— ... Maître, leur résistance s’effondre…
— ... Et cela se produit sans ton aide. Si habile sorcier que tu sois, Severus, je ne pense pas que tu puisses changer grand-chose, maintenant. Nous sommes presque au but... presque.
— Laissez-moi retrouver ce garçon. Laissez-moi vous livrer Potter. Je sais que je peux le capturer, Maître. S’il vous plaît.
Silence.
Tous les quatre, on ose à peine respirer, de peur que les deux sorciers nous entendent.
— J’ai un problème, Severus.
— Maître ? dit Rogue.
Voldemort lève la Baguette de Sureau, la tenant avec délicatesse et précision comme un chef d’orchestre.
— Pourquoi ne fonctionne-t-elle pas avec moi, Severus ?
Nouveau silence, encore pire que le premier.
— M... Maître ? Je ne comprends pas. Vous... Vous avez accompli avec cette baguette de véritables prouesses magiques.
— Non. J’ai accompli ma magie habituelle. Il est vrai que je suis extraordinaire, mais cette baguette ne l’est... pas. Elle n’a pas produit les merveilles qu’elle promettait. Je n’ai remarqué aucune différence entre cette baguette et celle que je me suis procurée chez Ollivander il y a bien des années. Aucune différence.
C’est la deuxième fois que je suis face à Voldemort. C’est un sorcier qui n’a pas grand chose d’humain. C’est plus facile d’haïr une personne qui n’a rien de similaire avec vous. Coller cette personne aux récits qu’Harry nous a partagés est difficile. Il y a trop d'émotions qui entre en jeu. Il a détruit trop de choses, sans lui… Oh, sans lui… Tout aurait été différent.
- J'ai réfléchi longtemps, profondément, Severus... Sais-tu pourquoi je t’ai fait rappeler en pleine bataille ?
— Non, Maître, mais je vous supplie de me laisser y retourner. Laissez-moi retrouver Potter.
— On croirait entendre Lucius. Ni l’un ni l’autre vous ne comprenez Potter comme je le comprends. Il est inutile de le chercher. Potter viendra à moi. Je connais sa faiblesse, vois-tu, son plus grand défaut. Il ne supportera pas de voir les autres tomber autour de lui en sachant que c’est pour lui qu’ils meurent. Il voudra arrêter cela à tout prix. Il viendra.
— Mais, Maître, il se peut qu’il soit tué accidentellement par quelqu’un d’autre que vous...
— Les instructions que j’ai données aux Mangemorts ont été parfaitement claires. Capturez Potter. Tuez ses amis – tuez-en le plus possible – mais ne le tuez pas, lui.
C’est de toi cependant que je veux te parler, Severus, et non pas de Harry Potter. Tu m’as été précieux. Très précieux.
— Mon Maître sait que je cherche seulement à le servir. Laissez-moi partir pour retrouver ce garçon, Maître. Laissez-moi vous le livrer. Je sais que je peux...
— Je t’ai déjà dit non ! Ma préoccupation, en ce moment, Severus, c’est ce qui se passera quand j’affronterai enfin ce garçon !
— Maître, la question ne se pose sûrement pas…
— Mais si, la question se pose, Severus. Elle se pose. Pourquoi les deux baguettes que j’ai utilisées ont-elles échoué lorsque je les ai dirigées contre Harry Potter ?
— Je... Je l’ignore, Maître.
— Tu l’ignores ?
À mes côtés, Harry souffre, ressentant la colère de Voldemort dans tout le corps…
— Ma baguette en bois d’if a toujours accompli ce que je lui demandais, Severus, sauf quand il s’est agi de tuer Harry Potter. Par deux fois, elle a raté. Sous la torture, Ollivander m’a parlé des deux cœurs jumeaux et il m’a conseillé de prendre une autre baguette. C’est ce que j’ai fait, mais la baguette de Lucius s’est brisée face à Potter.
— Je... Je n’ai pas d’explication, Maître.
— J’ai cherché une troisième baguette, Severus. La Baguette de Sureau, la Baguette de la Destinée, le Bâton de la Mort. Je l’ai prise à son ancien maître. Je l’ai prise dans la tombe d’Albus Dumbledore.
En entendant son nom, je revois cette nuit défiler devant mes yeux. Les mangemorts, la douleur, l’impuissance, les sorts, la chute…
— Maître... Laissez-moi aller chercher ce garçon...
— Tout au long de cette nuit, alors que je suis au bord de la victoire, je suis resté assis dans cette pièce, à me demander, encore et encore, pourquoi la Baguette de Sureau refusait d’être ce qu’elle devrait être, refusait d’agir comme la légende dit qu’elle doit agir entre les mains de son possesseur légitime... Et je crois que j’ai trouvé la réponse.
Rogue ne répond pas. Je réfléchis, la scène repasse, je revois les mangemorts, Drago, Rogue qui viennent l’aider. Puis Greyback… Les choses se mélangent un peu, mes souvenirs sont flous. Que s’est-il passé ?
— Peut-être la connais-tu déjà ? Après tout, tu es un homme intelligent, Severus. Tu as été un bon et fidèle serviteur et je regrette ce qui doit malheureusement arriver.
— Maître...
— La Baguette de Sureau ne peut m’obéir pleinement, Severus, parce que je ne suis pas son vrai maître. Elle appartient au sorcier qui a tué son ancien propriétaire. C’est toi qui as tué Albus Dumbledore et tant que tu vivras, la Baguette de Sureau ne pourra m’appartenir véritablement.
Je réfléchis, c’est Rogue qui a tué Dumbledore oui. Mais…
— Maître !
Je regarde à nouveau, il s’apprête à se défendre. Est-ce qu’on reste comme ça sans rien faire ? Il va finir par le tuer.
— Il ne peut en être autrement. Je dois maîtriser cette baguette, Severus. Maîtriser la baguette pour maîtriser enfin Potter.
Il fait un mouvement, je me crispe en pensant à un Avada Kedavra, mais pas du tout. Il déplace la cage de son serpent pour emprisonner Rogue puis lui parle en Fourchelang. Pas besoin de le maîtriser pour comprendre. Il veut la mort de Rogue.
C’est horrible, mais je ne peux pas dégager mes yeux de ce qui se passe. La mort est extrêmement rapide. Aussi simple que ça, Severus Rogue est mort.
La caisse qui nous cache bouge, je sursaute avant de réaliser que c’est Hermione qui l’a déplacée d’un coup de baguette. Voldemort est parti, emportant son serpent avec lui.
On se faufile dans la pièce, je m’approche du sorcier et place deux doigts dans son cou, à la recherche d’un pouls dans tout ce sang. Contrairement à ce que je croyais, il n’est pas mort. Ses yeux s’ouvrent et s’écarquillent en me voyant. Harry est en face de moi, tout aussi dépassé par la situation.
— Prenez-... les...
Le râle qui s’échappe de sa gorge est abominable. Avec le peu de force qui lui reste, il serre nos mains.
— Prenez-... les…
Je ne comprends pas trop, une sorte de substance sort de son corps. C’est bleu argenté, ni gaz, ni liquide, je n’ai jamais rien vu de tel. Pourquoi nous demande t-il de prendre ses larmes ?
Rogue meurt, il n’y a rien à faire, si ce n’est pas l’hémorragie, c’est le poison qui le tuera. Tout ce sang, son odeur, sa couleur étaient de trop, je me sentais submergée par les émotions. C’est quelque chose qui réveille en moi le loup, je ne peux rien y faire. Ça me surprend d’un coup comme ça sans crier gare. Je m’éloigne un peu et vomis à nouveau un petit filet de bile. Quand je reviens vers eux, ils se sont tous relevés.
— Il est mort, murmure Hermione d’une voix blanche.
— C’est quoi ? je demande en désignant d’un coup de tête le flacon d’Harry.
— Ses souvenirs.
Oh…
Un bruit strident surgit de nulle part. Je m’effondre au sol, les mains sur les oreilles pour arrêter cette torture. Je n’ai aucune idée de combien de temps ça dure. Secondes ou heures, c’est insupportable.
Quand ça s’arrête, je comprends que Voldemort vient de parler à nouveau, comme il l’a fait dans le château un peu plus tôt. Hermione et Ron sont au-dessus de moi, leurs visages inquiets parlent peur eux.
— Il nous laisse une heure pour nous reprendre…
— Compter nos morts, soigner nos blessés, reprend Ron.
— Il veut que Harry le rejoigne dans la forêt.
Je parviens à me relever.
— Sinon quoi ?
Harry est un peu plus loin, dos tourné à nous. Le cadavre de Rogue n’a pas bougé, partons d’ici.
— Il tue tout le monde, finit Ron.
Je n’en attendais pas moins de lui.
— D’accord. Rentrons.
Tous approuvent. On fait le chemin en sens inverse que quelques minutes plus tôt. C’est long, très long. Je pense à George, à comment je vais lui annoncer la nouvelle. J’espère pouvoir être là quand il l’apprendra. Je ne pense pas trop à mon chagrin pour Fred. Non, je pense à George, m’accroche à ce que je dois faire pour lui, ça m’aide à ne pas laisser la peine prendre le dessus.
