Reprendre conscience est une drôle de sensation. On prend connaissance de son corps, que l’on peut bouger, puis le sentiment d’être perdu, la confusion nous pousse à ouvrir les yeux.
Je reconnais l’infirmerie.
On me prend ma main, je regarde sur ma droite, c’est Hermione. Il y a Ron, et Harry aussi.
Qu’est-ce que je suis censée leur dire ?
— Sirius ?
— Est en vie, me rassure Harry.
Il prend un bout de chocolat et se tourne vers Hermione.
— C’est toi qui raconte.
Alors elle commence une histoire, une histoire incroyable qui me laisse silencieuse un long moment quand elle a fini.
— Je comprends mieux… dis-je finalement.
— Tu l’avais compris ?
— Non, je ne savais pas que les retourneurs de temps existaient. Et comme j’avais promis de ne pas chercher, je n’ai pas… Creusé le sujet.
Le silence retombe entre nous. Un peu gênant, on ne sait pas sur quoi continuer. Je fuis le regard d’un peu tout le monde, et surtout d’Harry.
— Je…
— Je suis désolé, me coupe Ron. Je suis désolé de m’être comporté comme un idiot quand j’ai appris que… Que ton père était un loup-garou. J’étais plein d’aprioris et c’est idiot, désolé.
— C’est moi qui suis désolée…
Ma voix se casse. Je ne veux pas pleurer, je l’ai suffisamment fait pour cette soirée.
- Plus d’une fois, j’ai hésité à te dire la vérité Harry. Mais je me dégonflais, j’avais peur de ce qui allait arriver si vous n’acceptiez pas ma lycanthropie, je devrais quitter Poudlard, et j’aurais tout perdu. J’ai été égoïste aussi à vouloir absolument retourner avec mon père, je suis désolée, je comprendrais que vous ne vouliez plus être mes amis après ça…
— Ne dis pas de bêtises.
Il a les yeux rouges, il se penche pour poser sa main sur ma jambe.
— Je suis désolé de ce qui s’est passé pour toi, désolé que tu te sois retrouvée dans un tel dilemme. Oui, je t’en veux de ne pas m’avoir tout raconté plus tôt. Mais, soyons honnête, si j’avais été à ta place, je pense que j’aurais pris les mêmes décisions.
Le soulagement m’envahit, je me mets à franchement pleurer, le poids de la culpabilité s’est finalement envolé.
— Un jour, tu nous raconteras tout ?
— Oui.
Et c’est une promesse.
— On a bien précisé au Ministère que tu n’avais pas choisi de suivre Sirius. Que c’était pour sauver notre ami avant qu’il ne soit trop tard. Fudge a commencé à râler en disant en quelque sorte que ton père avait gâché sa chance, alors Dumbledore lui a dit qu’il avait un dossier à lui montrer. Quand ils sont repassés, ils nous ont dit de te dire que tu avais rempli ta part du contrat, que, du coup, cet été, tu retourneras chez ton père.
Il finit cette phrase avec un sourire, moi, je n’y crois pas.
— Comment ça ?
— En été, tu repars vivre chez toi. C’est fini l’orphelinat.
Je me tourne vers Ron, puis Hermione. Si c’est une blague, ce n’est pas drôle.
— Pour de vrai ?
— Vrai de vrai.
Je passe une main sur mon visage. C’est trop beau…
— Et vous voulez continuer à être mes amis ?
- Oui, approuve Harry avec un sourire. Il parait qu’on a grandi comme des frère et soeur, ça ne va pas s’arrêter là.
J’inspire profondément, c’est incroyable. Je me sens apaisée, la joie qui vient à moi petit à petit est un sentiment délicieux.
— Merci.
Tous me sourient, on repart comme avant, mais en mieux.
*****
Au petit matin, le professeur Dumbledore, le professeur McGonagall et mon père viennent me voir à mon chevet. Le sourire de ce dernier est contagieux. Je me lève et me jette dans ses bras, ce qui le fait rire alors qu’il me sert contre lui.
— C’est fini.
On s’installe autour de mon lit et Dumbledore confirme la nouvelle.
- Le dossier réunissant divers témoignages et rapports d’experts a joué en votre faveur. En descendant du Poudlard Express Emilynn, tu seras libre de rentrer chez toi.
— Merci professeur.
Mon père se penche vers moi.
— On aimerait parler de ce qui s’est passé pour toi hier soir.
Ce qui explique la présence de McGonagall.
— C’est héréditaire d’être un animagus ?
— Pas à ma connaissance, dit-elle. Nous ne naissons pas animagus, nous le devenons.
— Et nous aimerions avoir ta version de ce qui s’est passé afin d’éclaircir l’influence de la lune sur toi, précise Dumbledore.
- Au début, c’était comme d’habitude, quand je ne prenais pas la potion. La sensation que les cellules de mon corps me brûlent, le corps qui se réveille, le loup qui émerge. Mais petite, je ne me rappelais pas vraiment de tout ce qui se passait durant la transformation.
Au fur et à mesure que je parle, les souvenirs me réveillent.
— Là, j’avais comme une voix, une volonté plutôt, qui me dictait ce que je devais faire. Hermione me parlait, Harry aussi, je… Je me suis accrochée à ça. J’ai commencé par entendre, comprendre ce qu’ils disaient puis… J’ai dit non.
— Comme ça ? Juste non ?
Il semble impressionné. Oui, aussi simple que cela puisse paraître, juste non.
— Le loup a insisté, mais j’ai fini par prendre le dessus.
