Hier soir, j’ai cherché de quoi soigner ma main pendant qu’Hermione tricotait un énième bonnet.
— Il faut de la solution filtrée de tentacules de Murlap marinées.
— Surtout si Ombrage te met la main dessus et te rajoute une semaine de colle, dit Harry.
J’hausse les épaules alors qu’Hermione scrute l’entrée des hiboux qui délivrent le courrier.
— Elle a dit quoi hier ?
— Elle a juste demandé où tu étais. J’ai dit que je ne savais pas.
— Merci. J’avais peur qu’elle te le fasse payer.
— Non t’inquiète…
Il regarde sa main.
— On aura une cicatrice si on fait trop de retenues, ajoute t-il.
— J’espère juste que ça ne va pas affecter mes lancés. Je suis bonne de la main gauche, mais la droite reste plus puissante et précise, dis-je en tentant de bouger les doigts.
J’arrête quand la douleur irradie lors d’un mouvement trop fort. Ron ne parle pas, il est stressé pour l'entraînement de cet après-midi.
— Tu as fait quoi ce matin Harry ? Tu n’étais pas en bas quand je suis descendue.
Je crois le voir rougir un bref instant.
— J’ai envoyé une lettre à Patmol.
Hier soir, sa cicatrice lui a fait mal quand Ombrage l’a touché. Ça ne m’étonne pas, c’est le diable en personne cette femme.
— Rusard a débarqué comme une furie quand j’étais à la volière. Il croyait que j’avais commandé des Bombabouses.
Je force les sourcils, ça n’a aucun sens.
— Oui, je sais. Très étrange, dit-il.
— Bon… Ça ne s’arrange pas les mystères dans ce château.
Hermione et Harry sourient. Ron est trop stressé par cet aprem pour réagir.
— Ron, ça va aller tout à l’heure.
— Oui, oui… Dites… Ça vous dit d’y aller un peu plus tôt avec moi pour…... heu... que je m’habitue un peu avant la séance ? Que je puisse me mettre au niveau, vous voyez ?
— Oui, d’accord.
— Pas de soucis. Ça va dépendre d’à quel point je peux éviter Ombrage.
— Eh bien, moi, je crois que vous ne devriez pas, intervient Hermione. Vous avez tous les trois beaucoup de retard dans vos devoirs et je pense que...
C'est le moment que choisit le courrier pour arriver. Hermione va récupérer sa Gazette du Sorcier et lâcher cette histoire de devoirs. Même si oui, elle a raison, ça fait une semaine que nous sommes rentrés et j’ai déjà… une semaine de retard. Je récupère une lettre de mon père et la met dans ma poche, je la lirai au calme ce soir.
— Rien d’intéressant ?
Avec Harry, on échange un sourire, on sait que Ron veut changer la conversation.
— Non, juste des idioties sur la bassiste des Bizarr’ Sisters qui va se marier.
— Ah cool, je dis.
Les garçons se tournent vers moi en fronçant les sourcils.
— C’est quoi le nom de la bassiste des Bizarr’ Sisters ? me demande Ron.
— Aucune idée.
Il éclate de rire. Nous sommes sur la même longueur d’onde.
— Oh, mais attends... Oh non... Sirius !
— Quoi ?
— Qu’est-ce qui s’est passé ? s’exclame Harry.
Je me retiens de lui arracher le journal des mains.
— « Le ministère de la Magie a reçu d’une source digne de foi une information selon laquelle Sirius Black, l’assassin de sinistre réputation... bla, bla, bla... se cacherait actuellement à Londres ! »
— Merde… je murmure.
— Ça, je suis prêt à parier n’importe quoi que c’est un coup de Lucius Malefoy, dit Harry. Il a dû reconnaître Sirius sur le quai de la gare...
- Évidemment, j’ajoute.
— Quoi ? s’écrie Ron. Tu ne m’as pas dit...
— Chut !
— ... « Le ministère a le devoir d’avertir l’ensemble de la communauté des sorciers que Black est un homme très dangereux... a tué treize personnes... s’est évadé d’Azkaban...», les imbécilités habituelles.
— Merde, je répète.
- Il ne pourra certainement plus quitter la maison, murmure Hermione. Dumbledore lui avait pourtant dit de ne pas sortir.
— Il ne tiendra pas, je réponds.
— Peut-être que…
— Non Hermione. Cette maison, c’est l’horreur. Tu as le poids du passé de tes ancêtres sur tes épaules. Où que tu ailles. Ça rend fou.
Harry continue de feuilleter le journal.
— Hé ! Regardez !
— Je n’ai pas besoin de robes, j’ai tout ce qu’il me faut, dit Ron alors qu’il lui tend une grosse pub pour Mrs Guipure.
— Non, pas ça. Regardez, là, cet entrefilet...
C’est un article sur un cambriolage au Ministère. Sur Sturgis Podmore pour être exacte.
— C’est Vous-Savez-Quoi.
— Oui, approuve Hermione.
— Six mois à Azkaban ! murmure Harry, choqué. Simplement pour avoir essayé d’ouvrir une porte !
— Ne sois pas stupide, ce n’était pas seulement pour ça. Que pouvait-il faire à une heure du matin au ministère de la Magie ?
Je suis d’accord avec Hermione.
— Tu crois qu’il était en mission pour le compte de l’Ordre ? chuchote Ron.
— Attendez un peu, dit Harry. Sturgis devait nous accompagner l’autre jour, vous vous souvenez ?
— Oui, dis-je. Il devait faire partie de notre escorte pour aller à King’s Cross, c’est bien ça ? Et Maugrey n’était pas content parce qu’il n’est pas venu. Donc, il n’était pas en mission pour eux.
— Peut-être ne savaient-ils pas encore qu’il s’était fait prendre ? dit Hermione.
