoy, être privés de leur baguette et de leur statut de sorcier était peut-être ce qui était le pire.
Pour finir, le président sorcier se tourna vers Drago qui le regarda avec une peur évidente.
- Drago Malefoy, compte tenu de votre jeune âge et de la repentance évidente dont vous avez fait preuve, les charges sont levées. Vous êtes libre.
Drago parut hébété une seconde, comme le reste de la salle. Narcissa et Lucius se détendirent nettement, dans une réaction de soulagement manifeste qui n’émut cependant personne. Les spectateurs du procès se mirent à chuchoter, non pas de la sentence de Drago mais plutôt de celle de Lucius. Ils la trouvaient globalement trop légère. En revanche, l’acquittement de Drago ne semblait déranger personne, au contraire. Cela aurait été un peu embarrassant d’envoyer un enfant en prison.
Harry profita du brouhaha général pour s’échapper de la salle d’audience et rentrer chez lui. Finalement, il n’espérait rien de particulier mais l’issue de ce procès lui convenait bien. Il pourrait dormir en paix avec lui-même, il avait fait ce qu’il fallait.
Un an plus tard, septembre 1999.
Ron étouffa un bâillement mais ne put lutter contre le second. Il bâilla à s’en décrocher la mâchoire puis se frotta les yeux dans l’espoir vain que cela l’aiderait à se reposer.
- Je suis épuisé, je n’en peux plus, pourquoi est-ce qu’ils nous font travailler aussi tard et aussi dur ? Même lors des examens à Poudlard ce n’était pas aussi terrible ! Et puis pourquoi est-ce qu’on a autant de devoirs alors qu’on est rentré depuis deux semaines seulement ?
- Ron, nous travaillons pour devenir Aurors, soupira Hermione. Nous aurons de longues vacances pour Noël…
Ron maugréa quelque chose qui signifiait que c’était complètement absurde et Hermione ne chercha pas à le contredire. Harry, lui, partageait la fatigue de Ron. Les entrainements de duel qu’on leur imposait et la tonne de choses à lire pour les dissertations à rendre les vidaient de leurs forces. Seule Hermione paraissait à peu près en forme mais cela ne les étonnait pas outre mesure. Ils attendaient patiemment qu’elle craque aussi pour se sentir mieux et légitimes dans leur détresse.
- Dîtes-moi qu’on n’a pas cours demain, supplia Ron. Ou alors qu’on commence tard !
- On commence à huit heures, cours d’antidotes aux poisons communs, répondit Harry d’une voix quasi-robotique.
- Oh non ! geignit Ron. Je vais sécher.
- Surement pas, coupa Hermione. Allez, rentrons.
- Tu viens chez nous ce soir ? demanda Ron avec une supplique évidente.
- Non, je dois finir mes recherches sur le sortilège du bouclier.
Ron lui jeta un regard mauvais qu’Hermione ignora parfaitement. Elle accéléra le pas dans le hall du Ministère, presque désert à cette heure du soir et entra dans une cheminée de transplanage. Là, elle leur attrapa les bras à tous les deux et disparut soudainement pour réapparaitre à plusieurs kilomètres de là, au sud de la Tamise, devant un joli immeuble de briques rouges. Elle les lâcha et ouvrit la porte d’un geste autoritaire et assuré, tandis qu’ils la suivaient en trainant des pieds, rêvant à leur lit douillet. Ils laissèrent l’ascenseur les monter jusqu’au quatrième étage, Harry et Ron débattant de ce qu’ils allaient faire à manger. Quand ils arrivèrent enfin, Hermione embrassa Ron pour lui souhaiter bonne nuit et entra dans le premier appartement, à côté de l’ascenseur. Harry et Ron continuèrent jusqu’au bout du couloir et entrèrent chez eux.
Ils avaient eu beaucoup de chance, ils avaient réussi à trouver deux appartements dans le même immeuble, au même étage. Harry était à peu près sûr que cela n’avait pas seulement à voir avec la chance et qu’Hermione avait usé de quelques sortilèges sur l’agent immobilier pour arriver à ses fins, mais il n’en avait jamais parlé. Il était beaucoup trop heureux de sa situation pour cela. Il habitait dans un appartement avec Ron, doté de deux chambres, d’un salon, d’une cuisine correcte et d’un balcon. C’était mieux que tout ce dont il avait pu rêver. Hermione, elle, avait un logement plus petit qu’elle habitait seule. Elle avait déclaré qu’il était un peu tôt pour envisager de vivre avec Ron et qu’elle avait besoin de calme pour travailler. Elle était donc leur voisine. En réalité, elle passait la majorité des nuits de la semaine dans la chambre de Ron mais cet arrangement leur convenait parfaitement. Harry lui-même n’aurait jamais supporté de vivre avec un couple et de subir leurs disputes perpétuelles. Quand ils voulaient se disputer, ils allaient chez Hermione. S’ils voulaient faire l’amour sur la table de la cuisine et crier, ils allaient chez Hermione. Si Harry voulait faire l’amour sur la table de la cuisine avec Ginny et crier, ils allaient chez Hermione. Et tout se passait admirablement bien.
Après la guerre, ils avaient gagné beaucoup d’argent. Il y avait eu des cadeaux du Ministère, pour services rendus. Il y avait eu des réparations de dommages et intérêts. Hermione, Ron et Harry avaient été emprisonnés chez les Malefoy, et ils avaient obtenu une grosse somme de leur part. Harry avait refusé l’argent mais on lui avait dit qu’il ne pouvait pas, Lucius Malefoy avait été condamné à payer. Harry avait donc offert l’argent à Andromeda, pour payer à Teddy tout ce qu’elle jugerait nécessaire. Hermione avait reversé la totalité de la somme à une association qui aidait les orphelins de la guerre. Quant à Ron, il avait gardé l’argent.
- Ils se sont moqués de moi toute ma vie, ça leur apprendra. Je vais garder leur argent et mener une vie bien plus intéressante que la leur ! Et je suis sûr que cela les rend fou de rage.
En tout cas, ils avaient pu s’acheter un appartement. Les parents d’Hermione payaient le loyer du sien, et tout allait bien. Harry trouvait cela très réconfortant de vivre avec Ron. Il n’était pas seul à ressasser tous les mauvais souvenirs de la guerre, il avait quelqu’un pour lui remonter le moral. Cela n’empêchait pas les cauchemars, les sursauts intempestifs, les douleurs fantômes, les voix dans sa tête, la tristesse et la colère mais c’était toujours mieux de vivre cela avec Ron et Hermione à ses côtés. En plus, maintenant qu’elle avait fini sa dernière année, il y avait aussi Ginny, qui venait souvent le voir et dormir avec lui. Il estimait qu’il ne s’en sortait pas si mal, tout compte fait.
Ron ouvrit la porte de l’appartement et y entra avec soulagement. Harry le percuta quand il s’arrêta brusquement, au seuil du salon.
- Quoi ? demanda Harry.
- Tu ne trouves pas qu’il y a quelque chose de bizarre ?
- De bizarre ?
- Oui, comme si quelqu’un était venu ?
Harry marcha dans le salon mais il ne remarqua rien d’étrange. Ron vérifia que rien n’avait été volé, dut se rendre à l’évidence qu’il s’était fait des idées et se laissa tomber dans le canapé.
- C’est à cause de la formation, ça me rend parano, soupira-t-il.
- Fais attention, tu vas finir comme Fol Œil… Vigilance constante !
- Merde Harry, ne crie pas comme ça, s’indigna Ron en sursautant.
Harry éclata de rire et sortit sur le balcon pour aller prendre le courrier. Ils avaient installé leur boîte aux lettres ici, pour que les hiboux puissent l’atteindre. Les hiboux ne rentraient malheureusement pas dans les halls d’immeubles moldus. Il y avait des prospectus pour commander des balais et des robes de sorciers, une lettre pour Ron – surement de sa mère – et une lettre pour Harry. Il regagna machinalement le salon et retourna l’enveloppe pour savoir qui lui avait écrit. Il s’immobilisa en lisant le nom de l’expéditeur : D. Malefoy. Ron remarqua que Harry était surpris et leva les yeux vers lui.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Malefoy m’a envoyé une lettre.
- Drago ? demanda Ron tandis que ses sourcils se relevaient jusqu’à ses cheveux.
Harry hocha la tête et hésita un instant. Il finit par jeter la lettre sur la table basse d’un geste indifférent.
- Je vais faire à manger.
- Tu ne l’ouvres pas ?
- Plus tard ! Je ne vois pas ce qu’il pourrait me dire de très intéressant de toute façon et je n’ai pas que ça à faire.
Harry se sentait agacé en entrant dans la cuisine. Pourquoi diable Drago lui envoyait-il une lettre ? Ils ne s’étaient pas vus depuis le procès, un peu plus d’an plus tôt. C’était un peu tard pour des excuses ou des remerciements. Lucius Malefoy était sorti de prison quelques mois plus tôt, d’après ce que Harry en savait. Pour le reste, la vie des Malefoy ne l’intéressait pas. Et malgré tout, il était quand même curieux de savoir ce que Drago lui voulait. Il décida d’ouvrir la lettre le lendemain, parce que ça lui apportait une satisfaction un peu cruelle de faire patienter Drago, même si c’était complètement absurde.