— Quand nous t’avons retrouvée, Sirius te protégeait de son corps des détraqueurs, et toi, tu étais sous ta forme humaine, pas animale.
Dumbledore a ses yeux bleus perçants qui pétillent d’intelligence. Tous aimeraient comprendre. Mais je crois que la réponse m’importe peu. Au final, j’ai gardé le contrôle, c’est le principal.
— On… On a poursuivi Peter, puis les détraqueurs sont venus, j’entendais des voix et… Et je crois que le froid, la peur, ça a fait fuir le loup.
Il hoche la tête comme s’il en tirait une conclusion.
— Et comment tu te sens actuellement ?
— Bien.
— Pas de loup ?
— Tu ne vois pas rouge ?
La formulation de mon père me fait sourire. Nous échangeons un regard complice.
— Non, rien, je me sens bien.
— Vous disiez que Lyra était une animagus également ? demande le professeur McGonagall.
— Oui, c’est cela, approuve mon père.
Ah oui, plus du tout de secrets. Cette pensée me réjouit.
— Cinquième année… Ceux-là alors… souffle t-elle. Je me rappellerai toujours de cette espèce d’explosion de couleurs dans le hall d’entrée. Les couleurs étaient restées pendant presque une année. De la belle magie…
Elle semble se perdre dans ses pensées un instant.
- Vous vous sentiriez capable de vous transformer à nouveau ? Maintenant ?
Le loup en moi, n’est jamais difficile à trouver.
— Oui.
— La seule explication que je puisse donner est que le sang de Lyra s’était créé probablement des anticorps contre le venin de la lycanthropie. Qu’elle soit une animagus la rendait plus résistance, et c’est pour cela qu’elle n’était pas influencée par la lune. Cette force, elle vous l’aurait transmise Emilynn.
Mon père me prend la main et la sert doucement.
Je me contenterais de cette explication, elle me va très bien.
*****
— Alors Harry connaît toute la vérité ?
— Oui.
— Et Sirius n’a jamais trahi qui que ce soit, c’est fou…
George passe une main dans ses cheveux.
— Tu n’es pas triste que ton père doive cesser d’enseigner ?
— Si, je suis folle de rage contre Rogue, mais en même temps, j’ai gardé mes amis, je retourne vivre chez moi, alors… Ça occulte le reste.
— Tu vas aller le voir ?
— Rogue ? Pour lui demander des comptes ? Non…
George ne sait pas exactement ce qui s’est passé chez Walburga. Mais la vérité est que Rogue m’a sauvé la vie, littéralement, c’est difficile à oublier. Et pour cela, je me dis que je ne peux pas aller le voir pour pousser une beuglante. Même si ce qu’il a fait est vraiment dégueulasse.
— Mon père va venir me chercher en descendant du train, on va manger des fish and chips, puis on ira à la maison. C’est ça qu’on avait fait la semaine avant qu’on se sépare.
— Tu as hâte ?
J’hoche la tête.
— Tu appréhendes ?
Re-hochement de tête.
— Oui, un peu, ça va être fort en émotions. J’avoue que j’ai eu ma dose ces derniers jours.
Il passe un bras par dessus mes épaules et m’attire contre lui.
— Ça va bien se passer, j’en suis sûr. Et puis, là, on pourra se parler normalement, ce sera super.
— On a un téléphone moldu à la maison. C’est plus simple que des lettres envoyées par hiboux.
— Je sais ce que sait un téléphone, c’est déjà un bon début.
— La prochaine étape est de savoir s’en servir.
Il soupire de manière exagérée, ce qui me fait rire. Il finit par sourire, sa mauvaise foi ne dure jamais longtemps. Quand il me fait ce petit sourire-là, malicieux au possible, ses lèvres fines…
Je l’embrasse.
— Emy !
Ron, en bas des gradins, nous fait de grands signes alors qu'Hermione le tire par la manche. Harry nous regarde en souriant, ou alors il rigole des bêtises de Ron.
— J’arrive !
— Attends, me dit George.
Il prend délicatement mon menton entre ses doigts et s’approche pour déposer un nouveau baiser. Mon cœur s’emballe, j’ai des papillons partout dans le corps, mais la peur de perdre le contrôle est partie. Alors je profite. Un deuxième baiser, puis un troisième avant que Ron nous interrompt à nouveau.
— Emy ! Ouhou !
— Ron ! C’est pas possible !
On rigole en entendant Hermione le disputer gentiment.
— Je ferai mieux d’y aller. À tout à l’heure.
Il m’accompagne pour les rejoindre, tente de mettre son frère à terre qui ne fait que ricaner, puis nous laisse tous les quatre. Ce soir, je leur raconte les derniers chaînons manquants de l’histoire.
— J’ai pris ça, regarde.
Hermione me montre un gros paquet de chocogrenouilles qui me fait saliver rien que d’y penser.
— Tu vas pouvoir continuer ta collection Harry.
— Tu te dévoues pour manger le chocolat et me laisser les cartes, c’est ça ? rigole t-il.
— Si tu insistes, dis-je en ouvrant une première friandise.
On s’assoit en cercle, et je savoure ce moment de calme avant de me replonger dans mes souvenirs. Puis j’inspire un grand coup et raconte ce qui s’est passé chez Walburga, je remonte même mes manches et laisse ma cicatrice à l’air libre. Chose que je n’avais jamais faite avant. Je la trouvais toujours trop… Voyante.
Un rappel constant du passé et de la douleur.