— Ou peut-être que c’est une machination ! s’exclame Ron. Non... Attendez ! Le ministère le soupçonne d’être un allié de Dumbledore, alors, ils l’attirent là-bas, mais en fait, il n’a pas du tout essayé de forcer cette porte ! C’était tout simplement un piège pour pouvoir l’arrêter !
C’est un peu tiré par les cheveux. Mais c’est possible. Nous ne sommes pas à une théorie farfelue près.
— Vous savez, je ne serais pas surprise que ce soit vrai, dit Hermione après une longue réflexion.
— Et Voldemort ? je chuchote. Une méthode pour descendre un à un les membres de l’Ordre. Discret et efficace. Moins salissant qu’un meurtre.
Tous frissonnent.
— Je ne sais plus quoi penser, fait Harry.
— Emy… me fait Ron en me faisant un signe de tête.
Je suis sa direction et sens mon coeur faire un bond en voyant Ombrage marcher vers moi.
Merde.
En même temps, je le savais. Et si c’était à refaire, je ferais exactement pareil.
Mais merde quoi…
— Miss Lupin, comment allez-vous ?
— Bonjour professeur Ombrage. À merveille et vous ?
Elle semble jubiler.
— Vous n’étiez pas là hier.
Je me retiens de lui répondre un « bravo génie », ça n’aiderait pas mon cas.
— Vous aurez une semaine de retenue supplémentaire.
— D’accord.
— Vous recommencez une seule fois de ne pas venir en retenue et je vous emmène voir le directeur.
— D’accord.
— Professeur Ombrage.
Arf…
— D’accord, professeur Ombrage.
Elle et son sourire insupportable repartent.
— Oh, et Miss Lupin, cela commence ce soir.
Un samedi, oui bien sûr. Nous ne sommes pas à un abus près. Elle repart satisfaite tandis que je me demande comment je vais me sortir de ce bourbier.
— Fais profil bas pendant cette semaine. On va soigner ta main, et ça ira mieux, fait Hermione qui semble lire dans mes pensées.
— Je ne vais pas tenir une seconde classe avec elle.
— Vous avez vraiment lu son manuel ? demande Harry.
Je souris.
— Non, mais ça ne sert à rien, je fais.
— Je l’ai lu, répond Hermione en refermant son journal. Je vois mieux ce que le Ministère a en tête.
— À quoi bon ? fait Ron. On sait déjà que ce n’est pas dans notre sens.
Il n’a pas tort.
— Bon, on va à l'entraînement ? ajoute-il.
Harry et moi le suivons, les manigances du Ministère attendront.
*****
— À ce point ?
Je soupire.
— Tu promets de ne pas t’énerver ?
— Tu me demandes ça parce que ça concerne les jumeaux.
Oui.
— Fred avait un truc pour empêcher les saignements. Sauf qu’il a confondu avec un autre truc. Donc c’était pire, elle pissait le sang. Ils ont dû l’emmener à l’infirmerie.
— Elle va mieux ? demande Ginny.
— Oui, je suis passée la voir, elle passe la nuit là-bas par contre.
Hermione a les lèvres pincées.
— Il se prend trop la tête Ron, dit Ginny. Sans le stress, il serait bon. C’est tout le but de leur technique d’intimidation des Serpentard. À la maison, il bloque les buts de Charlie, mais aussi des jumeaux.
— Ouais, ça va vite devenir un problème s'il se laisse autant décontenancé. Rappelez-vous avant la finale il y a deux ans. Les Serpentard reculaient devant rien pour nous intimider.
— Dubois voulait que vous soyez escortés pour passer d’une classe à une autre, se rappelle Hermione.
— Le nombre de remarques débiles que j’ai entendu… Harry aussi d’ailleurs.
Je fais attention à ne pas trop bouger sur mon lit. J’ai la main dans un bol d’essence de Murlap. Elle n’a pas cessé de saigner depuis que j’ai quitté Ombrage un peu plus tôt.
— Au fait Ginny, je commence avec un sourire malicieux.
Elle se met immédiatement à rougir.
— Oh, je sais que tu sais. Mes frères aussi ?
— Non, je la rassure.
— Oh ! s’exclame Hermione. Vous êtes ensemble avec Michael Corner ?
— Oui, approuve Ginny. Comment as- tu su Emy ?
— Des filles dans les toilettes en parlaient.
Elle soupire.
— Tu veux savoir quelque chose dans ce château, il suffit d’aller dans les toilettes des filles. C’est comme ça que j’ai appris que Nita Singh n’avait pas naturellement les cheveux ondulés.
Elle a tellement raison.
— Sinon, j’aurais jamais su puisque j’en ai strictement rien à faire.
On rigole toutes. Oui, le nombre d’infos inutiles qu’on apprend aux toilettes est assez élevé.
— Et sinon avec Viktor ? demande Ginny en prenant une nouvelle Chocogrenouille. Comment ça va ?
— Tu ne veux pas m’aider à tricoter plutôt ? fait Hermione.
— Emy ne peut pas le faire ?
— Elle a une main HS au cas où tu ne l’aurais pas remarqué. Allez… Ginny… S’il te plaît…
— Une autre fois.
Devant la mine déçue d’Hermione, elle ajoute :
— Promis !
Ça semble la réconforter un peu.
— Je ne sais pas comment je vais faire mes devoirs par contre, dis-je en grimaçant. J’essaierai d’écrire demain matin. Sinon je vais trouver un sort pour qu’une plume écrive à ma place. Ou une plume à papote, ça peut être bien.
— Ah… fait Ginny en soupirant. Je n’ai tellement pas hâte d’être en cinquième année. Je veux encore passer mes dimanche à ne rien faire…
— Plus pour longtemps, tu vas bientôt les passer à tricoter, réplique Hermione.
Nous éclatons toutes de rire. C’est une belle soirée.