Le réveil arracha Harry et Ron de leur sommeil et ce fut en bâillant de plus belle qu’ils transplanèrent au Ministère le lendemain matin pour leur premier cours de la journée. Harry et Ron voulaient être Aurors et ils étaient motivés. Hermione, en revanche, voulait travailler au Département de la Justice, mais plutôt en tant que rédactrice des lois. Et pour cela, elle suivait la formation d’Auror aussi. Elle espérait bien finir présidente-sorcière du Magenmagot un jour mais il fallait bien commencer par le commencement. En attendant, elle était, sans surprise, la meilleure de leur promotion pour les aspects théoriques. Pour la pratique, personne ne battait Harry. Et d’une certaine façon, c’était réconfortant. D’autant qu’ici, personne ne se moquait de Ron, de ses finances, des origines d’Hermione ou des parents de Harry. Tout le monde les regardait avec respect et admiration. Hermione faisait semblant de ne pas le voir, Harry trouvait cela insupportable, Ron adorait ça.
Les cours furent moins ennuyeux que ce que Harry avait craint et il était plutôt de bonne humeur en s’asseyant à la cafétéria du Ministère. Ils n’étaient pas de cours avant trois heures, cela leur laissait du temps.
- Je vais aller à la bibliothèque, annonça Hermione.
Harry et Ron échangèrent un regard mais s’abstinrent de tout commentaire. De leur côté, ils passeraient leur pause déjeuner à discuter avec leurs collègues Aurors, c’était bien plus drôle. Ils se doutaient qu’ils le paieraient tôt ou tard mais tant pis.
Harry avait plusieurs amis chez les Aurors et il aimait passer du temps avec eux. De manière générale, tout ce qui pouvait l’empêcher de penser à la guerre lui faisait du bien. Il buvait son café en riant à la blague de Ron quand des cris les forcèrent à tourner la tête. Cela venait du couloir et Harry reconnut immédiatement la voix de Lucius Malefoy. Cela lui fit une désagréable impression le long de la colonne vertébrale. Lucius Malefoy faisait partie de ses cauchemars. Instinctivement, sans trop réfléchir, Harry gagna le couloir. Lucius était là, avec les secrétaires. Il se tourna vers Harry en le voyant arriver et marcha rapidement vers lui. Quand Harry regarda le visage de Lucius, il devina que quelque chose de terrible était arrivé.
- S’il te plait, Potter, dit Lucius. Nous avons besoin d’aide.
- Que s’est-il passé ?
- Nous avons…
Sa voix se brisa et il dut fournir un effort important pour reprendre. Harry se sentait de plus en plus angoissé.
- Un sorcier pêcheur a trouvé une lettre qui nous était adressée, au bord d’une falaise. Avec… la baguette de Drago. Il dit… il dit…
Visiblement, c’était trop dur. Lucius tenait la lettre à la main et Harry la saisit doucement. Il la parcourut rapidement du regard, se sentant un peu plus froid à chaque mot. C’était une lettre de suicide, une lettre d’adieu sans équivoque.
Papa, maman,
J’ai longtemps essayé d’être le fils que vous vouliez que je sois mais je n’y suis pas parvenu. Je ne serai jamais la personne que vous attendez de moi. Durant toutes ces années où j’ai été forcé à faire des choses qui ne me ressemblaient pas et qui me terrifiaient, je crois que je me suis perdu moi-même. Je ne veux plus de ça, je ne le supporte plus. Ce que j’ai fait pendant la guerre me dégoûte, ce que j’ai tenté de devenir me dégoûte, je me dégoûte. La vie m’est insupportable, je n’en peux plus. Je veux simplement disparaitre pour toujours. Ne pleurez pas ma mort trop longtemps, je ne suis pas sûr de le mériter. Souhaitez-moi d’être heureux, là où je serai, c’est tout ce que je désire.
Je vous demande pardon pour tout,
Avec tout mon amour,
Drago
- Je ne peux pas chercher son corps sans baguette, souffla Lucius Malefoy.
- Je m’en occupe, répondit Harry sans savoir ce qu’il disait. Vous devriez peut-être aller vous asseoir.
Harry tourna les talons et rejoignit les autres qui l’attendaient avec curiosité.
- Drago s’est suicidé, déclara-t-il.
Ron parut choqué. Ce n’était pas à Harry de mener ces recherches mais bizarrement, il avait envie de le faire. Il se sentait un peu concerné. Il courut dans le bureau de son chef pour lui demander l’autorisation de s’occuper de cette affaire et il l’obtint. Des Aurors examinèrent la baguette de Drago, confirmèrent que c’était bien la sienne, la nouvelle qu’Ollivander lui avait créée après la guerre, pour remplacer celle que Harry lui avait volée. Il n’y avait aucun doute possible. Le chef dépêcha des Aurors au large de la falaise et ils s’y rendirent en bateau, fouillant le fond de la mer. Harry les aida du mieux qu’il put malgré les vagues déchainées qui n’arrangeaient rien. Sur le bateau, Harry leva les yeux vers la falaise et la contempla un instant. C’était tragique et cynique à la fois. Drago Malefoy s’était jeté à la mer face à l’île d’Azkaban.
Ils draguèrent le fond de la mer pendant des heures, jusqu’à ce que le soleil se couche, mais ils ne trouvèrent rien. Ils fouillèrent les plages le long de la côte mais ils ne trouvèrent rien non plus. Le courant et les vagues avaient dû emporter le corps de Drago très loin et la mer était trop vaste pour qu’ils puissent chercher partout. A Azkaban non plus, ils n’avaient trouvé aucun corps. Harry était trempé à cause des embruns, il avait froid, il se sentait mal. Il ne cessait de repenser au contenu de la lettre, au visage de Lucius et au regard de Drago, la dernière fois qu’il l’avait vu. Harry n’avait jamais apprécié Drago, sa mort ne le rendait pas triste dans ce sens-là. Il avait cependant appris à ressentir de la pitié pour lui, il le connaissait depuis qu’ils étaient enfants, Drago Malefoy, qu’il le veuille ou non, faisait partie de sa vie. Et l’idée qu’il se soit noyé volontairement de cette façon le déprimait complètement.
Les Aurors regagnèrent la terre ferme à la nuit tombée, abandonnant les recherches. Cela ne servait plus à rien, ils ne le retrouveraient pas. Au bord de la falaise, Lucius et Narcissa attendaient. Ils ne savaient pas vraiment ce qu’ils attendaient, au fond, ils n’avaient simplement pas envie de rentrer chez eux. Harry marcha vers eux pour leur expliquer qu’ils s’arrêtaient là. Les Aurors avaient fait passer un message aux habitants du littoral, indiquant de prévenir immédiatement les autorités s’ils apercevaient quelque chose. Ils ne pouvaient pas faire plus.
Harry quitta les Malefoy dès qu’il le put et se dépêcha de rentrer chez lui. Il y avait pensé toute la journée, il attendait ce moment autant qu’il le redoutait. Quand il entra dans son appartement, Ron et Hermione étaient là, interrogateurs. Harry répondit à leurs questions du bout des lèvres, non, ils n’avaient pas retrouvé le corps. Il échangea un regard avec Ron qui se tourna imperceptiblement vers la table basse. Harry s’en approcha, attrapa la lettre de Drago et alla s’enfermer dans sa chambre. Il avait besoin d’être seul, il ne voulait pas lire cela devant eux. Après tout, c’était à lui que Drago avait écrit, et à lui seul. D’une main légèrement tremblante, Harry décacheta la lettre. Il aurait menti s’il avait prétendu ne pas craindre ce qu’il allait lire.
Harry,
Je sais ce qu’est un peu tard pour le dire mais je voulais le faire quand même, parce qu’après je ne pourrai plus.
J’ai toujours voulu que tu gagnes cette guerre, même si je n’ai jamais osé l’assumer à voix haute. Je voulais que tu gagnes et je voulais que tu vives.
Je voulais vivre aussi, mais pas de cette manière-là. Je n’ai jamais voulu tuer ou torturer qui que ce soit. Je te le dis à toi, parce que j’ai l’impression que tu peux comprendre. Et j’ai l’impression que tu me croiras.
Merci d’avoir témoigné en ma faveur lors du procès, rien ne t’obligeait à le faire. C’est particulièrement frustrant et agaçant que tu restes un héros jusqu’au bout, même avec moi.
C’est un adieu Potter, comme tu dois le deviner. T’écrire cette lettre et m’en aller pour de bon seront certainement mes plus grands actes de courage.
D.
Harry replia la lettre, toujours tremblant. Il s’était rarement senti aussi triste et choqué pour quelqu’un d’autre que lui-même. Pour Cédric, peut-être. S’il avait ouvert la lettre la veille et s’il l’avait lue, aurait-il fait quelque chose ? Aurait-il compris les intentions de Drago ? Aurait-il pu le sauver ? Harry pressentit que c’étaient des questions qui ne le quitteraient pas avant longtemps.