Je n’entre pas dans tous les détails. Je dépeins un peu les étapes qui ont mené crescendo Walburga à la folie, puis sa mort. Quand je finis, Hermione passe un bras autour de mes épaules et pose sa tête contre la mienne. Puis Ron fait de même de l’autre côté, et Harry me prend les mains.
On reste un moment comme ça, tous les quatre. Je réalise à ce moment, que pour ces trois personnes, je donnerai ma vie pour eux. Ce sont ma famille, ma famille que j’ai choisie.
— J’ai pas mal repensé à tout ça, me dit Harry. Il y a des choses que je ne comprends que maintenant. J’ai été voir ton père avant qu’il parte, il te l’a dit ?
Je secoue la tête.
— Mon père, son animagus, tu le connais ?
— Un cerf.
Il approuve d’un hochement de tête.
— Oui. Comme mon patronus.
— Il n’y a pas de hasard, dis-je avec un sourire.
— Quel était celui de ta mère ? me demande Hermione.
— Elle se transformait en panthère noire.
— Et toi ? Tu en es une ?
Ron a les yeux qui brillent de curiosité.
— Je crois.
— Tu peux le faire sur commande ?
Ils sont tous là à me regarder, pleins d’excitations et d’appréhension de me revoir en loup. En même temps, je comprends, la dernière fois, j’ai failli les tuer. Mais cette fois sera différente, je le sens.
Alors je me lève, me recule un peu, souffle un coup, ferme les yeux. Pas besoin de m’expliquer la théorie, c’est là, au fond de moi, c’est instinctif. Quand j’ouvre à nouveau les yeux, je suis une louve.
— Ah oui, quand même… murmure Ron.
Harry s’approche et tend la main. Puis, doucement, il passe sa main sur ma fourrure. Les deux autres, ont leur baguette à la main, sage décision.
— Et donc, ça, tu peux le faire autant que tu veux ? demande Harry.
J’hoche la tête. Il se recule et je redeviens Emy l’humaine. Je suis habillé, je ne sais pas où disparaissent mes vêtements lors de la transformation, mais j’avoue que c’est pratique de ne pas me retrouver nue à chaque fois que je me transforme.
— Et donc, reprend Harry. Qu’est-ce que tu entends proche des détraqueurs ?
J’ai l’impression que mon cœur a loupé un battement.
— Je… J’entends ton père d’abord. Puis ta mère, ma mère, Voldemort, des cris… Des fois Walburga, mais c’est plus rare.
— Dans le train, tu as entendu la même chose que moi ?
— Oui.
Il regarde au loin, ses yeux sont rouges, il a besoin de reprendre ses esprits, je comprends.
— Je repensais au Sinistros que tu as vu quelques fois, commencés-je.
— C’était Sirius.
— Oui. Je n’ai jamais fait le lien, c’étaient deux choses qui n’avaient rien à voir dans ma tête.
— Oui, comme nous avec toi. Il a fallu que tu dises deux ou trois choses étranges pour qu’on comprenne que quelque chose vous liait.
Voilà. Le cerveau à toujours besoin de catégoriser les choses. Alors quand on lui met deux sujets différents sous le nez, il faut un détail qui frappe vraiment pour faire le lien.
— Mais ton père ne veut pas que les gens sachent ce que ta mère a fait ? Il y a une telle discrétion autour de son nom, tous les livres d’histoire ne parlent pas d’elle. Ni de toi d’ailleurs.
— Ils n’ont aucune raison de parler de moi. J’étais juste là, au mauvais moment, au mauvais endroit. Je n’ai strictement rien fait. Pour ma mère, peut-être que ça va changer. Je pense que si on lui demande maintenant, mon père acceptera de mettre son nom en entier. Il ne voulait pas attirer les vautours à la recherche d’une histoire suffisamment tragique et sensationnelle.
— Et mes parents savaient toute l’histoire ? demande Ron.
- Oui, le Ministère a réalisé un entretien l’été dernier pour leur rappeler que j’étais dangereuse et que je ne pouvais pas voir mon père.
— Ma tante t’a reconnue ! me coupe Harry. Tu ressembles beaucoup à ta mère, elle l’a forcément connue si elles étaient amies avec la mienne. Lorsque Hagrid est venu nous chercher, elle te regardait bizarrement.
— Ah oui, effectivement oui.
Je ne connais pas toute l’histoire de ma mère, ça ne sera sans doute jamais le cas. Mais oui, c’est probable qu’elle ait déjà croisé Pétunia.
— Vous savez, j’ai regretté un moment d’avoir demandé de laisser la vie sauve à Peter…
Harry me regarde puis passe la main dans ses cheveux.
— Tu le regrettes aussi ?
Ah, il attendait une réponse.
— Non.
Je repense à la voix de mon père quand il lui parlait, c’était si froid, plein d’une rage contenue. Peter vivra avec le fardeau de la mort de trois personnes à jamais dans sa conscience. Est-il capable de remords ?
— C’est une personne lâche. Elle ne voyait que ses avantages. Et d’un autre côté, quand il a appris que j’étais là aussi, ainsi que ma mère, je ne sais pas s’il s’en est voulu. Il avait vendu tes parents, pour sauver sa peau, il n’y a aucune compassion dans ce que je dis, je crois juste que… Que je crois qu’il en paie déjà les conséquences. Regarde la vie qu’il a eu pendant douze ans, puis maintenant… Qui sait ce qu’il va faire ?
Peu importe s’il a eu douze années paisibles chez les Weasley. Qui souhaite en tant qu’être humain, passer autant d’années de sa vie sous la forme d’un rat ?
