— Je suis contente que tu aies passé un peu de tes vacances chez Ron, me dit Hermione.
Elle a vu l’orphelinat.
— Oui, sa famille est adorable, vraiment, ils vivent à la campagne, ont des poules, ça fait un peu la maison du bonheur, tu vois ?
Elle hoche la tête.
— Oui tout à fait. D’ailleurs, ils font quoi les garçons ?
— Ils passaient après moi, on était en retard, je suis direct montée. Ils doivent être ailleurs dans le train.
Hermione fronce les sourcils, elle est inquiète.
— Tu veux faire le tour du train pour les chercher ? je propose.
Ça nous occupera.
On commence par marcher vers l’avant du train, là où ils sont le plus susceptible d’être montés en premier. En chemin, je croise Ginny, assise avec d’autres premières années, je lui fais un coucou ce qui la fait sourire. Elle est stressée, Fred et George n’ont pas arrêté de l’embêter pour sa répartition, disant qu’elle devait se battre contre un ogre.
Toujours plus…
À Ron, c’était un troll qu’il devait combattre. J’ai bien tenté de la rassurer, elle avait la pression d’être la dernière d’une fratrie de Gryffondor. J’ai confiance, tout se passera bien, où qu’elle aille.
On croise aussi Neville, puis Dean et Seamus, Lavande et Parvati ainsi que quelques autres personnes de notre année. Mais pas de traces de Ron ou Harry.
— C’est pas possible, où ont-ils bien pu aller ? marmonne Hermione.
— Viens, on marche vers le fond, on va finir par les trouver.
Je suis bien trop confiante. En arrivant dans le fond du train, toujours aucune trace d’eux. Cette fois-ci, je commence à être vraiment inquiète. On refait le tour du train, évitant à nouveau soigneusement Drago et ses amis (après l’épisode sur le chemin de traverse cet été, pas besoin d’en ajouter une couche), on inspecte encore chaque recoin du train, rien.
On finit par s’asseoir, nos cerveaux cogitent à cent à l’heure, où sont-ils ?
— Tu dis qu’ils sont passés après toi ?
— Je devais passer avec Percy en première, puis j’ai vu Mr Weasley et les jumeaux. Ils m’ont dit que les autres suivaient et que je devais monter dans le train tout de suite pour ne pas le louper.
— Donc tu ne les as pas vus sur le quai ?
— Je n’ai pas regardé. Mais ils savent franchir la barrière, ils connaissent le chemin.
— C’est tellement bizarre.
J’hoche la tête et me cale contre la fenêtre. Il n’y a rien à faire à part attendre de toute manière.
Lorsqu’on arrive à la gare, ce n’est pas Hagrid qui nous emmène en barque jusqu’au château, mais des diligences. J’ajuste ma cape sur mes épaules, l’air est glacial et humide, je suis déjà gelée. Hermione est devant avec Neville qui tient Trevor dans le creux de sa main quand soudain, il s’arrête brutalement et fixe l’avant des diligences.
Des chevaux à la robe sombre, noire, sont attelés. Des Sombrals. Fascinants, magnifiques, ces créatures sont décrites avec tant d’émerveillement par Newt Scamander, que je ne peux que le comprendre.
— Vous faites quoi ? Vous venez ?
Hermione est déjà en train de monter dans la diligence, on échange un regard avec Neville avant de monter à notre tour. Aucun de nous deux ne prononce un mot durant tout le reste du trajet.
*****
J’arrive à profiter un peu durant le repas, oubliant les Sombrals et leur beauté troublante, l’absence des garçons et la fin de mes vacances de rêve. Je me surprends à rire aux pitreries de jumeaux et de Lee plus d’une fois. Ginny, soulagée d’être à Gryffondor, mange joyeusement un peu plus loin, alors avec Hermione, nous nous permettons de profiter du fabuleux festin de rentrée.
— Vous avez vu Ron et Harry ?
On répond en haussant les épaules vaguement, puis faisons mine de nous plonger dans une conversation passionnante, cela suffit pour détourner le sujet.
— Cet été, j’ai été voir la Tour Eiffel ! s’exclame Seamus. Mon père avait fait un programme Erasmus avec son université, il rêvait d’y retourner.