Je pense à Ginny qui est partie dans la bataille telle la Gryffondor qu’elle est. Je pense à Dora qui a rejoint mon père. Je pense à Luna et Neville qui ont toujours considéré l’AD comme bien plus qu’un groupe de défense. Je pense à l’équipe de quidditch de Gryffondor, qui à la base, aimait voler, faire du balai, se faire des passes et marquer des buts. Je pense à Molly et Arthur qui ont des valeurs et une famille. À Bill et Fleur qui viennent de se marier, Percy qui a eu le courage de revenir en arrière, Hagrid avec son grand cœur…
Ma gorge se serre, j’ai peur de ce qui arrive. Je n’ai pas envie de vivre ça, la fatigue me frappe aussi de plein fouet. L’envie de se rouler en boule dans un coin est présente, puis je pense au deal de Voldemort, et je mets un nouveau pas devant l’autre. Pour Harry, pour mon frère, pour ma mère qui s’est sacrifiée… Pour eux, je continue.
Il fait encore nuit, mais pas suffisamment pour qu’on distingue les corps étendus sur la pelouse. Le silence est déchirant. On est là, face à des morts, plein de gens morts. Quelques personnes se déplacent furtivement, ramenant ceux qui sont tombés au combat à l’abri dans le château.
Je réalise qu’il y a peut-être plus de décès que je le pensais. J’étais optimiste. Je savais que ce serait dur. Mais de voir autant de corps devant moi me fait peur, très peur. Mon père se battait dehors. Est-ce qu’il va bien ?
Aucun de nous quatre n'échange un mot. On se met juste à courir pour rejoindre les marches qui mènent au hall. On ne s’arrête pas pour regarder les visages, on doit retrouver un proche, et enfin savoir.
Une fois dans le château, là aussi c’est dur à voir. Outre ce qui est saccagé et détruit, c’est les traces de sang qui ressortent le plus. J’ai la gorge sèche, j’ai du mal à déglutir alors que nous sommes tous les quatre à découvrir l’étendue des dégâts. Quand nous sommes passés tout à l’heure, nous n’avons pas fait attention. Maintenant, tout est détruit… Et ce sang… Ce sang… Partout…
— Où sont les autres ? murmure Hermione.
Prise d’une montée d’angoisse, je reprends ma course vers la Grande Salle. Tout le monde s’est réfugié ici. Des groupes se soutiennent, certains attendent d’être soignés, d’autres prêtent main forte à Mrs Pomfresh. Parmi les blessés, je vois des ravages de loup-garou, ça ne fait aucun doute. Greyback était dans la bataille.
Le cœur battant, je cherche du regard mon père, Dora, les Weasley, n’importe qui qui pourrait me rassurer. J’avance, regarde un peu les visages au sol. Ceux qui sont allongés, ne bougent plus, ils sont morts. Mon cœur bat plus fort, j’avance encore un peu, les Weasley sont là, George est là, le visage ravagé de larmes, c’est clair. C’est très clair. J’ai compris. Je regarde au sol puis vois leur visage.
Alors je m’effondre à genoux, ma tête dans mes mains pour me couper de tout ça, respirer, contenir la bête, reprendre le contrôle. Je sens que je me mets à trembler. Je sens aussi la présence des autres qui m'entourent. Je veux être seule, j’aimerais leur dire, qu’on me laisse tranquille, mais aucun son ne sort de ma bouche. Il n’y a que de la douleur, si violente que je ne parviens pas à pleurer. Mon corps est sous le choc, il ne croit pas ce que moi, je sais.
Mon père est mort. Dora avec lui.
Je ne supporte pas cette pensée. J’ai envie de hurler, de frapper le sol avec mes poings jusqu’à ce que je ne ressente plus rien.
C’est un sentiment d’injustice qui prédomine. C’est injuste, je n’ai pas eu assez de temps, et Teddy… oh mon dieu, Teddy… Non, je ne peux pas rentrer sans eux. Je ne veux pas vivre ça. Je n’en veux plus de toute cette guerre. C’est injuste putain, pourquoi… Pourquoi eux ?
Je me sens seule et les larmes viennent d’un coup. Cette solitude contre l’univers entier me terrasse. Je suis seule. Mon père est mort. Putain, il est mort… je repense à ce qu’on s’est dit pour la dernière fois, je pense à tout ce que je n’ai pas pu lui dire, il y a des choses qui se bousculent, je n’ai pas assez dit « je t’aime », j’aurais dû, je ne pensais pas que c’était la dernière fois, pourquoi on ne dit pas assez « je t’aime » ? Est-ce qu’il le savait ? Et toutes ces autres choses que je ne lui ai pas dites. Je voulais grandir avec lui, j’avais des rêves dont je ne me rappelle plus la saveur, mais je sais encore que dans mon futur, il était là, et Dora avec lui.
Comment je continue dans la vie sans lui ? Il me manque déjà, j’imagine continuer ma vie sans lui, et j’ai mal, j’ai si mal…
- Je suis désolé, Emy…
C’est George. Il me serre dans ses bras comme il peut. Je sens son odeur qui prédomine sur le sang, les larmes et la mort.
C’est brutal, violent, mon corps entier me fait mal, mais alors que je relève la tête, je me rappelle d’un visage. Celui d’un bébé, innocent, dont la vie est déjà trop dure pour lui.
— Il faut que je continue…
Ma voix n’est qu’un râle. George ne comprend pas, il me regarde me lever et n’esquisse pas un mouvement alors que je fais demi-tour et quitte la pièce. Mes pas me guident tous seuls, je vais au bureau de Dumbledore. Transformée en loup, je cours, humant l’odeur d’Harry sur mon passage.
Je ne suis pas surprise de le découvrir devant une vasque de pierre que je devine comme étant une Pensine. Il a le visage fermé, mais je décèle de la surprise quand il me voit se mettre à côté de lui. Il hésite peut-être à me parler, car pendant quelques instants, il ne fait rien. Heureusement, il opte pour le silence et verse la fiole dans la vasque. Je ferme les yeux, pensant au visage de Teddy, puis plonge.
Il fait beau, deux fillettes jouent. Un garçon les épie. L’une est une sorcière. Et ne le sait pas encore. On lui dit qu’elle est un monstre. Il lui montre le contraire. C’est un garçon qui est malheureux. Elle, elle est sur le point de découvrir un monde. Sa sœur la jalouse et l’envie, ça va la détruire.
Première rentrée. Mon cœur se serre en voyant mon père jeune, entouré de ses amis. Harry ressemble tellement à James…
« — Il vaut mieux être à Serpentard.
— Serpentard ? Qui a envie d’être un Serpentard ? Moi, je préférerais quitter l’école, pas toi ? »
L’école, des couleurs les séparent. La répartition est brutale. D’abord ma mère qui est sous le choc et titube presque vers les rouges. Puis Sirius, qui fait de même. Des centaines d’années d’histoire envolées. Une tradition qui se termine.
Lily à Gryffondor, mon père, James aussi. Et enfin Rogue qui part dans la direction opposée.
Changement de décor. Il est dans la réserve de potion avec Horace Slughorn. On frappe à la porte.
« — Ah ! Miss Black, content de… »
Elle est jeune, c’est toujours la première année, je pense. Son visage est fermé, si typique des Black, ça me fait bizarre de la voir devant moi. Je comprends le désarroi que ressentait Harry lorsqu’il a vu James et Lily pour la première fois.
Je la vois comme si elle était en vie, devant moi, et ça me bouleverse.
« — …Au fait, tu t’appelles comment ?
— Lyra.
— Tu es la sœur jumelle de Sirius Black, non ?
— Oui.
— Tu es proche de ton frère.
— Ça ne te regarde pas.
— Et tu connais bien ses amis ? »
Elle ne va pas bien, cette pièce l’angoisse.
Leur étrange échange reprend, le souvenir avance. Plus les questions s'enchaînent, plus sa grâce d’aristocrate se fêle. Il y a des choses qui ne vont pas. Les questions sont de plus en plus dures. Pour l’un comme pour l’autre. Et puis elle comprend, et soudain moi aussi.
« Tu l’aimes. »
Changement de décor, bond en avant. C’est le couloir qui mène à la bibliothèque. Rogue est avec deux autres Serpentard.
« — Severus ! Je peux te parler ? »
Ma mère arrive, l’air déterminée. Elle prend Rogue par le bras et l'entraîne dans une classe vide.
« — Qu’est-ce que tu veux Lyra ?
— Je te retourne la question Severus.
— Tu veux la vérité ?
— Ce serait bien oui.
— Il part où ton petit copain Remus tous les mois ?
— Voir sa mère malade.
— Tous les mois ?
— Oui.
— Deux jours ?
— Oui.
— On sait tous les deux qu’il ne part pas voir sa mère, alors soit tu me dis la vérité qu’on en finisse ou je continuerai à chercher. »
Cinquième année. L’épisode que m’a raconté Harry lors des BUSE n’est pas encore arrivé. J’observe ma mère, elle a l’air différente, moins renfermée malgré une certaine colère.
« — Tu ne me diras rien, c’est ça ? »
Il a un rire moqueur.
« — J’ai remarqué ses blessures, ses allées et venues constants vers l’infirmerie, ses cicatrices… Tu penses qu'il me reste combien de temps avant de savoir ce qui cloche ?
— Rien ne cloche. Amuse-toi bien Severus dans ta quête. Le jour où tu trouves quelque chose, tu m’appelles.