— Bref, ne t’en veux pas Harry. Tu as bien fait.
À partir de ce jour-là, ma relation avec eux change. Nous étions déjà proches, c’est encore plus le cas aujourd’hui. Notre amitié avait commencé avec un troll des cavernes, chaque aventure commune nous rapproche un peu plus. Quoiqu’il arrive, nous serons toujours unis par quelque chose.
— Dumbledore m’a dit que mon père aussi l’aurait épargné.
Quelques jours ont passé, Harry et moi sommes seuls dans la salle commune. Demain, nous repartons à Londres.
— Tu ne dois plus douter de ta décision.
— Je ne doute plus, je connecte juste toutes les informations. Il a aussi dit que Peter avait une dette envers moi. Et Voldemort n’aime pas ça.
Nous avons beaucoup parlé ces derniers jours. Au début tous les quatre, puis tous les deux, comme s’il avait besoin de temps avant de reprendre une forme d’intimité avec moi. Je le comprends, je le laisse aller à son rythme.
— Ça m’a touché que ton père, ça fait parfois encore bizarre de le dire…
Je souris, oui, j’imagine.
— Ça m’a touché qu’il ait cherché à récupérer ma garde. Tu imagines s’il avait réussi ?
— Je me le suis imaginé plein de fois cette année, maintenant, j’essaie d’arrêter les si, ça me rend plus triste qu’autre chose…
Oui, si nos parents avaient vécu, on…
Non, stop.
— On a pratiquement grandi ensemble, élevés comme des frère et soeur lors de notre première année.
— Tu es même née avec de l’avance pour être du même jour que moi, je reste le grand frère.
Il a un petit sourire diablotin, n’espère pas t’en sortir comme ça !
— Quatre heures, c’est rien !
— C’est déjà ça !
On échange un regard avant d’éclater de rire.
— Et du coup, je me refais le film de cette année, plein de choses tombent sous le sens.
La culpabilité me ressert le cœur, il doit le voir, car il se rapproche et me sert brièvement la main.
- Ne t’en veux pas, ce qui est fait, est fait. Tu as vécu un cauchemar, tu as pris les choix qui te paraissaient évidents, cessons de penser à tout ça, pensons plutôt à ton été !
Oui, mon été, alors que lui sera chez son oncle et sa tante.
— Je suis désolée, dis-je.
Il hoche la tête puis soupire profondément. Je connais ce sentiment, aller à l’orphelinat me faisait le même effet.
— Alors, raconte, vous allez faire quoi ?
— Tu es quelqu’un de bien Harry, dis-je.
Il est touché, je le sens.
— En premier, je veux dormir dans mon lit, dans ma chambre. J’en ai un vague souvenir et à la fois, c’est très net dans ma tête.
— Tu avais emporté des affaires avec toi ?
— Non, juste mon doudou, un lapin.
— Il est où maintenant ?
— Dans le grenier de la maison Black. J’ai eu peur qu’elle le brûle, alors je l’avais caché. Tu en as eu toi ?
— Des doudous ?
J’approuve d’un hochement de tête. Je me doute de la réponse.
— Non, enfin si, une sorte de torchon, puis j’ai fait comme toi, je l’ai planqué dans ma chambre.
— Ta chambre sous l’escalier.
— Voilà.
Deux histoires si différentes et pourtant…
— Profite bien, ajoute t-il en se levant pour aller dormir. Tu m’écriras ?
— Bien sûr, ça ne change rien Harry. Je sais toujours utiliser la poste moldue. Et puis, je ne sais pas ce qu’on fera, mais peut-être que tu pourras aller chez les Weasley rapidement.
— Ce serait bien oui. Tu sais…
Il se rassoit.
— Pendant un instant, j’y ai vraiment cru que… Que j’irai vivre chez Sirius.
Oui, moi aussi.
— Je sais.
— Tu sais où il est ? Ton père te l’a dit ?
— Non, mais je pense qu’ils sont restés en contact.
— Il ne te parlait jamais de lui ?
— Non. Et je ne posais jamais de questions sur lui. J’avais toujours senti l’ambivalence d’émotions qui venait quand le sujet était dans l’air. Il ne comprenait pas pourquoi il aurait fait ça alors qu’ils étaient très proches.
— Plus que Peter.
— Oui.
— Ta mère le savait.
— Oui, c’est rassurant de savoir qu’elle le savait.
— Elle a une belle voix.
On échange un regard. Tous les deux avons la gorge nouée.
— Toi aussi tu…
Il se racle la gorge.
— Toi aussi, tu as compris qu’avec les détraqueurs, tu avais ta seule opportunité de les entendre ?
J’hoche la tête.
— On sait les combattre maintenant, c’est le principal, ajoute t-il.
Nous restons plongés dans nos pensées, moi, je pense à ce qu’il nous a raconté pour la prophétie de Trelawney. La divination est étrange, c’est si incertain et à la fois très sûr. Cette professeure est très intrigante, je ne la cerne pas très bien. C’est comme si elle avait cette personnalité un peu loufoque qui focalise sur treize personnes à table, et à la fois, une personnalité qui a de vraies visions. Quelles autres choses peut-elle voir et prédire ? Sommes-nous maîtres de nos destins ?
Il est temps que j’aille dormir, je me pose trop de questions.
*****
Le quai de la gare est bondé de monde. Mon objectif est de trouver le plus vite possible un compartiment libre pour ne pas en partager un avec des inconnus. Oui, c’est un poil misanthrope, mais l’intimité et la solitude sont des privilèges quand on vit tout le temps entouré de plein de monde, croyez-moi.