— C’est quoi Erasmus ? demandent les nés sorciers.
— Tu peux suivre une année scolaire dans des universités d’Europe. C’est pour les moldus, quand ils ont passé l’équivalent de leur septième année.
— J’adorerai faire ça, soupire Hermione. J’avais des cours de français à l’école primaire, ça me manque d’apprendre une langue.
Et moi, j’apprenais l’anglais, c’est cocasse, non ?
— Tu parles parfaitement bien le français ? me demande t-elle.
— Oui, plutôt, dis-je un peu mal à l’aise.
— Ce serait parfait pour toi un programme comme ça. Tu aurais un double diplôme. Tu sais s’ils font ça avec les études supérieures sorcières ?
— Je pense que oui, ce serait logique. Il y a d’autres sociétés sorcières dans le monde, si tu souhaites le faire, tu peux l’organiser.
Elle reste pensive un instant. Hermione est quelqu’un d’ambitieux. Pas dans le mauvais sens du terme, plutôt comme quelqu’un qui est très curieux et qui ne cesse jamais d’apprendre. Une fois sortie de Poudlard, elle voudra tout découvrir du monde sorcier.
— Tu voudrais aussi faire ça ? me demande t-elle, me sortant de ma rêverie.
— Étudier à l’étranger ?
— Oui, en France par exemple.
— Oui, oui… Je pourrais y retourner…
Elle plisse les yeux.
— Tu as vécu là-bas ?
— Oui, j’ai la double nationalité, dis-je malgré moi un peu sèchement.
Elle comprend le message et se tourne vers une cinquième année, qui a l’air excité.
— Il parait que Potter et Weasley vont se faire renvoyer.
C’est quoi cette histoire ? On échange un regard surpris avec Hermione.
— N’importe quoi, réplique t-elle.
— Si, ils auraient eu un accident avec une voiture volante.
Il nous tend un journal, c’est le Sorcier du Soir marqué du jour, son titre : Une Ford Anglia volante inquiète les moldus. Mince, je reconnais la voiture. Je tends le journal aux jumeaux, eux aussi la reconnaissent, c’est certain.
— Tu vois, réplique le cinquième année à Hermione. On reconnaît très bien Potter et son ami, le rouquin.
Elle ne répond pas, c’est la fin du banquet, on se lève pour rejoindre la salle commune.
— Tu as le mot de passe ?
— Anthochère. Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi n’ont-ils pas pris le train comme tout le monde ?
— Aucune idée, on va à la salle commune ?
— Ça ne t’inquiète pas tout ce qui se dit ?
— Si on écoutait toutes les rumeurs Hermione… dis-je sans finir la phrase.
Si on les écoutait, nous ne serions pas amies, ni amies avec Harry d’ailleurs. Cela n’a aucune valeur à mes yeux. Elle s’empourpre un peu puis me suit pour rejoindre la Tour des Gryffondor.
— Tu as raison, allons-y, on verra bien.
*****
Finalement au petit-déjeuner le lendemain, Harry et Ron n’étaient pas expulsés, mais avaient bien fait voler une voiture moldue à travers tout le pays. Hermione leur en veut un peu d’avoir bravé tant de règles, moi, c’est cette histoire de passage bloquée qui me tracasse.
— Vous dites que le mur était un vrai mur ?
— Oui Emy, me répète Harry avec un air agacé. On ne pouvait pas passer.
— Vous êtes sûrs d’avoir pris le bon mur ?
— Evidemment, je la connais cette barrière, réplique Ron la bouche pleine, s’attirant un regard noir d’Hermine plongée dans sa lecture de Voyages avec les vampires.
— C’est bizarre.
— Oui, mais on ne sait pas pourquoi, alors autant nous réjouir de nous retrouver pour une nouvelle année !
L’optimisme d’Harry ne m’atteint pas. Je le regarde fixement.
— Et cette histoire avec l’elfe, ça ne pourrait pas être lié ?
Il hausse les épaules et se sert un nouveau verre de jus de fruit.
— Errol !
Un vieux hibou vient d’arriver, faisant tomber une lettre rouge.