— C’est quoi ce grand secret ? C’est un loup-garou, c’est ça ? Il part à chaque pleine lune.
— Oui, bien sûr, et moi, je suis une vampire, tu as de l’ail sur toi ?
— Tu dis ça pour protéger ton petit copain ? »
Quelque chose change dans le visage de ma mère. Elle adopte un air froid Black.
« — Et toi alors Severus ? Ça va comment avec Lily ? Tu attaques ses amies nées moldues, mais elle, elle a le droit à un traitement de faveur ? »
Elle a touché dans le mille, Rogue recule.
« — Tu es lâche Severus, en cinq ans, tu ne lui as toujours rien dit, au lieu de ça, tu perds du temps à suivre un de ses meilleurs amis, c’est quoi ton but ? Faire du mal à Lily ? Comme ça, elle te repoussera et tu auras une excuse pour rester lâchement dans ton coin avec tes sentiments ? Vas-y continue comme ça, tu es sur la bonne voie. Il ne te reste plus qu’à le rejoindre et tu auras parfaitement réussi à passer à côté de ta vie.
— Va te faire foutre Black.
— Oh, mais j’ai pas fini. James avait raison, ta vie est si nulle que tu es obligé de suivre celle des autres. Tu espères trouver un grand secret, mais tu as pensé à quand tu comprendras qu’il n’y a rien ? Ce sera quoi ta prochaine obsession Severus ? »
Ma mère était une Black, aucun doute la dessus. Sirius avait ce même air arrogant.
On change de décor alors qu’elle quitte la pièce. Cette fois-ci, c’est un autre couloir, proche du bureau du directeur. Depuis une fenêtre, je vois la pleine lune. James rattrape Rogue. Une tension est palpable.
« — Je te préviens. Tu dis un mot, tu es fini. J’en n’ai rien à faire de Dumbledore ou de McGo, je n’aurai aucune pitié pour toi !
— J’ai dit que je ne dirais rien. »
Il sait pour mon père. C’est la nuit qui a mal tourné. James vient de lui sauver la vie.
« — Et nous on ne te croit pas, ajoute Sirius.
— Laissez-le, intervient ma mère qui marche devant eux.
— C’est à cause de toi qu’on en est là ! crie James.
— C’est à cause de Sirius qu’on s’est retrouvés là-bas ! réplique-t-elle en faisant volte face. Et c’est de ta faute si je lui ai dit ! De toute façon, il aurait fini par l’apprendre !
— Alors tu te chargeras de prévenir ton cher Remus que son secret n’est plus si secret et que ça ne tient qu’à Servilus de ne rien dire !
— Va te faire foutre James ! »
On échange un regard avec Harry. Ce n’est pas agréable à regarder.
« — Severus ! Il s’appelle Severus ! Il serait peut-être temps que tu le saches ! »
On change à nouveau. Lily et Rogue dans la cour du château. Une dispute. Elle n’aime pas ses amis. Ce sont des futurs mangemorts, visiblement ils n’ont pas attendu la fin de Poudlard pour commencer à s’en prendre aux nés moldus. C’est ce que ma mère disait.
Rogue pensait qu’ils étaient amis. Lily ne supporte pas ce genre de pratique. Leur amitié est vouée à disparaître. C’est impossible leur histoire. Il doit faire un choix. C’est ce qu’elle lui demande. Et lui, il ne le fait pas.
Un nouveau pas les éloignent.
Épreuve de BUSE. Je m’éloigne de Rogue pour l’observer à nouveau. Elle est belle, vraiment belle, comme Sirius, elle a cette beauté froide qu’elle n’a pas besoin de forcer. Tout est grâce, des sorciers se retournent pour la regarder, des filles la jalousent. Mais elle, elle regarde mon père, je remarque alors qu’elle tire sa manche sur son avant-bras. Elle a été mordue durant la dernière pleine lune.
Avec Sirius, elle échange un regard complice, la colère est passée, ils sont de nouveaux tous amis. Quand l’épreuve est finie, je suis surprise de la voir partir vers Lily. Elles sont déjà amies à cette période semble t-il. Elles se posent près du lac pour étudier, je pourrais la regarder des heures, la moindre information que je peux avoir d’elle me parait inestimable. Son écriture, comment elle passe la main dans ses cheveux, ses habits, son attitude, tout est nouveau, l’image de ma mère prend un peu plus forme.
Puis la mauvaise scène se déroule, un sentiment de malaise s’empare de moi.
« — Reste en dehors de ça toi. Ils le font depuis des années et tu n’as jamais rien dit ! »
Comme mon père, coupable de n’avoir rien dit.
Nouveau décor, le pallier de la salle commune de Gryffondor.
« — Je suis désolé.
— Ça ne m’intéresse pas.
— Je suis désolé !
— Épargne ta salive. »
Le couloir du Poudlard Express. Ma mère bras croisés face à Rogue.
« — Tu fais du chantage maintenant Rogue ?
— Je ne te demande pas de la convaincre, juste de lui parler.
— Tu devrais le lui dire maintenant, attends l’été et James te devancera.
— Elle le déteste..
— C’est quelqu’un de bien.
— Contrairement à moi ? railla t-il. »
Un cimetière. James face à Rogue, et ma mère qui le retient.
« — Il ne lui fera rien.
— Qu’est-ce que t’en sais ? »
Justement, elle sait tout. Et puis Lily qui arrive et alors le souvenir s’efface.
Poudlard, la Grande Salle.
« — Où est mon frère ? »
Ma mère a grandi. Sirius est derrière elle, elle parle donc de Regulus.
« — Il n’est pas là Lyra.
— Comment ça il n’est pas là ? »
Le ton monte et finalement elle déclare d’une voix blanche :
« — Alors il est avec lui. Et toi ? Tu vas aussi le rejoindre ? »
La provocation plane dans l’air.
Poudlard, une fenêtre donne sur le parc éclairé par un soleil d’été.
« — Il s’est fait marquer. »
Elle ne s’attendait pas à ça, elle pose des questions auxquelles il ne peut pas répondre.
« — Je ne peux pas te le dire.
— Parce que tu en es un toi aussi ?
— Ça ne te regarde pas.
— Tu vas faire l’erreur de ta vie.
— L’erreur de ma vie est d’avoir laissé Lily s’éloigner. »
Une autre ambiance. Le sommet d’une colline, froide et désolée dans l’obscurité, le vent sifflant à travers les branches de quelques arbres sans feuilles.
« — Ne me tuez pas !
— Ce n’était pas mon intention. Eh bien, Severus ? Quel est le message que Lord Voldemort veut me transmettre ?
— Pas... Pas de message... Je suis venu ici de ma propre initiative ! C’est... C’est une mise en garde... non, plutôt une demande... S’il vous plaît...
— Quelle demande pourrait donc me faire un Mangemort ?
— La... La prophétie... la prédiction... de Trelawney...
— Ah, oui. Qu’avez-vous communiqué à Lord Voldemort ?
— Tout... Tout ce que j’ai entendu ! C’est pourquoi... c’est pour cette raison... Il pense qu’il s’agit de Lily Evans !
— La prophétie ne mentionnait pas une femme. Elle parlait d’un garçon né à la fin du mois de juillet...
— Vous savez bien ce que je veux dire ! Il pense que c’est son fils, il va la traquer... les tuer tous...
- Si elle a tant d’importance à vos yeux, Lord Voldemort l’épargnera sûrement. Ne pouvez-vous lui demander la grâce de la mère en échange de son fils ?
— Je... Je l’ai déjà demandé...
— Vous me dégoûtez ! »
Le mépris dans sa voix me fait sursauter.
« — Vous ne vous souciez donc pas de la mort de son mari et de son enfant ? Ils peuvent bien disparaître, du moment que vous obtenez ce que vous voulez ?
— Cachez-les tous, dans ce cas… Mettez-la... mettez-les... à l’abri. S’il vous plaît.
— Et que me donnerez-vous en échange, Severus ?
— En... En échange ?
— Ce que vous voudrez."
Londres, un après-midi d’automne.
« — Je peux savoir pourquoi tu m'as contacté ? »
Je porte la main à ma bouche, surprise de me voir. Il n’y a pas de doute. C’est moi. Bébé dans cette poussette alors que ma mère et Rogue parlent en slalomant entre les passants.
« — Tu sais, ma fille ne dort pas lors des pleines lunes, elle doit tenir ça de son père tu me diras, et tu aurais sûrement raison. Elle reste éveillée et joue avec son doudou ou tout ce qui lui passe sous la main.
— Lyra, sans vouloir te vexer, les histoires de ta fille, je m’en…
— Du coup, moi non plus je ne dors pas. Je réfléchis et une question me revient sans cesse… Tu es au courant de la prophétie ? »
On se regarde avec Harry.
« — Oui, bien sûr que tu sais. Ce qui m’intrigue dans cette histoire est que Dumbledore l’a entendue, et que Tu-Sais-Qui aussi. Comment ? Soit deux personnes différentes l’ont entendues et le lui ont rapporté, soit c’est une unique et seule personne. Cela ferait plus sens. Une prophétie on l’entend une fois, puis ce n’est pas quelque chose qui est crié sur tous les toits. Surtout celle-ci, non ?
— Je ne vois pas où tu veux en venir.