Il rejoignit Hermione et Ron dans le salon, fut surpris de constater que Ginny était là. Il s’assit contre elle, sur le canapé, épuisé et déprimé. Malgré lui, il sentait l’angoisse le gagner et il entendait une petite voix lui dire qu’il pourrait faire comme Drago, sauter une bonne fois pour toutes et ne plus jamais revenir. Il se concentra sur la chaleur de Ginny pour chasser cette idée.
- C’est moche, déclara Ron d’une voix grave. Il était méprisable et je ne l’aimais pas mais quand même, c’est moche. Je n’irai pas jusqu’à dire que je lui souhaitais d’être heureux mais je ne lui souhaitais pas ça.
- Moi non plus, répondit Harry. Je n’ai jamais voulu ça.
- Je me demande comment Lucius et Narcissa vont le supporter, dit Hermione. Parce que soyons francs, c’est leur faute si Drago est devenu ce qu’il est devenu. Ils auraient dû protéger leur fils.
- J’aurais dû lire la lettre hier soir, commenta Harry.
- Tu n’y es pour rien, coupa Ginny. Tu ne pouvais pas deviner.
Harry tourna la tête vers la porte-fenêtre et regarda la nuit noire. Où était le corps de Drago, maintenant ?
Ils enterrèrent un cercueil vide, à défaut d’autre chose. Ils le firent dans le caveau familial, dans la petite ville qu’habitaient les Malefoy. Il y eut très peu de monde, les Malefoy étaient des parias et n’avaient plus le moindre ami. Harry s’y rendit mais resta en arrière, à observer Theodore Nott, Pansy Parkinson et Blaise Zabini déposer des fleurs sur la stèle. Il se demanda lequel des trois était véritablement sincère et en ressentit un agacement profond ainsi qu’un écœurement qui lui laissa un goût amer dans la boucher. Drago Malefoy avait écrit deux lettres avant de se jeter à la mer, une à ses parents et une à Harry. Harry ne comprenait pas très bien pourquoi Drago s’était embêté à lui écrire à lui, en particulier. Il ne comprenait pas vraiment ce que l’autre avait voulu lui dire, en réalité. Mais à cause de cette lettre, il se sentait lié au suicide de Drago et il n’aimait pas cela. Les journaux avaient parlé du suicide du fils Malefoy, évidemment. Tout le monde y allait de son avis et de ses remarques déplacées. Harry n’avait pas jugé utile de dire à qui que ce soit qu’il avait reçu une lettre. Ce serait son secret et d’une certaine façon, son fardeau.
Narcissa Malefoy venait tous les jours sur la tombe de son fils. Parfois elle lui parlait, parfois elle se taisait. Quoi qu’elle fasse, son âme en peine la ramenait toujours ici. Le vide, la douleur et la culpabilité qu’elle ressentait ne lui laissaient aucun répit. Elle songeait chaque jour à mourir aussi, comme son fils, mais elle n’y parvenait pas. Respirer était difficile, vivre était difficile. Alors elle venait là, elle s’asseyait devant la tombe et attendait que les heures passent. Es-tu heureux maintenant ? demandait-elle. Où es-tu ? Peux-tu m’entendre ? Pardonne-moi.
Narcissa se retourna vivement en entendant des pas derrière elle. Le cimetière était minuscule et il n’y avait jamais personne, aussi était-ce surprenant de voir un visiteur. Elle songea que c’était peut-être Lucius mais non, la silhouette qui marchait vers elle était une femme. C’était une femme qu’elle n’avait pas vue depuis des années et elle se mit debout pour l’accueillir, un peu chancelante. Andromeda regarda Narcissa dans les yeux puis l’observa sans délicatesse, le visage pâle et fermé.
- Ça fait mal, n’est-ce pas ? Demanda-t-elle.
Narcissa sentit ses lèvres trembler et elle ne répondit pas.
- Après toutes ces années, nous voilà arrivées au même point, continua Andromeda. Nous avons perdu notre unique enfant. N’est-ce pas ironique ?
- Andromeda... qu’est-ce que tu veux ?
- Je voulais te voir souffrir, comme moi j’ai souffert.
Narcissa eut encore plus mal qu’avant, si c’était possible. Elle chancela légèrement et lança à sa sœur un regard qui peinait à être rancunier.
- Tu es venue pour te réjouir et prendre ta revanche ?
- Non… C’est ce que j’ai pensé au début mais maintenant je te vois, ce n’est plus ce que j’ai envie de faire.
- Alors quoi ?
Andromeda s’avança vers Narcissa et la prit dans ses bras d’un geste ferme et rassurant. Elle la serra contre elle, pour qu’elle arrête de chanceler et qu’elle reste debout. Elle la serra de toutes ses forces.
- Ça va aller, Cissy, murmura Andromeda dans les cheveux blonds de sa sœur.
Narcissa s’accrocha à Andromeda et se mit à pleurer, pour Drago, pour la sœur qu’elle avait perdue, pour la famille qu’elle avait eue, pour tout le reste. Andromeda ne dit rien et la garda là. Elle en voulait à Narcissa d’avoir choisi un homme comme Lucius, d’avoir suivi Voldemort et d’avoir toujours choisi la mauvaise voie. Elle lui en voulait mais elle ne pouvait s’empêcher de vouloir la consoler, parce qu’elle était sa sœur et qu’elle l’aimait.
- Ne m’abandonne pas une seconde fois, supplia Narcissa entre ses larmes.
- Non, promit Andromeda en lui caressant les cheveux. Je suis là maintenant.
Quatre ans plus tard, mars 2003
Harry était assis sur son lit, tendu et nerveux. Il avait envie de crier et il devait faire des efforts pour ne pas laisser la colère l’envahir entièrement. Il savait bien pourtant que ça ne durerait pas et qu’il finirait par exploser. Face à lui, Ginny était à peu près dans le même état.
- Ce n’est quand même pas très compliqué à comprendre ! s’écria-t-elle durement. J’aurais juste voulu que tu sois là, que tu viennes me voir, pour une fois.
- Je suis Auror, je ne peux pas m’absenter pour aller voir un match de Quidditch ! Je n’ai pas le temps, tu le sais bien…
- Tu n’as jamais le temps pour moi ! cria Ginny avec fureur. Tu aurais pu venir, si tu l’avais voulu ! Mais tu n’en as rien à faire de moi, tu t’en fous complètement !
- Ce n’est pas vrai, c’est…
- Bien sûr que c’est vrai ! Tout ce qui t’intéresse c’est ton travail, tes petites enquêtes, tes copains Aurors ! Enfin, c’est surtout Jane qui t’intéresse, pas vrai ? Ta collègue…
Harry lui lança un regard noir et ne put s’empêcher de rougir.
- Il ne s’est jamais rien passé avec Jane, arrête ça ! Et toi ? Toi tu passes ton temps avec ton entraineur de Quidditch, tu crois que je ne le remarque pas ? Toi non plus tu ne t’intéresses pas à moi.
Ils se fixèrent avec rancœur et colère. Harry finit par se lever de son lit et par faire le tour de sa chambre, pour se calmer. Malheureusement, ça ne fonctionnait pas du tout, au contraire. Il s’énervait à chaque pas.
- Tu ne t’intéresses pas à moi non plus, finit-il par répéter. Tu n’étais pas là quand j’ai eu besoin de toi, tu as préféré partir pour ta formation, pendant des mois. Tu m’as laissé tout seul. Moi aussi je t’en veux !
- Tu ne peux pas me reprocher ça, Harry ! J’avais dix-huit ans et j’ai choisi de privilégier ma carrière, oui ! A dix-huit ans, je n’allais pas laisser passer une chance aussi importante simplement pour rester consoler mon copain, ça aurait été du gâchis !
- Mais j’allais mal, j’avais besoin de…
- Mais tu vas tout le temps mal ! hurla Ginny, exaspérée. Tu vas toujours mal, ce sont toujours tes souffrances, tes peurs, tes traumatismes, tes problèmes ! Moi aussi j’existe, tu sais ! Je ne peux pas passer ma vie à m’occuper de tes besoins, ce n’est pas mon rôle !
Ils crièrent encore longtemps. Ron s’était réfugié chez Hermione et ils avaient donc le champ libre pour se disputer autant qu’ils le voulaient. C’était une belle façon de gâcher un dimanche après-midi mais tant pis, il fallait bien que ça sorte. Enfin, au bout de plusieurs heures à se reprocher à peu près tous les maux de la Terre et à faire un combat d’égoïsme, Ginny quitta l’appartement, pour de bon. Non sans avoir précisé que oui, elle était amoureuse de son entraineur de Quidditch et que Harry ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Il le savait bien, il savait qu’il avait de nombreux torts, il savait qu’elle en avait aussi. Bref, comme tous les autres couples, ils se séparèrent d’une façon des plus banales qui soient et il n’y avait pas grand-chose à en dire. Harry l’avait aimée pendant longtemps, il ne se souvenait plus à quel moment il avait arrêté de l’aimer. Mais c’était la vie et personne n’y pouvait rien.