Oh oh…
*****
Cet été, j’ai moins pris le temps que l’année dernière pour lire les livres du programme. J’ai passé finalement peu de temps à l’orphelinat. Les seuls livres que j’ai lu sont ceux de ce Gilderoy Lockhart. Enfin… J’ai commencé avec Promenades avec les loups-garous. J’ai lu une dizaine de pages avant de réaliser que ce mec était un abruti fini et qu’ils ne connaissaient décidément rien à la lycanthropie et tout ce qui s’en approche. J’ai donc lu le Livre des sorts et enchantements (niveau 2) de Miranda Fauconnette et puis c’est tout.
J’arrive à bien m’en sortir toutefois en Métamorphose, je n’ai pas tout oublié durant les vacances, c’est déjà ça, mais le cours de Lockhart qui arrive l’après-midi, m’ennuie déjà. Fred et George ne l’ont pas eu ce matin, impossible de savoir si son cours sera bien ou pas.
— Tu n’as qu’à sécher, me propose George au midi.
— Tu ne vas pas faire ça ? demande Hermione.
— Je ne vois pas ce que ce mec pourrait m’apprendre.
— Qu’est-ce que tu en sais ? répond-elle un peu énervée. Il a écrit des livres incroyables, tu les as lus ?
— Non, ce ne sont que des bêtises.
— Comment tu peux être aussi catégorique ?
— Et comment toi, tu ne peux pas le voir ? J’ai remarqué les petits cœurs dans ton agenda.
Elle est rouge de colère et part manger avec les garçons sans rien ajouter. Je décide de ne pas la suivre et de rester avec les jumeaux et Lee. Ça m’embête un peu qu’on se soit disputées comme ça, Hermione, je l’apprécie vraiment beaucoup, pourquoi met-elle tant d’énergie à défendre ce professeur ?
— Toutes les filles ont le béguin pour lui, me dit Fred.
Hermione aussi ? Non…
— Sauf Emy de toute évidence, ajoute Lee.
— Son cœur est déjà pris.
Je les fusille tous les deux du regard alors que George fait mine de ne rien avoir entendu. J’ai finalement envie d’aller à ce cours le plus vite possible.
*****
Je dévisage le questionnaire que le Lockart vient de déposer devant moi.
1) Quelle est la couleur préférée de Gilderoy Lockhart ?
2) Quelle est l'ambition secrète de Gilderoy Lockhart ?
3) À votre avis, quel est le plus grand exploit réalisé par Gilderoy Lockhart à ce jour ?
C’est quoi ces questions débiles ? Hermione, à côté de moi a déjà commencé à répondre. La question 8 me met hors de moi :
8) Combien de loups-garous Gilderoy Lockart a t-il réussi à sauver en inversant leur maladie de lycanthrope, leur donnant un nouveau sens à la vie ?
C’est impossible, pauvre imbécile. Je suis dans le même état d’énervement que quand j’ai tenté de lire Promenades avec les loups-garous. C’est à cause de ce genre de personnes et des messages qu’elles véhiculent que les croyances populaires sur les loups-garous persistent.
La bête au fond de moi me fait trembler. Je m’oblige à poser calmement ma plume sur ma table avant de la briser. Hermione me jette un coup d'œil discret avant de reprendre son devoir. Elle en est déjà à la seizième question.
Je ne peux pas rester ici, je sais que me contrôler sera au-dessus de mes forces. Il faut que je sorte de cette classe.
— Professeur ?
Il s’approche avec son insupportable sourire et son air mielleux.
— Oui Miss ?
— Je ne me sens pas très bien, je peux aller à l’infirmerie ?
— Bien sûr, voyons, qui peut vous accompagner…
— Ça va, je connais le chemin, dis-je en le coupant.
Je suis déjà debout, mon sac à la main et je sors rapidement avant qu’il ne puisse protester. Une fois dehors, je m’empresse de rejoindre une tour où il y a peu de passage. J’ai besoin d’être seule, j’ai Mémoires d’une jeune fille rangée avec moi, je vais en profiter pour le relire.
Je m’assois au sol, et savoure cette liberté. J’ai deux heures devant moi, c’est parfait.