— Au contraire, je pense que tu sais parfaitement. Dans le cas d’une seule et même personne, qui aurait pu prévenir les deux camps ?
— Tu as demandé à Dumbledore plutôt que de me faire perdre mon temps ?
— Figure toi que oui. Il m’a dit que c’était lui qui l’avait entendue.
— Voilà, tu as ta réponse, je dois y aller.
— Mais du coup, qui est l’autre personne qui l’a rapporté ? Autre chose me chagrine. La prophétie ne parlait pas de l’enfant en particulier, n’est-ce pas ? »
Ils arrêtent de marcher.
« — Je ne connais pas le contenu exact de cette prophétie, c’est vrai. Sauf que je sais, qu’elles ne donnent jamais un nom exact, juste des interprétations qui mènent aux personnes. Lui, il a compris que c’était Harry, le fils de Lily, alors il a décidé de le tuer et toi tu t’es rendu compte de ce que cela signifiait.
— Tu extrapoles complètement.
— Vraiment ? Alors dis-moi que j’ai tort. Explique-moi ce qui s’est passé.
— La personne qui a fait cette prophétie pourrait très bien avoir été d’elle-même voir le Seigneur des Ténèbres.
— Dumbledore a engagé une nouvelle professeure de divination, petite-fille d’une illustre voyante dont je ne me souviens pas du nom. C’est certainement elle qui a fait la prophétie, tu me dis qu’elle aurait fait une escapade de nuit ? Comme ça pour le plaisir ?
— Tu ne sais rien Lyra.
— Quand va-t-il les attaquer ? »
Le voilà le but de cette rencontre. Elle est inquiète pour ses amis et pour Harry.
« — Je n’en sais rien ! »
Il perd son sang-froid. Lui aussi a peur.
« — Elle est à l’abri ?
— Ils sont à l’abri oui.
— En Angleterre ? S’il te plait, ne me dit pas qu’il a été assez con pour cacher Lily sous son nez.
— James n’a pas été le seul à prendre cette décision.
— Putain…
— C’était toi ? Le double informateur ? »
Elle a de l’espoir dans la voix. Je ne sais pas ce qu’elle veut faire de cet échange. Mais elle a un plan qui n’a pas fonctionné. C’est insupportable de regarder ça.
« — Tu as été trop maligne… Tu l’as vu tellement vite que… Que je l’aimais…
— J’étais seule. On observe les autres quand on est seul.
— C’était si évident ? »
Haussement d’épaule.
« — S’il te plaît, assure-toi qu’elle est en sécurité.
— Bien sûr. »
Je crois que c’est terminé et m’apprête à voir un nouveau décor, mais elle retient Rogue par le bras. L’inquiétude est toujours présente.
« — Tu…
— Oui. Oui je garderais un oeil sur ta fille si jamais il vous arrivait quelque chose.
— Merci…
— La légilimencie. Tu devrais t’y mettre. Ton frère était excellent dans ce domaine. »
Bureau de Dumbledore. Les larmes coulent alors que je comprends ce que je viens de voir, le cri de plainte de Rogue est horrible et me brise le cœur. Je pense au Square Grimmaurd, incapable de me concentrer sur ce qui se passe.
Il a tenu sa promesse.
« — Je croyais... que vous alliez la mettre... en sûreté...
— James et elle ont accordé leur confiance à quelqu’un qui ne la méritait pas.
Un peu comme vous, Severus. N’espériez-vous pas que Lord Voldemort l’épargnerait ?
— Son fils a survécu. Son fils a survécu. Il a ses yeux, exactement les mêmes. Vous vous souvenez sûrement de la forme et de la couleur des yeux de Lily Evans ? »
Je pleure. Ce gâchis qui ne s’arrête pas…
« — ARRÊTEZ ! Partie... Morte...
— Serait-ce du remords, Severus ?
— Je voudrais... Je voudrais, moi, être mort...
— Et en quoi cela servirait-il à qui que ce soit ? Si vous aimiez Lily Evans, si vous l’aimiez vraiment, la voie qui s’offre à vous est toute tracée.
— Que... Que voulez-vous dire ?
— Vous savez comment et pourquoi elle est morte. Faites en sorte que cela n’ait pas été en vain. Aidez-moi à protéger le fils de Lily.
— Il n’a pas besoin de protection, le Seigneur des Ténèbres n’est plus là…
— Le Seigneur des Ténèbres reviendra, et un terrible danger menacera alors Harry Potter. »
Je sèche mes larmes pendant le silence qui suit.
« — Très bien, très bien. Mais ne le dites jamais à personne, Dumbledore, jamais à personne ! Cela doit rester entre nous ! Jurez-le ! Je ne peux pas supporter... Surtout le fils de Potter... Je veux votre parole !
— Vous voulez ma parole, Severus, que je ne révélerai jamais ce qu’il y a de meilleur en vous ? Si vous insistez… »
Le même bureau, des années plus tard.
« — ... médiocre, aussi arrogant que son père, décidé à ne tenir compte d’aucune règle, ravi de découvrir qu’il est célèbre, cherchant toujours à se rendre intéressant, impertinent...
— Vous voyez uniquement ce que vous vous attendiez à voir, Severus. D’autres enseignants affirment que ce garçon est modeste, sympathique et raisonnablement doué. À titre personnel, je le trouve assez attachant. Surveillez un peu Quirrell, voulez-vous ? »
Poudlard, bal de Noël lors du Tournoi.
« — Alors ?
— Comme pour Emilynn, la Marque de Karkaroff devient également plus nette. Il est paniqué, il a peur des représailles. Vous savez toute l’aide qu’il a apportée au ministère après la chute du Seigneur des Ténèbres. Karkaroff a l’intention de prendre la fuite si la Marque le brûle.
— Vraiment ? Et vous avez l’intention de l’imiter ?
— Non. Je ne suis pas un lâche.
— En effet. Vous êtes plus courageux, et de très loin, qu’Igor Karkaroff. Vous savez, parfois, je pense que nous répartissons un peu trop tôt… »
Bureau du directeur.
« — Pourquoi, pourquoi avez-vous mis cette bague ? Elle est frappée d’un maléfice, vous vous en êtes sûrement rendu compte. Pourquoi même y avez-vous touché ?
— J’ai... été stupide. J’étais terriblement tenté...
— Tenté par quoi ? C’est un miracle que vous ayez réussi à revenir ici ! Cette bague porte en elle un maléfice d’une extraordinaire puissance, tout ce que nous pouvons espérer, c’est d’en limiter les effets. Pour l’instant, j’ai enfermé le sortilège dans une seule main...
— Vous avez très bien fait, Severus. Combien de temps me reste-t-il, à votre avis ?
— Je ne saurais le dire. Peut-être un an. On ne peut arrêter indéfiniment un tel sortilège. Il finira par se répandre, c’est le genre de maléfice qui se renforce avec le temps.
— J’ai de la chance, beaucoup de chance, de vous avoir, Severus.
— Si seulement vous m’aviez appelé un peu plus tôt, j’aurais pu faire davantage, vous gagner un peu plus de temps ! Pensiez-vous que briser la bague briserait le maléfice ?
— Quelque chose comme ça... J’étais en plein délire, sans nul doute… En fait, voilà qui rend les choses plus simples. Je veux parler du plan que Voldemort a échafaudé à mon intention. Son plan pour amener le malheureux Malefoy à me tuer.
— Le Seigneur des Ténèbres ne s’attend pas à ce que Drago réussisse. Il s’agit d’un simple châtiment destiné à punir les récents insuccès de Lucius. Une torture lente pour que ses parents voient Drago échouer et en payer le prix.
— En résumé, ce garçon est condamné à mort aussi sûrement que moi. J’aurais tendance à croire que le successeur naturel pour accomplir ce travail, une fois que Drago aura échoué, sera vous-même ? »
Mon coeur bat plus vite, des choses s'emboîtent, d’autres se dévoilent.
« — Je pense que c’est le plan du Seigneur des Ténèbres.
— Lord Voldemort prévoit donc que, dans un avenir proche, il n’aura plus besoin d’espion à Poudlard ?
— Il estime en effet que l’école tombera bientôt sous sa coupe.
— Et si elle tombe sous sa coupe, j’ai votre parole que vous ferez tout ce qui est en votre pouvoir pour protéger les élèves de Poudlard ? »
Rogue acquiesce.
« — Bien. Alors, voilà. Votre première priorité sera de découvrir ce que prépare Drago. Un adolescent apeuré est un danger pour les autres comme pour lui-même. Offrez-lui une aide et des conseils, il devrait accepter, il vous aime bien...
— ... Beaucoup moins depuis que son père est en disgrâce. Drago m’en rend responsable, il pense que j’ai usurpé la position de Lucius.
— Essayez quand même. Je suis moins inquiet pour moi que pour les éventuelles victimes des stratagèmes auxquels ce garçon pourrait avoir recours. Bien entendu il n’y aura qu’une seule chose à faire, en définitive, si nous voulons le sauver de la colère de Lord Voldemort.
— Vous avez l’intention de le laisser vous tuer ?
— Certainement pas. C’est vous qui devrez me tuer. »
Je m’assois pour regarder la suite de la discussion. Je n’ai plus la force de rester debout. Pas après toutes ces émotions et révélations. Dumbledore lui a demandé de le tuer. Pour l’honneur ? Pour le maître du Bâton de la Mort ? Pour protéger un innocent ? Pourquoi ?!
