3 novembre 1981
Revenir dans cette maison toujours lovée au bord de mer, toujours remplie de livres, toujours aussi perdue dans le vent breton, donnait une drôle d’impression à Remus.
Tant de choses s’étaient passées depuis.
Le mariage, Emy, Harry, l’opération Comète, les espoirs, les décisions déchirantes, les loups-garous, la peur, la mort…
Il ravala ses larmes et suivit Jonathan dans l’entrée du Roc au Vent. La maison était plongée dans la pénombre, la nuit tombait de plus en plus tôt, amenant avec elle l’obscurité et le froid. Jonathan résolut ceci avec un coup de baguette, un feu dans l’âtre de la cheminée se mit à brûler.
Tac, clac.
Seul le crépitement des flammes troubla le silence durant de longues minutes.
— Jonathan… Merci.
L’homme lui fit un sourire.
— Je t’en prie. Ils étaient comme les enfants que je n’ai pas eu. La seule chose qui me ramenait encore à Alphard. Ça et mes souvenirs…
*****
Allongé dans le noir, les yeux grands ouverts, Remus ne parvenait pas à trouver le sommeil. Sa tête tournait à mille à l’heure, et ce, malgré la potion prescrite par le Mage qui était passé le voir alors qu’il était encore chez ses parents.
Son cerveau tournoyait entre mille pensées, mille idées, mille souvenirs, c’était épuisant. Il ne parvenait pas à se focaliser sur l’une d’elle. Et quand il fermait les yeux, ses paupières tressautaient comme en proie à un trop plein d’images.
Il repensait à ce soir, ce terrible soir du 31 octobre. Chaque mouvement, paroles échangées lui revenaient, revivant cette scène encore et encore.
Il cherchait à comprendre.
Comment Sirius avait-il pu faire ça ? Comment avait-il pu les trahir ? Lui qui avait été accueilli par les Potter, lui qui considérait James comme son frère, lui qui aurait refusé de quitter le Square Grimmaurd sans Lyra, lui qui avait offert son premier doudou à Emy. Ce même doudou qu’elle gardait blotti contre elle.
Comment un mec qu’il connaissait depuis ses onze ans pouvait s’avérer être un total inconnu ?
Il revoyait son visage ravagé de larmes devant la maison de James et Lily. Harry était dans ses bras. Qui pleurait-il ? Ses amis et sa sœur ? Ou son maître ?
Sirius un mangemort depuis tout ce temps ?
Non, cela ne faisait aucun sens.
Regulus était mort pour la cause de Voldemort. Sirius lui en avait voulu d’avoir cédé à la pression sociale. Il avait fui sa maison familiale pour suivre ses valeurs bordel, ce n’était pas pour tout foutre en l’air en les trahissant !
Remus se redressa dans le lit, passa une main sur son visage et fixa le reflet de la lune à travers les rideaux. En tendant l’oreille, au-delà du vent qui soufflait contre les volets, il pouvait entendre la mer.
Lyra adorait cette maison, elle aurait adoré élever Emy dans cet endroit.
Les larmes se remirent à couler. Il ne lutta pas, les laissant venir à lui tout comme les souvenirs qui l’assaillaient : leurs rencontres au terrain de quidditch, ses sourires timides de celle qui découvre le monde, leur amitié d’abord lorsqu’elle l’aidait à cacher la vérité aux garçons, elle en panthère, cette sublime panthère, leur premier baiser, premier je t’aime, première nuit passée, c’était leur premier amour.
Il inspira un grand coup. Pour sa fille, pour Emy, il allait devoir continuer à vivre et se battre. C’était sa raison de vivre.
— Ne t’inquiète pas, souffla t-il dans le noir. Je prends soin d’elle.