Février - Mai 1996
Les missions étaient assez variées. Une fois, Remus avait dû reprendre contact avec Albric, un loup-garou qu’il n’avait pas revu depuis plus de dix ans. Sa meute l’avait accueilli à bras ouverts. Ils voulaient toujours travailler avec Dumbledore, en échange de biens pour vivre bien sûr.
Ils n'avaient rien, ce n’était pas compliqué de leur offrir quelque chose.
Il y avait aussi des missions de surveillance, repérage, d’étude également. Ces dernières, il les faisait avec Sirius au Square Grimmaurd. Passer des heures à lire de vieux grimoires, ça n’avait jamais été son fort, à Poudlard, il se reposait facilement sur ses facilités. Mais il avait fait preuve d’une étonnante patience pour travailler avec Remus. Alors ils avaient bien avancé.
Les autres missions, il les passait avec plein de membres de l’Ordre différents. C’étaient celles avec Dora qui étaient de loin ses favorites. Après avoir échangé des comics, ils avaient appris à se connaître, ils pouvaient parler de tout et de rien pendant des heures.
Elle était une personne joyeuse, pleine de goût, qui avait en horreur l’ennui. Il avait appris qu’étant fille unique, elle avait une imagination débordante et était capable de s’amuser d’un rien. Elle avait appris le tricot, la broderie, la reliure de livres, la peinture, le dessin, la musique (la guitare), un peu de gymnastique, beaucoup de construction en tous genres, et puis, puis… Plein d’autres choses encore.
Les heures de surveillance sous la bruine glaciale d’hiver n’étaient plus si longues quand il était avec elle. Et plus d’une fois, ils avaient fini une mission par un verre dans un café ou un bar (dépendait de l’heure de la mission, il vivait vite comme une chouette avec l’Ordre) et sinon au Square Grimmaurd.
Elle demandait toujours des nouvelles d’Emilynn, une fois même elle lui avait passé un ouvrage moldu à lui envoyer dans leur échange de lettres quotidiennes. Ça le réjouissait de savoir qu’elles s’entendaient bien. Au moins, il savait que si…
Si quoi ? C’était ridicule. Lui et Dora, cela n’arriverait jamais.
Il le savait, mais parfois, c’était difficile de garder la tête froide. Alors il se répétait les raisons pour lesquelles c’était impossible. Il y en avait 6.
1. Il était un loup-garou.
2. Il avait douze ans de plus qu’elle.
3. Que dirait Emy ?
4. La guerre lui avait prouvé que rien n’était acquis. Il ne voulait pas perdre quelqu’un qu’il aimait à nouveau.
5. C’était la petite cousine de Sirius et Lyra.
6. Lyra.
Oui, même après tout ce temps, même après les quelques personnes comme Carole qui avaient croisé son chemin, il était et resterait amoureux de Lyra. Et il était parfaitement conscient d’utiliser Emy comme excuse. Elle avait quinze ans, n’avait jamais connu sa mère, qu’il refasse sa vie n’était pas impossible. Oui, mais tant qu’il ne posait pas la question, il n’en savait rien et puis ça lui donnait une autre excuse. Or il avait terriblement besoin d’excuses.
Bref, la vie avait toujours son lot de choses complexes. Il vivait avec comme il l’avait toujours fait.
•••
17 juin 1996
La douleur le réveilla. C’était principalement son dos, il se faisait vieux. On pouvait le voir physiquement, ses cheveux étaient parsemés de gris, la lycanthropie ne lui faisait pas de cadeaux. Et puis il prenait de plus en plus de temps à se remettre d’une pleine lune.
En grognant, il se releva et s’étira. Il n'avait aucune idée de l’heure, mais il mourait de faim. Qu’importe l’heure, Sirius Black n’était pas du genre à se préoccuper de ce genre de détails pour faire un gros repas. Et il y avait toujours quelque chose de prêt au Square Grimmaurd.