« De mes premières années, je ne retrouve guère qu'une impression de rouge, de noir et de chaud. » Simone de Beauvoir, 1958.
*****
Maintenant que nous sommes de retour à Poudlard, j’ai hâte de reprendre le quidditch. J’ai bon espoir pour la coupe cette année. Je décide de voir Dubois avant de rejoindre les autres. En me voyant arriver, il affiche un grand sourire.
— On reprend quand les entraînements ?
— Un tel enthousiasme fait plaisir à voir Lupin. On reprend samedi, j’ai réservé le stade.
Cette fois-ci, c’est à moi d’afficher un grand sourire.
— Tu t’es acheté un balai ?
— Non, je vais continuer avec l’Étoile Filante de l’école, je l’aime bien.
— Tu es la seule à l’avoir apprivoisée. La légende dit qu’elle appartenait à Gwenog Jones avant qu’elle joue en pro, tu vois le caractère…
— Tant que j’ai encore des brindilles pour voler !
Ma remarque le fait rire, après ça, il me recommande de bien dormir pour les entraînements, je le remercie et rejoins Harry, Ron et Hermione qui sont… Décoiffés.
— Il vous est arrivé quoi ? Ma parole, on dirait qu’un troupeau de crabfeu vous est passé dessus.
— Non, pas des crabfeu, répond Ron morose. Des lutins de Cornouailles. Pire !
Devant mon air intrigué, ils m’expliquent la suite du cours. J’éclate de rire, ce qui fait se renfrogner un peu plus Ron.
— C’est un rigolo qui n’y connaît rien.
— Tout à fait d’accord, dis-je.
— Vous ne pouvez pas dire ça, réplique Hermione cassante. Si vous aviez pris la peine de lire ses livres, vous verriez qu’il a accompli beaucoup de prodiges !
— C’est ce qu’il dit, marmonne Ron.
Je ne réponds pas pour ne pas vexer Hermione, celle-ci retourne à son assiette sans relever la remarque.
— Pourquoi tu es partie du cours ? me demande Harry.
Mince.
— Je n’aime pas ce prof, je n’avais pas envie de perdre mon temps.
— À l’orphelinat, ils ne disent rien si tu sèches des cours ou a des retenues ?
— Non, ils s’en moquent. Et toi ?
— Pareil. Il ne faut juste pas que je me fasse renvoyer, ça les embêterait de me voir plus souvent.
— Et toi aussi, je devine.
Il sourit.
— Oui, et accessoirement avoir un diplôme, c’est bien aussi.
J’éclate de rire. Oui, je suis bon public.
*****
Pauvre Harry. En le voyant arriver, suivi par Colin, l’air mal réveillé, je le plains un peu. Juste un peu, car j’ai hâte de voler à nouveau. Tout le monde a l’air mal réveillé, certains ont même eu la chance de se faire réveiller par Dubois, d’où leur air un peu furieux.
Dubois commence à présenter sa nouvelle tactique. Jusque là, j’approuvais de commencer tôt, de faire beaucoup d'entraînements, sauf que… Sauf que les explications durent des heures et je commence à moi aussi sentir le sommeil me gagner. Petit à petit, je me cale contre l’épaule de George qui ne bouge pas du tout, au contraire, il me fait un sourire interrompu par un bâillement.
Du coup, je n’écoute pas un mot du blabla de Dubois.
— Donc, cette année, nous devrons nous entraîner plus que jamais... Et maintenant, allons expérimenter notre nouvelle stratégie sur le terrain !
C’est le mot que j’attendais. Je me lève avec énergie, récupère la vieille Étoile Filante et cours à l’extérieur, savourant l’air frais qui me réveille totalement.
— Emy !
Hermione me fait des coucous avec sa main, je vole vers eux et croque avec délice dans la brioche qu’elle me tend.
— Merci.
— Vous n'avez pas encore fini ? dit Ron, étonné.
— On n'a même pas commencé, répond Harry qui vient d’arriver. Dubois a passé son temps à nous expliquer sa nouvelle tactique.
Il me rejoint dans les airs et on commence à faire la course, vite rejoints par les jumeaux. On s’amuse à faire des pirouettes et Fred me fait éclater de rire en manquant de tomber. Dubois nous rappelle à l’ordre avec un air sévère sur le visage.