« — Vous voulez que je le fasse maintenant ? Ou souhaitez-vous que je vous accorde quelques instants de répit pour composer une épitaphe ?
— Oh, nous ne sommes pas pressés. J’imagine que l’occasion se présentera le moment venu. Étant donné ce qui s’est passé ce soir – il montra sa main desséchée –, on peut être sûr que cela arrivera d’ici un an.
— Si mourir ne vous gêne pas, pourquoi ne pas laisser Drago se charger
de vous tuer ?
— L’âme de ce garçon n’est pas encore trop abîmée. Je ne voudrais pas qu’elle soit ravagée à cause de moi.
— Et mon âme à moi, Dumbledore ? La mienne ?
— Vous seul pouvez savoir si le fait d’aider un vieil homme à échapper à la douleur et à l’humiliation affectera votre âme. Je vous demande cette grande et unique faveur, Severus, car la mort vient à moi aussi sûrement que les Canons de Chudley arriveront derniers du championnat cette année. Je dois vous avouer que je préférerais une sortie rapide et indolore plutôt que longue et répugnante si, par exemple, Greyback s’en mêlait – j’ai entendu dire que Voldemort l’avait pris à son service ? Ou encore, si j’avais affaire à cette chère Bellatrix qui aime bien jouer avec la nourriture avant de la manger. »
Rogue accepte.
« — Merci, Severus… »
Parc de Poudlard au crépuscule.
« — Qu’est-ce que vous faites avec Potter pendant toutes ces soirées où vous êtes enfermés tous les deux ?
— Pourquoi ? Vous voudriez lui infliger encore plus de retenues, Severus ? Ce garçon aura bientôt passé plus de temps en retenue que dehors.
— On dirait que c’est son père qui est revenu...
— Dans son apparence physique, peut-être, mais sa nature profonde est plus proche de celle de sa mère. Je passe ces soirées avec Harry car je dois m’entretenir de certains sujets avec lui, lui donner des informations avant qu’il ne soit trop tard.
— Des informations. Vous avez confiance en lui... Vous n’avez pas confiance en moi.
— Ce n’est pas une question de confiance. Comme nous le savons tous les deux, le temps m’est compté. Il est essentiel que je fournisse à ce garçon suffisamment d’éléments pour qu’il puisse accomplir la tâche qui lui incombe.
— Et pourquoi ne puis-je prendre connaissance de ces mêmes éléments ?
— Je préfère ne pas mettre tous mes secrets dans le même panier, surtout dans un panier qui passe autant de temps accroché au bras de Lord Voldemort.
— Ce que je fais sur votre ordre !
— Et vous le faites très bien. Ne croyez pas que je sous-estime le danger permanent dans lequel vous vous placez, Severus. Transmettre à Voldemort des renseignements précieux tout en lui cachant l’essentiel est un travail que je ne confierais à personne d’autre que vous.
— Pourtant, vous révélez beaucoup plus de choses à un garçon incapable de pratiquer l’occlumancie, un garçon dont les capacités magiques sont médiocres et qui a une connexion directe avec l’esprit de Lord Voldemort !
— Voldemort redoute cette connexion. Il n’y a pas si longtemps, il a eu un avant- goût de ce que pouvait signifier pour lui le fait de partager véritablement l’esprit de Harry. Jamais il n’avait connu une telle douleur et je suis sûr qu’il ne tentera plus de le posséder. Pas de cette manière, en tout cas.
— Je ne comprends pas.
— L’âme de Voldemort, mutilée comme elle l’est, ne peut supporter un contact étroit avec une âme comme celle de Harry. Telle la langue sur l’acier gelé, ou la chair dans le feu...
— L’âme ? Nous parlions d’esprit !
— Dans le cas de Harry et de Lord Voldemort, quand on parle de l’un, on parle aussi de l’autre. »
Je ne comprends pas. Je suis suspendue à leurs lèvres pour tenter de comprendre, la clé de tout ça est ici, je le sens.
« — Après m’avoir tué, Severus...
— Vous refusez de tout me dire, mais vous voulez quand même que je vous rende ce petit service ! Vous considérez beaucoup de choses comme acquises, Dumbledore ! Mais peut-être que j’ai changé d’avis !
— Vous m’avez donné votre parole, Severus. Et puisqu’il est question des services que vous me rendez, je croyais que nous nous étions mis d’accord pour que vous teniez à l’œil notre jeune ami de Serpentard ! Venez dans mon bureau ce soir, Severus, à onze heures, et vous ne pourrez plus vous plaindre en disant que je n’ai pas confiance en vous… »
Bureau de Dumbledore. Je me relève et m’approche, je ne veux rien louper. Il parlait d’âmes, de ne faire qu’un…
« — Il faut que Harry continue d’ignorer jusqu’au dernier moment, jusqu’à ce qu’il lui soit nécessaire de savoir, sinon comment pourrait-il avoir la force d’accomplir ce qui doit être fait ?
— Et que doit-il accomplir ?
— Ça reste entre Harry et moi. Maintenant, écoutez-moi attentivement, Severus. Le moment va venir, après ma mort – ne discutez pas, ne m’interrompez pas ! Le moment va venir où Lord Voldemort semblera s’inquiéter pour la vie de son serpent.
— Nagini ?
— Exactement. Si un jour, Voldemort cesse d’envoyer ce serpent exécuter ses ordres et le garde à l’abri auprès de lui, sous protection magique, alors je pense qu’on pourra sans risques tout révéler à Harry.
— Lui révéler quoi ?
— Lui révéler que le soir où Voldemort a essayé de le tuer, lorsque Lily a dressé entre eux deux sa propre vie comme un bouclier, le sortilège de Mort a ricoché sur le Seigneur des Ténèbres et qu’un fragment de son âme lui a été arraché. Ce fragment s’est accroché à la seule âme vivante qui restait dans cette maison dévastée. Une partie de Lord Voldemort vit ainsi à l’intérieur de Harry. C’est cela qui lui donne le pouvoir de parler aux serpents et qui établit avec Lord Voldemort une connexion dont il n’a jamais compris la nature. Et tant que ce fragment d’âme, à l’insu de Voldemort, reste attaché à Harry et protégé par lui, Lord Voldemort ne peut mourir. »
Je titube en reculant. Les larmes coulent toutes seules. C’est trop, ça fait trop. Et à nouveau cette injustice…
« — Alors, ce garçon... ce garçon doit mourir ? »
C’est quoi ce monde ? Pourquoi lui aussi ? Il n’en a pas assez fait ?
« — Et Voldemort devra le tuer de sa main, Severus. C’est essentiel. »
Je ne veux pas le perdre.
« — J’ai cru... toutes ces années... que nous le protégions pour elle. Pour Lily. »
Je n’ose pas le regarder, j’écoute et observe ces hommes qui sont tout aussi bouleversés que nous. Même Rogue ne veut pas de ça. Et Dumbledore… Oh il savait tout depuis le début…
« — Nous l’avons protégé parce qu’il était fondamental d’assurer son enseignement, de l’élever, de lui permettre d’éprouver sa force. Pendant ce temps, la connexion qui existait entre eux s’est développée, comme une excroissance parasitaire : parfois, j’ai pensé qu’il le soupçonnait lui-même. Si je le connais bien, il aura fait ce qu’il faudra pour que, le jour où il ira à la rencontre de sa propre mort, ce soit aussi la fin véritable de Voldemort. »
Il doit y avoir un autre moyen…
« — Vous l’avez maintenu en vie pour qu’il puisse mourir au bon moment ?
— Ne soyez pas choqué, Severus. Combien d’hommes et de femmes avez-vous vus mourir ?
— Récemment, seuls ceux que je n’ai pas pu sauver. Vous vous êtes servi de moi.
— Que voulez-vous dire ?
— Que j’ai espionné pour vous, menti pour vous, que j’ai couru des dangers mortels pour vous. Tout cela devait assurer la sécurité du fils de Lily Potter. Et maintenant, vous m’annoncez que vous l’avez élevé comme un porc destiné à l’abattoir...
— Voilà qui est très émouvant, Severus. En êtes-vous venu à éprouver de l’affection pour ce garçon ?
— Pour lui ? Spero Patronum ! »
Les larmes se poursuivent alors qu’une biche jaillit de sa baguette.
« — Après tout ce temps ?
— Toujours. »
Nouveau décor. Ce même bureau, mais Rogue parle maintenant au portrait de Dumbledore. C’est lui qui donne la date de la sortie d’Harry de Privet Drive, lui aussi qui suggère l’idée des leurres en ensorcelant Mondingus…
Puis il vole, lance un sort pour protéger mon père, mais les choses tournent mal et c’est George qui est touché.
Square Grimmaurd. Il pleure, la lettre de Lily à la main.
« ait jamais pu être ami avec Gellert Grindelwald. Personnellement, je crois qu’elle a un peu perdu la tête.
Avec toute mon affection,
Lily »
Mes larmes n’ont pas cessé de couler. La douleur revient, l’envie de disparaître aussi. Mais autre chose fait surface, une sorte de résilience. Pour Teddy, pour la liberté, pour que tous ces sacrifices ne soient pas vains… Il faut en finir.