*****
Je suis horrifiée devant la lettre de Percy. C’est sûr que ça ne va pas aider Ron.
— Bon, eh bien, fait Harry en une tentative d’alléger l’atmosphère, si tu veux... heu... comment dit-il déjà ? Ah oui, c’est ça... « rompre les liens » avec moi, je te promets que je ne deviendrai pas violent.
— Rends-moi ça, dit Ron qui récupère sa lettre pour la déchirer en plusieurs morceaux. C’est vraiment… Le plus grand… Crétin… Du monde.
Et il la jette au feu.
— Allez, viens Harry, il faut finir l’astronomie avant l’aube.
Hermione et moi échangeons un de nos regards remplis de mots télépathiques.
— Allez, donne.
— Quoi ?
— Donnez-moi vos devoirs, je vais les regarder et les corriger.
— Tu parles sérieusement ? Ah, Hermione, tu nous sauves la vie, dit Ron. Qu’est-ce que je pourrais...
— Tu pourrais dire par exemple : « Nous promettons de ne plus jamais accumuler un tel retard dans nos devoirs ».
Elle fait l’énervée, mais je sais que c’est faux.
— Donnes-en une, je vais t’aider.
— Non Emy, toi aussi, tu n’as pas arrêté de la journée… En plus, tu sors de retenue… réplique mollement Harry.
C’est vrai que ma main me fait mal, mais je peux relire et lui faire corriger ce qui ne va pas.
— Donne, je n’ai pas sommeil de toute façon.
— Merci mille fois.
Je commence à relire tout en corrigeant des informations de-ci, de-là. Il y a aussi quelques fautes que je remarque au passage.
— Tu dors je-ne-sais combien d’heures par nuit et tu n’es pas fatiguée ?
— Elle est partie courir ce matin, ajoute Hermione toujours le nez sur sa copie.
J’hausse les épaules.
— J’ai trop de trucs dans la tête pour pouvoir dormir.
— C’est tes lectures de Quidditch avant de dormir, ça n’aide pas, dit Hermione, toujours sans relever la tête. Après tu ne rêves que de repartir sur ton balai.
— Hier, j’ai bien dormi, je fais remarquer.
Harry me regarde avec un drôle d’air.
— Tu fais des cauchemars ?
— Non… C’est juste que mon cerveau imagine plein de trucs, et que je saute de truc en truc sans s’arrêter… Je ne sais pas comment l’expliquer.
— Tu as encore peur de perdre le contrôle ?
Honnêtement oui.
— Je devrais me remettre à ta copie pour la finir…
Il a un sourire triste.
— La réponse est oui, je finis par lâcher.
— Tu as encore des sensations dans ton bras ?
— Non.
À mon plus grand soulagement.
Je retourne à la correction et le silence reprend sa place pendant de longues minutes ponctué par mes remarques sur le devoir d’Harry.
— Bon, alors, écris ça Ron, dit finalement Hermione. Ensuite, tu ajouteras la conclusion que j’ai rédigée pour toi.
— Hermione, tu es vraiment la personne la plus extraordinaire que j’aie jamais rencontrée. Et si jamais je me montrais à nouveau grossier avec toi...
— ... je saurais que tu as retrouvé ton état normal.
Je rigole alors que je rends son devoir à Harry.
— Ce que tu as écrit est très bien à part la fin. Tu as sans doute mal entendu ce que disait le professeur Sinistra, le satellite de Jupiter qu’on appelle Europe est recouvert de glace, pas de garces... Harry ?
Il s’est agenouillé devant le feu.
— Heu... Harry ? dit Ron. Qu’est-ce que tu fais par terre ?
— Je viens de voir la tête de Sirius dans le feu.
Quoi ?
— Sirius ?
C’est bien lui ! Je m’agenouille aux côtés d’Harry pour saluer mon oncle. Je m’inquiète des risques qu’il prend bien sûr, mais je suis à la fois si heureuse !
*****
Les cours d’Histoire sont souvent ennuyants, celui de ce lundi ne fait pas exception. Les années précédentes, je faisais un peu d’efforts, aujourd’hui, je pense plutôt être stratégique et employer ce temps à autre chose. De toute manière, je ne compte pas poursuivre cette classe après cette année.
— Je trouve la formulation de Sirius intéressante hier soir, murmure Hermione à mes côtés.
— « Former au combat » ?
Je fais un grand sourire à Hermione. On se comprend bien.
— Exactement.
— Ils veulent garder le contrôle, c’est certain, je dis en griffonnant sur mon parchemin. C’est une énième action contre Dumbledore et s’assurer qu’il ne prendra pas le pouvoir.
— Bêtises… soupire Hermione.
Binns continue de déblatérer sa classe sans remarquer nos chuchotements.
— Tu n’es pas trop énervée de ce que l’article dit ? À propos d’Ombrage la Grande Inquisitrice ?
— Non, ça me donne encore plus envie d’envoyer tout valser.
Ses yeux s’arrondissent d’inquiétude.
— Je ne le ferai pas. Mais je cogite.
— Tu l’as dit à ton père que tu voulais tout envoyer valser ?
Je retourne à mes griffonnages.
— Non. Et il ne sait pas pour ma main.
— Elle ne pourra pas vous séparer.
Peut-être.
— C’est peut-être bien de tout envoyer valser, me dit Hermione avant de retourner écouter Binns.
— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
— Et toi ?
C’est une bonne question. J’y réfléchis encore quand Rogue me rend ma copie avec un O dessus. La même note qu’Hermione. À midi, on parle des notes et forcément des BUSES. C’est clairement pas un sujet qui me passionne. J’écoute d’une oreille distraite, sauf quand les jumeaux nous rejoignent. J’ai peu vu George ces derniers temps. Sauf lors de nos entraînements.
— Ça va ? murmure t-il avec l’un de ses sourires si doux que je me sens comme une idiote à rougir à chaque fois.