— Emy, j’en ai un !
Je me dépêche de rejoindre Hermione.
— Parfait !
On s’assoit et immédiatement, je sors des chocogrenouilles de ma poche.
— Déjà ?
— On fête ton emploi du temps qui redevient normal.
Ron arrive à ce moment-là et se saisit immédiatement d’un chocolat.
— Oh, Emy, c’est parfait. Ah, Harry, j’ai encore la carte de Dumbledore, c’est fatiguant à la fin !
Celui-ci a un sourire un peu triste sur le visage. Ils remarquent nos regards à moi et Hermione.
— Je pensais aux vacances.
- Moi aussi, j'y ai pensé, dit Ron. Harry, il faut que tu viennes à la maison. J'arrangerai ça avec mes parents et je t'appellerai. Je sais comment me servir d'un fêlétone, maintenant.
- Un téléphone, Ron, rectifie Hermione. Tu devrais étudier les Moldus, l'année prochaine…
Sa remarque me fait rire, lui, il ne prend même pas la peine de répondre.
— C'est la coupe du monde de Quidditch, cet été ! Qu'est-ce que tu en dis ? Viens à la maison et on ira ensemble ! Venez tous les trois, mon père s'arrange toujours pour avoir des billets par le ministère.
— Pardon ?
Il peut avoir des billets ? Mais c’est fou !
— Moi aussi, je peux vous réserver des surprises, répond t-il avec un sourire espiègle.
— Oh, mais ça va être incroyable !
— On peut se voir pour la finale. Harry, tu en penses quoi ?
— J'imagine que les Dursley seront ravis de me laisser partir... Surtout après ce que j'ai fait à la tante Marge...
On pouffe tous de rire.
— Alors, c’est quoi ton pronostic Ron pour la finale ?
Il est le seul à lire des magazines d’actualité quidditch. Moi, je lis plutôt des détails de matchs historiques pour analyser le jeu. J’ai aucune idée du nom des joueurs en vogue.
— Déjà, s’il n’y a pas Krum, je ne comprends pas. Ensuite, je sais que l’équipe italienne a pas mal progressé avec Cavinato en poursuiveur, ça peut jouer en leur faveur. Les français, bon, on ne pense même pas à eux, les anglais pareil, ça fait des années qu’ils sont à l’ouest. Par contre les irlandais… Oui, ils ont toutes leurs chances !
— Oh, Ron, attends, regardez ! s’exclame Hermione.
On se penche tous par la fenêtre pour voir une petite boule grise arriver vers nous.
— C’est un bébé hibou, avec une lettre !
On échange un regard excité avec Harry, c’est peut-être Sirius.
En effet, c’est lui. On lit tous par dessus l’épaule d’Harry. Toutes les dernières pièces du puzzle se remettent en place : il se cache, c’est lui qui a acheté l’Éclair de Feu avec l’aide de Pattenrond (décidément ce chat !), c’est bien lui qu’Harry a vu avant d’appeler le Magicobus par erreur, et le petit hibou est pour Ron. Il y a un autre parchemin qui joint cette lettre :
Je, soussigné, Sirius Black, parrain de Harry Potter, donne par la présente l'autorisation à mon filleul de se rendre à Pré-au-lard le week-end.
— Ça suffira pour Dumbledore ! se réjouit Harry.
— On va pouvoir aller tous les quatre à Pré-au-lard, trop bien.
— Ah oui, il faut que je fasse signer mon autorisation…
— Emy ! s’indigne Ron. Tu ne l’as toujours pas fait ?
— Non, j’ai oublié, mais je le ferai, il faut juste que j’y pense.
Il me regarde avec un air douteux, ce qui nous fait tous rire. Je suis contente pour Harry, cette lettre lui a remonté le moral.
Ron a toujours le petit hibou dans sa main. Maintenant qu’il sait qu’il peut le garder, il le regarde différemment. Finalement, il le tend à Pattenrond qui le renifle en remuant de la queue.
— Qu'est-ce que tu en penses ? Un hibou, ça te va ?
Pattenrond se met à ronronner. Ça semble vouloir dire oui.
— Pour moi, c'est d'accord. Ce hibou est à moi.
Je me rassois, et Pattenrond vient se coucher sur mes genoux. Il est si grand qu'il s’étale aussi sur Hermione qui le caresse distraitement.
— Les loups-garous, ils ont un contact différent avec les animaux ? demande-t-elle.
J’approuve d’un hochement de tête.
— Tout s’explique, murmure-t-elle.
Je sais que pendant un temps, ils auront des questions. Tout comme Harry, ils doivent se rejouer plein de scènes que nous avons vécues ensemble.
Quand le train arrive finalement à Londres, je suis excitée comme une puce. Mon père va m’attendre, je vais le revoir, et on va rentrer chez nous. En même temps, je ne veux pas être trop réjouie, pour Harry, ce n’est pas la même chose pour lui.
Le train s’arrête, je descends avec ma malle, puis je prends le hibou de Ron qu’il me tend pour l’aider à descendre.
— Merci, me dit-il quand il me rejoint sur le quai.
Je lui rends son hibou tout énervé par l’agitation ambiante. Puis je cherche du regard mon père qui est adossé contre une colonne de la gare. Quelques élèves le regardent, étonnés de le voir ici.
— Vas-y, me dit Harry avec un sourire.
— Ne pars pas avant que je te dise au revoir.
— Promis.
Je marche vers mon père, son sourire sur son visage est contagieux. Je me jette dans ses bras et il me serre fort contre lui.