Cela aurait été un mensonge de prétendre que sa rupture ne lui faisait pas mal. Pendant plusieurs semaines, Harry ne se sentit pas très en forme et pas très vivant. Heureusement, il y avait ses collègues Aurors qui le soutenaient et le forcèrent à sortir avec eux pour se changer les idées. Ce fut le moment idéal pour proposer à Jane de rentrer avec elle, un soir. Harry savait très bien qu’il lui plaisait et Jane accepta. Cela atténua nettement sa solitude et lui permit de se remettre de sa rupture avec Ginny plus vite qu’il l’aurait cru.
En dehors de ça, Harry allait plutôt bien. Du moins, il allait aussi bien qu’on pouvait l’espérer. C’était vrai que parfois, il avait du mal à s’endormir et qu’il était envahi d’angoisses si insupportables qu’il se levait et allait se promener dans la ville silencieuse, sans but. C’était vrai qu’il se sentait vide, comme s’il lui manquait une partie d’âme ou que le souffle de vie qui lui avait été pris par Voldemort durant la guerre n’était jamais totalement revenu. Harry faisait des efforts pour dissimuler tout cela le mieux possible mais il ne pouvait tromper Ron et Hermione qui vivaient avec lui. Ce n’était pas grave, personne ne lui en voulait. Parfois, il se disait qu’il ne s’en sortait pas si mal. Après tout, lui au moins n’avait pas sauté d’une falaise.
A l’étage des Aurors, c’était plutôt silencieux. Il était encore tôt mais Harry et ses collègues étaient là, réveillés grâce au café et aux regards sérieux de Rufus, leur chef d’équipe. Harry étouffa un bâillement, échangea un sourire avec Jane mais reprit son sérieux. Ils avaient décidé que leur relation devait rester entre eux, ils n’avaient aucune envie de subir les remarques moqueuses de leurs collègues. Ils ne montraient donc jamais de comportements déplacés au travail.
Dans l’équipe, ils étaient cinq. Il y avait Rufus, le chef, un Auror d’une trentaine d’années qui leur inspirait le respect. Il y avait ensuite Jane, qui avait à peu près le même âge que lui. Elle était la plus douée en potions et c’était généralement elle qui faisait toute sorte de tests et d’expérimentations pour analyser les indices qu’ils trouvaient. Le troisième membre de l’équipe, c’était Mark et c’était celui que Harry appréciait le moins. Il avait un caractère un peu macho qui l’agaçait, parlait fort, faisait des blagues grivoises à longueur de journée et donnait un peu trop son opinion sur les choses. Il n’était pas désagréable mais parfois, il tapait sur les nerfs de Harry. En plus de ces trois-là, il y avait Harry et Hermione. Hermione était globalement la tête pensante du groupe. Elle se destinait à une carrière dans la justice et avait plutôt un poste de bureau. Elle allait peu sur le terrain, elle attendait patiemment d’avoir rempli ses deux ans de service avant d’intégrer le bureau du directeur du Département de la Justice magique et de se spécialiser dans la législation. Elle aurait pu commencer comme secrétaire mais elle n’avait pas voulu de ça car elle savait que les secrétaires étaient généralement méprisées et exploitées. Là, elle était Auror, cela lui donnait du crédit et un statut plus important. Elle savait qu’on écouterait beaucoup plus facilement son avis une fois qu’elle changerait de bureau.
Ron était Auror lui aussi mais dans une autre équipe. Il avait demandé à être séparé d’Hermione et elle avait fait la même chose. Ils estimaient que, pour le bien-être de leur couple, cela valait mieux de ne pas passer tout leur temps ensemble.
- Mark, concentre-toi, ordonna Rufus en les obligeant tous à se redresser sur leur chaise.
Mark sursauta et essaya de se réveiller du mieux qu’il put.
- Le chef Achab nous a demandé d’abandonner l’enquête, annonça Rufus.
Tout le monde se tourna vers lui, surpris. Visiblement, la nouvelle déprimait Rufus.
- Cela fait un mois qu’il n’y a eu aucune victime connue et nous sommes toujours à mille lieues d’arrêter le violeur. Nous n’avons aucune piste, aucun indice sérieux, rien du tout. Nestor veut que nous laissions tomber. Ce sera classé comme affaire non résolue.
Depuis plusieurs mois, l’équipe de Harry enquêtait sur des viols en série commis avec le même mode opératoire : le criminel soumettait ses victimes au sortilège de l’Imperium, les forçait à faire ce qu’il désirait puis disparaissait. Les victimes retrouvaient leur libre arbitre, étaient souvent plongées dans une honte incommensurable d’avoir agi comme elles l’avaient fait et mettaient beaucoup de temps à porter plainte, si jamais elles le faisaient. C’était une affaire extrêmement délicate car le criminel ne laissait aucune trace et aucune des victimes ne faisait un portrait identique de son visage. A croire qu’il changeait d’apparence à volonté.
Sa façon de faire était répugnante, ils avaient tous envie de l’arrêter et ils furent donc tous déçus d’apprendre que l’affaire leur était retirée.
- C’est temporaire, mesura Rufus. Si jamais il y a une autre victime ou un nouvel indice, nous réouvrirons l’enquête, évidemment…
Ils hochèrent tous la tête, pas vraiment réconfortés. En attendant, ils iraient donner un coup de main à l’autre équipe d’Aurors, qui avait besoin d’aide.
Ils avaient donc un peu plus de temps libre et Harry en profita pour rentrer avec Jane, ce soir-là. Pour une fois, ils pourraient prendre le temps de dîner et de faire l’amour plusieurs fois avant de dormir. C’était une perspective enthousiasmante. Ils se retrouvèrent chez elle car c’était plus simple, elle vivait seule. Harry aida à préparer le repas, ils mangèrent en commentant le retrait de l’enquête. Jane était écœurée de devoir laisser tomber, cette affaire lui tenait à cœur. Elle aurait adoré envoyer le coupable en prison. Harry était d’accord avec elle mais il avait appris, depuis cinq ans qu’il travaillait chez les Aurors, qu’il y avait finalement beaucoup d’enquêtes non résolues. La magie laissait des traces et en même temps, elle offrait aux criminels beaucoup de possibilités de se cacher. C’était frustrant.
Le lendemain et les jours qui suivirent, Harry et ses collègues n’eurent pas grand-chose à faire. Ils purent soigneusement terminer leurs rapports et classer l’enquête du violeur à l’Imperium, jusqu’à une réouverture, peut-être. Ils aidèrent leurs collègues à préparer le déplacement du Ministre en France, pour rencontrer son homologue, le Président de la République sorcière française. Il fallait que tout soit sécurisé et ils s’y rendraient presque tous, pour assurer sa protection. Ils n’eurent pas vraiment le temps de s’ennuyer.
Quelques jours avant leur départ, Harry, Ron et Hermione allèrent dîner chez les Weasley, comme ils le faisaient régulièrement. C’était toujours un moment agréable et convivial qui donnait à Harry la fausse impression d’avoir une famille. Il se laissait bercer par l’illusion avant que la réalité le rattrape. Heureusement, il vivait toujours en colocation avec Ron et ça rendait cette réalité plus facile à supporter.
Chez les Weasley, il n’y avait pas Ginny et Harry en fut soulagé. Il suspectait Molly d’avoir fait exprès de ne pas l’inviter. Puisqu’elle sortait maintenant avec son entraineur de Quidditch, tout le monde semblait considérer Harry comme la victime et ne lui en voulait pas le moins du monde. Un peu lâchement, il n’essaya pas de contredire et d’expliquer qu’il était autant responsable qu’elle. Il laissa faire et laissa dire, c’était plus simple comme ça. Il avait bien trop peur de perdre ce semblant de famille pour risquer de dire que s’il avait traité Ginny avec plus de respect et d’attention, ils n’en seraient pas là.
Ginny n’était pas là mais il y avait George et Angelina ainsi que Bill, Fleur et leur fille. Depuis la fin de la guerre, Harry s’était beaucoup rapproché de Bill. Après tout, il les avait accueillis chez lui, mettant en péril la vie de sa femme et la sienne. C’était quelque chose que Harry n’oubliait pas. Bill était toujours calme, posé, intelligent et subtile. Il était une sorte de grand frère idéal qui mettait Harry à l’aise. Même Fleur était gentille avec lui et l’écoutait toujours avec attention quand il leur parlait. Elle était cependant un peu trop belle et un peu trop hautaine pour que Harry se sente complètement à l’aise en sa présence. Elle lui faisait un peu peur.
Ron attendit que sa mère se soit assise pour demander le silence et faire signe qu’il avait quelque chose à dire. Harry attendit patiemment, un léger sourire aux lèvres. Il savait ce que Ron allait annoncer et il était heureux pour lui, même si cela allait mettre un terme à leur petite vie tranquille.