— C’est pas le moment de se blesser.
Puis Colin prend des photos, les Serpentard arrivent et les ennuis avec.
*****
Je suis furieuse, je ressors de la cabane d’Hagrid pour souffler et me calmer. L’injustice de Rogue, la bêtise des Serpentard, mais surtout Drago, Drago ! Jusque là je lui donnais l’excuse que je connais son père, je connais sa famille, il tentait juste d’entrer dans le moule. Mais insulter Hermione de Sang de Bourbe ? Ça, c’est la goutte de trop.
Je pars vers le château, laissant derrière moi Ron entre de bonnes mains. Je sais qu’Hagrid sera de bons conseils, et pourra expliquer la situation à Harry et Hermione, ils ne savent pas ce que Sang-de-Bourbe veut dire.
« Emilynn, ma pauvre enfant, vous faites les frais des folies de votre mère qui a osé souiller la très noble famille des Black. Les Sang-de-Bourbe ont le sang sale, ces moldus ne sont pas à notre hauteur. Un Black ne se mélange pas avec eux, jamais. Car nous sommes quoi Emilynn ? »
— Toujours pur…
Des discours comme ça, Walburga m’en donnait à la pelle. Surtout à la fin d’ailleurs, elle commençait à divaguer un peu et oubliait ce qu’elle avait dit, répétant encore et encore les mêmes phrases.
Je pars vers le terrain de quidditch où les Serpentard sont toujours en train de s'entraîner. Je décide de me mettre dans un coin où je ne louperais pas Drago quand il reviendra vers le château.
Je n’attends pas longtemps, une vingtaine de minutes tout au plus.
— Drago !
Il soupire en marchant vers moi, les autres poursuivent leur route pour rentrer dans leur salle commune. Il a la tête haute, le visage fermé et aucun sentiment apparaît sur son beau visage. Je sais que je fais comme lui, on se protège, on adopte la technique Black, Narcissa est maîtresse dans cet art.
— Qu’est-ce que tu veux ? demande t-il.
— Ne la traite plus jamais de Sang-de-Bourbe.
— Sinon quoi ?
— Je t’en prie, ne joue pas à l’idiot avec moi, tu es capable de réfléchir par toi-même et de te rendre compte que ce sont des idioties.
— C’est une Sang-de-Bourbe, réplique t-il en croisant les bras.
— C’est une née moldue, rectifie-je.
— Appelle-le comme tu veux.
— Non, justement Drago, pourquoi ça te pose un problème ? Pourquoi tu dois être aussi méchant ? Elle ne t’a rien fait, rien demandé, laisse la tranquille.
Il ricane.
— Sinon quoi ?
— J’ai vraiment besoin de te faire des menaces ? C’est si petit Drago, j’avais encore un peu de compassion pour toi, mais en fait, je m’étais trompée, tu es comme tes parents, des idiots enfermés dans des idées, des valeurs qui…
— N’insulte pas mes parents !
J’ai appuyé là où ça fait mal. Je sais qu’il a été très seul durant son enfance. Il n’avait que Narcissa, son père travaillait d’arrache pied au Ministère pour se racheter. Sa famille, c’est tout ce qu’il a.
— Après tout ce qu’ils ont fait pour toi, tu n’as pas le droit de les insulter ! s’énerve Drago.
Cette fois-ci, c’est à moi de ricaner.
— Tu veux rire ? Je serai restée avec mon père, ils n’auraient pas eu à m’accueillir chez eux. Ils n’ont rien fait pour m’aider, ils sont comme Walburga, persuadés que mon père était dangereux, ils ne savent rien à rien.
Je perds mes moyens, je le sens. Je pars dans tous les sens et cette conversation ne mène à rien. Au moins, Drago a compris ce que je pensais de ses actes, maintenant, je dois partir avant que je ne perde le contrôle. La Bête au fond de moi est déchaînée.
Je pars sans un mot, ce qui fait rager Drago. Il me crie qu’on en a pas terminé, mais je l’ignore et il finit par abandonner. Tant mieux.