— Je suis si content de te voir, murmure-t-il à mon oreille.
J’ai tellement attendu ce moment, c’est comme de nouvelles retrouvailles.
— Tu veux venir voir les Weasley ?
— Avec plaisir.
On part en leur direction, en chemin, on croise Dean et Seamus qui viennent parler à mon père.
— Vous étiez le meilleur prof de Défense Contre les Forces du Mal qu’on a eu !
— Merci Seamus.
— Donc vous ne reviendrez pas l’année prochaine ?
— Non Dean, vous aurez un autre professeur, qui je suis sûr, vous apprendra plein de super choses.
Les deux garçons sont déçus. Puis ils se tournent vers moi, et leurs yeux font des allers-retours entre mon père et moi. Leur regard est perdu, puis ils écarquillent les yeux.
— Un sort de Dumbledore, dis-je simplement.
— Mais… C’est ton père ?
— Oui.
— Le professeur Lupin est ton père ?
— Oui.
— Mais…
— À dans deux mois les garçons ! Salut !
Je coupe court à cette discussion, ils poseront leurs questions à Ron et Harry à la rentrée.
— Bonnes vacances ! fait mon père en me suivant.
— Emilynn ! Oh, enchanté, s’exclame Mr Weasley en nous voyant.
— Remus Lupin, enchanté.
— Arthur Weasley, et voici ma femme Molly.
Mr et Mrs Weasley semblent vraiment heureux pour mon père et moi.
— Merci pour ce que vous avez fait pour Emy.
— Oh, ce n’est rien…
Je les laisse parler pour rejoindre Harry que je le prends rapidement dans mes bras.
— À bientôt.
— Oui.
— Ça va aller.
— Merci.
— Je t’appellerai pour la coupe du monde, assure Ron.
On le regarde rejoindre son oncle qui a l’air d’être toujours énervé ou frustré.
— On dirait que son oncle a une épine sous le pied et que c’est pour ça qu’il grimace tout le temps, dit Ron.
— Je me disais exactement la même chose !
On échange un sourire.
— Ils sont vraiment affreux. Je vais essayer de le faire venir au plus vite.
Les parents d’Hermione nous ont rejoint et font également connaissance avec mon père. J’entends qu’il les remercie eux aussi.
— Ça va ? me demande Hermione en venant avec nous un peu à l’écart.
— J’ai croisé Dean et Seamus.
— Oui, ne t’inquiète pas, les gens vous ont vus, pendant l’été, ils vont intégrer le truc, puis à la rentrée tout le monde aura oublié.
— Ça m’irait très bien oui.
— Transforme-toi en loup maintenant, comme ça, on fait tout d’un coup.
On rigole et les adultes nous regardent avec un air étonné.
— Vous permettez que je vous emprunte Emy un instant ? fait George en nous rejoignant.
Ron lève les yeux au ciel et Hermione lui donne un coup de coude.
— Bien sûr, on se voit cet été Emy, dit-elle avec un sourire.
— Oui, je t’appellerai.
On part un peu à l’écart avec George. On ne va pas s’embrasser devant tout le monde, on s’est déjà plus ou moins dit au revoir avant de prendre le train.
— Passe de bonnes vacances.
— J’y compte bien, toi aussi.
— On se voit pour la coupe ?
Mon visage doit s’illuminer, car il éclate de rire.
— Tu vas faire quoi cet été ?
Il hausse les épaules.
— Je ne sais pas, on verra bien.
— Tu sais, je pensais à quelque chose… Toi et Fred m’aviez tellement aidé avec mon collier de pâtes, c’était magnifique le résultat. Bien mieux que mon idée initiale.
— Je sais à quoi tu penses.
— Ah bon ? dis-je, surprise.
— Oui, et on a déjà des idées en cours, ajoute t-il avec un sourire malicieux. Ça fait partie du projet secret.
Il dépose un bref baiser sur ma joue, puis prend ma main pour rejoindre tout le monde. On se souhaite tous bonnes vacances, promettons de nous revoir bientôt, puis je salue les parents de Ron et Hermione avant de suivre mon père. D’un coup de baguette, il fait disparaître ma malle.
— J’ai pensé que tu devais avoir faim. Ça te dit des fishs and chips ?
— Le long de la Tamise ?
J’en ai rêvé. Le dernier souvenir que j'en ai est merveilleux.
— Oui, oui, oui !
Il rigole de mon enthousiasme. Son visage a changé en quelques mois et surtout depuis qu’il a parlé à Sirius. La vérité, les retrouvailles, un mélange de tout ça peut-être, il semble avoir rajeuni. Des petits plis aux coins des yeux marquent sa joie.
Nous sortons de la gare et marchons en direction de Waterloo. Cette atmosphère de vacances est merveilleuse, il fait beau, je me sens joyeuse. En s’arrêtant devant la roulotte qui vend des fish and chips, je reconnais le couple de commerçants.
— Oh, voici la Miss aux yeux vairons, on ne l’oublie pas avec de si jolis yeux. Comme tu as bien grandi !
On échange quelques mots, puis nous nous installons sur les bancs/marches le long des quais. J’ai l’eau à la bouche rien qu’avec l’odeur.
— Bon appétit.
— Have a good meal !
C’est horriblement gras et salé, mais qu’est-ce que c’est bon.
— C’est bon hein ?
J’hoche de la tête et levant les yeux au ciel.
— Best thing ever.
** Meilleure chose du monde.**
Il rigole.
— Je me disais que c’était bien d’avoir le ventre vide avant de rentrer. Te laisser un peu le temps de souffler.