- Je voulais simplement vous dire qu’Hermione et moi avons décidé de nous marier, déclara Ron, les oreilles écarlates.
Molly parut aux anges, Arthur sourit largement, George donna à son frère une tape amicale dans le dos et Bill le félicita chaleureusement.
- Mais vous n’habitez même pas ensemble, fit remarquer Angelina.
- On se trouvera un appartement, dit vaguement Ron. Et puis Hermione passe déjà la majeure partie de son temps chez nous.
- De toute façon, avec notre travail, nous serons rarement tous les deux chez nous, répondit Hermione d’un ton docte. Je ne pense donc pas que ça changera beaucoup avec la vie que nous menons déjà en ce moment.
- Vous allez faire ça quand ? demanda Fleur.
- Surement en automne, répondit Ron.
- Pourquoi pas en été ? rétorqua Fleur avec hauteur. Il fait froid et moche en automne.
- C’est ma saison préférée, répliqua froidement Hermione.
- Vraiment ?
Fleur paraissait clairement sceptique mais Hermione ne releva pas. Il faudrait que Harry se trouve un nouvel appartement, lui aussi. A moins qu’il garde celui-là et transforme la chambre de Ron en chambre d’amis. Après tout, oui, c’était ce qu’il allait faire.
Ils discutèrent longuement du mariage, évidemment. Ron était l’avant-dernier de ses frères à se marier. Bill l’était depuis des années, Percy aussi et George s’était marié l’année dernière. Il ne restait que Charlie, qui était toujours célibataire, au grand dam de sa mère qui s’inquiétait pour lui. Elle était bien la seule à le faire, d’ailleurs. Et puis bien sûr, il y avait Ginny mais Ron ne se comparait pas à Ginny, c’était différent. Harry pouvait sentir le soulagement de Molly, le soulagement de Ron également, qui semblait bien content de faire aussi bien que ses frères et de répondre à l’attente pas si muette que ça qui pesait sur lui. Il croisa le regard d’Hermione, qui le sentait aussi et qui adressa à Harry un sourire calme et paisible, l’air de dire qu’elle avait parfaitement conscience de ce qu’elle avait accepté de faire.
Au fond, cette histoire de mariage déprimait un peu Harry, il devait l’admettre. Il n’était pas jaloux d’eux mais il savait pertinemment qu’il allait les perdre, que le moment était venu de briser cette relation toute particulière qu’il avait avec eux. Ils ne seraient plus jamais tous les trois dans leur appartement à refaire le monde et à se raconter leurs pensées. Maintenant, Ron et Hermione vivraient ensemble, sans lui, et il ne pourrait plus les voir aussi souvent. Sans doute fallait-il que ça arrive un jour et sans doute avait-il eu de la chance que ça n’arrive pas plus tôt mais tout de même, cela le rendait triste et l’effrayait un peu.
Harry caressa doucement l’épaule nue de Jane, sans vraiment y faire attention. Il aimait être avec elle, surtout parce qu’il devinait qu’elle n’attendait absolument rien de lui. Et c’était très réconfortant. Il devinait aussi que s’il commençait à avoir des sentiments pour elle, elle prendrait la fuite, avec délicatesse, mais sans équivoque. Et cela, franchement, déchargeait Harry d’un poids important. Il n’était pas habitué à fréquenter des gens qui n’attendaient rien de lui. En général, il y avait des demandes et des désirs inconscients. On lui parlait parce qu’il était Harry Potter, on voulait se faire bien voir, on voulait des confidences exclusives, des photos avantageuses. Harry détestait cela, il avait souvent l’impression d’être un mourant autour duquel des vautours tournoyaient.
Il savait qu’il avait de la chance avec la presse, il avait réussi à s’en débarrasser plus ou moins. Puisque sa vie était d’un ennui mortel, les journalistes avaient cessé de le prendre en photo et de lui suivre partout. De toute façon, il ne faisait rien à part se rendre au travail et chez des proches, il n’y avait rien d’intéressant à dire. On avait simplement parlé de lui pour annoncer sa rupture avec Ginny Weasley mais ça n’était pas allé plus loin.
En revanche, il y avait tous ces gens du Ministère, toutes ces personnes en vogue qui venaient lui serrer la main dès qu’elles le pouvaient, qui se complaisaient à faire croire qu’elles avaient une quelconque relation avec lui. Harry les méprisait tous et les fuyait autant que possible.
- Alors, c’était bien en France ? demanda Jane.
Harry se tourna vers elle et haussa les épaules.
- Pas plus que ça. Surveiller le Ministre n’était pas très intéressant. A vrai dire, on s’est tous ennuyés à mourir !
- Ça ne m’étonne pas, dit Jane en riant. Je suis bien contente de ne pas y être allée.
- J’ai hâte de me repencher sur une affaire digne de ce nom, soupira Harry.
- En attendant, et si tu te penchais que cette affaire-là ? proposa Jane dans un souffle.
Elle attrapa la main de Harry, la glissa sous la couverture et la posa entre ses jambes. Harry sourit légèrement, caressa le sexe humide de Jane tandis qu’elle prenait le sien entre ses doigts et ils poussèrent un soupir de contentement en même temps.
Pendant un mois, Harry et son équipe n’eurent aucune affaire sérieuse sur laquelle se pencher. Tous les délits ou les crimes dont ils eurent la charge furent rapidement réglés. Au moins, c’était facile. Le reste du temps, ils aidaient la Brigade de police magique comme ils le pouvaient. Ron et Hermione ne semblaient pas chercher d’appartement et ne semblaient d’ailleurs pas très pressés de le faire. Ils estimaient qu’il ne servait à rien de se presser. Harry les soupçonnait d’aimer la vie qu’ils menaient depuis cinq ans et de ne pas avoir particulièrement envie d’en changer. Il le fallait pourtant car si Harry se trouvait une copine, il était évident qu’ils ne pourraient pas vivre à quatre de cette manière. Cependant, Harry ne faisait jamais aucune référence à leur déménagement et se contentait d’attendre de voir ce qu’ils feraient.
Au bout d’un mois, un crime défraya la chronique et perturba la vie paisible de la société sorcière londonienne. L’équipe de Harry se pencha dessus, motivée à l’idée d’exercer leur vrai métier. Chasser les sorciers qui pratiquaient la magie noire, c’était leur domaine. Ce fut donc plutôt agaçant et frustrant quand Nestor Achab, chef des Aurors, les convoqua dans son bureau pour leur annoncer une nouvelle des plus inattendues.
- J’ai été en contact avec nos collègues américains, dit-il. Ils ont eu plusieurs cas de viols avec usage du sortilège de l’Imperium. Rien ne dit que c’est le même gars mais les méthodes sont vraiment similaires. Les Aurors du MACUSA sont prévenus et vous attendent pour collaborer avec vous.
- Mais… nous sommes en plein sur l’affaire de…commença Rufus.
- Je sais, c’est pour ça que vous n’irez pas tous. Je pense que Harry et Hermione pourront se charger de cela à deux.
On les mettait souvent ensemble quand il fallait faire des binômes parce qu’on avait remarqué – c’était peu de le dire – que leur duo fonctionnait très bien.
- Je vous ai réservé un Portoloin demain matin, à la première heure. Vous partez pour New York !
Harry ne savait pas s’il était heureux ou pas mais la nouvelle ne l’affecta pas outre mesure. De toute façon, il se sentirait aussi vide à New York qu’il l’était à Londres, ça ne ferait aucune différence. S’il fallait voir le positif, Harry était plutôt content d’aller en Amérique. Il avait très peu voyagé dans sa vie et ce serait l’occasion de découvrir cette ville renommée. Hermione, elle, paraissait satisfaite de ce revirement de situation. Visiblement, découvrir New York lui plaisait bien.
A la première heure, ce fut finalement vers une heure de l’après-midi. Il y avait cinq heures de décalage entre Londres et New York et il aurait été totalement inutile de débarquer au MACUSA à l’aube. Munis de leur sac de voyage et de leurs papiers d’identité, Harry et Hermione se présentèrent à Greenwich, pas loin du parc. Il y avait là, dans un entrepôt abandonné, un endroit qui desservait les Etats-Unis. Tous les voyageurs de Portoloins partaient d’ici et arrivaient ici. Harry avait découvert, avec le temps et l’expérience, que le voyage en Portoloins était quelque chose de très encadré.
- Evidemment, avait répondu Mark quand Harry en avait fait la remarque. Imagine ce qui se passerait si des centaines de sorciers se mettaient à apparaitre n’importe où, un détritus à la main… Ce serait le bazar ! Il y a des zones et il y a des horaires. Si tu loupes ton Portoloin, tu dois attendre le suivant. Et tu n’as pas le droit d’en créer un toi-même sans l’accord du bureau des Portoloins.
- Un peu comme l’avion en fait, avait conclu Harry.
- Je ne sais pas de quoi tu parles, avait dit Mark avec un grimace de mépris.