— Oui et toi ?
— Super, on avance sur tu-sais-quoi.
— Alors, les meilleures notes, dit Hermione à côté de nous, c’est O pour Optimal et ensuite A...
— Non, E, rectifie George. E pour « effort exceptionnel ». D’ailleurs, j’ai toujours pensé que Fred et moi aurions dû avoir un E dans toutes les matières parce que le simple fait de nous présenter aux examens constituait en soi un effort exceptionnel.
Tout le monde éclate de rire.
— Alors, après le E, poursuit Hermione. Il y a le A pour « acceptable » et c’est la dernière note qui permet de passer, c’est ça ?
— Ouais, dit Fred. Après, c’est P pour « piètre » et D pour « désolant ».
— Il y a aussi T, ajoute George.
— T ? s’inquiète Hermione. Encore pire que D ? Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire, T ?
— « Troll ».
On éclate de rire avec Harry. Par réflexe, je mets ma main devant ma bouche et George devient soudain très pâle.
— C’est quoi ça ?
Harry, Ron et Hermione sont soudain très embarrassés. Harry tente même de cacher sa main également, mais George le remarque aussitôt.
— Putain, c’est elle qui vous fait ça ?
— Mais… C’est des mots ? fait Fred en fronçant les sourcils.
Je leur explique rapidement. Au fur et à mesure que je leur raconte, leur visage est de plus en plus catastrophé.
— La garce… murmure George.
— Ne faites rien s’il vous plaît…
Il semble revenir de son nuage de fureur et se tourne vers moi avec un peu plus de douceur dans le regard.
— Je ne voulais pas que vous ayez aussi des lignes et qu’elle vous fasse la même chose.
— Tu aurais dû me le dire.
Les autres parlent d’Ombrage à côté. La situation est inconfortable pour tout le monde.
— Viens, on en parle dehors si tu veux.
— Parce que maintenant, tu veux parler ?
Ouch. Ça c’était gratuit.
— Pardon, se reprend-il.
— Viens.
On avait fini de toute façon. Je prends mon sac et pars vers la sortie, prenant la direction du jardin. George est totalement silencieux à mes côtés. On s’assoit sur les marches du château et j’attends qu’il vide son sac.
L’automne est là, l’air est doux, frais et j’adore. C’est ma saison favorite. On enfile des gros pulls et il y a du vent pour faire rougir les joues.
— Je t’en veux Emy. Je t’en veux parce qu'après tout ce temps, tu gardes encore tellement de choses pour toi… Je m’inquiète tellement…
Il s’esclaffe et passe une main sur son visage.
— Avant toi, je ne pensais pas que quelqu’un pourrait autant me bouleverser. Mais la vérité est que j’ai peur en permanence, pour toi, qu’il t’arrive quelque chose, mais aussi pour toutes ces choses que tu ne me dis pas.
Je n’ose pas me tourner vers lui. Je regarde mes chaussures, les boots de ma mère qui s’est sûrement assise ici avant moi sur ces mêmes marches.
En fait, je me sens mal, alors mon esprit essaye de fuir cette situation inconfortable.
— Putain Emy, pourquoi tu m’as rien dit ?
— Je voulais te protéger.
Et c’est la vérité.
— Tu ne sais pas de quoi elle est capable, j’ajoute en voyant qu’il ne réagit pas.
Je risque un regard vers lui. Sa mâchoire est crispée, il est encore énervé.
— Je suis désolée.
— Je te laisse la paix parce que je ne veux pas agir en connard qui fonce dans le tas et te force à parler alors que tu n’en as pas envie. Mais j’ai une limite Emy… Ça fait une semaine qu’elle te charcute la main et je ne le savais pas. J’ai rien vu et je m’en veux de ne pas l’avoir remarqué.
— Je suis désolée, je répète.
Il semble vouloir ajouter quelque chose, mais se ravise.
— Évite d’avoir de nouvelles heures de retenue. J’espère que Fred l’a aussi dit à Harry. Angelina va devenir cinglée si jamais vous ratez une séance d’entraînement.
— George, on ne va pas se quitter fâchés…
— Je ne suis pas fâché. Juste… Il y a cours, et j’ai envie de prendre le temps d’être avec toi. Pas de parler cinq minutes sur les marches de l’école en plein passage. On se voit ce soir, ok ?
— Ok, je lâche à contre-coeur.
Je me dirige vers la classe d’Arithmancie. Quand Hermione me rejoint, je regrette que le cours commence aussi rapidement. J’aimerais avoir le temps de parler avec elle. Je sais qu’elle est toujours de bons conseils. Le professeur Vector nous présente une nouvelle règle assez complexe. C’est impossible de bavarder. Je tente tant bien que mal de me concentrer pour noter quelques informations sur mon parchemin.
Quand nous partons enfin pour le cours de DCFM, Hermione se penche vers moi. Pas besoin de question, je me mets à lui raconter ce que George m’a dit.
— Je dois faire quoi à ton avis ?
— Laisse-lui du temps. Reparlez ce soir.
— Je déteste cette situation.
— Il a besoin de digérer l’info.
Je vois ça.
Je n’ai pas envie d’y repenser. Et encore moins quand il y a la possibilité qu’Ombrage nous surprenne à en parler. Avant d’entrer dans sa classe, j’inspire un grand coup comme si j’allais plonger dans une eau froide, vaseuse et emplie d’algues.
Yerk.
— On doit vous dire ce qui s’est passé…
— Ombrage a inspecté la classe de divination…
— Elle a demandé à Trelawney de faire une prophétie…
— Elle a mytho une pauvre vision, mais Ombrage ne la croyait pas…
— Ouais, ça se voyait qu’elle n’y croyait pas du tout.