— Tu as bien fait.
— J’ai fait changer ton lit, tu as un peu grandi depuis la dernière fois.
Doux euphémisme.
— C’est un lit une place et demie, comme ça si tu invites des amis à la maison, tu seras tranquille.
Je lui jette un regard suspicieux. Il inclut George dans « amis » ?
— Eh oui, je parle aussi de lui.
— Ah.
— Rassure-toi, je ne vais pas te sortir le discours parental sur les relations amoureuses.
— Merci.
J’adore qu’il garde un esprit jeune sur plein de sujets. On sent que ce n’est pas pareil avec Mr et Mrs Weasley. En même temps, il m’a eu jeune.
— Tu as eu cette discussion avec tes parents ?
Il hoche la tête avec un sourire amusé.
— Avec ma mère, au petit-déjeuner, le pire moment.
Oui, j’imagine.
— Pourquoi au petit-déjeuner ? dis-je en rigolant.
— Elle avait remarqué que j’étais amoureux de ta mère. Elle m’en a parlé une fois alors que je mangeais mon bol de céréales, et puis c’est tout. C’était très succinct, on ne parlait pas de ces choses-là.
C’est touchant et à la fois pas du tout. Elle essayait de prendre contact avec son fils. Mais j’imagine aussi très bien le tabou. Je n’aime pas ça, mais en même temps, je ne voudrais pas parler maintenant de sexualité avec mon père.
— Comment ça va avec Harry ? dit-il en changeant de sujet.
— Bien, il avait besoin de tout intégrer. On a beaucoup parlé.
— Je suis content pour toi que tout aille bien avec tes amis.
— Oui.
Mon soulagement est immense.
— Ça m’a fait du bien de ne plus rien leur cacher.
— Tu leur as dit pour Walburga ?
J’approuve d’un hochement de tête. Rien que d’y penser ça me noue la gorge.
— Bravo, je suis fier de toi.
Un chien passe devant nous, c’est un labrador beige, j’adore ces chiens. Il arrive vers moi pour une caresse, ou alors mon fish and chips, difficile à dire, alors je lui donne une caresse, et garde ma nourriture bien contre moi.
— Charly, viens ici, c’est pas pour toi les frites, désolée, fait sa maîtresse en venant vers nous.
— Pas de problème.
— Il vous a adoptés, je crois, fait-elle en rigolant.
Ils repartent et mon envie de pleurer est partie.
— J’ai bien aimé aussi découvrir toute l’histoire de toi et maman.
Il a toujours son alliance. J’ai remarqué qu’il avait un tic, il la fait toujours tourner autour de son doigt quand il est perdu dans ses pensées.
— Papa ? Je peux te poser une question ?
— Bien sûr.
— Vous vous êtes mariés quand maman était enceinte. Pourquoi pas avant ?
Il ne répond pas tout de suite, je lui laisse le temps de réfléchir. J’ai tout mon temps. J’ai un peu peur honnêtement de retourner chez moi. Je sais que ça va remonter plein de souvenirs.
« Je t’aime ma chérie. »
Quand me l'a-t-elle dit ? Quand elle m’a couchée en même temps qu’Harry ? Ou avant ? À la maison ? À la même maison où je m’apprête à retourner ?
— Emy, ta mère t’aimait profondément, j’espère que tu le sais.
Oui.
— Après Poudlard, James et Lily se sont mariés rapidement, quand elle nous a annoncé qu’elle était enceinte, ce n’était pas une grande surprise, nous nous y attendions.
Ses yeux sont perdus au loin. Je regarde quelques bateaux passer sur la Tamise, puis les touristes mêlés aux londoniens qui se baladent le long des quais.
— C’était une drôle de période, il ne faisait jamais beau, nous avions perdu beaucoup d’amis, c’était la guerre. Les perspectives d’avenir étaient restreintes. Avec Lyra, nous ne voulions pas forcément trop nous projeter. On avait peur de tout perdre. Tout était tellement incertain… Un jour, Lyra m’a annoncé qu’elle aussi était enceinte. Je ne vais pas te mentir, j’ai eu d’abord peur. On avait aucune idée de si tu allais être une loup-garou ou pas. Que la pleine lune ne t’affecte pas autant que moi… Tu n’imagines pas à quel point je suis soulagé.
Il se tourne vers moi et me fait un grand sourire. J’ai la gorge nouée.
— On a décidé d’aller au bout, tu es devenue notre bébé miracle, et jamais, Emy, jamais je n’ai regretté cette décision. C’était une grossesse compliquée, on nageait en plein inconnu, mais on s’aimait, nous étions bien entourés, et on avait cette envie folle de faire de notre mieux.
J’essuie une larme qui coule le long de ma joue.
— Quand tu es née, c’était l’un des plus beaux jours de notre vie. Lyra était si… apaisée, heureuse avec toi. Et moi, dès que ce petit bout de chou m’a regardé avec ses magnifiques yeux que tu as, j’ai su que je t’aimerai pour toujours. Que quoiqu’il arrive, quoiqu’il se passe, je serai toujours ton papa, que je serai là pour toi.
J’en essuie une deuxième. Je bois une gorgée d’eau et l’envie de pleurer passe un peu. Je suis très émue par tout ça. Il le sent, car il n’ajoute rien et nous restons un moment à observer les passants tout en finissant de manger.
— On rentre à la maison ? dis-je au bout d’un moment.
— Tu es prête ?
— Oui.