Toujours était-il que Harry et Hermione étaient là, à l’heure, pour prendre le Portoloin de 12h48, direction New York. A l’accueil du hangar, le sorcier en charge leur désigna un groupe de personnes qui attendaient autour d’une corde à sauter usée. De toute évidence, ils étaient sept à vouloir se rendre Outre Atlantique. Ils se rapprochèrent de la corde à sauter quand l’heure arriva, posèrent tous leur main sur la ficelle et se laissèrent emporter au loin.
Ils reprirent brusquement pied dans un autre hangar, semblable à celui qu’ils avaient quitté. Là, une sorcière munie d’un paquet de fiches nota rapidement quelque chose.
- Portoloin de 7h48 en provenance de Londres, ok. Bienvenue à New-York. Veuillez suivre les flèches vers le guichet.
Harry et Hermione réglèrent machinalement leur montre. Aux Etats-Unis, ils ne plaisantaient pas avec la sécurité. Tous les sorciers arrivants durent montrer leurs papiers aux contrôleurs du guichet avant de pouvoir sortir. Harry et Hermione se retrouvèrent alors dehors, sur le trottoir, avec l’océan derrière eux. Et face à eux, des immeubles et des maisons à perte de vue. Harry se sentit mal immédiatement, parce que c’était trop grand, inconnu, inhospitalier. Il était vraiment heureux qu’Hermione soit avec lui, ça rendait les choses moins effrayantes. Il refoula l’envie de rentrer qui lui tenaillait les intestins et fit un pas vers la route. Il sursauta quand un homme s’approcha de lui et le détailla de la tête aux pieds.
- Vous êtes les Aurors anglais ? demanda-t-il avec un fort accent.
- Oui, répondit Hermione. Auror Granger et Auror Potter.
- Salut, je suis l’Auror Tyler Davis. Suivez-moi, je vais vous conduire. Je suppose que vous ne connaissez pas New York… Nos bureaux sont au Woolworth Building, vous connaissez ?
- Non, pas du tout, souffla Harry.
- C’est à Manhattan.
L’Auror mangeait tellement les consonnes que Harry comprenait à peine ce qu’il disait. Il se laissa guider sur quelques mètres puis s’arrêta devant une voiture noire qui devait visiblement les transporter à destination.
- On ne transplane pas ? s’étonna Harry.
Tyler Davis lui lança un regard mi horrifié mi agacé.
- C’est complètement interdit de transplaner au milieu des Non-Maj ! Vous risquez une grosse amende si vous le faites.
- Ah, pardon.
- Vous avez le droit de transplaner en pleine rue de Londres ?
- Euh, oui, en faisant attention quand même mais généralement…
- Vous ne faites jamais rien comme tout le monde hein, vous les British !
Harry n’aima pas Tyler Davis, ce fut plus fort que lui. Ils montèrent dans la voiture et l’Auror démarra pour les conduire dans Manhattan. Ils échangèrent des banalités, auxquelles Hermione répondit du mieux qu’elle put puisque Harry restait muet. Il regardait le paysage par la fenêtre, sans y trouver le moindre charme. Il pouvait sentir la déprime monter en lui à chaque tour de roue. Que faisait-il ici, loin de sa maison ? En fait, il n’avait aucune envie d’être là. Il se sentait angoissé et nerveux, il étouffait presque. Il aurait nettement préféré rester à Londres et enquêter avec ses collègues.
La voiture s’arrêta brusquement, au bord d’un trottoir et Tyler Davis coupa le moteur.
- Avant d’aller aux bureaux, vous voulez peut-être déposer vos affaires dans votre hôtel, non ?
- Oui, c’est gentil, répondit Hermione.
Ils sortirent de la voiture et Harry se rendit compte qu’ils étaient à côté d’un grand parc aux arbres verts et accueillants. Cela le rassura un peu.
- C’est Central Park, annonça Tyler d’un ton morne. Vous connaissez ?
- Euh oui, quand même, rétorqua Hermione, presque vexée par la question.
- Pour entrer dans Hidden City, c’est par là. Vous voyez l’entrée du métro, ici ?
- Hidden City ? C’est quoi ça ?
- C’est la ville des sorciers. Tous les sorciers qui vivent à New-York habitent là. En règle générale, on ne se mélange aux Non-Maj qu’en cas d’absolue nécessité. Donc, l’entrée du métro ?
- Oui, répondit Hermione.
- Arrêt Cathedral Parkway, vous retiendrez ? Vous entrez là-dedans et vous vous retrouvez à Hidden City.
- Et si on veut vraiment prendre le métro ? demanda Hermione.
- Vous y entrez en pensant que vous voulez prendre le métro.
Harry eut l’air sceptique mais il suivit Tyler Davis sans rechigner. Ils descendirent les premières marches mais au lieu d’arriver dans une station de métro, ils arrivèrent dans une grande rue passante. Tout autour d’eux, il y avait de petits immeubles de briques rouges, avec des escaliers extérieurs, des boutiques et des gens qui s’activaient. A leur style, Harry devina immédiatement que c’étaient des sorciers. Beaucoup portaient des robes classiques mais la plupart d’entre eux portaient des vêtements normaux. Sans doute était-ce toujours dans l’objectif de passer inaperçus parmi les Moldus. Harry regarda les devantures des boutiques avec curiosité et sentit l’angoisse diminuer. Cela ressemblait énormément au Chemin de Traverse mais en bien plus grand. Hidden City devait avoir la taille d’une petite ville et c’était beaucoup moins oppressant que New-York.
Là, ils purent transplaner jusqu’à l’hôtel que Nestor Achab avait réservé à Harry et Hermione. Ils avaient chacun leur chambre, qui étaient voisines et y déposèrent leurs affaires. Ensuite, Tyler les ramena à la voiture. Il semblait pressé et il était évident que s’occuper des Anglais ne lui faisait pas spécialement plaisir. Malgré tout, il resta cordial jusqu’à l’arrivée et les fit descendre du pied du Woolworth Building.
Là encore, ça ressemblait au ministère de la Magie mais en bien plus grand. Il y avait des escaliers partout, des centaines de portes et d’employés qui couraient dans tous les sens. Harry et Hermione suivirent docilement Tyler jusqu’à l’étage – immense – où se trouvaient les bureaux des Aurors. Ils traversèrent plusieurs couloirs puis plusieurs salles pleines de bureaux avant d’arriver là où ils devaient. Ils s’arrêtèrent dans une sorte de vaste salle lumineuse dont les grandes baies vitrées donnaient sur la ville. Même si Harry trouvait cela trop oppressant, il devait admettre que c’était une jolie vue. De part et d’autre des murs, il y avait des canapés et des fauteuils, des tables avec des machines à café et des piles de journaux qui trainaient. De toute évidence, c’était là que les Aurors se retrouvaient quand ils faisaient une pause.
Tyler marcha droit vers un homme d’une cinquantaine d’année qui se tourna vers eux et leur adressa un sourire légèrement condescendant. Il avait une tête de plus que Harry, il avait à peu près la même carrure que Goyle autrefois, et il était blond. Devant lui, Harry eut l’impression désagréable d’être petit, maigre et si peu viril qu’il en ressentit un agacement profond.
- Bienvenue ! dit l’Auror en leur serrant la main vigoureusement. Je suis Troy Bernard et je suis le chef de la section criminelle.
- Vous êtes le chef des Aurors ? demanda Harry, qui n’était pas sûr de comprendre.
- Non, juste celui de la section criminelle. Lui là-bas, vous voyez ?
Il leur désigna un autre homme, un peu moins grand, aux cheveux noirs et à la peau hâlée, qui buvait un café un peu plus loin.
- Lui, par exemple, c’est Will Masetti, le chef de la section des trafics. Trafic d’armes, trafic de drogue, c’est lui qui gère ça. C’est comme ça que c’est réparti ici.
- D’accord, répondit Harry, vaguement impressionné sans trop savoir pourquoi.
Le fameux Will se tourna vers eux, leur adressa un sourire plutôt charmant et retourna à son café. L’Auror Bernard les entraina dans une autre pièce, principalement occupée d’une table ovale et de plusieurs chaises. Ils furent rejoints par Tyler, une femme qui semblait importante et cinq autres Aurors. La femme s’appelait Abby Lynch et, avec Tyler, elle était la seconde de l’Auror Bernard. Les autres enquêtaient sur l’affaire des viols par Imperium.
Ils passèrent plusieurs heures à discuter de tout ce qu’ils avaient, comparant les cas américains aux cas anglais. La méthode était tellement identique qu’il était dur de ne pas faire de lien entre les deux affaires. Pour l’instant, il y avait quatre cas de viols avérés mais les Aurors suspectaient qu’il y en ait plus. C’était toujours la même chose : les victimes rencontraient leur agresseur dans un café ou une boite de nuit, étaient soumises à l’Imperium, suivaient l’homme dans un hôtel proche et se faisaient violer.