Les garçons sont à bout de souffle. Ombrage entre avec un air satisfait sur le visage. Je repense à la question d’Hermione. Qu’est-ce que je veux faire pour tout envoyer valser ?
Je sors mon livre et ma baguette.
— Rangez vos baguettes.
Le contraire m’aurait étonné.
— Puisque nous avons fini de lire le premier chapitre au cours précédent, je voudrais maintenant que vous ouvriez vos livres à la page 19 et que vous commenciez la lecture du chapitre deux : « Les théories de défense les plus communes et leurs dérivés ». Bien entendu, il sera inutile de bavarder.
Ce livre est un ramassis d’idioties. Voldemort est dehors, il peut tuer, torturer, kidnapper. Et moi, je suis assise dans cette putain de classe à lire des théories débiles.
— Par rapport à ce que tu m’as demandé ce matin… je murmure à Hermione.
Elle se tourne vers moi, son livre, tout comme le mien est fermé sur sa table.
— On doit apprendre à se battre nous-même.
Ses lèvres s’étirent en un sourire satisfait. Je prends ça pour un « je suis d’accord » ou un « super idée, j’avais la même ». Alors je fais aussi un sourire du style « évidemment qu’on a la même idée géniale, puisque nous sommes des génies » ou quelque chose du genre.
Puis elle lève la main. Ombrage ne fait pas comme la dernière fois, elle se lève et se penche vers elle pour chuchoter. Elle veut éviter l’émeute du cours précédent.
— Qu’y a-t-il, cette fois, Miss Granger ?
— J’ai déjà lu le chapitre deux.
— Dans ce cas, passez donc au chapitre trois.
— Celui-là aussi, je l’ai lu. En fait, j’ai lu tout le livre.
Elle pince les lèvres et se tourne vers moi qui suis bras croisés devant ma poitrine. Ça semble encore plus la mettre hors de moi.
— Vous ne devriez pas suivre l’exemple de Miss Lupin.
— Je ne suis aucun exemple. J’aime étudier et j’ai donc décidé de lire entièrement ce manuel comme je le fais dans beaucoup d’autres matières.
Et dans les dents face de crapaud. Sa réponse ne lui plaît pas. Elle pince les lèvres et étonnement Ombrage ne tente rien contre moi.
— Très bien, dans ce cas, vous devriez pouvoir me répéter ce qu’Eskivdur dit des contre-maléfices au chapitre quinze.
— Il dit que le terme de contre-maléfice est impropre, répondit immédiatement Hermione. Et que les gens donnent le nom de « contre-maléfice » à leurs propres maléfices pour les rendre plus acceptables. Mais moi, je ne suis pas d’accord.
Fini l’air impressionné. Le visage d’Ombrage se ferme totalement à l’idée qu’Hermione ait un avis critique sur son Eskivdur adoré.
— Vous n’êtes pas d’accord ?
— Non, dit Hermione en parlant maintenant à voix haute. Mr Eskivdur n’aime pas les maléfices, mais moi, je pense qu’ils peuvent se révéler très utiles lorsqu’on les utilise pour se défendre.
— Ah vraiment, voyez-vous cela ?
Elle se redresse, je n’aime pas ça, Hermione ne va rien en tirer. Elle veut mettre de la distance, rappeler qu’elle est le professeur. Qu’elle a l’autorité. Ce n’est pas l’attitude de quelqu’un qui veut bien terminer cette discussion.
— Eh bien, je crains que ce soit l’opinion de Mr Eskivdur et non la vôtre qui importe dans cette classe, Miss Granger.
— Mais...
— Ça suffit.
Elle retourne à son bureau, je serre les dents en sentant ce qui va arriver.
— Miss Granger, j’enlève cinq points à la maison Gryffondor.
Je ne peux m’empêcher de m’esclaffer.
— Un commentaire peut-être Miss Lupin ?
— Oh, vous n’avez pas idée, je réplique.
— C’est injuste, s’énerve Harry derrière moi avant qu’Ombrage n’ait le temps de répondre.
— Ne t’en mêle pas ! lui murmure Hermione.
Finalement, je ne serais pas la seule en retenue cette semaine.
*****
Ma main n’est pas prête de guérir. Le sang a taché la manche de ma chemise et de mon pull, elle m’élance et elle a franchement une sale tête.
— Je ne sais pas ce qui m’énerve le plus, marmonne Harry.
— J’espère que ça ne va pas affecter ma motricité.
— Angelina dirait que c’est de ta faute, s’esclaffe t-il.
Peut-être. Elle nous a disputés comme jamais en apprenant qu’on enchaînait tous les deux sur une nouvelle semaine. J’en ai pour trois semaines de retenues, alors j'ai décidé de louper le prochain entraînement. Je ne peux pas passer un mois en retenue avec cette femme.
— McGonagall disait aussi que c’est de ma faute. Hermione est évidemment d’accord avec elle… Ça me saoule.
— Tu es fatigué, tu devrais aller dormir.
— Je vais encore prendre du retard pour les cours.
Quoique je vais dire, rien ne va aller.
— Fais comme tu veux Harry.
— C’est pas comme si j’avais le choix.
Je vais m’énerver moi aussi.
— Tu sais quoi ? Rentre tout seul.
Je le laisse dans le couloir et prends la direction du parc. Je vais me transformer, faire mes entraînements de sport, ça va me calmer. Je parlerai à George un autre soir.
*****
Je ne pensais pas qu’Ombrage inspecterait également quelqu’un comme le professeur McGonagall.
- Parfait, murmure Ron. Ombrage va enfin avoir ce qu’elle mérite.
J’espère. McGonagall est très forte pour remettre à sa place quelqu’un sans en faire trop. Comme Ron, j’aimerais qu’elle cloue le bec à cette vieille mégère.