Il quitta la chambre qu’il prenait à chaque fois qu’il dormait au Square Grimmaurd et descendit l’escalier pour aller dans la cuisine où il entendait un bruit de radio. Sirius était en train de chantonner tout en cuisinant.
— Qui êtes-vous ? Qu’avez-vous fait de Sirius Black ?
Il rigola.
— Rien, ça m’arrive aussi d’être de bonne humeur. Tu as du courrier.
La fin des cours arrivait, le retour des jeunes au Square Grimmaurd aussi. Le secret de la bonne humeur de Sirius n’était pas à chercher plus loin.
Remus ouvrit l’enveloppe posée sur la table et reconnu immédiatement l’écriture. C’était Emy, elle avait commencé ses examens. La lettre était longue, elle expliquait en détail toutes les questions et réponses des différentes matières. Elle détaillait également ses exercices pratiques de sortilège, métamorphose et défense contre les forces du mal.
— Je ne sais pas quelles notes elle va avoir, mais ça promet.
Remus prit un des muffins posés sur la table et croqua dedans tout en lisant la suite.
— Hermione ne la laisserait pas avoir moins que A, répliqua Sirius.
— Ça c’est sûr. Elle aussi va avoir des notes remarquables. Je ne sais pas ce qu’elle fera plus tard, mais elle ira loin.
— Et Emy, elle veut faire quoi ?
— Il est vraiment bon ce muffin, quand est-ce que tu es devenu un vrai marmiton ?
— Chest pas moi, répondit Sirius, la bouche pleine, chest Dora, elle est venue déposer ça. Chai juste fait les oeufs et le bacon.
Remus reposa la lettre.
— Elle est venue ?
— Ouais.
Sirius se léchait les doigts, un sourire aux lèvres.
— Ne le dis pas.
— J’ai rien dit.
— Tu le penses fort Black. Trop fort.
— Ok, soit.
Il se leva pour apporter le petit-déjeuner. Il ne dit rien pendant qu’il servait Remus, puis il retourna s’asseoir.
— Je dis juste que…
— Patmol !
— Je dis, reprit-il, que tu mérites d’être heureux, que Lyra comprendrait et puis…
Il prit un nouveau muffin.
— Il faut reconnaître que c’est très bon.
Remus secoua la tête.
— Je ne peux pas.
— Ou tu ne veux pas ?
— Quelle différence ?
— J’ai l’impression que j’ai déjà eu cette conversation avec toi.
— Ça n’a rien à voir, marmonna Remus.
— Vraiment ?
Sirius se pencha en arrière sur sa chaise, un mug de café à la main.
— C’est pareil, Remus. Exactement pareil.
Ce n’était pas une bonne idée de parler de ce sujet aussi proche de la pleine lune qui était dans une semaine. Il était irritable.
Sirius avait toujours été libre sur ce sujet, toujours à en parler comme si de rien n’était. Comme si c’était aussi anodin que de dire bonjour.
— Je ne veux pas en parler Sirius.
— Ok.
Il retourna à fredonner l’air de son lecteur cassette qu’il ne quittait plus depuis que Remus le lui avait ramené en même temps qu’un carton de trucs qui trainaient chez lui.
She's got a smile that it seems to me
Reminds me of childhood memories
Where everything was as fresh as the bright blue sky
Ses pensées l’amenèrent à Dora. Elle avait un beau sourire. Elle souriait tout le temps d’ailleurs. Comme si la vie ne méritait pas d’être sombre et mélancolique.
Now and then when I see her face
She takes me away to that special place
And if I stare too long, I'd probably break down and cry
Tout l’opposé de Lyra, ne put-il s’empêcher de remarquer.
Une douche chaude fit du bien à ses muscles endoloris. Il n’avait pas les idées plus claires, mais au moins, il ne se sentait plus coincé dans le corps d’un petit vieux.