- Pour l’instant, il semble n’agir qu’à Hidden City, dit Troy Bernard. Nous avons déjà fait passer des informations à la radio pour demander la plus grande prudence aux habitants. Notre problème, c’est qu’il change d’apparence à chaque fois, aucun portrait ne concorde.
- C’est faux, rétorque Hermione en se penchant vers le dossier. Regardez le témoignage ici, il ressemble beaucoup à l’un des nôtres !
Ils comparèrent attentivement tous les témoignages des victimes anglaises et des victimes américaines. A la fin, ils avaient trois portraits qui revenaient plusieurs fois. C’était déjà ça.
Ensuite, ils passèrent à nouveau plusieurs heures à rechercher la liste de tous les sorciers qui étaient arrivés d’Angleterre durant ces deux derniers moins. Malheureusement, il y en avait énormément, beaucoup trop pour qu’ils puissent tous les interroger. Ils passèrent néanmoins en revue tous les noms, pour vérifier leurs dossiers et leurs antécédents. Quand ils eurent terminé, il faisait nuit. Harry et Hermione n’arrêtaient pas de bâiller, épuisés par le décalage horaire. Chez eux, il était une heure du matin.
- Allez vous reposer, proposa l’Auror Bernard. Nous irons interroger les profils suspects demain matin. Vous serez capables de revenir ici tous seuls ?
- Oui, merci, assura Hermione.
Ils sortirent de l’immeuble, un peu sonnés par cette journée. C’était étrange de travailler avec tous ces gens inconnus et c’était très étrange de se retrouver là, en plein New York. Ça donnait une nette impression d’irréalité.
- On prend un taxi pour rentrer ou… commença Harry.
- On va trouver une ruelle déserte et transplaner, coupa Hermione.
- C’est interdit…
- Tant pis, je suis trop fatiguée. Et c’est absurde, les Moldus ne voient jamais rien.
Harry sourit devant l’air buté d’Hermione et la suivit sans rien dire. Au fond, cela lui plaisait bien de désobéir aux règles américaines. Bon sang, il n’était vraiment qu’un enfant mais il s’en fichait, cela atténuait son angoisse d’être là.
Le lendemain ressembla beaucoup à la veille. Pour ne pas attirer les soupçons, Harry et Hermione se rendirent au MACUSA en taxi et ils firent bien car de nombreux sorciers fumaient à l’entrée du building et les saluèrent d’un signe de tête curieux en les voyant arriver. Avec les Aurors qui collaboraient avec eux, ils allèrent interroger tous les sorciers qui étaient arrivés d’Angleterre ces derniers mois et qui avaient un dossier un peu suspect. Le chef Bernard n’était pas avec eux, il avait sans doute mieux à faire. Ils étaient accompagnés de l’Auror Tyler Davis et de l’Auror Abby Lynch qui, au grand agacement de Harry, se chargeaient de tous les interrogatoires. Ajoutée à cela l’impression perpétuelle d’être perdu, Harry se sentait d’une humeur massacrante. Il finit par proposer qu’ils se séparent pour aller plus vite et être plus efficaces. Spontanément, Tyler voulut accompagner Harry, pour qu’il y ait au moins un Américain dans chaque binôme mais Harry refusa poliment. Il était habitué à travailler avec Hermione et ils n’avaient besoin de personne. Même s’il le cacha du mieux qu’il put, Tyler semblait heureux de rester avec Abby et de ne pas avoir à se coltiner cet Anglais maussade. « C’est sans doute à cause de la pluie et du temps qu’ils ont là-bas, ça doit déteindre sur eux » pensa Tyler en s’éloignant avec Abby.
L’avantage de ces interrogatoires était qu’ils pouvaient découvrir Hidden City, ses quartiers résidentiels, ses immeubles un peu plus pauvres et délabrés dans lesquels, étrangement, il semblait que les résidents étaient majoritairement des sorciers noirs. Hermione regardait cela sans rien dire, une expression fermée et hautaine sur le visage. Harry sentait qu’elle exploserait à un moment ou à un autre et il savait ce qu’elle dirait. Il serait d’accord avec elle, même s’il se sentirait moins indigné et moins concerné. Il attendait donc tranquillement que cela arrive.
Les hommes qu’ils interrogèrent avaient tous de bons alibis sauf deux mais cela ne voulait rien dire. Les deux suspects vivaient seuls et on ne pouvait pas le leur reprocher non plus. Évidemment, aucun d’eux n’avait rien à voir avec les viols et ils ne voyaient pas de quoi on leur parlait. Harry nota soigneusement le nom de ceux qui n’avaient pas d’alibi. Aucun d’eux ne ressemblait aux descriptions des victimes, ce qui était fâcheux. Vers midi, Harry et Hermione n’étaient guère avancés. Il leur faudrait rentrer au MACUSA pour comparer leurs trouvailles avec leurs collègues. En attendant, ils mouraient de faim.
Ils quittèrent Hidden City et émergèrent en monde moldu. Harry se sentait à nouveau écrasé par l’immensité de la ville mais déjà un peu moins que la veille. Et puis il fallait admettre qu’ils étaient dans un quartier plutôt agréable. Central Park offrait un paysage verdoyant réconfortant et les bâtiments aux alentours étaient jolis. Ils marchèrent quelques minutes, au hasard, trouvèrent une sorte de sandwicherie et achetèrent à manger. Ils allèrent déjeuner dans Central Park, sur un banc ombragé, regardant les promeneurs d’un œil distrait.
- J’espère que nous aurons le temps de visiter un peu, dit Hermione en croquant dans son Bagel. Ce serait dommage de venir ici et de ne même pas profiter de la ville.
- Nous ne sommes pas là pour visiter…
- Oh je suis sûre que nous arriverons bien à faire quelques balades le soir ou le dimanche après-midi, si nous ne sommes pas trop débordés.
- Oui, sans doute. Mais je ne saurais même pas par où commencer, c’est trop grand.
- C’est vrai que ce serait plus sympathique d’avoir quelqu’un pour nous faire visiter mais je n’ai pas très envie de demander à l’Auror Davis ou l’Auror Lynch. Ils sont gentils mais…
- Je sais, répondit Harry en terminant son hot dog.
- Tant pis, j’achèterai un plan et nous improviserons.
Etrangement, cette perspective plaisait à Harry. C’est vrai que ça pourrait être plaisant de se promener à New York avec Hermione. Il ne voulait pas l’avouer mais il aimait se retrouver ici seul avec elle, cela faisait longtemps. Généralement, ils étaient toujours avec Ron ou leurs collègues et ils ne pouvaient pas se parler comme ils le voulaient. En plus, Hermione ne tarderait pas à déménager et ils ne se verraient plus qu’au travail. Hermione n’était certes pas l’amie la plus drôle qui soit, elle n’était pas légère et amusante comme Ron. Elle était cependant la meilleure amie de Harry et, depuis qu’ils étaient devenus adultes, Hermione était un peu moins coincée qu’à Poudlard. Elle avait admis, après la guerre, qu’il y avait des choses bien plus importantes que le travail et les résultats scolaires.
Tyler et Abby n’avaient pas eu tellement plus de chances qu’eux. Ils avaient également trois noms suspects et sans alibis mais aucune preuve qui leur permettrait de faire quoi que ce soit. Ils reçurent les résultats des analyses à ce moment-là, sur les échantillons de sperme et de salive trouvés sur les victimes. Evidemment, ça aurait été trop simple, cela ne correspondait à aucun sorcier connu des services des Aurors. Ils convoquèrent au MACUSA les suspects de la matinée et leur firent des prélèvements pour comparer. Hermione observait tout cela, fascinée et intéressée. Les Aurors américains utilisaient beaucoup plus de méthodes d’investigation moldues qu’eux. Bien sûr, ils les adaptaient à la magie, les détournaient légèrement, mais l’idée était là. L’influence des méthodes du FBI avait dû être trop importante pour être ignorée.
Puisqu’ils se trouvaient plus ou moins dans une impasse, ils rentrèrent chez eux en fin d’après-midi, avant sept heures. Harry et Hermione en profitèrent pour se promener réellement dans Hidden City et découvrir l’endroit. Ils comprirent bien vite qu’il y avait deux grandes rues principales, qui se croisaient au centre avec une perpendicularité exemplaire. Dans ces rues, il y avait surtout des enseignes visiblement luxueuses aux Etats-Unis, des boutiques de vêtements chics, de balais professionnels, de bijoux affreusement chers, de baguettes haut de gamme. Il y avait des cafés, des restaurants, une immense librairie à côté de laquelle Fleury et Bott paraissait absurde. Il y avait évidemment beaucoup de gens à pied qui se promenaient, faisaient des courses ou erraient sans but précis.