— Emy…
Lavande me tend la boîte à souris avec un air dégoûté. J’en prends délicatement une et la caresse du bout des doigts pour la calmer en attendant les instructions. J’adore la Métamorphose, c’est l’une de mes classes préférées.
— Hum, hum, fait Ombrage interrompant les explications du professeur McGonagall.
Il faut qu’elle arrête avec cette toux stupide.
— Alors, écoutez-moi bien, tous – Dean Thomas, si vous refaites ça à cette souris, vous aurez une retenue –, la plupart d’entre vous sont parvenus à faire disparaître leurs escargots et même ceux à qui il est resté un peu de coquille ont compris l’essentiel du sortilège. Aujourd’hui, nous allons...
— Hum, hum.
— Oui ? fait finalement le professeur McGonagall.
— J’étais en train de me demander, professeur, si vous aviez reçu mon petit mot vous indiquant le jour et l’heure de mon inspec...
— Bien sûr que je l’ai reçu, sinon je vous aurais demandé ce que vous faisiez dans ma classe.
Je jubile. Ça va être génial. Et je ne suis pas la seule à me retenir de faire un trop grand sourire.
Je récupère d’une main distraite mon devoir, je ne veux rien louper du spectacle.
— Comme je le disais, nous allons pratiquer aujourd’hui une Disparition plus difficile, celle d’une souris. Le sortilège de Disparition...
— Hum, hum.
— Je ne vois pas très bien, comment vous espérez vous faire une idée de mes méthodes d’enseignement si vous persistez à m’interrompre sans cesse ? En règle générale, je ne permets à personne de parler en même temps que moi.
Bien vu.
Ombrage se tait finalement et reste sagement à sa place. J’oublie rapidement sa présence pour me focaliser sur ma souris que je dois faire disparaître. Je ne tente pas de parler avec Hermione, tant qu’elle n’aura pas réussi, toutes formes de bavardages seront vaines.
Quand je réussis enfin à faire disparaître ma souris, je me détends enfin et en profite pour regarder autour de moi. L’atmosphère est joyeuse, presque insouciante. Les gens rigolent des résultats comiques de certains, d’autres racontent leurs dernières aventures… Les gens sont dissipés, distraits…
Si Voldemort arrivait, là, maintenant, serions-nous prêts ?
La réponse est non.
— Tu sais Hermione, à propos de ce qu’on disait hier…
— Les entraînements, dit-elle à voix basse. J’y pensais aussi. De faire quelque chose. S'entraîner est une bonne idée.
— Alors on s’y prend comment ?
— On se méfie d’elle, chuchote t-elle en désignant Ombrage assise un peu plus loin, inscrivant tout scrupuleusement sur son calepin.
— Tu voudrais l’étendre à plus que nous quatre ?
Elle hoche la tête.
— Oui, bien plus.
— Qui ?
— On pourrait faire la liste. Et… Je pensais à Harry pour nous enseigner.
Je repense à toutes les heures passées l’année dernière à nous entraîner.
— Il en sait bien plus que nous, on l’a aidé, oui, mais, lui et lui seul sait ce que c’est de se retrouver face à Tu-sais-qui.
— Oui, oui, tu as raison. C’est une excellente idée.
— On devrait leur en parler ce soir.
Je risque un coup d'œil derrière nous. Ils ne nous ont pas entendus. Leurs souris sont encore visibles. D’ailleurs où est la mienne ?
— Tu cherches quoi ? me demande Hermione.
— J’ai perdu ma souris.
— C’est pas elle ici ? fait-elle en tapotant une zone de mon bureau, mais sa main retombe sur le sol. Mince, j’aurais pourtant juré croire qu’elle était là.
— Tant pis, dis-je. Oui, parles-en aux garçons.
Je suis contente de voir que ce projet avance, en allant en cours de Soin aux Créatures Magiques, je suis presque joyeuse. C’est de courte durée. Ombrage est là.
Ses questions au professeur Gobe-Planches sont directement dirigées pour nuire à Dumbledore ou Hagrid. Ça m’agace, c’est de la manipulation. Évidemment elle aborde avec Drago le sujet de sa blessure d’il y a deux ans. Et après la retenue, je ne suis pas de meilleure humeur quand George vient me voir.
— Désolée pour hier soir, j’étais…
— En retenue, oui je sais.
Ça commence mal.
— Attends un instant, je reviens.
Je me dépêche de rejoindre Hermione et de récupérer mon bol d’essence de Murlap.
— Merci.
— Ça va aller ?
— J’espère.
Elle et Ron me font un sourire que j’interprète comme une bonne chance. Je rejoins George pour que nous nous installions près de la fenêtre. Je remarque son regard sur ma main qui est vraiment dans un sale état.
— Merci d’avoir attendu.
— C’est quoi ?
— Une solution filtrée de tentacules de Murlap marinées.
— Et ça aide la cicatrisation ?
— Oui, plutôt.
— Tu penses toujours pouvoir jouer ?
Mes mots se bloquent dans ma gorge. Je suis droitière, c’est ma main principale pour lancer, et honnêtement, je ne sais pas.
— Oui… je souffle.
— Pourquoi vous n’en parlez pas ? Harry est comme toi, n’est-ce pas ?
Sa colère semble avoir cédé la place à l’inquiétude. J’avais promis que je lui raconterai, alors je lui explique ce qui se passe dans ma tête vis à vis d’Ombrage et du Ministère. Je lui parle même de mon idée avec Hermione pour nous préparer à la guerre.
— Maintenant je ne sais pas quoi faire. Cette idée avec Hermione est bien, ça nous permet d’être vraiment actifs. Elle, elle le fait parce qu’on apprend rien en cours, Mais… Mais moi, c’est parce que je suis contre Ombrage et ce qu’elle représente. Je me dis que je pourrai faire plus, pour aider. Je crois que je suis en colère aussi. Je lui en veux, cette femme est un monstre, et plus j’en apprends, plus j’ai… envie…
Je ne sais pas de quoi. Je cherche mes mots, mais rien ne vient.