Ma vie se termine ici. Mais cela ne signifie pas que celle des autres l’est également.
Devant moi, Rogue nous dépose l’épée au fond du lac et envoie son patronus chercher Harry. Ça y est la boucle est bouclée. Retour à la réalité. L’obscurité de la nuit se referme autour de nous, le silence vient comme une libération.
À mes côtés, Harry a compris qu’il n’est pas censé survivre. Ça y est, c’est le terme de cette histoire. La prophétie va se terminer.
Je sens mon cœur battre contre la poitrine, je me sens si vivante que c’en est indécent. Cette énergie que j’ai encore, que je ressens dans mon corps doit être utilisée à bon escient. Parce qu’une fois qu’il ira voir Voldemort, il ne sera plus là pour la dernière bataille. Il reste le serpent, et puis ce sera la fin.
— Allons-y, murmure Harry.
C’est le signe du départ. Il ne me demande pas si je l’accompagne jusqu’à la forêt, la réponse est évidente.
Nous prenons la route vers la sortie du château cachés sous la cape d’invisibilité. Personne ne croise notre chemin, même les tableaux sont vides. La mort n’attend pas les adieux, elle est trop impatiente. Nous n’allons pas voir Ron et Hermione une dernière fois.
Tels deux fantômes, nous descendons les marches, traversons les couloirs et marchons dans le parc. Je ne pensais pas croiser une âme qui vive.
— Tu sais, je peux m’en occuper tout seul, Neville.
C’est Dubois, ils ramènent un corps. En s’approchant, je réalise que c’est Colin Crivey.
Comme une piqûre de rappel, quelque chose qui nous dit « voilà pourquoi on se bat ». Pour la prophétie, pour le bien et le mal, pour la liberté et la vie.
Nous voilà à l’orée de la forêt. Harry s’arrête et nous retirons la cape.
— Le serpent… Demande à Neville aussi de le tuer.
— D’accord.
— Il faut tuer le serpent.
— Ce sera fait.
Il hoche doucement de la tête. Son visage est fermé, déterminé. J’attends.
— Ginny… Veille sur elle.
— Elle ne mourra pas ce soir.
C’est une promesse.
— Merci.
Il met sa main dans sa poche et ressort le Vif d’Or légué par Dumbledore. « Je m’ouvre au terme. » Oui, il est là le terme. C’est fini, et alors… La vie et la mort n’ont pas d’importance. Mes yeux se ferment, j’entends le cœur d’Harry battre à mes côtés.
— Je suis sur le point de mourir.
Sa main cherche la mienne, agrippés l’un à l’autre, je sais ce qui est en train de se faire. Je ne sais pas si je veux vivre ça, mais mes yeux s’ouvrent tous seuls et alors je les vois devant moi.
Ce ne sont ni des fantômes, ni vraiment des êtres de chair. Ils sont juste là, des sourires plein d’amour aux lèvres. Elle, elle est là, devant moi, c’est vrai qu’on se ressemble, ses cheveux noirs qui tombent en cascade sur ses épaules, la même silhouette, la même forme d’yeux… De la voir debout à côté de mon père, je comprends comment je suis un mix des deux. Les taches de rousseur, le visage, mes cheveux ondulés…
Voilà, ce sont mes parents, et maintenant, je vais faire la chose la plus difficile de ma vie sans eux.
Ma mère s’avance et nous parle.
— Nous sommes toujours là avec vous.
Ce n’est pas ce que je ressens. Je me sens seule, très seule.
— Dans votre coeur, partout, nous sommes avec vous, ajoute t-elle.
— D’accord… je murmure.
— Vous avez été si courageux, dit Lily qui a un sourire lumineux.
Et James… Oh James c’est Harry tout craché.
— Vous y êtes presque, dit-il. Tout près. Nous sommes... si fiers de vous.
— Est-ce que ça fait mal ?
— Mourir ? Pas du tout. C’est plus rapide et plus facile que de tomber endormi.
Sirius… Sirius aussi est là. Sa désinvolture m’a manquée. J’aimerais prendre un peu de ça pour quand je partirai.
— Et il voudra aller vite. Il a hâte d’en finir.
Entendre la voix de mon père est le plus difficile. Parce que je sais qu’après ça, ça ne sera plus le cas. C’est cette voix qui me racontait des histoires, cette voix qui jouait aux échecs avec moi, la vie en France, nos retrouvailles à Poudlard, notre équilibre en Angleterre… C’était si bien.
— Je ne voulais pas que vous mouriez, dit Harry. Ni aucun d’entre vous. Je suis désolé… Remus, je suis vraiment désolé...
— Moi aussi. Je suis désolé de ne pas pouvoir le connaître, mais il saura pourquoi je suis mort et j’espère qu’il comprendra. J’essayais de construire un monde dans lequel il pourrait avoir une vie plus heureuse.
Il me regarde.
— Je te promets qu’il aura une vie heureuse, je murmure.
— Je n’en doute pas.
— C’est dur…
— Je sais, ça va aller.
— Vraiment ?
— La douleur ne part jamais, mais elle devient supportable, tu verras…
— Je ne sais pas si j’y arriverais…
Il me fait un sourire rassurant.
— Bien sûr que si, on a aucun doute, dit Lily.
— La force d’une Gryffondor… ajoute Sirius.
— Et on sera là, finit James.
Je ferme les yeux pour laisser les larmes couler. Quand je les rouvre, je suis prête à les laisser partir.
— Je t’aime ma chérie, me dit ma mère.
J’hoche la tête incapable de parler tant l’émotion me submerge. J’avais besoin d’entendre ça. Puis je me tourne vers Harry. On ne dit pas un mot, on se serre l’un contre l’autre. Un adieu après tout ce temps… Des destins liés qui se séparent maintenant.
J’ai lâché sa main. Ils ne sont plus là quand je recule. Ils sont avec lui, je sais qu’ils ne le laisseront pas seul. On se regarde une dernière fois yeux dans les yeux, coeurs palpitants, déchirés, encore vivants.
Et puis je pars sans me retourner, quittant la Forêt Interdite à grandes enjambées, il faut que je le fasse vite, sinon je vais revenir en arrière. J’arrive vers la pelouse du château, les corps ne sont plus là, le vide me donne le vertige. Je tombe à genoux, épuisée. Mes mains crispées sur ma poitrine, je tente de reprendre mon souffle alors que le chagrin s’abat sur moi.
Je m’autorise quelques secondes pour reprendre mon souffle. J’ai besoin de ça pour lâcher la tension, quitter mes émotions, garder le loup près de moi et être prête à me battre quand je me relèverai.
La force de Gryffondor, la mission d’Harry, Teddy, c’est ça qui me fait me mettre en marche. Je dois faire vite, Voldemort ne va pas perdre de temps. Par quoi je commence ?
Je passe par une ouverture du château causée par un géant et trouve des toilettes à côté. Passer de l’eau sur mon visage me permet de remettre mes idées en place. Face à mon reflet dans le miroir, je sais par quoi je vais commencer.
Ginny.
Serpent.
Teddy.
De retour dans la Grande Salle, je me blinde pour ne pas laisser les émotions revenir. C’est étonnement assez facile en se rappelant pourquoi je le fais : « Ginny, serpent, Teddy. Ginny, serpent, Teddy. Ginny, serpent, Teddy. »
Retour à la Grande Salle. Ron et Hermione viennent vers moi.
— Attendez un instant.
Mon ton est sec et n’incite pas à la discussion. Je n’attends pas leur réaction, je vais vers George qui est assis à l’écart contre un mur. En passant, je n’ai pas peur de voir le visage de mon père ou de Dora.
« Ginny, serpent, Teddy. »
Je m’accroupis face à George qui a les yeux rouges.
« Ginny, serpent, Teddy. »
— George, regarde-moi.
Il s’exécute.
Inspiration…
« Ginny, serpent, Teddy. »
— J’ai besoin que tu fasses quelque chose.
Expiration…
« Ginny, serpent, Teddy. »
- Promets-moi que tu vas rester près de Ginny. Que quoiqu’il arrive, tu restes près d’elle et l’empêches de faire quelque chose d’idiot. Tu peux faire ça ?
Il hoche la tête. Je sais que oui. Rien ne va l’arrêter maintenant.
— D’accord.
Soulagement.
« Serpent, Teddy. »
— Merci.
Ma voix se brise. Trop d'émotions.
« Serpent, Teddy. »
Je me blinde à nouveau.
— Je dois y retourner. Ils vont revenir.
Nous sommes toujours les yeux dans les yeux. Je l’aime tellement, je suis désolée de faire ça. J’aimerais lui dire, ajouter quelque chose, mais les mots ne viennent pas. Il faut que je continue.
« Serpent, Teddy. »
Alors je me relève, vais vers une table, me hisse dessus et immédiatement les quelques voix se taisent, les têtes se tournent, les baguettes sont aux poings.
— Ils reviennent. Je sais que c’est dur, oui, je sais. Mais ils reviennent et ce soir, tout se joue. La liberté et la paix, c’est pour ça que nous nous battons. Pour les prochaines générations, pour un monde meilleur, pour que tous les sacrifices ne soient pas vains.
Je désigne les corps allongés au sol.
— Pour eux… Pour eux, il faut en finir…
« Serpent, Teddy. »
Je descends de la table et pars vers la sortie. Ron et Hermione me rejoignent.