Quand on sortait de ces deux grandes rues, il y avait des habitations élégantes, de grandes maisons new-yorkaises comme on en voyait dans les films, certaines en brique rouge, d’autres en pierre blanche et colonnades. Surement les riches familles sorcières du pays même si Hermione était persuadée que les plus riches ne vivaient pas là mais dans des propriétés aux dimensions honteuses, à la campagne. Dans ces rues-là, en plus des maisons, il y avait des boutiques plus petites et moins tape-à-l’œil, des restaurants discrets, des petites librairies, des épiceries. Il y avait des écoles aussi, les enfants sorciers américains allaient à l’école primaire avant d’intégrer Ilvermorny au collège. Ensuite, quand on s’éloignait encore davantage du centre-ville, on trouvait des immeubles banals, parfois un peu délabrés, dans lesquels devaient vivre les sorciers aux moyens limités.
Harry ne pouvait s’empêcher de trouver cela incroyable qu’il existe une ville entière peuplée uniquement de sorciers qui pouvaient donc faire ce qu’ils voulaient. A Londres, ils avaient le Chemin de Traverse mais c’était surtout une rue commerçante et peu de gens y résidaient. Ça n’avait absolument rien à voir avec Hidden City. Il était presque effrayant de penser qu’un sorcier américain pouvait finalement passer l’entièreté de sa vie ici, sans jamais mettre le pied à New York même.
- C’est leur politique, expliqua Hermione en marchant vers l’hôtel. Ils sont vraiment obsédés par la séparation avec les Non-Maj. Je trouve ça absurde. Mais ils peuvent davantage se le permettre que nous, ils sont bien plus nombreux et n’ont pas forcément besoin des Non-Maj pour se reproduire.
- Toujours aussi pragmatique, commenta Harry en souriant. En Angleterre, beaucoup de familles sorcières restent loin des Moldus aussi…
- Certes mais à un moment ou à un autre, il faut bien aller en monde moldu et s’ouvrir à eux. Et puis regarde, les familles de Sang Pur anglaises vont fatalement disparaitre, ils ne vont pas pouvoir se marier entre eux ad vitam aeternam. Tout ça pour dire qu’il faut bien croiser le chemin des Moldus de temps en temps.
- Je suis d’accord.
Ils rentrèrent à l’hôtel et se souhaitèrent bonne nuit. Harry se laissa tomber sur son lit, fatigué et déprimé, comme d’habitude. La chambre elle-même n’avait rien d’enthousiasmant, elle était banale à pleurer. Harry espérait sincèrement que l’enquête serait vite bouclée et qu’il pourrait rapidement rentrer chez lui. Il se releva, attraper une feuille de papier posée sur la table, écrivit une lettre à Ron pour lui raconter leur arrivée puis la plia soigneusement dans une des enveloppes mises à disposition. Il se sentait un peu mieux et se coucha plus léger qu’avant.
Le lendemain matin, Harry et Hermione se retrouvèrent sur l’une des deux rues principales de Hidden City, à la recherche d’un petit déjeuner plus alléchant que celui de leur hôtel. La rue s’appelait sobrement First Avenue et l’autre Second Avenue, ce qu’Hermione avait jugé ridicule quand elle l’avait appris. Il était clair que les Américains ne se foulaient pas pour nommer les choses. En attendant, même si leurs noms étaient fades, c’était là que la plupart des sorciers actifs de New-York se croisaient le matin, pour acheter un beignet ou un café. Armés de leur boisson chaude, ils ne pouvaient plus transplaner (ou alors, à leurs risques et périls) et marchaient d’un pas rapide vers leur lieu de travail. Puisqu’il était de bon ton de s’adapter aux coutumes d’un pays, Harry et Hermione s’achetèrent des pains au chocolat à la taille indécente et un café. Ils étaient en avance, ils se réveillaient trop tôt à cause du décalage horaire, c’était un peu agaçant mais au moins, ils avaient le temps de profiter de leur petit déjeuner avant de sortir prendre un taxi.
Tandis qu’il croquait dans sa viennoiserie, le regard de Harry fut attiré par une femme, sur le trottoir d’en face, de l’autre côté de First Avenue. Elle faisait la queue pour acheter un café, elle aussi et elle attendait patiemment, son sac à la main. Elle portait un chemisier vintage, avec de la dentelle blanche, ce que Harry trouva plutôt élégant, un pantalon noir des plus sobres et des chaussures de ville. Ce n’était pas cela qui attirait l’attention de Harry. C’étaient plutôt ses cheveux. Ils étaient longs, lui tombaient jusqu’en bas du dos et étaient très blonds, si blonds qu’ils paraissaient presque blancs. La femme arriva devant le vendeur, commanda ce qu’elle voulait puis se retourna pour s’éloigner. Harry put voir son visage et il la fixa sans délicatesse, sans même songer à être discret. Il ne savait pas si elle était jolie ou pas et franchement, il n’en avait rien à foutre. La seule chose qui l’interpelait, à cet instant précis, c’était que cette femme ressemblait à s’y méprendre à Drago Malefoy. Harry donna un coup de coude à Hermione.
- Hermione, dit-il précipitamment. Regarde la femme, là. Tu ne trouves pas qu’on dirait Malefoy ?
Hermione regarda et eut une réaction de surprise.
- C’est vrai que c’est troublant, admit-elle lentement. C’est peut-être à cause des cheveux…
Harry en doutait, il n’y avait pas que ça. Son visage n’était pas exactement le même que celui de Drago, il avait quelque chose de plus féminin mais tout de même… Les yeux, l’expression. Harry et Hermione la fixèrent tellement qu’elle dut le sentir car la femme se tourna vers eux leurs regards se croisèrent, de l’autre côté du trottoir. Pendant un quart de seconde, le visage de la femme sembla se pétrifier puis fut traversé par une expression de peur si évidente que Harry ne put la louper. Spontanément, il fit un pas en avant et la femme recula d’un pas. Elle fit demi-tour, s’éloigna du vendeur de café et transplana brusquement sans que Harry ait pu faire quoi que ce soit.
Il y eut un silence choqué, Harry et Hermione tenant leur gobelet sans y toucher, immobiles sur le trottoir. Ils devaient avoir l’air complètement idiots mais aucun d’eux n’y pensa.
- C’était Malefoy, dit Harry.
- Je… je ne sais pas, c’est…
- C’était lui, aucun doute. Tu as vu sa réaction ? Il nous a reconnu, c’est évident.
- Drago s’est suicidé, déclara Hermione, hésitante.
- Nous n’avons jamais retrouvé son corps, rétorqua durement Harry.
- Oui mais… cette personne, c’était une femme, c’est…
- Je ne sais pas mais c’est étrange.
Elle était d’accord. Ils quittèrent Hidden City, montèrent dans un taxi et regardèrent les bâtiments défiler devant eux. Ils ne pouvaient s’empêcher de penser à la femme de tout à l’heure.
- Il faut en avoir le cœur net, déclara Hermione d’un ton déterminé. Allons au bureau de l’immigration. Si Drago est arrivé à New York, il y aura forcément une trace.
Dans le rétroviseur, le chauffeur de taxi lui jeta un regard étonné, l’air de trouver qu’il était vraiment étrange de s’appeler Drago. Il conclut pour lui-même que c’était surement un surnom, le genre de surnom débile que se donnaient les artistes ou les jeunes délinquants.
Arrivés au MACUSA, Harry et Hermione indiquèrent à Troy Bernard qu’ils avaient besoin d’un renseignement au bureau de l’immigration. Comment pouvaient-ils s’y rendre ? C’était à un autre étage et il leur expliqua brièvement comment y aller sans se perdre. Harry n’avait pas retenu la moitié des informations mais Hermione avança sans jamais douter dans le grand immeuble et trouva ce qu’ils cherchaient. Heureusement, il était encore tôt et ils n’eurent pas besoin d’attendre longtemps. Une femme les accueillit avec lassitude, se redressa un peu en entendant leurs accents anglais et les regarda avec curiosité. Ils montèrent leurs badges d’Aurors.
- Nous aimerions savoir si un certain Drago Malefoy est venu à New York en… commença Hermione.
- En septembre 1999, compléta Harry.
- Je vais regarder mais il va falloir être patient, ça risque de prendre un peu de temps.
Et en effet, il y avait des milliers de personnes arrivées aux Etats-Unis par New York en 1999. Ils attendirent qu’elle consulte sa liste, un peu fébriles, échangeant régulièrement des regards impatients. Harry ne savait pas ce qu’il espérait mais d’une certaine manière, il voulait qu’il se passe quelque chose. Cette affaire l’intriguait beaucoup trop.
- Il n’y a pas de Drago Malefoy, déclara la sorcière de l’immigration.
- Ah bon, alors pouvez-vous regarder en… coupa précipitamment Harry.
- Vous êtes certains d’avoir le bon prénom ?
- Pourquoi ? s’étonna Hermione.
- Parce qu’en septembre 1999, il y a bien quelqu’un du nom de Malefoy qui est arrivé à New York mais elle s’appelait Dahlia. Dahlia Malefoy. Le 15 septembre 1999.
Harry se souvenait de la date du suicide de Drago, d’abord parce que ça l’avait marqué et ensuite parce que c’était la date écrite sur la stèle de sa tombe et qu’il s’y était rendu, une fois. C’était le 15 septembre 1999. Et ça ne pouvait pas être une coïncidence.