Sirius était dehors, cigarette à la bouche, lunette de soleil et torse nu face au soleil.
— J’y vais, j’ai une mission.
— Ok.
Il repartit, puis revint sur ses pas.
— Avec Dora.
Sirius se redressa, lunettes de soleil dans les cheveux.
— Ok.
— Ouais.
Remus ne sut pas quoi ajouter. Plein de choses s'entremêlent dans sa tête. Les choses étaient si différentes maintenant. Sirius n’était plus un homme à femmes (et hommes ?). Remus était veuf. Où en était-il dans sa vie ? C’était une bonne question.
— Je ne t’attends pas ce soir, ajouta Sirius rompant la glace. Tu peux dormir chez toi. Je t’épargne Kreattur et la maison de l’enfer.
Remus se sentit rougir.
— Il ne va rien se passer.
— Ok.
Et comme si de rien n’était, Sirius retourna à son bronzage. Remus le laissa là, et sortit dans les rues de Londres. Il faisait beau, les gens étaient joyeux à l’approche des vacances. Cette euphorie générale était contagieuse, il se surprit à sourire tout seul alors qu’il marchait au point de rendez-vous avec Dora.
Elle portait une robe verte foncée à bretelles, cette fois-ci ses cheveux étaient blonds et tombaient en cascade sur ses épaules. Elle avait aussi une frange et de grandes lunettes de soleil.
— Hey, ça va ?
— Oui, merci pour les muffins.
— Avec plaisir.
Ils prirent la direction du café au coin de la rue qui donnait une vie imprenable sur la rue où se situait le Ministère de la Magie. Ce genre de mission était de la routine. Ils devaient surveiller les allées et venues de Malefoy. Cet homme était réglé comme un coucou, s’il n’allait pas au travail, l’Ordre saurait que quelque chose se trame.
— Tu as entendu cette bombe à Manchester ? Terrible, dit un moldu installé à côté d’eux.
— Ouais, encore ces salopards d’IRA qui ont fait le coup.
— Ils ont prévenu avant pour évacuer les lieux.
— Ça n'empêche pas les 200 blessés.
Ils échangèrent un regard avec Dora. Les moldus aussi avaient leurs lots de problèmes de sociétés. Ils espéraient que cet incident ne conduirait pas à une guerre civile. L’Angleterre ne pourrait pas supporter deux guerres à la fois.
— Comment ça va ? fit Remus à un moment.
— Bien, j’ai un concert des Bizarr’ Sister le 5, puis des Sex Pistols le 17, j’ai hâte.
Elle passa une main dans ses cheveux, les ébouriffant complètement. Elle se moquait de les avoir dans tous les sens. Cela le fit sourire.
— Quoi ?
— Non rien, dit-il en espérant qu’il n’allait pas rougir.
Elle ne le quittait pas du regard.
— Je suis content de passer cette mission avec toi.
Il ne pensait pas que ses mots la troubleraient. Pendant toute la suite de leur surveillance, elle ne dit pas un mot. Lui, il n’osait pas rompre le silence. Qu’avait-il dit de si terrible ?
Quand Malefoy passa devant eux, cela signifia la fin de la mission. Ils étaient maintenant libres.
Dora se leva et il la suivit, la suite du protocole disait de marcher ensemble quelques rues pour faire croire qu’ils n’avaient été d’un couple d’amis venus boire un verre. Remus quitta la casquette qu’il portait pour cacher son visage et réfléchit à ce qu’il pouvait bien dire avant qu’ils ne se séparent.
Ils arrivèrent à South Wark Bridge sans qu’il en parvienne à trouver les mots juste.
— Bon bah, salut.
— Dora, désolée, je…
— Tu sais que tu me plais ? le coupa t-elle.
Il sentit son coeur s’accélérer.