— Emy, où est Harry ?
Neville est déjà sur les marches du château. Parfait.
— Il reste le serpent, dis-je. Il faut le tuer.
Il fronce les sourcils.
— D’accord ? L’un de vous trois doit s’en charger.
— D’accord Emy, déclare Neville.
Bien.
Baguette au poing, je marche sur la pelouse, scrutant l’horizon de la forêt pour les voir arriver.
— Emy, qu’est-ce qui se passe ? me demande Ron.
— On a regardé les souvenirs de Rogue. Ça nous a donné beaucoup de réponses.
Il ne s’attendait pas à cette réponse.
— Harry y est allé, n’est-ce pas ? murmure Hermione.
J’hoche la tête.
— Il faut tuer le serpent, vous comprenez ?
— Oui, on va le tuer, assure Hermione, les larmes aux yeux.
— Bien.
Ron a la mâchoire serrée.
— Il devait y aller.
Je ne sais pas ce qu’il comprend, mais ça achève de le convaincre.
— Oui, on va le tuer.
Je frémis, ça y est, ils sont là.
Un cortège s’avance, la silhouette d’Hagrid est reconnaissable entre mille, et il a un corps dans les bras. Derrière-moi, je sens la force et la magie des gens qui m’entourent. Nous sommes prêts.
— Harry Potter est mort. Il a été tué alors qu’il prenait la fuite, essayant de se sauver pendant que vous donniez vos vies pour lui. Nous vous apportons son cadavre comme preuve que votre héros n’est plus. La bataille est gagnée. Vous avez perdu la moitié de vos combattants. Mes Mangemorts sont plus nombreux que vous et le Survivant est fini à tout jamais. Il ne doit plus y avoir de guerre. Quiconque continuera à résister, homme, femme, enfant, sera éliminé ainsi que tous les membres de sa famille. Sortez maintenant du château, agenouillez-vous devant moi, et vous serez épargnés. Vos parents, vos enfants, vos frères et vos sœurs vivront, ils seront pardonnés, et vous vous joindrez à moi pour que nous reconstruisions ensemble un monde nouveau.
Ils avancent et forment une ligne devant nous. On voit le corps d’Harry.
— NON !
Le cri de McGonagall me surprend. Je serre les dents et reste de marbre. Mes doigts se resserrent un peu plus sur ma baguette alors que je garde mes yeux fixés sur Harry.
— Harry, non !
C’est Ginny, mais je ne la vois pas me dépasser pour se jeter sur eux. George a rempli sa mission.
— TAISEZ-VOUS ! C’est fini. Pose-le par terre, Hagrid, à mes pieds, c’est là qu’est sa place ! Vous voyez ?
Il se recule du corps d’Harry. J’ai toujours mes yeux fixés sur lui. Les mensonges de Voldemort ne m’atteignent pas. J’attends que la bataille reprenne. Le loup en moi gronde, Greyback est dans le lot, il est tout proche.
Un cri, un sort explose et je détourne mon attention sur le no man’s land où Neville est étendu. Bellatrix veut lui jeter un sort, mais je suis plus rapide et détourne le sortilège. Elle crie de frustration.
— Tu vas mourir comme les autres !
Sa menace ne m’atteint pas.
— Mais tu es un Sang-Pur, n’est-ce pas, mon garçon, toi qui es si courageux ?
— Et alors ?
— Tu as montré du caractère et de la bravoure et tu es issu d’une noble lignée. Tu feras un précieux Mangemort. Nous avons besoin de gens comme toi, Neville Londubat.
– Je me rallierai à vous quand il gèlera en enfer ! L’armée de Dumbledore !
Je me tiens prête à le défendre, il n’a plus sa baguette.
— Très bien. Si tel est ton choix, Londubat, nous allons revenir au plan d’origine. Ce sera sur ta tête.
Je me tends, croyant qu’il allait attaquer, mais il fait venir le Choixpeau à lui. Que fait-il ? Je comprends qu’il gagne du temps, il ne veut pas tous nous tuer, il veut nous faire peur, qu’on change de camp et que la bataille s’arrête là. J’observe ses troupes. Lui aussi a essuyé des pertes. Et ceux qui sont encore debout, sont blessés, tout comme nous.
Nous sommes à égalité, nous avons nos chances.
— Il n’y aura plus de Répartition au collège Poudlard. Il n’y aura plus de maisons. L’emblème, le blason et les couleurs de mon noble ancêtre, Salazar Serpentard, suffiront à chacun, n’est-ce pas, Neville Londubat ?
Le Choixpeau vissé sur sa tête, Neville ne bouge pas.
— Il va maintenant nous montrer ce qui arrive aux gens suffisamment sots pour s’opposer à moi.
Beaucoup de choses se passent en même temps. Son sort, plus rapide que le mien, met en feu le Choixpeau. Neville hurle et se mêlent à sa voix, des centaines de personnes qui arrivent depuis l’enceinte de l’école. Géants, centaures, sombrals, sorciers…
Je lance un deuxième sort pour éteindre le Choixpeau, l’un des sorts de Ron ou Hermione est plus rapide. Neville tombe au sol, et brandit quelque chose…
Une épée.
Le serpent…
J’ai quitté le corps d’Harry du regard, je le cherche mais…
— Il n’est plus là !
— Mais…
— Où…
— Il n’est plus là ! je répète avec maintenant de l’espoir dans la voix.
Et le serpent est mort.
La bataille s’est de nouveau lancée. Je vois Greyback bondir. Mon sang ne fait qu’un tour, je ne veux pas qu’il fasse de nouveaux ravages. Un groupe de centaures me coupe le chemin, les choses bougent vite, j’ai perdu Ron et Hermione, je décide de rejoindre le château où une partie de la bataille se tient. Je n’entends pas, je suis concentrée sur les mouvements des gens, les sorts, ceux qui ont besoin d’aide. Je jette un sort pour protéger quelqu’un et lui donner le temps de rebondir, attaque un autre qui arrivait de dos…
Dans le hall, aux centaures déjà présents se joignent les elfes de maison. L’image est saisissante. Kreattur, le médaillon de Regulus sur la poitrine, un couteau à la main, mène la danse.
Le sang coule, le loup gronde. Je sais où je dois aller. Je grimpe les marches deux à deux et arrive sur le palier où Greyback s’apprête à se jeter sur un étudiant, terrorisé. Lavande Brown est étendue au sol, dans une mare de sang.
— Greyback !
Il s’arrête, se retourne, un sourire aux lèvres.
— Te voilà…
- Éloigne-toi d’elle.
— Sinon quoi ?
— Tu me voulais, me voilà. Battons-nous, finissons-en.
— Comme des loups ?
Comme réponse, je retire mon sac et ma veste, les laisse tomber au sol, et pose ma baguette dessus. En relevant la tête, mon regard croise celui de George. Du sang s’écoule de son bras, et immédiatement je m’inquiète.
— Bien jeune louve. Battons-nous. La mort marquera la fin du combat.
J’envoie tout mon amour par mon regard, espérant que George le reçoive.
— D’accord, je murmure.
Nos regards se quittent, je m’avance, me transforme et nous entamons une ronde avec Greyback. Il est humain, mais se tient à quatre pattes, quelque chose s’est passé, il a un visage encore plus bestial que jamais, ses bras sont plus épais, ses griffes plus longues, ses dents aussi…
Un grondement sort de sa gorge alors que George derrière lui, tire Lavande à l’abri avec l’aide de Lee. Bien, maintenant, je me concentre.
Les premiers coups arrivent. Il est plus rapide, plus fort, sait comment se battre. Il ne retient pas ses coups, sa bestialité est puissante, très puissante. Je sens tout de suite que je vais perdre. Je me dis pourtant qu’avec de la détermination, je peux faire mieux que ça. Je tente de répliquer, mais pour un coup que je porte, il en fait deux et assez rapidement, je suis couverte de plaies. Mon sang tapisse le sol.
Je vais perdre.
Je pense aux mots de ma mère qui m’accompagne. Elle est morte en se battant contre Voldemort. Il était plus fort, mais moi, j’ai survécu, tout comme Lily qui s’est sacrifiée pour que Harry vive. Et maintenant Voldemort va mourir.
Moi avec ?
Je suis la fille d’un loup-garou et d’une animagus. Je suis sorcière. Je suis Gryffondor. Je suis loup.
Je suis loup.
La vérité me frappe de plein fouet. Je suis loup, le loup et moi ne formons qu’un. Il faut que je le laisse prendre le dessus. Je suis une sorcière, et la Bête au fond de moi a la rage.
Le loup prend possession.
— Tu vas mourir, me dit Greyback.
Un grognement sort de ma gorge, quelque chose de rauque, inhumain qui le fait hésiter.
Puis j’attaque. Ma rage n’a pas d’égal. Je ne suis pas seule. Rien ne m’arrête. Greyback fait un premier pas en arrière, puis un autre. Mes blessures ne me ralentissent pas, je ne sens plus rien. Je ne suis que rage de me battre. Le goût du sang me fait perdre la raison, j’en veux plus, en finir, ne plus sentir d’émotions. Plus de peine, plus d’amour…
L’amour.