— Je ne sais pas, tu vois, ce que je veux dire ?
— Hum.
— Je ne voulais pas que tu t’énerves George. Vraiment, je ne veux pas te mettre à l’écart de ma vie, des moments difficiles. C’est juste qu’après l’été que nous avons passés… J’espérais ne pas tout de suite revenir sur un sujet difficile. Et je ne supporterais pas qu’elle te fasse du mal.
— D’accord.
Je tente de bouger ma main dans la bassine, je suis mal à l’aise.
— D’accord quoi ?
— J’ai compris. Et ton projet avec Hermione, j’en suis.
— Oh, ok.
— Compte Fred aussi.
— D’accord.
Il me fait un sourire. Le premier depuis le début de la soirée.
— Allez, bonne nuit. J’ai encore du travail.
— C’est tout ?
— Quoi « c’est tout » ?
— Rien d’autre ?
— J’ai eu tout hier soir pour être énervé. Je ne vais pas te changer en une soirée, je sais que tu joues à la dure en dehors. Merci de me faire confiance et de t’ouvrir à moi.
D’accord. Je le regarde partir dans l’escalier puis je me décide à rejoindre les autres. Je rassure Hermione d’un sourire, tout s’est bien passé. Très bien même. George ne cessera de m’étonner.
— Alors ? dis-je en m’asseyant avec eux.
Hermione a dû leur parler de notre idée.
— C’est une bonne idée, fait Ron.
— On devrait demander à ton père, Emy, fait Harry qui semble sceptique.
— Ce serait une bonne idée, mais il n’est pas disponible. Il est tout le temps en mission je-ne-sais-où.
— Et moi, reprend Ron, je parlais de la première année où…
— Simple coup de chance. Ce n’était pas mon habileté personnelle...
— Deuxième année, tu as tué le Basilic et anéanti Jedusor.
— Oui, mais si Fumseck n’avait pas été là, je...
— Troisième année, tu as affronté une centaine de Détraqueurs à la fois...
— Là encore, un coup de chance, si le Retourneur de Temps n’avait…
J’assiste à l’échange sans rien dire.
— L’année dernière, tu as combattu Tu-Sais-Qui une nouvelle fois...
— Écoutez-moi !
Il est presque en colère ma parole.
— Vous m’écoutez, oui ? Ça paraît très bien quand vous en parlez comme ça, mais c’était uniquement de la chance ; la moitié du temps, je ne savais pas ce que je faisais, je n’avais rien prévu, j’ai simplement improvisé comme je le pouvais et j’ai presque toujours eu de l’aide...
Ron et Hermione ont un petit rire. Moi, je ne souris pas. Je repense à la voix de Voldemort cet été qui me demandait de le rejoindre. Et plus Harry parle, plus je suis convaincue qu’il sera parfait pour nous préparer à ce qui nous attend. Pattenrond, qui a quitté ses genoux, vient ronronner près de moi.
— Vous ne savez pas ce que c’est ! Aucun de vous n’avez eu à l’affronter ! Vous pensez qu’il suffit de se souvenir de quelques sortilèges et de les lui jeter à la figure, comme si on était en classe ? Pendant tout le temps où vous êtes face à lui, vous savez qu’entre vous et la mort, il n’y a plus rien d’autre que votre... votre cerveau, vos tripes, ou je ne sais quoi. Comme si on pouvait réfléchir normalement quand on sait que dans une fraction de seconde, on va se faire tuer, torturer ou voir ses amis mourir... ils ne nous ont jamais appris ça en classe, ce que c’est que d’affronter ce genre de choses... Et vous deux, vous êtes là à faire comme si j’étais un brave garçon bien intelligent sous prétexte que je suis vivant, comme si Diggory, lui, n’était qu’un idiot qui a raté son coup... Vous n’y comprenez rien, j’aurais très bien pu mourir à sa place, c’est ce qui se serait passé si Voldemort n’avait pas eu besoin de moi...
— On n’a rien dit de tout ça, mon vieux, répond Ron. On ne s’en est jamais pris à Diggory, pas du tout, tu te trompes complètement...
— Harry, dit Hermione doucement, tu ne comprends donc pas. C’est... c’est exactement pour ça qu’on a besoin de toi... on a besoin de savoir co-comment c’est... de... de l’affronter... d’affronter V- Voldemort.
C’est la première fois que je l’entends prononcer son nom. Harry se rassoit, soudain bien plus calme. Il se tourne vers moi.
— Et toi ? Tu en penses quoi ?
Je prends le temps de choisir mes mots avant de répondre tout en caressant d’une main distraite Pattenrond.
— Je pense qu’on ne peut pas rester comme ça sans rien faire. Je pense aussi que tu es la meilleure personne placée pour nous apprendre.
J’inspire profondément pour chasser la boule dans ma gorge.
— Je suis faible, je m’en suis rendue compte cet été. La prochaine fois que je devrais être forte, je veux pouvoir tenir.
— Ne dis pas ça… Aucun de nous ne pensait que tu étais faible.
Ses mots ne m’atteignent pas.
— Penses-y, finis-je.
Je prends Pattenrond pour le poser au sol et pouvoir me lever.
— Je vais dormir. Bonne nuit.
*****
Pendant les deux semaines qui suivent, je fais profil bas avec Ombrage. Je me retiens de tous commentaires, ou attitudes qui pourraient attirer son courroux. Je veux pouvoir continuer à jouer au quidditch. Avec une main pleinement mobile.
Pendant ces deux semaines, avec Hermione, nous ne surprenons pas de nouvelle conversation sur Voldemort et Harry dans les toilettes des filles. À mon grand soulagement. On avait prévu de ne rien dire à Harry, mais c’est tout de même désagréable à entendre. Par contre, je ne parle toujours pas à Lavande, ni à Seamus d’ailleurs.