— Je sais, je sais, ce n’est pas simple comme situation, et c’est pour ça que j’ai tenté de garder mes distances, mais Remus… Tu me plais et je ne peux pas juste rester assise à entendre dire que tu aimes passer du temps avec moi. C’est trop dur, parce que… Parce que moi, je ne veux pas juste ça.
— Moi non plus, murmura t-il.
C’était sorti tout seul, le surprenant autant que Dora était surprise.
Elle ne savait pas quoi répondre, et lui, il ne savait pas quoi dire en plus. En fait, il avait une chose en tête, une seule chose, dont il mourrait d’envie de faire.
Il l’embrassa.
C’était doux, il pouvait sentir le goût de son baume à lèvre à la cerise qu’elle mettait tout le temps, il pouvait sentir son shampoing aux fleurs, son parfum sucré et… elle répondit à son baiser, comme ça, au milieu de la rue pleine de moldus, il embrassait Dora.
Le reste, il avait laissé son corps agir pour lui. Mettant son cerveau et ses doutes de côté, il glissa sa main au creux de son cou, l’autre au creux de son dos, par Merlin, ce qu’elle était sexy dans cette robe !
Et elle, elle, elle répondait à son baiser en se collant à lui. Plus de doute, leurs lèvres ne se quittaient plus de s’être tant désirés, ils ne voulaient plus s’arrêter.
Ce fut elle qui proposa d’aller à son appartement ?
Sûrement.
Ce fut lui qui commença à la déshabiller.
Elle qui le poussa sur le lit.
Lui qui soupira de plaisir en premier, elle qui s’abandonna complètement.
Ils s’endormirent en même temps.
•••
18 juin 1996
Quand il se réveilla, il eut quelques instants de totale confusion. Juste une seconde ou deux, assez pour qu’il se tende et que cela réveille Dora blottie contre lui.
C’était le matin, et les doutes revenaient.
— Hey.
— Bonjour.
Elle était encore plus mignonne au réveil. Ses cheveux étaient de nouveau roses et encadraient son visage encore endormi. Il se sentit sourire et se décida à repousser les doutes pour plus tard.
Ses cicatrices l’avaient toujours un peu dérangé, surtout sous le regard de personnes qui n’avaient pas l’habitude. Lyra l’avait toujours connu avec, et ne posait pas de questions. Surtout qu’ils passaient les pleines lunes ensembles alors il ne se blessait pas autant que maintenant.
Dora, elle, elle lui posa beaucoup de questions. Demanda d’où elles venaient, pourquoi, comment. Étonnement cela ne le dérangea pas.
Il allait falloir qu’il arrête de comparer.
Il ne partit finalement qu’en début de soirée pour rejoindre Sirius. C’est le cœur léger qu’il entra au Square Grimmaurd. Il ne savait pas encore ce qu’il était en train de faire avec Dora, s’ils étaient en couple ou pas, mais peut-être qu’il arriverait à en parler à son ami et pourrait démêler ses émotions au clair.
— Ils sont au Ministère. On doit y aller, dit Sirius qui l’attendait dans l’entrée.
Kingsley et Maugrey étaient derrière lui. Remus sentit l’adrénaline envahir son corps.
— Qui ils ? demanda t-il en redoutant la réponse.
La porte s’ouvrira derrière lui sur Nymphadora. Il ne comprenait pas ce qui se passait, Maugrey disait l’avoir appelée. Mais pourquoi ? Puis Rogue s’approcha et lui expliqua ce qu’il s’était passé. Au fur et à mesure qu’il racontait, Remus sentit son sang se glacer.
— Nous allons au Ministère, dit Maugrey. Black, tu restes ici prévenir Dumbledore des événements.
— Pas question que je reste ici !
— C’est un ordre ! Il faut que quelqu’un le prévienne et tu nous es plus utile, ici libre, qu’à Azkaban en prison !
Remus n’écouta pas la réponse de Sirius énervé. Il était concentré à ne pas laisser la peur l’envahir, c’était la guerre, il devait être prêt à tout.
À tout.