« Teddy. »
Je m’arrête. Greyback est au sol, seule sa poitrine qui se soulève indique qu’il est encore en vie. Plus pour longtemps, ses blessures sont énormes et exposent des organes vitaux. L’humaine arrive à reprendre le dessus et je me retransforme pour me tenir debout face à lui.
Haletante, je regarde l’étendue des dégâts que j’ai causés. La vue de tout ce sang et cette chair me choque.
— Vilain, n’est-ce pas ?
Le sourire de Greyback est plein de rouge, sa poitrine se soulève difficilement, il a encore tellement de haine dans son regard.
— Tu n’es pas mieux que moi… Tu veux te prouver le contraire, mais tu n’es qu’une Bête assoiffée de sang… Ce sentiment est délicieux… Il ne te quittera jamais…
Je détourne le regard. Les gens autour de nous se sont arrêtés pour regarder le combat. Ils sont terrifiés en me regardant, je baisse la tête et vois que je suis couverte de rouge, je porte mes mains ensanglantées à mon visage, je sens un goût ferreux qui m’écœure comme il m’anime à la fois.
Il croit que je suis comme lui, il se trompe.
Je retourne à ma veste où ma baguette est toujours posée. George est là, je n’arrive pas à lire son regard.
Baguette à la main, je retourne auprès de Greyback. La douleur le fait se crisper, il ne parvient pas à parler, du sang coule de sa bouche, la fin est pour bientôt, il n’y a rien à faire.
Je tends ma baguette et apprécie de voir de la surprise dans son regard. Aucune hésitation ne me traverse, je sais ce que j’ai à faire. Je suis loup. Mais je suis une sorcière. Je ne suis pas comme lui, je suis humaine, pas animale.
— Avada Kedavra.
Le sort vert fuse et heurte le corps avec force. Les yeux vides tournés vers le ciel, Fenrir Greyback est mort.
J’expire un grand coup.
Ce n’est pas fini.
Trouver le dernier combat n’est pas difficile. Tout s’est arrêté autour d’eux. Harry et Voldemort se font face. Ils échangent des mots. Peut-être qu’Harry lui dit la vérité, comment il s’est trompé sur toute la ligne, comment en fait, cette bataille est finie, et il a perdu.
J’ai ma baguette à la main, mais je n’ai pas prévu de m’en servir. Tout ça c’est entre eux deux. Personne d’autre.
— …Severus Rogue n’a jamais été le véritable maître de la Baguette de Sureau. Il n’a jamais vaincu Dumbledore.
— Il l’a tué...
— Vous ne m’écoutez donc pas ? Rogue n’a jamais vaincu Dumbledore ! La mort de Dumbledore avait été planifiée par eux deux ! Dumbledore voulait mourir sans avoir été vaincu, il voulait rester le dernier vrai maître de la baguette ! Si tout s’était passé comme prévu, le pouvoir de la Baguette de Sureau serait mort avec lui, car elle n’aurait jamais été conquise !
— Dans ce cas, Potter, c’est comme si Dumbledore m’avait donné la baguette !
— J’ai volé la baguette dans la tombe de son dernier maître ! Je l’ai prise contre la volonté de son dernier propriétaire ! Son pouvoir m’appartient !
J’inspire, expire, reste en vie pour connaître la fin.
— Vous ne comprenez toujours pas, Jedusor ? Posséder la baguette ne suffit pas ! La tenir entre vos mains, vous en servir, ne vous en donne pas réellement la maîtrise. N’avez-vous pas écouté Ollivander ? C’est la baguette qui choisit son sorcier... Or, la Baguette de Sureau s’est reconnu un nouveau maître avant que Dumbledore ne meure, quelqu’un qui n’avait jamais posé la main dessus. Ce nouveau maître a enlevé la baguette à Dumbledore contre la volonté de celui-ci, sans jamais très bien comprendre ce qu’il avait fait, sans comprendre que la baguette magique la plus dangereuse du monde s’était soumise à lui...
Le sang s’écoule de mes blessures, respirer est de plus en plus difficile.
— Le véritable maître de la Baguette de Sureau était Drago Malefoy.
La voilà la vérité.
— Qu’est-ce que ça change ? Même si tu as raison, Potter, cela ne fait aucune différence, ni pour toi ni pour moi. Tu n’as plus la baguette à la plume de phénix. Notre duel reposera sur la seule habileté... Et quand je t’aurai tué, je m’occuperai de Drago Malefoy...
— Mais il est trop tard pour vous. Vous avez laissé passer votre chance. Je suis arrivé le premier. J’ai vaincu Drago, il y a quelques semaines. Je lui ai pris sa baguette. Tout revient donc à cela, n’est-ce pas ? La baguette que vous tenez dans votre main sait-elle que son dernier maître a subi un sortilège de Désarmement ? Si c’est le cas... je suis le vrai maître de la Baguette de Sureau.
Et voilà la fin.
— Avada Kedavra !
— Expelliarmus !
Deux jets de lumières, une détonation.
La Baguette de Sureau s’envole dans les airs vers son possesseur. L’attrapeur n’a qu’à la récupérer alors que le corps du serpent tombe au sol.
Mort.
Profonde inspiration alors que le silence tombe. Inspiration de vie face à la mort. Encore un peu plus longtemps, juste un peu, le temps de réaliser que c’est fini.
J’avance, fait quelques pas tout comme Ron et Hermione à l’opposé du cercle. Harry nous regarde tour à tour puis on se tombe dans les bras, tous les quatre, c’est fini.
Et c’est le noir.
*****
Je me réveille dans l’infirmerie. Toutes les images sont encore bien présentes dans mon esprit. Je me rappelle de tout. La peur, la mort, la rage.
« Teddy. »
Je me redresse et pousse un cri de douleur en sentant mon corps protester.
— Doucement…
Hermione vient à mon chevet et m’aide à m’asseoir.
— C’est fini Emy, tu n’as plus besoin de…
Elle ne finit pas sa phrase, j’ai posé ma main sur la sienne.
— Oui, c’est fini…
— Je ne veux pas rester ici.
— D’accord, où veux-tu aller ?
— Dehors.
J’étouffe.
— Bien, allons-y.
Nous sommes seules dans l’infirmerie. Un instant, je m’inquiète en pensant aux autres…
— Ils sont dans la Grande Salle, me rassure t-elle. Ils sont partis il y a quelques minutes à peine, on s’est relayés pour manger un peu. Tu as perdu connaissance pendant une bonne heure, Mrs Pomfresh a fait un travail incroyable. Mais elle a dit que tu devais éviter de bouger.
— Faut que je sorte Hermione, dis-je en espérant qu’elle n’objecte pas.
— Oui, bien sûr, allons-y.
Elle passe un bras autour de mes épaules et on parvient à marcher vers la sortie. Aucune de nous deux ne parle, je crois qu’on ne sait pas par où commencer. Dehors, le jour s’est levé. L’air frais me fait revivre, j’arrive à respirer un grand coup. L’effort me fait tourner la tête, Hermione m’aide à m’asseoir et je prends une nouvelle bouffée d’air.
Respirer…
— On se doutait que vous seriez là.
Ron et Harry viennent d'apparaître alors qu’ils retirent la cape. Je détourne le regard, je n’ai pas envie de parler. Je veux juste reprendre des forces pour repartir. Ron me tend un peu de pain, de fromage et de l’eau.
— Merci.
Il hoche la tête, signe que ce n’est rien, mais l’attention me touche. Je papillonne des yeux et regarde ailleurs. Harry se met à parler, mais pas pour moi, pour Ron et Hermione, pour leur donner les explications qu’ils méritent. Aucun secret entre nous.
— J’ai laissé tomber la pierre dans la forêt.
Il me regarde en disant ça.
— C’est bien, je déclare enfin.
— Je vais garder la cape. Et…
Il désigne la Baguette de Sureau.
— Je n’en veux pas.
— Quoi ? s’exclame Ron. Tu es dingue ?
— Je sais qu’elle est puissante. Mais j’étais plus heureux avec la mienne. Alors...
Il sort son ancienne baguette de sa bourse. Les deux morceaux, uniquement reliés par un mince filament de plume de phénix qui n’est pas censée pouvoir être réparée.
— Reparo.
Les deux bouts se rejoignent et un pâle sourire se dessine sur les lèvres d’Harry. Ça a fonctionné.
— Je vais remettre la Baguette de Sureau là où elle était.
— Tu es sûr ? demande Ron.
— Je crois que Harry a raison, murmure Hermione.
— Cette baguette cause trop d’ennuis pour ce qu’elle vaut. Et très sincèrement, j’ai eu suffisamment d’ennuis pour le reste de mes jours.
Il s’assoit maintenant à côté de moi. Nous sommes tous les quatre à regarder ce lieu où nous avons traversé tant de choses. Du sang et des débris jonchent la pelouse. L’étendue d’eau du lac est une vision apaisante, je continue de respirer, reprenant des forces pour ce qui me reste à faire.
« Teddy. »
J’arrive à me relever sans aide.
— Emy ?
Je me retourne pour voir George et Ginny nous rejoindre. Il s’avance à ma hauteur. Ses yeux sont pleins de chagrins, de fatigue et de soulagement. Je m’attends à voir aussi de la peur ou du dégoût, mais ce n’est pas ça. C’est plus doux. De l’amour peut-être encore.
— Est-ce que ça va ?
Il y a deux réponses à cette question…