— Si les jumeaux, Ginny sont d’accord pour nous suivre, on pourrait en parler à d’autres personnes.
— Harry n’a pas encore accepté, je rappelle.
— Il le fera.
— Hermione, n’en parle à personne d’autre tant qu’il n’a pas accepté.
— Oui, oui.
Je connais ce « oui, oui » ça veut dire « non, non, cause toujours ».
Un jour, alors que nous étudions à la bibliothèque, Hermione aborde à nouveau le sujet avec Harry.
Avant de me mêler à la conversation, je finis une feuille de calculs pour les jumeaux. Nous nous sommes réconciliés avec George, mais je sens que cette année va nous mettre à l’épreuve. Il y a tellement de choses que je parviens pas à lui dire. À commencer par…
— Vous m’avez bien écouté quand je vous ai dit qu’il y avait une énorme part de chance dans tout ça ?
— Oui, Harry, mais ce n’est pas une raison pour prétendre que tu n’es pas doué pour la défense contre les forces du Mal, parce que tu as ce don, c’est incontestable. L’année dernière, tu as été la seule personne à pouvoir résister complètement au sortilège de l’Imperium sans aucun entrainements au préalable, tu es capable de produire un Patronus, tu sais faire toutes sortes de choses dont même des sorciers d’âge mûr sont incapables. Viktor m’a toujours dit...
Ron se tourne si violemment vers Hermione que ça me fait sursauter, tâchant par la même occasion mon parchemin.
— Quoi ? Qu’est-ce qu’il a dit, Vicky ?
— Oh, là, là, il a dit que Harry savait faire des choses que lui-même ne connaissait pas et pourtant, il était en dernière année à Durmstrang.
— Tu n’as pas gardé de contact avec lui, quand même ?
Si.
— Et si c’était le cas, qu’est-ce que ça ferait ? J’ai le droit d’avoir un correspondant si je...
— Il ne voulait pas seulement être ton correspondant !
— Chut ! dis-je en lui faisant les gros yeux.
Nous sommes dans une bibliothèque tout de même.
— Alors, qu’en penses-tu ? Tu veux bien nous donner des cours ?
— Simplement à toi, Emy et à Ron, on est d’accord ?
— Oh, ben…
Je te l’avais dit. Je me recule sur mon siège. Elle se débrouille seule, je ne compte pas l’aider sur ça. Surtout avec un Harry si prompt à s’énerver.
— Ne… Ne commence pas à monter sur tes grands chevaux, s’il te plaît... mais je crois que tu devrais accepter comme élèves tous ceux qui veulent apprendre. Tu comprends, il s’agit de nous défendre contre V-Voldemort – Ron, arrête, tu es ridicule – ce ne serait pas juste si on ne donnait pas la même chance à d’autres.
— Oui, mais à part vous, je ne pense pas que qui que ce soit ait envie de suivre mes cours. Je suis cinglé, ne l’oubliez pas.
— On n’oublie pas, dis-je, ce qui arrache un sourire à Harry.
— Grosse folle.
— Merci, pareillement.
Il rigole.
— Harry, reprend Hermione. Je crois que tu serais surpris de voir combien de gens ont envie d’entendre ce que tu as à dire.
— On pourrait en parler avec ces personnes lors de la première sortie à Pré-au-Lard, le week-end prochain, dis-je tout bas.
Les trois autres approuvent. La perspective de cette rencontre me met en joie. Avec Hermione nous établissons une première liste de personnes, puis nous nous divisons les noms à contacter. Ron nous aide également.
— Il faut aussi leur rappeler de ne pas en parler à Ombrage, dit-il.
Tous les membres de l’équipe de quidditch acceptent de venir. Je suis assez contente. Katie, comme Angelina sont plus âgées, plus adultes, ce n’est pas juste une idée en l’air, c’est concret, et les gens sont d’accord avec nous.
L’autre nom sur ma liste est Cho. J’avoue que je la connais peu. Je ressens toutefois une profonde aversion pour elle. Suis-je juste en train de la juger sans la connaître ? Est-ce que c’est par rapport au quidditch ? Bonne question. Mais je me décide de tout mettre de côté pour lui parler.
Elle accepte tout de suite de me suivre, laissant son groupe de copines derrière elle.
— Désolée de te déranger.
— Tu ne me déranges pas.
— Que penses-tu des cours d’Ombrage ?
— Ohhh… Tu n’y vas pas par quatre chemins.
Non.
— Et bien… Elle réfute ce qu’Harry dit à propos de… Cedric…
Et ?
— Disons, que je ne suis pas une grande fan de ses classes.
— Tu aimerais apprendre la Défense Contre les Forces du Mal ?
Elle hoche la tête.
— Oui. Évidement que oui.
— Ok, alors n’en parle à personne, mais nous voudrions mettre en place des cours. Harry enseignerait des sorts de défense et d’attaque. Tu veux en faire partie ? On présente tout ça à Pré-au-lard samedi.
Elle papillonne des cils. Elle est vraiment belle et ça m’agace un peu plus.
Calme toi Emy et ta jalousie mal placée.
— Ok oui, j’en suis.
— Bien, rendez-vous à la Tête de Sanglier.
Je m’apprête à partir, mais elle me retient.
— Emy ? Je peux te poser une question ?
— Bien sûr.
— Harry… Il… Il est avec quelqu’un ?
Non.
Puis je pense à Ginny.
Et merde. Désolée, mais je ne peux pas mentir.
— Non.
— Ok, merci. Ne lui dis pas que…
— T’inquiète.
— Merci.
— Y’a pas de quoi. Salut.
Elle me fait un signe de la main en partant. Elle n’est pas méchante et ça m’agace encore plus.
Jalousie mal placée, oui, je sais.