On ne marche pas longtemps, juste une vingtaine de minutes. Au fur et à mesure qu’on approche, je reconnais certains détails. Quand nous arrivons devant l’immeuble, il n’a pas besoin de me dire que c’est celui-là. Je m’approche, ouvre la porte et commence à monter les marches. L’odeur, le bruit du bois qui craque, tout est familier.
Nous habitons au dernier étage, c’est la seule porte sur ce palier. Il me tend une clé.
— C’est la tienne.
L’attention me touche.
— Merci.
Je suis confiante en l’insérant dans la serrure. J’appuie sur la poignée et reste un instant sur le paillasson à regarder. Tout est comme dans mon souvenir. C’est la première chose qui me frappe. L’odeur ensuite. C’est familier, c’est rassurant, c’est chez moi.
J’entre et vais directement dans ma chambre. Oui, le lit a changé, sinon le reste est comme avant. C’est la même petite décoration de bébé, mélangée avec des éléments de ma chambre en France.
— J’ai laissé comme avant, tu pourras changer si tu veux.
— Oui, c’est possible, dis-je en lui montrant un mobile posé sur une étagère.
Ça le fait rire, puis il part dans la cuisine pour me laisser le temps de souffler. Le mur où est appuyé ma tête de lit est recouvert d’étagères carrées. Il me semble qu’il y a ça dans le salon aussi. Mon armoire est presque vide, devant sont posés des cartons de vêtements.
6 - 18 mois
3 ans
5 - 7 ans
Je les ouvre. Certains me rappellent des souvenirs, des collants multicolores par exemple. Je les portais tout le temps. Mon père en avait acheté plusieurs exemplaires. Aujourd’hui, ils sont tous troués ou tachés.
Je me tourne ensuite vers mon lit, il est grand. Sur les étagères, il y a une petite plante grimpante, j’aime beaucoup. Il y a aussi, posé dans un petit coin, un collier.
Toujours pur
Je le prends et sors de la chambre pour rejoindre mon père.
— Menthe verveine, ça te va ?
— Oui, très bien, merci. Ça, c’était à maman ?
Il regarde ce que je lui tends, puis approuve d’un hochement de tête.
— Oui, c’est celui qu’elle avait depuis sa naissance. Sirius aussi en avait un. Il me semble qu’il l’a jeté quand il était encore à Poudlard, juste après avoir coupé les ponts avec sa famille. Ta mère l’a porté plus longtemps. Et puis, un jour, elle l’a enlevé, et il est resté là depuis.
— Je peux le garder ?
— Bien sûr.
Il verse deux mugs alors que je balaye la pièce à vivre du regard. Il y a de nouvelles plantes, mais les livres, les photos, les vinyles, tout est là.
— Tu veux d’autres de ses affaires ? me demande-t-il finalement.
— Tu en as ?
— Oui, j’ai tout gardé, je ne voulais rien faire avant que tu les regardes si jamais tu souhaitais en garder.
— Oui, je veux bien.
Il m’emmène vers leur chambre, puis il me désigne l’une des deux penderies.
— C’est celle-là.
Il se tient à distance, ses doigts sont serrés sur la anse de son mug.
— Nous sommes partis rapidement en France. C’est ton grand-père qui est passé ici prendre tes affaires, moi, je ne pouvais pas rentrer ici. Depuis, je n’ai touché à rien.
L’émotion à l’idée d’ouvrir ce placard est plus grande que je ne l’imaginais. Je ne sais pas à quoi m’attendre. Je prends l’une des portes et découvre plein de vêtements. C’est surtout du noir. Il y a aussi un peu de blanc, un long trench beige, et quelques paires de chaussures.
— Tu ne veux rien garder ? demandés-je.
— Pas vraiment. J’ai assez vécu avec le passé, tous mes souvenirs sont dans ma tête, ça me va bien.
Je comprends.
— Tu peux prendre tout ce que tu veux. Si tu veux les laisser là, tu peux. Si tu veux les donner, on peut.
— Ça, je peux prendre ?
Je désigne une paire de DrMartens.
— Oui, dit-il avec un sourire.
— Mais c’est merveilleux. J’adore ce qu’elle avait.
Je découvre un t-shirt des Pink Floyd, puis de plein d’autres divers groupes de rock.
— Elle le portait tout le temps celui-là.
Je ne veux pas trop fouiller d’un coup. Ça fait beaucoup d’émotions, mais une boîte tout en haut de l’armoire m’intrigue. Je la prends et l’ouvre pour découvrir une superbe robe noire magnifiquement brodée. Il y a même un petit diadème.
— J’adore…
J’hésite à continuer de fouiller cette armoire. En même temps, j’ai envie de tout apprendre d’elle, et d’un autre… Ça fait beaucoup. Peut-être le faire petit à petit ? Je regarde la pile de pulls, et une envie folle traverse mon esprit.
Et si ses pulls ont encore son odeur ?
J’en prends un, et ose l’approcher de mon nez. Immédiatement, je sens les larmes revenir. C’est à ce moment-là que mon père me laisse. Pour lui aussi, c’est peut-être trop.
Je ne sais pas si je reconnais son odeur. Je ne sais pas si c’est mon cerveau, commandé par mon cœur qui veut vraiment y croire, qu’il me donne l’impression que l’odeur est familière. Je ne le saurais jamais. Mais j’aime cette odeur, et dans mon esprit, ça devient celle de ma mère.
Pour certains, ces vêtements ne signifient peut-être rien. Mais pour moi, c’est ce qui me rattache à des sentiments, des émotions et des souvenirs.
Passé et présent réunis.