Au déjeuner, j’ai réussi à me calmer ce qui me permet de manger avec les autres. Hermione a l’air d’aller bien tandis qu’Harry et Ron ruminent pour ce soir : ils ont leur première retenue. L’un avec Rusard, l’autre avec Lockhart.
— Mais qu’est-ce qu’il te veut à la fin ? je demande.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? répond Hermione avec une voix un peu plus aiguë que d’habitude.
— Il n’arrête pas de vouloir être avec Harry, vous m’avez dit qu’au magasin à Londres, il a fait une photo avec toi, puis il se compare à toi en parlant de vos notoriétés, c’est risible.
— Il l’apprécie, c’est tout…
— Non, il gratte la notoriété, réplique Ron.
— Mais arrêtez, je n’ai pas de notoriété, dit Harry.
On échange un sourire tous les trois. Bah si Harry, un peu quand même.
— Oh ne répondez pas, ajoute t-il ce qui entraîne nos rires.
*****
— Et cette voix disait quelque chose du genre « viens à moi, que je t’écorche, que je te tue ».
— Tu dis que Lockhart ne l’a pas entendu ?
— Non.
— Si ça se reproduit Harry, on en parlera à quelqu’un, en attendant peut-être que c’est ton esprit qui te joue des tours.
Harry fronce les sourcils sans répondre. Je commence à le connaître, il n’est pas d’accord avec Hermione, la voix qu’il a entendu était réelle. Sauf que la seule personne présente avec lui n’a rien entendu. C’est impossible. Quelque chose cloche.
Je lui fais un grand sourire rassurant ce qui le détend un peu.
— Hermione a raison, si ça se reproduit, on verra, en attendant, j’ai une super idée. Et si on commençait nos devoirs avant de trop en accumuler ?
— Oui ! s’exclame Hermione.
— Malheur, voilà que tu t’y mets toi aussi, soupire Ron.
J’éclate de rire devant l’air indigné d’Hermione.
*****
En cours d’Histoire de la Magie, j’écoute pas grand chose. Souvent, j’étudie sur un bout de parchemin des techniques de quidditch, c’est assez discret pour que Binns ne se doute de rien. Aujourd’hui, je suis à côté de Ron, la pleine lune était la veille et je suis épuisée, je dors les yeux ouverts.
— Sincèrement, tu as envie d’y aller à cette fête d’anniversaire de mort ? me demande t-il à voix basse.
Je soupire, j’espère que c’est une réponse assez évidente comme ça.
— Merci, enfin un soutien. J’ai l’impression qu’Hermione voit ça comme une super expérience à vivre et Harry ne se rend pas compte du truc.
— Tu sais à quoi ça ressemble toi ?
— Aucune idée, mais je ne vois pas ce que ça a de réjouissant.
Moi non plus.
— J’espère qu’on pourra tout de même aller au festin d’Halloween.
— Mais oui ! s’exclame t-il un peu trop fort, ce qui fait que tout le monde se retourne vers nous.
— Un commentaire Monsieur Weasley ? demande Binns.
— Heu non… Je me disais bien que Pierre Bonadord était bien le premier sorcier suprême de la Confédération des sorciers internationaux.
— Le premier Manitou Suprême était Pierre Bonaccord, et c’est la Confédération internationale des sorciers, pas l’inverse, rectifie le professeur pinçant.
— Ah heu oui…
On pouffe de rire quand le professeur retourne au cours.
— Bien joué, dis-je, ce qui fait encore plus rougir Ron.
— Pfiou, c’était moins une, j’en ai assez de récurer la salle des trophées.
— Continue de voler des voitures volantes et tu pourras devenir sorcier suprême.
— Désolé, je n’accepte que les rôles de Manitou Suprême. Sorcier, c’est trop banal pour moi.
On rigole discrètement, Hermione se retourne en nous faisant un regard noir. Elle déteste quand on bavarde en classe.
— Bref, j’avais oublié qu’on allait avoir le festin d’Halloween. C’est toujours trop bon les festins à Poudlard… marmonne t-il.
— Moi, j’aurais bien voulu voir les citrouilles d’Hagrid.
Il hoche la tête avec moi.
— Ahlala, ce qu’on ferait pas pour ses amis, dit-il.
Sa remarque me trouble. Oui, il a raison, on est amis. On va même à des soirées d’anniversaire de mort ensemble. Pourtant, je ne suis pas honnête, et ça fait plus d’un an que je leur mens.
Ignorant de mes sombres pensées, Ron retourne dormir les yeux ouverts. Moi, je sens la culpabilité m’envahir un peu plus. Ça me pèse. Mais je n’ai pas le choix.
*****
Ce nouvel entraînement m’a exténuée. Je repose ma tête contre les casiers derrière moi tout en grignotant un bout de biscuit. La pleine lune était il y a quelques jours, j’ai du mal à récupérer.
Cette fois encore, j’ai réussi à rester sous forme humaine.
Tout le monde a déserté le vestiaire, seuls restent Harry et George. Ce dernier était pourtant prêt à partir en même temps que Fred, je devine pourquoi il traîne…
Pourquoi est-ce si dur de respirer ?
— Je repars au château… me dit Harry avec un sourire.
Il repart avant que je réponde, me laissant seule avec George. Je continue de manger mon biscuit pendant qu’il range une énième fois son casier.
— Tu en veux un ?
Il se retourne, secoue la tête et me tend un paquet. Moi le bras tendu avec mes biscuits, lui le bras tendu avec son paquet, la situation est comique.
— C’est quoi ?
— Surprise.
— J’aime pas les surprises.
— Le contraire m’aurait étonné. Moi, je les adore.
Je rigole puis je m’empare du paquet. J’ai déjà une idée de ce que c’est. Effectivement, je découvre un livre en enlevant l’emballage en papier kraft, par contre, je ne m’attendais pas à ce qu’il soit français.
La force de l’âge, Simone de Beauvoir.
Mince alors. Mes mains tremblent un peu quand je l’ouvre et découvre l’écriture de mon père dans les marges.
« La croûte terrestre. Quel énorme gâteau, cette planète, mal cuit, trop cuit, boursouflé, crevassé, fendillé, craquelé, tavelé, gonflé de cloques, creusé de poches, fumant, fumeux, encore bouillant et bouillonnant. »
—> Une belle accumulation certes, mais je ne marcherai plus de la même manière sur la terre en imaginant que je suis sur un gâteau.
—> Gâteau au chocolat bien sûr !
J’éclate de rire en lisant son commentaire, j’ai été élevée avec un père gourmand en chocolat, il avait toujours une tablette au chocolat dans la maison.
- Merci, souffle-je à George qui arborait un sublime sourire.
— Tout le plaisir est pour nous.
— Nous ?
— Fred et moi.
Évidemment.
— Comment avez-vous fait ?
— On a envoyé une note avec le jour de notre sortie à Pré-au-Lard, disant qu’on pourrait récupérer un colis à la poste. On a mis suffisamment de blabla pour ne pas lever les soupçons du ministère, ne t’inquiète pas. On raconte qu’on a adoré le dernier jeu de Kasparov et qu’on peut récupérer le livre oublié chez lui en allant à la poste…
J’écarquille les yeux en réalisant tout ce qu’ils ont fait pour moi.
— Depuis quand vous connaissez Kasparov ?
Cela est la seule chose que j’arrive à répondre.
— On a fait nos recherches, réplique t-il avec un sourire.
Kasparov est un excellent joueur d’échecs. Un des meilleurs du monde.
— Merci. Vraiment merci.
— Ne me remercie pas. De te voir aussi heureuse me…
Appuyé contre les casiers, il laisse sa tête tomber en arrière et regarde le plafond pour réfléchir. Je lui laisse le temps d’y penser, observant la couverture cornée du livre. Mon père l’a depuis longtemps, combien d’autres conserve t-il en mettant des notes dans les pages espérant me parler via ces petites phrases ? Finalement George se redresse pour finir sa phrase.
— Tu sais Emy, le sentiment que j’ai quand tu es heureuse est comme si tu faisais sourire mon coeur. Tu vois ce que je veux dire ?
Oui, très bien.
Je comprends une chose ce soir là.
George ne dit pas « je t’aime » comme les autres personnes.
Tous ses gestes, mots, actes le crient.
Parce que c’est évident.